Les pionniers de l'exploration spatiale


        Entre 1880 et 1970, six personnes ont marqué de façon significative les débuts de l'Ère spatiale.  Ce sont les véritables fondateurs de l'astronautique moderne : le russe Constantin Tsiolkovski, le français Robert Esnault-Pelterie, l’américain Robert Goddard, l’autrichien Hermann Oberth, le russe Sergei Korolev et l’allemand Wernher von Braun.

Constantin Edouardovitch Tsiolkovski est né le 5 septembre 1857 (soit cent ans et un mois avant le lancement du premier satellite artificiel) dans le village Tjevskoié (gouvernement de Riazan) dans la famille d'un forestier. Tsiolkovski est considéré comme le «père incontesté» de l’astronautique.
        Toute sa vie, il souffrira de surdité, complication d'une scarlatine contractée pendant l'enfance.  À partir de 1880, il enseigne les mathématiques puis la physique, notamment à l'École de filles de Kalouga.  Mais, surtout, il se passionne pour les techniques de vol dans l’espace à l’aide de fusée et réalise des travaux théoriques qui seront en avance de plusieurs décennies sur le développement de la science.
        Ainsi, dès 1883, il énonce l'idée d'utiliser la propulsion par réaction pour lancer des engins interplanétaires.  En 1903, il fait paraître Exploration des espaces cosmiques par des engins à réaction dans lequel il y pose pour la première fois les lois du mouvement d'une fusée.  En 1929, il fait publier Les Trains de fusées cosmiques où il énonce la théorie des fusées à étages.
        Tsiolkovski découvre une série de solutions technologiques essentielles à la construction de fusées.  Le premier au monde, il établit les bases de la théorie du moteur-fusée à liquide et examine et recommande l'emploi de divers propergols pour ces moteurs.  C’est également à lui qu’on attribue les premiers calculs concernant la possibilité de voyage interplanétaire et de mise en orbite de satellites.
       Il poursuivra ses travaux jusqu’à sa mort, le 19 septembre 1935, à l’âge de 78 ans.
Robert Esnault-Pelterie naît à Paris le 8 novembre 1881 et complète ses études à l'Université de Paris.  C’est l’un des tous premiers ingénieurs aéronautiques puisqu’il invente le système de commande d'avion dit «manche à balai» et le moteur en étoile.
        Mais Esnault-Pelterie considère ces réalisations comme l’amorce d’une carrière qu’il consacre plutôt à l’exploration spatiale. À partir de 1912, il s'intéresse en effet à la théorie de la propulsion par réaction.  Il publie les premiers résultats de ses recherches en 1913 sous le titre Considérations sur les résultats d'un allégement indéfini des moteurs.  Cette publication fait sensation et a de grandes répercussions en matière de navigation spatiale.
        Avec son ami le banquier André Hirsch, il fonde le prix R.E.P-Hirsch remis annuellement pour le meilleur travail sur la navigation spatiale ; le premier lauréat, en 1925, est Hermann Oberth. Le 8 juin 1927, Esnault-Pelterie fait un exposé remarqué sur L'Exploration par fusées de la très haute atmosphère et la possibilité des voyages interplanétaires, qui a une fois de plus un impact mondial.
        Enfin, en 1934, il fait paraître L'Astronautique, ouvrage contenant l'essentiel des connaissances de l'époque dans le domaine.  Esnault-Pelterie décède à Paris à l’âge de 76 ans, le 6 décembre 1957, ayant entrevu la concrétisation de ses rêves avec les lancements des Spoutnik 1 et 2.

Robert Hutchings Goddard est né le 5 octobre 1882 à Worcester, Massachusetts (États-Unis). Il est l'un des grands pionniers de la technique des fusées ; de fait, cet inventeur de génie a pratiquement breveté tous les mécanismes des fusées (dont la stabilisation par gyroscope et par gouverne).  En 1908, il sort de l'Institut Polytechnique de Worcester et entre à l'Université Clark où il accomplit la plus grande partie de ses recherches et toute sa carrière de professeur (de 1919 à 1943).
        Dès 1907, Goddard se passionne pour les problèmes que posent la réalisation et l'utilisation des fusées.  Après s’être intéressé aux fusées à propergol solide, il passe à la conception des fusées à carburants liquides.  C’est ainsi que le 16 mars 1926, il réalise le premier lancement public d’une telle fusée (fonctionnant à l’oxygène liquide et à l’essence); celle-ci fonctionne pendant deux secondes et demie et s’élève à 12,5 mètres. Au cours des onze années suivantes, Goddard réussit plusieurs tirs de fusée, dont une qui file à 1100 km/h et qui retombe à deux kilomètres de son point de départ.   Il enregistrera quelques 200 brevets touchant la technique des fusées.
        En 1919, il publie son livre A method of reaching extreme altitudes (Méthode pour atteindre de très grandes altitudes), dans lequel il expose les résultats de ses études expérimentales et théoriques. Cet ouvrage jette les bases des possibilités scientifiques des fusées en montrant que celles-ci pourraient transporter des instruments à des altitudes inégalées.  Il préconise même d’envoyer une fusée jusqu’à la Lune avec suffisamment de poudre de magnésium pour que l’impact soit visible depuis la Terre.
        Durant le Seconde Guerre mondiale, il travaille au service de recherche de la Marine où il conçoit des fusées de décollage pour hydravions ainsi que divers missiles.  Goddard meurt à 62 ans, le 10 août 1945, ayant vu que les fusées pouvaient servir de vecteur.

