Les vaccins, de la prévention au traitement du cancer
Marc Le Blanc ; les trois sortes de délinquance
Comprendre la dégénérescence du cerveau
Albert Bregman: un psychologue à l'écoute des sons
Éric Dupont : des médicaments révolutionnaires
Stephen Hanessian a fait de Montréal un important centre pharmaceutique
, samedi, 16 octobre 1993, p. E8

Les vaccins, de la prévention 
au traitement du cancer

par Claude Lafleur

     Au moment où vous lisez ces lignes, vous êtes à n'en pas douter la proie d'une multitude de bactéries et de virus. Chacun d'entre nous sommes en effet constamment assaillis par ces micro-organismes dont la taille n'est que de l'ordre du 1 millionième de mètre. Pourtant, dès lors que l'un d'entre eux nous a envahi, il a la capacité de se multiplier extrêmement rapidement; certains virus peuvent se reproduire par un facteur de 200 fois en 25 minutes seulement! En conséquence, ils peuvent causer de très sérieuses infections, allant même jusqu'à entraîner la mort.
     Heureusement, notre système immunitaire veille à notre défense en produisant des anticorps, c'est-à-dire des protéines conçues spécifiquement pour combattre les micro-organismes envahisseurs. Toutefois, lorsque notre système immunitaire ne parvient pas à usiner les anticorps appropriés en quantité suffisante et en un court laps de temps, nous «tombons malade», victime par exemple d'une bonne grippe... Certains micro-organismes sont extrêmement virulents: le virus de l'hépatite B peut quant à lui foudroyer un adulte en quelques heures seulement.
     Il est par conséquent préférable de préparer notre organisme contre d'éventuelles attaques. Voilà précisément le rôle des vaccins - une approche médicale découverte il y a un siècle et qui fait présentement des progrès considérables grâce au génie génétique.

Trois stratégies de vaccins

     «Un vaccin, c'est un outil de prévention contre des maladies d'origine infectieuse», affirme le Dr Robert Dugré, vice-président de IAF VioVac. Cette entreprise lavalloise est le seul manufacturier canadien de vaccins; elle fabrique notamment 90% des vaccins contre l'influenza (la grippe) administrés au Canada. «La vaccination a pour but de prévenir les infections en injectant à un individu un produit qui se rapproche beaucoup des micro-organismes infectieux et ce, dans le but de stimuler son mécanisme de protection», ajoute le spécialiste. Le Dr Dugré a été la première personne au Canada à être diplômée en virologie et, durant les années 1980, il a fait de la recherche sur les vaccins à l'Institut Armand-Frappier (IAF). En 1990, il a participé à la création de IAF BioVac inc., une division de BioChem Pharma.
     Le principe de la vaccination est simple; on injecte dans l'organisme humain des échantillons de la bactérie ou du virus à combattre afin d'apprendre au système immunitaire à les reconnaître puis à manufacturer les anticorps nécessaires pour les éliminer. On fait de la sorte appel à l'une des grandes qualités du système immunitaire: son excellente mémoire. En effet, lorsque celui-ci a appris à annihiler une bactérie ou un virus, il s'en souvient durant toute notre vie. Dès lors que l'infection réapparaît, le système immunitaire réagit promptement et efficacement. C'est ainsi que lorsque nous avons combattu le virus de la grippe, jamais plus celui-ci nous infectera à nouveau. Cependant nous attrapons de temps à autre la grippe, car le virus responsable change régulièrement d'apparence et, conséquemment, notre système immunitaire doit réapprendre à le reconnaître.

