Quarante ans après Youri Gagarine
Textes et statistiques à jour au 12 avril 2001
Sur cette page :
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Il
était une fois... Youri Gagarine
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Un
document exceptionnel
(photos)
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Bilan
et statistiques des vols spatiaux
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Perspectives
d’avenir : oser l’inimaginable !
•
Cent
jours et plus dans l'espace (tableau)
Mercredi, 12 avril 1961, Youri Gagarine s’envole du très secret
Cosmodrome de Baïkonour à bord de son vaisseau Vostok. Son
lancement survient dans le plus grand secret puisque même son épouse
Valentina et sa mère Anna ignorent tout du dangereux périple
qu’entreprend leur cher «Ioura». Ce jeune pilote de l'Armée
de l'air soviétique (27 ans) effectue une révolution autour
de la Terre en 1 heure et 48 minutes.
Nous sommes alors au tout début de l’ère spatiale puisque
le tir de la fusée de Gagarine n’est que le 108ème depuis
celui du Spoutnik trois ans et demi plus tôt. Le cosmonaute est d’ailleurs
transporté par une fusée du même modèle que
celle qui a propulsé le premier satellite, celle-ci n’en étant
qu’à son 28ème tir. Hormis les experts soviétiques,
personne n’a idée à quoi ressemble cette fusée (que
les Soviétiques appellent (secrètement) R7 et qu’en Occident
on surnommera A-1) ni non plus des formes du fameux vaisseau cosmique de
Gagarine. Ce n'est que quatre ans plus tard qu'on apprendra que le Vostok
(mot russe signifiant Orient) est essentiellement une sphère de
2,3 mètres, pesant 2,4 tonnes et baptisée Sharik. Cette sphère
est rattachée à un petit module technique de forme conique
qui donne au vaisseau les allures d'un cornet à crème glacée
surmonté d'une boule géante... (voir ci-dessous).
.
Youri Gagarine effectue un tour du globe à une altitude comprise
entre 181 et 327 km et il revient se poser près de Saratov. Sa mission
est extrêmement simple puisqu’il n’a qu’à survivre à
l’accélération foudroyante du décollage, puis à
une heure en état d’apesanteur et enfin au tumultueux retour sur
Terre. À l’époque, on ignore tout bonnement si un être
humain est capable de supporter sans trop de conséquences les rigueurs
d’un vol spatial.
Durant
sa mission, Gagarine se contente donc de rapporter que «tout va bien»
en faisant de brèves descriptions de ce qu’il voit par les petits
hublots de sa cabine. Il ne touche à aucun instrument ni ne pilote
son vaisseau puisque le déroulement du vol se fait de manière
automatique... au cas où le cosmonaute perdrait connaissance ou
deviendrait «fou». Heureusement, tout se déroule sans
problème jusqu’à l’atterrissage, Gagarine demeurant conscient
et sain d’esprit!
Cependant,
peu après l’allumage des rétros-fusée qui précipitent
le Vostok vers la Terre, la Sharik ne se sépare pas comme prévu
du reste du vaisseau. Elle demeure reliée au module d'instrumentation
par la tuyauterie et le filage d'alimentation (qui ne se sont pas détachés
comme prévu), ce qui a pour effet de la déstabiliser et de
la faire tournoyer. Secoué, Gagarine ne panique pas.
Quelques
minutes plus tard, l’intense friction de l’air fait fondre les sangles
et libère ainsi la Sharik. Celle-ci s’oriente naturellement et Gagarine
plonge confortablement vers la Terre. Mais la traversée des couches
supérieures d’air demeure néanmoins une épreuve troublante
puisque le cosmonaute se trouve alors au cœur d’une boule de feu vibrante
dans laquelle il périrait vite incinéré si le revêtement
thermique extérieur ne remplissait pas sa fonction.
