(Mars 2004) Le petit véhicule tout-terrain Opportunity a peut-être fait une découverte extraordinaire: l’une des premières roches qu’il a analysé semble avoir trempé dans l’eau. La caméra-microscope du robot a en effet observé à l’intérieur du rocher baptisé El Capitan de petites crevasses laissées par la dissolution de sels minéraux ainsi que de petites sphères que les géologues appellent des bleuets.Or, pour que de telles formations existent, il a fallu que la roche demeure dans l’eau durant suffisamment longtemps.

        Cette découverte est remarquable à plus d’un titres, mais d’abord parce qu’elle pourrait révéler que sur Mars il y aurait eu des étangs, et non pas que des rivières comme on a observé jusqu’à présent. Mais, plus important encore pourrait être le fait que c’est la première fois qu’on dispose d’instruments capables de scruter des roches martiennes. 

        Or, le fait d’avoir découvert du premier coup une roche qui aurait trempé dans l’eau pourrait indiquer qu’une bonne partie de la planète aurait jadis été détrempée. Autre élément significatif: le terrain exploré par Opportunity se situe à l’équateur, soit loin des pôles où nous savons qu’il y a de l’eau. Tout indique donc que l’eau aurait été un jour abondante sur Mars, mais quand et durant combien de temps? Voilà qui reste à préciser.

        Néanmoins, qui dit présence abondante d’eau évoque bien sûr la probabilité qu’une vie (très primitive) ait pu s’y développer. C’est ce qui a d’ailleurs fait dire au directeur scientifique de la mission, Steve Squyres: «Nous croyons que cette région de Mars a été durant un certain temps un environnement habitable.» Le spécialiste s’est toutefois empressé d’ajouter: «Mais nous ne pouvons dire qu’il y a eu de la vie. Ça, nous l’ignorons.»

Et maintenant ?

        Hélas, le petit robot Opportunity – de même que son acolyte Spirit – ne sont pas équipés pour repérer des traces de vie en tant que telles. Les deux tout-terrains sont avant tout des géologues, et non des microbiologistes. Néanmoins, ils continueront de prospecter la région où ils se sont posés durant encore au moins deux mois (et probablement jusqu’à l’été). Ce faisant, ils scruteront le sol environnant et pourraient ainsi repérer d’autres roches ayant séjourné dans l‘eau. 

        Ainsi, si Spirit, qui explore l’autre côté de la planète, observe lui aussi des rochers soumis à l’eau, il confirmera pratiquement du coup qu’une portion importante de Mars a déjà été immergée. Par contre, si ni l’un ni l’autre n’observent d’autres traces d’eau, les géologues seront pour le moins perplexes... 

        En réalité, pour déterminer s’il y a eu ou non de la vie sur Mars, il faudra y dépêcher de nouveaux explorateurs. La NASA prévoit d’ailleurs envoyer tous les 26 mois une ou deux sondes qui, pour certaines, scruteront la planète depuis une orbite alors que d'autres exploreront le sol après s’y être posées. 

        C’est ainsi que l’an prochain, la NASA lancera Mars Reconnaissance Orbiter qui sera équipé de caméras et d’instruments capables de détecter depuis l’orbite la présence d’eau souterraine. En 2007, l’agence spatiale lancera une sonde qui se posera au pôle Sud de Mars, là où il y a de la glace. Puis, à partir de 2009, elle se propose d’expédier des Mars Science Laboratory, des véhicules d’exploration nettement plus perfectionnés que Spirit et Opportunity. Évidemment, la récente découverte façonnera les équipements scientifiques qui seront embarqués à bord de ces laboratoires ambulants.

        Mais, en fin de compte, pour déterminer à coup sûr s’il y a eu ou non de la vie sur Mars, on se devra probablement d’analyser des échantillons dans nos laboratoires terrestres. Pour ce faire, la NASA envisage d'effectuer dans une dizaine d’années une première mission de cueillette d’échantillons martiens. Mais l’opération est aussi complexe que risquée. 

        Bien entendu, la sonde devra d’abord de se poser sur Mars, ce qui n’est pas une mince affaire. Puis, à l’aide d’une foreuse et/ou d’une pelle, elle recueillera un ou des échantillons qu’elle placera dans une capsule. Celle-ci s’envolera de Mars pour faire route vers la Terre. Enfin, au terme d’une mission de trois ou quatre années, elle nous reviendra atterrir ou amerrir. 

        Notons qu’une telle mission devrait coûter au bat mot de un à deux milliards $ et offrir de belles perspectives de coopération entre les États-Unis, l’Europe, la Russie et le Canada.

Le jour où nous polluerons Mars !

        Ironiquement, plus on observe sur Mars de fortes probabilités d’un milieu propice à la vie, plus cela risque de compromettre le débarquement d’humains. En effet, le jour où des hommes fouleront le sol rouge, ils y laisseront nécessairement derrière eux des microorganismes. Autrement dit, ils contamineront d’autant plus la planète qu'il s'agit d'un milieu accueillant.

        Et ce ne serait pas une première. En effet, en novembre 1969, lors du deuxième débarquement sur la Lune, les astronautes d’Apollo 12 sont allés récupérer des pièces d’une sonde robot qui s’y était posée trente mois avant eux. Or, de retour sur Terre, les scientifiques ont découvert avec stupeur que des micro-organismes terrestres s’étaient logés dans la caméra de la sonde peu avant son lancement. Ils sont même parvenus à les ranimer, prouvant contre toute attente que des êtres peuvent survivre aux rigueurs lunaires durant une longue période.

        Depuis ce temps, toutes les sondes qui sont expédiées vers Mars sont minutieusement stérilisées. Les scientifiques s’assurent de la sorte que, si jamais ils découvraient des traces de vie, il ne s’agisse pas d’une importation terrestre! 

        Il se pourrait donc que lorsque viendra le temps d’envoyer des hommes sur Mars dans dix, quinze ou vingt ans , qu’on assiste à une levée de bouclier de la part d’«environnementalistes» et de scientifiques qui s’objecteront à ce qu’on «pollue» ainsi irrémédiablement un monde où la vie est (ou a été) possible...

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Note: voir le communiqué de la NASA du 2 mars 2004.


 


El Capitan

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© Claude Lafleur, 2005

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