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(Juin 2004) Mercredi soir prochain (30 juin), la sonde Cassini atteindra enfin la planète Saturne au terme d’un périple de 7 années et de 3½ milliards de kilomètres. Elle amorcera ainsi une exploration systématique d’un univers absolument fascinant: une trentaine d’astres – dont l’intrigante lune Titan – et des anneaux spectaculaires qui pourraient nous montrer comment tout a commencé...

        Si tout va bien, au cours des quatre prochaines années, la sonde américaine Cassini naviguera dans les parages de Saturne afin non seulement d’étudier de près la planète géante mais également de survoler sept de ses principales lunes. En outre, dans six mois, elle larguera la sonde européenne Huygens qui tentera d’atteindre la surface de Titan, une lune sur laquelle pourrait exister des conditions semblables à celles qui prévalaient sur Terre peu avant l’apparition de la vie. La mission Cassini-Huygens a coûté plus de 3½ milliards $ et nécessité vingt années de travail de la part de cinq mille personnes.

        C’est la première fois qu’on explore avec autant de moyens Saturne et son cortège de satellites et d’anneaux. À ce jour, seules trois sondes sont brièvement passées dans les parages, c’était il y a plus de vingt ans lorsque les caméras des Voyager nous ont dévoilé des lunes étonnantes et découvert que les anneaux de Saturne ont une complexité qui défie presque les lois de la physique telles que nous les interprétons. De plus, elles ont révélé que Titan est entourée d’une épaisse atmosphère dans laquelle pourrait se produire des processus chimiques méconnus.

À quoi bon explorer Saturne ?

        Sixième planète à partir du Soleil, Saturne se trouve à 1,5 milliard de kilomètres de nous, soit deux fois plus loin que ne l’est Jupiter et dix fois plus que nous nous trouvons du Soleil. De couleur jaunâtre, c’est la deuxième plus grosse planète du Système solaire (après Jupiter) – elle pourrait contenir 764 fois la Terre.  C’est aussi un monde exotique puisque son centre, un noyau de la taille de la Terre composé de fer et de roche, est entouré d'une épaisse couche d'hydrogène liquide. Or, on imagine que Saturne serait constituée des résidus de gaz qui formaient le Système solaire au moment de sa naissance. En outre, avec son cortège de lunes et d’anneaux, la planète s’assimile à un système solaire en miniature.

        Bien sûr, la caractéristique la plus remarquable de Saturne est sans contredit ses magnifiques anneaux. Vue de loin, ceux-ci apparaissent comme un disque de matière solide, mais c’est là une spectaculaire illusion d’optique. En effet, les anneaux s’étendent sur cent mille kilomètres mais ils n'ont une épaisseur que de cent mètres! De ce fait, ils sont l’équivalent cosmique d’une simple couche de peinture étendue dans le vide sidéral...

        En réalité, les anneaux sont formés d'une myriade de blocs de glace et de poussières qui gravitent autour de la planète. Si, depuis la Terre, on croit distinguer sept anneaux, les images prises par les sondes Voyager nous ont révélé qu'il y a un bon millier d’annelets qui forment une structure extraordinairement complexe. Sans doute que les puissantes caméras de Cassini nous révèleront plusieurs autres facettes étonnantes de cette véritable merveille de la nature.

        Des 31 lunes connues gravitant autour de Saturne, certaines s’assimilent à de véritables planètes (faisant plusieurs milliers de kilomètres de diamètre) alors que d'autres ne sont que de gros cailloux de quelques dizaines de kilomètres. La plupart seraient composées de glace mélangée à du méthane, à de l'ammoniac et à du dioxyde de carbone – un bien curieux mélange qui n’existe pas dans nos parages.

        La plus grosse lune, Titan, dépasse en taille les planètes Mercure et Pluton. C’est la seule lune du Système solaire qui possède une atmosphère dense – une atmosphère une fois et demie plus imposante que celle dans laquelle nous vivons. Cette atmosphère est riche en azote et en composés organiques, un peu comme ce qu’il y avait sur Terre avant l'apparition de la vie. 

        Titan diffère cependant de notre planète originelle puisqu'il n'y a pas d'océans d'eau alors que les températures y sont extrêmement basses (-180 °C). Il est par conséquent impossible que la vie (telle qu'on la connaît) ait pu s'y développer. Cette lune constitue l’un des grands objectifs de la mission Cassini puisqu’on espère y étudier plusieurs des composés chimiques qui précédaient l’apparition de la vie sur Terre. «C’est en quelque sorte une machine à remonter le temps, indique Dennis Matson, responsable scientifique de la mission Cassini, car Titan nous remmènera dans le passé de la Terre.»

        Pour toutes ces raisons, les scientifiques considèrent que Saturne constitue ni plus ni moins qu’un modèle réduit du Système solaire qui recèle plusieurs des caractéristiques qui existaient à la naissance de la Terre. «C’est un laboratoire inégalé où nous pourrons étudier divers aspects de la physique, de la chimie, de l’évolution des planètes ainsi que des conditions qui ont donné lieu à la vie», indique Ed Weiler, responsable des programmes scientifiques de la NASA.

Plus qu’à un cheveu de la réussite... ou de l’échec

        Mais l’exploration de l’univers de Saturne par les sondes Cassini et Huygens pourrait prendre abruptement fin dès 22h36 mercredi lorsque l’engin allumera son moteur-fusée. Celui-ci doit fonctionner durant 96 minutes pour freiner la course de la sonde afin que celle-ci puisse être capturée par la gravitation saturnienne. En cas de panne, Cassini poursuivra sa course dans le Système solaire (et donc s’y perdre à jamais) à moins qu’elle n’explose, comme cela s’est déjà produit pour d’autres sondes (martiennes notamment) sur le point d’arriver à destination.

        Et comme si le suspense n’est pas déjà suffisamment grand, Cassini passera littéralement à travers les anneaux de Saturne. En effet, lors de son arrivée, la trajectoire qu’elle suit l’emmènera à traverser une zone apparemment vide entre deux séries d’anneaux. Il se pourrait cependant que l’engin rencontre alors quelques fragments, dont certaines pourraient avoir une masse suffisamment grande pour le détruire...

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© Claude Lafleur, 2005

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