Puis, comme prévu, à 7 kilomètres d’altitude, il s’éjecte
de sa cabine et se pose doucement en parachute dans un champ pendant que
sa capsule fait de même quelques kilomètres plus loin (photo
ci-contre). Tout s’est donc bien passé. Notons cependant que les
Soviétiques sont contraints de mentir quant à la manière
dont est revenu sur Terre leur cosmonaute puisque, d’après les règles
imposées par la Fédération internationale d’astronautique,
pour que l’exploit soit homologué, le pilote doit se poser à
bord de son vaisseau.
L’exploration spatiale chamboulée
L’envolée de Gagarine a un retentissement considérable à
travers le monde, car le simple fait qu’un homme soit allé dans
l’Espace ne laisse personne indifférent et fait même beaucoup
rêver... De surcroît, les Soviétiques surclassent une
fois de plus les Américains dans la prestigieuse course technologique
(et stratégique) amorcée trois ans et demi plus tôt.
Conséquemment, le court vol de Gagarine a un impact déterminant
sur la suite de l’exploration spatiale.
En
effet, à l’époque, les Américains se préparent
à envoyer des astronautes en orbite dans de petites capsules Mercury.
Ils envisagent éventuellement construire des bases spatiales autour
de la Terre qui seraient ravitaillées par navette avant finalement
de s’élancer dans l’exploration de la Lune et des planètes.
Or, le 25 mai, le président Kennedy lance plutôt les États-Unis
dans une formidable course à la Lune. (Voir: Les
origines de la Course à la Lune.)
Les
Américains mettront à peine huit années pour accomplir
ce «petit pas pour un homme...», mais à quel prix! Il
faut en effet reprendre, au début des années 1970, l’exploration
de l’Espace là où elle avait été laissée
en plan, en commençant par concevoir une navette avant de procéder
à la construction d'une base orbitale permanente.
Cependant,
les temps ont bien changé puisque nous ne sommes plus à l'ère
des courses technologiques où tout paraît possible. Alors
que dans les années 1960, les projets spatiaux se succèdent
les uns aux autres à un rythme accéléré —
plusieurs étant pratiquement improvisés et réalisés
en quelques années seulement —
il faut désormais une décennie ou plus pour compléter
un projet. Ainsi, les Américains mettront dix années pour
faire voler leur Navette spatiale et le double pour réaliser leur
Station spatiale internationale! Par comparaison, la conquête de
la Lune des années 1960 —
une entreprise autrement plus complexe étant donné le peu
de connaissances dont on disposait à l’époque sur l’environnement
spatial et sur les techniques nécessaires pour parvenir jusque sur
la Lune —, n’aura nécessité
que huit années.
Le
président Nixon annonce donc en janvier 1972 le programme de la
Navette spatiale; celle-ci devait s’envoler à partir de 1978 et
réaliser quelques 500 missions en une douzaine d’années.
De fait, la Navette décolle avec trois ans de retard —
ironiquement le 12 avril 1981, soit très précisément
vingt ans après Gagarine. Et depuis vingt ans, elle n’a réalisé
que 103 missions... Quant à la base spatiale permamente, le président
Reagan annonce en janvier 1984 un projet modeste en regard de ceux imaginés
à l’époque du vol de Gagarine(1).
Il s’agit, bien sûr, de la Station spatiale internationale ISS dont
nous assistons présentement à l’assemblage en orbite...
Destin tragique d’un héros vénéré
Mais
qu’est devenu Youri Gagarine ?
Malheureusement,
il a connu un bien triste sort. Devenu héros national d’une valeur
inestimable pour l’Union soviétique —
autant dire: un «patrimoine national vivant» —,
il n’était pas question qu’on le laisse à nouveau risquer
sa vie lors d’un second vol spatial. Gagarine lutte pourtant pour retrouver
ses ailes cosmiques, y parvenant même presque. Hélas, il périt
le 27 mars 1968 aux commandes d’un chasseur qui s’écrase dans des
circonstances troubles(2). Il venait tout juste
d’avoir 34 ans...