Hermann Julius Oberth naît le 25 juin 1894 à Hermannstadt, en Transylvanie (Hongrie).  C’est l’un des fondateurs des techniques de l'astronautique.  Durant ses études à l’École de médecine de Munich, il se passionne pour la théorie des fusées, qu’il imagine déjà comme le moyen d’explorer l’espace.  Il présente la première thèse doctorale connue sur ce sujet.  Il publie celle-ci à ses frais en 1923 sous le titre Die Rakete zu don Planotenraumens (La fusée dans les espaces interplanétaires).  Cet ouvrage, qui décrit en détail tous les paramètres des voyages interplanétaires, connaît un vif succès de librairie et suscite des discussions ardentes et polémiques.
        Six ans plus tard, Oberth réédite sa thèse grandement retravaillée sous le titre Die Raumschiffahrt (Le voyage spatial).  Il y expose tous les fondements des vols spatiaux, non seulement en termes mathématiques mais également technique. Cette réalisation lui vaut le premier prix international d’astronautique décerné par Robert Esnault-Pelterie et André Hirsch.
        Oberth est en outre le conseiller scientifique du réalisateur Fritz Lang pour le film  «Frau im Mond» (Une femme sur la Lune).  Pour promouvoir ce film, il conçoit même une fusée à carburant liquide qui devait être tirée lors de la première.  Toutefois, faute de temps et de fonds, la fusée ne verra jamais le jour.
        En 1938, il est invité à l'Institut technologique de Vienne pour mettre au point des fusées militaires — c'est le début de ses travaux sur les V2.  Durant la Seconde Guerre mondiale, il prend la citoyenneté allemande afin de poursuivre ces recherches à Pennemünde.  Par la suite, il retourne dans son pays natal poursuivre ses études à des fins pacifiques avant de travailler en Italie, de 1950 à 1953, sur les missiles de la marine italienne.  En 1955, il se retrouve à Huntsville (États-Unis) où il se consacre au perfectionnement de fusées, puis à Feucht (Allemagne fédérale).
        En 1954, il publie Menschen in Kosmos (Les hommes dans le cosmos) puis, prend sa retraite en 1958.  Il meurt le 29 décembre 1989, à l’âge de 95 ans, à l’Hôpital de Nuremberg.

Sergei Pavlovitch Korolev naît le 12 janvier 1907 à Jitomir dans une famille d'instituteur. Il deviendra  l’ingénieur en chef  à l'origine des principaux véhicules spatiaux soviétiques, notamment les fusées Zemyorka, les satellites Spoutnik et les vaisseaux Vostok et Soyouz.
        En 1924, Korolev sort de l’École professionnelle du Bâtiment d'Odessa et travaille dans l'industrie aéronautique.  Puis, diplômé de l'Institut technique supérieur de Moscou et de l’École de pilotes de Moscou, il crée dans les années 1930 une série de planeurs et d’appareils volants mus par fusées.  En compagnie de d’autres chercheurs soviétiques, il fonde le Groupe pour l'étude de la propulsion par réaction (GIRD) qui réalise en août 1933 le tir de la première fusée soviétique à propergol liquide (GIRD 09).  En 1934 paraît le premier ouvrage de Korolev: Le vol des fusées dans la stratosphère. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il est détenu en camp de concentration stalinien mais travaille néanmoins à la conception de moteurs-fusée chargés d'assister le décollage d’avions militaires russes.
        Tout au long de sa vie, Korolev rêve de conquérir l’Espace.  Au lendemain de la guerre, on lui confie le programme soviétique de mise à l’essai des V2 puis, à partir de 1953, la conception des missiles balistiques soviétiques qui culminera avec la mise au point du Zemyorka lanceur de Spoutnik.  Lorsqu’au début d’octobre 1957, les techniciens acheminent la fusée porteuse de Spoutnik jusqu’au pas de tir, Korolev déclare: «J’ai attendu ce jour toute ma vie!»
        Les puissantes fusées de Korolev ont permis de lancer la panoplie des vaisseaux spatiaux qui ont fait la gloire de l’Union soviétique, dont les premières sondes d’exploration du Système solaire et les premiers vaisseaux habités dont il supervisa la conception.  Malheureusement, Korolev meurt brutalement le 14 janvier 1966, à l’âge de 59 ans seulement, lors d’une banale opération à l’estomac… réalisée par le ministre de la Santé soviétique!  Tout au long de sa vie, son identité sera gardée secrète par le régime soviétique et ce n’est qu’après sa mort que nous découvrirons sa brillante et tumultueuse carrière.

