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(Janvier 2005) Le 15 octobre 2003, la Chine lançait le vaisseau spatial Shenzhou 5 avec à son bord le pilote de l’Armée de l’air Yang Liwei. Ce faisant, elle devenait le troisième pays à satelliser un homme (après l’Union soviétique et les États-Unis). Liwei est revenu sain et sauf sur Terre après une envolée de 21 heures. 

        Bien sûr, la nouvelle a fait sensation puisque, notamment, elle cadrait parfaitement avec le prodigieux essor économique que connaît ce pays depuis quelques années. Certains observateurs considèrent même que la Chine pourrait devenir la puissance économique du vingt-et-unième siècle… et, pourquoi pas, dominer l’Espace.

        Les responsables chinois n’ont d’ailleurs pas hésité à profiter de cette réalisation pour annoncer qu’ils envisagent se doter d’une station orbitale d’ici quelques années puis conquérir la Lune. Il n’en fallait pas plus pour imaginer qu’elle pourrait également devenir une grande puissance spatiale et, qui sait, peut-être même talonner les États-Unis.

        Mais est-ce bien le cas? La satellisation d’un homme démontre-t-elle le potentiel – ou la «menace» – que pourrait représenter sous peu la Chine? Verrons-nous un jour des Chinois sur la Lune?

        On peut assez aisément répondre à ces questions simplement en révisant l’évolution du programme spatial chinois.

À quand une navette chinoise ?

        Le 26 avril 1970, la Chine devenait la cinquième nation à lancer un satellite. Désireuse de se présenter au monde comme une nation technologiquement avancée, elle s’est servie de son satellite pour diffuser un chant patriotique: «L'Orient est rouge, le soleil se lève, la Chine a vu naître Mao Zedong…»

        Au cours des années 1970, la Chine orbite huit satellites, alors que sept autres sont perdus lors de lancements (des échecs qui deviennent des secrets d’État).
 


15 octobre 2003: lancement du vaisseau Shenzhou 5 avec le premier Chinois de l'Espace.
        Au début des années 1980, alors que les Américains réalisent les premiers vols de Navette spatiale, les autorités chinoises annoncent qu’elles se doteront de leur propre navette. Des photos montrent même des pilotes s’entraînant dans un simulateur ressemblant fortement au cockpit d’un orbiteur américain!

        Pourtant, au cours de cette décennie, la Chine ne lance que 17 satellites (tous avec succès), ce qui est modeste par rapport aux 203 engins lancés par les Américains et aux 1182 expédiés par les Soviétiques. 

        Parallèlement, à cette époque, nous assistons à la naissance de l’industrie du lancement commercial de satellites. À la suite des succès commerciaux de la fusée européenne Ariane, plusieurs firmes américaines se mettent à offrir leurs capacités de lancement. C’est ensuite au tour des Soviétiques de faire de même, puis des Chinois.

        Ceux-ci décrochent ainsi une demi-douzaine de contrats. Toutefois, l’entreprise tourne court lorsqu’en janvier 1995 une fusée chinoise porteuse d’un satellite commercial s’écrase quelques minutes après son décollage, tuant six personnes et en blessant 127 autres. Le revers est d’autant plus cinglant qu’il apparaît en direct à la télé nationale. Du coup, c’est la fin de tous les contrats commerciaux pour la Chine.

Prétentions et réalité

        Voilà qui n’empêche pas le gouvernement chinois d’aspirer à de plus grandes réalisations, en annonçant son intention de se doter de son propre vaisseau spatial habité. On est cependant loin d’un grandiose projet de navette, puisque les Chinois optent pour la technologie russe des Soyouz.

        Ils achètent en effet les plans des vénérables vaisseaux russes qui transportent tous les cosmonautes depuis 1967. Bien sûr, les ingénieurs chinois en profitent pour améliorer quelque peu le design des Soyouz. Ils baptisent leur vaisseau Shenzou («vaisseau céleste»).


Dessin d'un vaisseau Shenzou en orbite

        Un premier Shenzou est lancé à vide en novembre 1999 pour un vol d’essai de 21 heures. L’opération est couronnée de succès, de sorte qu’on s’attend dès lors à ce qu'après deux ou trois autres vols d’essai, une mission habitée suive d’ici une année ou deux.

        À titre comparatif, au début des années 1960, les Soviétiques n’ont mis que onze mois à passer du premier test de leur capsule Vostok à l’envolée de Youri Gagarine. Côté américain, il s’est écoulé une année et demie entre le premier tir d’une cabine Mercury et le vol de John Glenn. De surcroît, à l’époque, «tout était à faire», les Soviétiques et les Américains ne sachant même pas si un être humain pouvait survivre à quelques minutes d’apesanteur. 

        Par contre, les Chinois bénéficient des quarante années d’expériences acquises par les Russes et les Américains, en plus de disposer de la technologie éprouvée des Soyouz. Pourtant, il leur faut quatre années pour satelliser l’un des leurs! 

        Ce premier pas ayant été franchi avec succès, on s’attendrait à ce que l’ambitieux programme chinois adopte maintenant une cadence accélérée. (En 1961, les Soviétiques n’ont laissé s’écouler que quatre mois avant de procéder à un deuxième vol habité, alors que les Américains n’en ont pris que trois.)

        Or, aucun Chinois ne s’est envolé en 2004 et on annonce le deuxième vol pour le milieu de 2005. Une bonne vingtaine de mois s’écoulera donc entre les deux premiers séjours de Chinois dans l’Espace. De surcroît, il ne devrait s’agir que d’une mission de quelques jours réalisée par deux hommes.

        Voilà qui paraît bien peu en regard des ambitions chinoises de s’installer dans l’Espace et de conquérir la Lune… À ce rythme, il leur faudra des décennies pour réaliser ce que les Américains et les Russes ont accompli dès les années 1960.


Deux pilotes chinois s'entraînant dans un cockpit de navette.
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© Claude Lafleur, 2005

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