Du
coup, Youri Gagarine devient à jamais le «saint patron»
de la cosmonautique soviétique, faisant l’objet d’une véritable
vénération de la part de son peuple —
le 12 avril est fête en Union soviétique —
de même que pour les cosmonautes qui suivent ses traces. Avant chaque
lancement, ceux-ci se recueillent dans son bureau de travail (devenu musée)
alors que sa photo trône bien en vue à bord des stations orbitales
soviétiques.
Gagarine
n’aurait aujourd’hui que 67 ans, un âge qui lui permettrait théoriquement
de s’envoler à nouveau*. Il conserve d’ailleurs deux records, soit
celui d’être la plus jeune personne à être allée
dans l’espace... et celui d'y être demeurée le moins longtemps.
——————————
(1) Voir Le
grand rêve de l'humanité : coloniser l'Espace
(2) Voir le chapitre 8 de Gagarine
ou le rêve russe de 1'espace d’Yves Gauthier, Flammarion, 1998.
* John Glenn, le premier Américain a avoir orbité
la Terre —
et qui fut comme Gagarine considéré comme «patrimoine
national» interdit de vol spatial —,
mettra 35 ans pour retourner dans l’espace (à l’âge de 77
ans).
.
Depuis le 12 avril 1961, 223 missions spatiales habitées ont été réalisées avec succès, soit 90 par les Russes et 133 par les Américains — les deux «camps» ayant en outre subi chacun deux revers de lancement*. La grande majorité de ces envolés a été effectuée à l’aide de vaisseaux Soyouz (81) et par la Navette spatiale (102) capables de transporter de 2 à 7 passagers.
Les 400 voyageurs de l’Espace
Au
total, 400 personnes différentes sont allées dans l’espace,
certaines ayant eu la chance de s’y rendre plus d’une fois. Comme on recense
1125 personnes qui ont été un jour ou l'autre sélectionnées
comme «astronautes» ou «cosmonautes», c’est donc
à peine le tiers d’entre elles qui ont effectivement eu le privilège
de s’envoler. Et si on évalue à 8 milliards le nombre d’humains
ayant vécu sur Terre depuis quarante ans, on pourrait considérer
que seul un Terrien sur vingt millions a eu cette chance!
Notons
qu’il a été d’usage durant les premières décennies
de l’exploration spatiale d’appeler «astronautes» les Américains
qui vont dans l’espace et «cosmonautes» les Soviétiques
(devenus Russes depuis 1992). Or, comme depuis une quinzaine d’années
c’est par dizaines que des «non Américains» et des «non
Russes» accèdent à l’Espace, parlons désormais
de... voyageurs de l’espace.
Les astronautes constituent 63% du total de ces voyageurs alors que les
cosmonautes représentent 22% —
le 15% restant étant constitué de citoyens provenant d’une
trentaine de pays. On compte ainsi 252 Américains, 91 Russes, 10
Allemands, 8 Canadiens, 8 Français, 4 Japonais, 3 Italiens, 2 Bulgares
et 2 Kazakhes qui ont voyagé dans l'espace.
En
outre, un citoyen d’une vingtaine d’autres pays ont séjourné
en orbite, en commençant par un Tchécoslovaque qui, en 1978,
a ouvert la voie de l’Espace aux «étrangers». Celui-ci
a été suivi par un Polonais, un Allemand de l'est,
un Hongrois, un Vietnamien, un Cubain, un Mongol, un Roumain, un Indien,
un Arabe, un Néerlandais, un Mexicain, un Syrien, un Afghan, une
Britannique, un Autrichien, un Belge, un Suisse, un Ukrainien, un Espagnol
et un Slovaque.
Des
400 voyageurs de l’espace, 365 sont des hommes et 35 des femmes, représentant
donc respectivement 91% et 9% du total. On compte ainsi 27 Américaines,
trois Russes, deux Canadiennes, une Française, une Japonaise et
une Britannique.
Les records
Les
voyageurs ont bénéficié de 872 places à bord
de vaisseaux spatiaux, c’est-à-dire que près de 60% d’entre
eux ont voyagé plus d’une fois en orbite. En fait, une demi-douzaine
y sont même allés jusqu’à six fois bien qu'à
ce jour, personne ne se soit envolé une septième fois**.