Wernher Magnus Maximilian von Braun est né le 23 mars 1912 dans une famille de barons de Wirsitz (alors en Allemagne, aujourd’hui en Pologne).  Dès sa plus tendre enfance, il rêve à l’exploration de la Lune… ce qu’il réalisera cinquante ans plus tard grâce aux fusées Saturn V qu’il concevra.
          Le jeune von Braun fait ses études à Zurich, en Suisse, puis obtient en 1934 un doctorat en physique de l’Université de Berlin grâce à une thèse sur les moteurs-fusée. Passionné par les travaux d’Oberth, il se joint en 1930 au groupement amateur Verein fur Raumschiffahrt (VfR) — la Société pour le voyage spatial!  Ce groupe lance 85 petites fusées.
        Mais à partir de 1932, l’armée allemande prend en main ce programme expérimental et, suite à l’arrivée au pouvoir d’Hitler l’année suivante, le groupe est installé à Peenemünde, près de la Baltique… un terrain où le grand-père de von Braun pratiquait la chasse aux canards. À 28 ans, il prend la direction de la conception du premier missile balistique, le V2.
        Von Braun n’a toutefois qu’une idée en tête, celle d’explorer la Lune.  Par contre, cette passion est vue comme de la trahison par la police hitlérienne qui l’emprisonne brièvement en 1944 — jusqu’à ce que son patron fasse valoir que von Braun est essentiel à la réussite du programme V2.
        Alors que la Guerre s’achève, au printemps 1945, von Braun s’organise pour que 120 de ses plus proches collaborateurs passent aux mains des forces américaines.  S’en suivent alors plusieurs semaines de jeux de cache-cache face aux Nazis qui pourraient vouloir les abattre et aux troupes soviétiques qui les cherchent.  Mais heureusement les Américains avaient spécialement dépêché une équipe pour les «récupérer» (opération Paperclip).
        L’équipe von Braun est rapatriée aux Etats-Unis en septembre 1945 et procède pour le compte de l’Armée de terre aux tirs expérimentaux des V2.  Von Braun a tôt fait de proposer au gouvernement la mise en orbite d’un satellite (projet Orbiter) mais on préfère plutôt le projet Vanguard de la Navy.  Il n’en continue pas moins de se tenir fin prêt et lorsque le premier Vanguard échoue le 6 décembre 1957, il lui faut moins de soixante jours pour réussir l’exploit (Explorer 1 lancé le 1er février 1958).
        Puis, à la suite de la création de la NASA en 1958, l’équipe de l’Armée est transférée à la nouvelle agence civile. Von Braun devient alors directeur du Centre spatial Marshall (à Huntsville, Alabama) chargé de la conception des nouveaux lanceurs.  Son équipe met au point de puissants moteurs-fusée puis, et surtout, la famille des fusées Saturn.  Et c’est grâce aux Saturn V qu’en 1969 il voit enfin se concrétiser son rêve d’enfance: l’homme marche sur la Lune! (Photo: Wernher von Braun au pied d'une Saturn V couchée.)
        Dans la foulée du programme lunaire, von Braun aurait bien voulu se lancer à la conquête de Mars.  Mais le projet est si dispendieux qu’on ne lui offre pas cette chance. Il quitte la NASA en mai 1972 pour devenir responsable du développement et de l’ingénierie de la société Fairchild Industries.  En 1975, il préside à la fondation de la National Space Institute, un organisme voué à la sensibilisation et à la promotion de l’exploration spatiale.  Il s’éteint le 16 juin 1977, à l’âge de 65 ans, des suites d’une maladie.
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© Claude Lafleur, 2005

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