Il semble presque y avoir là une «barrière» invisible...
Le
plus jeune voyageur est Gherman Titov (25 ans) et le plus âgé,
John Glenn (77 ans). On constate cependant que la très grande majorité
de ceux et celles qui s'envolent ont entre 30 et 50 ans.
Le
record du plus long séjour en orbite appartient à un Russe
(Valeri Polyakov) qui y est demeuré
14½ mois d'affilé. Son collègue Sergei
Avdeyev détient quant à lui le record
du temps cumulé avec trois séjours qui totalisent 25 mois.
Celui qui a séjourné le moins longtemps est Youri Gagarine
(1h48)
Les
séjours de longue durée appartiennent essentiellement aux
Russes puisque des 54 personnes qui ont passé au moins cent jours
dans l'espace, 44 sont de cette nationalité (voir tableau
ci-dessous). Le voyageur «non Russe» qui a passé le
plus de temps en orbite est l’américaine Shannon Lucid (7½
mois) alors qu’un Français et un Allemand cumulent respectivement
7 et 6 mois. Parmi ce groupe sélecte, on compte seulement deux femmes
(soit l’Américaine et une Russe).
Mis
bout à bout, les séjours dans l'espace cumulés par
les 400 voyageurs totalisent 62½ années. Les deux-tiers de
ces années ont été obtenues par les Russes, 30% par
les Américains et 4% par les citoyens des autres nations
—
autrement dit: les cosmonautes ont séjourné 40,1 ans en orbite,
les astronautes 19,3 années et les autres voyageurs 3 ans.
La
plus longue envolée a été réalisée en
1987-88 par deux Soviétiques à bord du complexe Mir: 365
jours et 22½ heures (autant dire exactement une année). Des
222 envolées réalisées avec succès, on en dénombre
une vingtaine qui se sont étendues sur au moins six mois, alors
que la moitié ont duré de une à deux semaines seulement
(voir Les envolées habitées par ordre
de durée).
———————
* Trois missions spatiales ont
échoué au moment du lancement, c’est-à-dire les vols
de Soyouz 18a (le 5 avril 1975),
Soyouz
T-10a (le 27 septembre 1983)
—
les cosmonautes s’en tirant indemne —
et STS 51L (le 28 janvier 1986, alias
Challenger) alors que l’équipage d’Apollo
1 a brûlé vif au sommet de sa fusée-porteuse le
27 janvier 1967
** Le 11 avril, Jerry Ross, astronaute
depuis ving ans, a été assigné à un septième
vol (la mission STS 110 prévue pour janvier 2002).
Perspectives d’avenir : oser l’inimaginable !
Depuis quarante ans déjà qu’on envoie des humains dans l’Espace.
Durant les années 1960, deux douzaines d’équipages soviétiques
et américains ont mis au point les techniques qui ont permis à
douze Américains de fouler le sol lunaire. À partir des années
1970, les Soviétiques ont développé le savoir-faire
nécessaire pour s’installer en orbite terrestre; le point culminant
ayant été pour eux les douze années d’occupation quasi-ininterrompue
de leur complexe orbital Mir. Parallèlement, les Américains
ont conçu la Navette spatiale qui permet d’acheminer en orbite quantité
d’homme et de matériel de toute nature. Durant les années
1990, les deux camps ont mis en commun leurs ressources (de plus en plus
limitées) pour réaliser conjointement la construction de
la Station spatiale internationale ISS.
Et maintenant, que nous réserve l’avenir ?
C’est là une question fort difficile à répondre puisque,
au-delà des quinze prochaines années qui seront normalement
consacrées au programme ISS, aucun grand projet ne pointe à
l’horizon. Il se pourrait même, si les tendances se maintiennent,
qu'ISS conduise à la fin des vols habités tels que nous les
connaissons!
Promesses non tenues
Pour comprendre le contexte d’aujourd’hui, qui mène apparemment
à un cul-de-sac, il faut retourner trente ans en arrière.
En 1972, le président Nixon annonce la conception d’une navette
spatiale dont les frais de développement devaient s’élever
à 5 milliards $us et qui réaliserait, à partir des
années 1980, une multitude de missions à un coût...
«astronomiquement bas» (environ 25 millions $ par envolée).
Cette navette devait conduire à l’exploitation scientifique et commerciale
de l’Espace en réduisant au dixième les coûts de lancement
alors qu’on envisageait effectuer un vol hebdomadaire.
La
Navette spatiale devait ainsi permettre de tirer profit des conditions
uniques qu’on retrouve en orbite terrestre (nommément le vide parfait
et l’apesanteur) pour réaliser maintes applications pratiques et
rentables dont la production de médicaments et de matériaux
impossibles à fabriquer sur Terre. Elle devait en fait rendre l’Espace
si facile d’accès que cela aurait éventuellement ouvert la
voie au tourisme spatial. Déjà, en 1984, des «non-astronautes»
commencent à voyager à bord des navettes alors que des firmes
américaines envisagent placer dans leur soute un module-habitat
capable d’héberger une soixantaine de passagers qui feraient ainsi
un bref séjour dans l’espace.
Parallèlement, en 1984, le président Reagan lance le projet
d’une grande station orbitale devant coûter 8 milliards $ à
concevoir et entrer en opération dix ans plus tard. Surnommée
Freedom, cette station devait permettre la poursuite des applications développées
à bord de la Navette et servir d’usine pour la production de médicaments
et de composantes électroniques. On entrevoyait d’ailleurs, à
cette époque, d’éventuelles découvertes de procédés
industriels «révolutionnaires» et d’applications inimaginables...
Hélas, tous ces beaux rêves ont littéralement été
détruits lorsque Challenger a disparu dans le ciel de Cape Canaveral
le 28 janvier 1986 (voir À bord de Challenger,
ce
28 janvier...).
De fait, lorsque la Navette reprend du service deux ans et demi plus tard,
c'est pour desservir exclusivement des programmes gouvernementaux (principalement
scientifiques et de coopération). Quant au projet Freedom, il perd
entre-temps une bonne part de sa raison d’être et ne survivra que
grâce à sa fonction internationale qui s’impose de plus en
plus.
Bilan: vingt ans après le premier vol de la Navette spatiale, les
Américains ont englouti plus de 100 milliards $ dans la réalisation
d’une centaine d’envolées seulement, alors que la construction de
la Station spatiale internationale est en retard de près d’une décennie
et ses coûts dépasseront les 100 milliards $. Autant dire
que les promesses d’un accès économique et facile à
l’Espace n’ont en aucun cas été tenues.
De leurs côtés, les Russes réalisent le programme Mir
entre 1986 et 2001. Sous bien des aspects, celui-ci s’assimile à
l'ambitieux projet américain de station orbitale puisque Mir devait
lui aussi servir à des fins commerciales et être rentable.
Ce complexe orbital accueille quelques touristes (dont un journaliste japonais
et une ouvrière britannique) mais si, sur le plan technique, il
représente une réussite incontestable, Mir n’en est pas moins
un échec économique.
Conséquemment,
plus personne ne parle aujourd’hui de la fabrication dans l’espace et encore
moins de procédés révolutionnaires puisqu’aucune des
envolées de Navette ni les longs séjours à bord de
Mir n’ont mené à d’importantes découvertes scientifiques
ou technologiques.
Plus
personne non plus n’évoque un autre projet d’envergure: l’«Human
Exploration Initiative» annoncé en 1989 par le président
Bush (père). Il s’agissait cette fois de réaliser l’un des
vieux rêves de l’humanité (et un thème récurrent
en astronautique): fouler le sol de Mars.
Ce
projet devait mener des hommes sur la planète rouge en 2019, soit
cinquante ans après les premiers pas d’Armstrong sur la Lune. À
cette fin, le président américain préconisait un vaste
programme de développements technologiques et d’exploration de Mars
devant s’étendre sur trois décennies. Mais les coûts
de ses ambitions se chiffrent au bas mot à cent ou à deux
milliards $. (Et ce n’était là que les estimées de
départ!) Cette fois, cependant, aucune suite n’est donnée
à l’Initiative et celle-ci tombe tout doucement dans l’oubli...
Depuis,
plus aucun président ne se risque à s’embarquer dans un nouveau
projet spatial d’envergure. Tout au plus, en 1993, le président
Clinton «sauve» le projet Freedom (qui n’allait nulle part)
en invitant les Russes — riches
de leur vaste expérience dans l'opération de stations orbitales
— à y apporter leur soutien
technique. Freedom devient ISS et on connaît la suite... (Si non,
voir Trente ans de stations spatiales.)
Par-delà les « bonnes vieilles » technologies
Tout ceci nous conduit à ce début de nouveau millénaire
et explique pourquoi nous utilisons des technologies qui, pour la plupart,
datent des années 1960 et 1970. Les Russes recourent en effet au
même modèle de lanceur que celui qui a propulsé Gagarine
afin d'orbiter leurs vaisseaux Soyouz (eux-mêmes développés
dans les années 1960) alors que les Américains se servent
encore de leur Navette spatiale. Les concepteurs de ces véhicules
auraient-ils osé rêver que ceux-ci serviraient à ce
point en l’an 2000?!
Il
était en effet prévu que la Navette spatiale soit remplacée
après 20-25 ans de services par un vaisseau entièrement réutilisable
et beaucoup moins dispendieux (encore un autre thème récurrent
en astronautique) alors que les Russes envisageaient se servir de leur
navette Bourane et d’un nouveau vaisseau de transport d’équipage
plus efficace que les Soyouz. Au cours de la dernière décennie,
côté américain, on assiste d’ailleurs à une
kyrielle de projets visant à développer de futures navettes;
certains fort prometteurs devaient fournir rapidement des résultats.
Cependant, tous ont échoué, souvent à cause de dépassements
considérables des coûts et de délais toujours plus
longs — de nombreux milliards
$ ayant été dépensés sans résultat concret.
Comme quoi, rien n’a vraiment changé depuis 1972...
Pourquoi
en est-il ainsi? Comment se fait-il qu’on ait pu se rendre sur la Lune
en moins de dix années mais qu’il faille à présent
consacrer autant de temps ne serait-ce que pour assembler la Station spatiale
à seulement 400 kilomètres d’altitude?
La
réponse à cette question mériterait sans doute une
longue et minutieuse analyse. Peut-être est-ce parce que tout projet
spatial est désormais supervisé par une armée de «fonctionnaires»
extrêmement soucieux que «tout se passe parfaitement bien».
C’est un fait: nous n’acceptons plus de courir des risques comme auparavant.
En
effet, lorsqu’on survole l’histoire des débuts de l’exploration
spatiale, on est vite frappé par la rapidité avec laquelle
les projets sont réalisés, souvent par une «poignée»
d’ingénieurs qui osent risquer. Aujourd’hui, hélas, on n’ose
prendre le risque de quoi que ce soit sans avoir préalablement fait
de longues et coûteuses analyses pour s’assurer de ne courir aucun
risque. (Cette tendance s’observe partout dans notre société
où le moindre projet nécessite un ou plusieurs comités
d’études ou commissions d'approbation.)
Quoi
qu’il en soit, nous voilà donc devant un avenir qui se limite essentiellement
à la construction et à l’utilisation de la Station spatiale
internationale. Bien sûr, par ailleurs, les Chinois préparent
l’envoi d’hommes à bord de capsules spatiales. Mais leurs ambitions
sont modestes puisqu’elles se comparent à ce qu’ont déjà
fait les Soviétiques et les Américains au début des
années 1970. Les Chinois ne semblent pas vouloir innover ni faire
de «bond en avant» puisque leur capsule, baptisée Shenzhou,
est une adaptation du Soyouz russe (dont ils ont acheté les plans
pour les améliorer quelque peu).
On
parle en outre de plus en plus du tourisme spatial... encore là
un autre thème récurrent remontant aux années 1970.
Les Russes offrent en effet à qui en a les moyens une place à
bord des Soyouz qui visiteront tous les six mois la Station spatiale internationale.
Le «touriste» doit cependant être en aussi bonne condition
physique que les cosmonautes qu’il accompagnera et disposer d’une somme
de 20 millions $ et d’au moins six mois pour s’entraîner! (Voir:
Rêvez-vous
d'aller dans l'Espace ?)
Or, comme l’illustre ce «tourisme de luxe», l’accès
à l’Espace demeure toujours astronomiquement cher. Les spécialistes
calculent en effet qu’il en coûte de 5 000 et 10 000 $ pour chaque
kilo acheminé en orbite terrestre.
Ce constat incontournable vient en fait du seul moyen de transport que
l’on connaisse pour accéder à l’orbite terrestre: la fusée.
Qu’il s’agisse de la R7 de Gagarine, d’Ariane ou de la Navette spatiale
(ou de tout autre véhicule imaginé), tous utilisent le même
principe fondamental: au décollage, on déclenche une foudroyante
réaction chimique — une
explosion entre carburants extrêmement réactifs —
dont on maintient le contrôle durant la dizaine de minutes qu'il
faut pour parvenir jusqu’en orbite. Et gare si on perd le contrôle
de l’explosion (ce qui se produit deux ou trois fois par cent lancements),
car c’est la catastrophe.
Ce procédé demeure aussi risqué que coûteux.
En effet, malgré quantité de projets élaborés
ou de mesures mises de l’avant pour faire baisser les coûts de lancement,
rien ne semble pouvoir venir à bout de ce problème.
La solution résiderait probablement dans une autre forme de transport
spatial. Laquelle? Bien malin qui pourrait l’évoquer!
Peut-être sommes-nous en matière d’exploration spatiale comme
au temps des premiers navigateurs qui traversaient courageusement les océans
à bord de navires à voiles. Rappelons-nous l’époque
héroïque des Christophe Colomb, Magellan, Cook et Cie
qui vivaient de «grandes aventures» s’apparentant plus ou moins
à celles de nos voyageurs de l’espace. Il a cependant fallu attendre
l’invention du moteur à explosion, quelques siècles plus
tard, pour voir apparaître des moyens de transport économiques
permettant de traverser les océans de manière sécuritaire
et à un coût abordable.
Combien
de temps devrons-nous attendre pour accéder aussi facilement à
l’Espace? Et, surtout, quel «prodige technologique» rendra
l’orbite terrestre aisément accessible?
Peut-être que l’inventeur de ce prodige est né. Mais il lui
faudra faire table rase de toutes nos conceptions «modernes»
du vol spatial pour oser l’inimaginable...
.
Nom | Nationalité* | Nombre de mission | Temps cumulé |
Sergei Avdeyev | Russe | 3 envolées | 747 j 14 h 12 min |
Valeri Polyakov | Russe | 2 envolées | 678 j 15 h 35 min |
Anatoli Solovyov | Russe | 5 envolées | 651 j 00 h 12 min |
Sergei Krikalev | Russe | 5 envolées | 624 j 11 h 16 min |
Viktor Afanasyev | Russe | 3 envolées | 545 j 22 h 36 min |
Moussakhi Manarov | Russe | 2 envolées | 541 j 00 h 32 min |
Alexandre Viktorenko | Russe | 4 envolées | 489 j 00 h 36 min |
Youri Romanenko | Soviétique | 3 envolées | 430 j 18 h 11 min |
Youri Ousachyov** | Russe | 4 envolées | 407 j 15 h 44 min |
Alexandre Kaleri | Russe | 3 envolées | 395 j 03 h 20 min |
Alexandre Volkov | Soviétique | 3 envolées | 391 j 13 h 52 min |
Vladimir Titov | Russe | 5 envolées | 387 j 02 h 51 min |
Vassily Tsibliyev | Russe | 2 envolées | 381 j 16 h 53 min |
Leonid Kizim | Soviétique | 3 envolées | 374 j 17 h 59 min |
Alexandre Serebrov | Soviétique | 4 envolées | 372 j 23 h 53 min |
Valeri Rioumine | Soviétique | 4 envolées | 371 j 17 h 28 min |
Vladimir Soloviev | Soviétique | 2 envolées | 361 j 22 h 51 min |
Tolgat Mousabayev | Russe (Kazakhe) | 2 envolées | 333 j 11 h 43 min |
Vladimir Lyakhov | Soviétique | 3 envolées | 333 j 07 h 03 min |
Youri Gidzenko | Russe | 2 envolées | 320 j 01 h 21 min |
Alexandre Alexandrov | Soviétique | 2 envolées | 309 j 17 h 03 min |
Gennediy Manakov | Russe | 2 envolées | 307 j 21 h 20 min |
Nikolai Boudarine | Russe | 2 envolées | 282 j 23 h 09 min |
Guennady Strekalov | Sovitéqiue | 6 envolées | 269 j 16 h 22 min |
Victor Savinykh | Soviétique | 3 envolées | 252 j 17 h 39 min |
Oleg Atkov | Soviétique | 1 envolée | 236 j 22 h 50 min |
Shannon Lucid | Américaine | 5 envolées | 223 j 04 h 14 min |
Valentin Lebedev | Soviétique | 2 envolées | 219 j 06 h 00 min |
Anatoli Berezovoï | Soviétique | 1 envolée | 211 j 09 h 05 min |
Jean-Pierre Haignere | Français | 2 envolées | 209 j 12 h 25 min |
Leonid Popov | Soviétique | 3 envolées | 200 j 14 h 45 min |
Gennady Padalka | Russe | 1 envolée | 198 j 16 h 33 min |
Pavel Vinogradov | Russe | 1 envolée | 197 j 17 h 34 min |
Valeri Korzoun | Russe | 1 envolée | 196 j 17 h 26 min |
Youri Onoufrienko | Russe | 1 envolée | 193 j 19 h 08 min |
Alexandre Lazoutkine | Russe | 1 envolée | 184 j 22 h 08 min |
Thomas Reiger | Allemand | 1 envolée | 179 j 01 h 42 min |
Alexandre Balandine | Russe | 1 envolée | 179 j 01 h 19 min |
Michael Foale | Américain | 5 envolées | 178 j 23 h 44 min |
Elena Kondakova | Russe | 2 envolées | 178 j 10 h 42 min |
Alexandre Polishchouk | Russe | 1 envolée | 177 j 00 h 44 min |
Alexandre Laveikine | Soviétique | 1 envolée | 174 j 04 h 26 min |
Andrew Thomas | Américain | 3 envolées | 163 j 12 h 40 min |
John Blaha | Américain | 5 envolées | 161 j 02 h 51 min |
William Shepherd | Américain | 4 envolées | 159 j 07 h 51 min |
Alexandre Ivantchenkov | Soviétique | 2 envolées | 147 j 12 h 39 min |
Vladimir Djanibekov | Soviétique | 5 envolées | 145 j 15 h 59 min |
Anatoli Artsebarsky | Russe | 1 envolée | 144 j 15 h 22 min |
Jerry Linenger | Américain | 2 envolées | 143 j 02 h 50 min |
Normand Thagard | Américain | 5 envolées | 140 j 18 h 30 min |
Youri Malenschenko | Russe | 2 envolées | 137 j 18 h 05 min |
Gueorgui Gretchko | Soviétique | 3 envolées | 134 j 20 h 33 min |
David Wolf | Américain | 2 envolées | 134 j 20 h 14 min |
Vladimir Dezhourov | Russe | 1 envolée | 115 j 08 h 43 min |
© Claude Lafleur, 2001
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