Trois grandes catégories de vaccins

     Le premier type consiste en l'injection de micro-organismes qui ont préalablement été tués. Il s'agit de vaccins inertes qui permettent au système immunitaire de reconnaître simplement ces micro-organismes. «On prend l'agent infectieux responsable de la maladie et on l'inactive par un procédé quelconque (chaleur ou produit chimique tel que le formol), explique le Dr Dugré. On détruit par le fait même sa capacité à induire la maladie, mais on conserve son pouvoir antigénique afin que l'organisme détecte sa présence et développe les anticorps appropriés».
     La deuxième méthode de vaccination consiste à injecter des micro-organismes vivants mais non virulents. «Au lieu de tuer l'agent infectieux, on enlève ses propriétés toxiques, rapporte le virologue. Administré ensuite à un individu, la bactérie ou le virus se multiplie mais ne produit pas la maladie. Ce vaccin mime l'infection et stimule le système immunitaire du receveur».
     Le Dr Dugré relate toutefois que l'absorption d'un vaccin - qu'il s'agisse d'un produit activé ou inactif - peut rendre certaines personnes légèrement malades. «C'est une réaction normale, dit-il, car il s'agit d'une indication que le système immunitaire répond bien à l'agression. Souvent le patient fera un peu de fièvre, mais les réactions varient d'une personne à l'autre. Il s'agit toutefois d'une agression bénéfique, puisqu'elle est due à un vaccin et non à un agent dangereux», ajoute-t-il.
     «Pour une autre catégorie de vaccins, nous ne faisons pas appel aux micro-organismes comme tels, mais plutôt à la substance chimique qu'ils sécrètent. En effet, pour certaines maladies, ce n'est pas la bactérie ou le virus qui cause les dommages mais plutôt la toxine qui en est sécrétée. C'est le cas notamment de la diphtérie et du tétanos, précise Robert Dugré. Ce type de vaccins est donc fabriqué à partir de la substance chimique sécrétée par le micro-organisme, à laquelle on enlève ensuite toute virulence. Cette substance garde néanmoins ses caractéristiques antigéniques». C'est d'ailleurs en vertu de ce principe que VioVac produit les vaccins contre le tétanos et la diphtérie.
     Robert Dugré annonce que nous entrons à l'heure actuelle dans l'ère des vaccins de nouvelle génération. «Au lieu de prendre la bactérie ou le virus pour en faire un vaccin, nous utilisons uniquement l'antigène - c'est-à-dire la portion du micro-organisme qui éveille le système immunitaire. Lors de la vaccination, nous ne donnons donc plus l'agent infectieux, mais une portion de celui-ci».
     Il n'existe présentement sur le marché qu'un seul vaccin de ce type: il s'agit du produit contre l'hépatite B avec lequel on a réalisé de vastes campagnes de vaccination auprès des étudiants québécois. «Il s'agit du premier succès du génie génétique», constate le Dr Dugré. D'autres vaccins «génétiques» sont également en préparation, mais il faudra vraisemblablement plusieurs années de travaux cliniques avant de pouvoir les utiliser.
     Par ailleurs, une application révolutionnaire des vaccins a été découverte ces dernières années: certains vaccins peuvent servir non plus à la prévention mais au traitement d'une maladie déjà en cours. Pour cette raison, ces vaccins sont dits «thérapeutiques». Toujours en suivant le principe à la base de la vaccination, on stimule le système immunitaire d'un patient pour l'aider à combattre la maladie. L'exemple type est le vaccin BCG fabriqué par VioVac et qui sert normalement à prévenir la tuberculose. Mais voilà qu'on utilise également ce vaccin pour traiter le cancer de la vessie.Il s'agit même d'une innovation très récente, rapporte le Dr Dugré, puisque ce n'est que l'année dernière que l'Association américaine des urologues a reconnu le vaccin BCG comme le médicament le plus efficace contre le cancer de la vessie. Et le vice-président de VioVac d'ajouter fièrement: «Notre produit a été le premier vaccin au monde a être reconnu efficace pour le traitement d'une maladie». Voilà une belle réalisation à inscrire au palmarès du génie québécois!».
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, samedi, 13 mai 1995, p. B11

Marc Le Blanc : 
les trois sortes de délinquance

Par Claude Lafleur

     «Selon nos enquêtes, 80% des adolescents de Montréal commettent, au cours d'une année, au moins une infraction qui pourrait les faire passer pour des délinquants»! Voilà ce qu'observe Marc Le Blanc, criminologue et chercheur de renommée internationale.
     Depuis 25 ans, ce professeur de l'Université de Montréal étudie comment on devient délinquant et comment cette condition se développe avant, finalement, de s'atténuer. Depuis 1974, son équipe interviewe périodiquement quelque 470 délinquants en les comparant à 800 personnes «normales». Il a ainsi pu décrire mieux que quiconque le phénomène de la délinquance.
     «Nous avons constaté, rapporte le Dr Le Blanc, qu'il y a, grosso modo, trois grandes catégories de délinquance. La première, c'est celle qu'on appelle la délinquance d'occasion: c'est vous, c'est moi, c'est n'importe qui, à un moment donné, qui commet une infraction.»
     «Le deuxième type, poursuit-il, c'est la délinquance de transition.» Il s'agit d'une crise d'adolescence assez difficile que vit un jeune et qui s'accompagne de consommation de drogue et de délits relativement graves et assez nombreux. Toutefois, cette délinquance s'arrête au début de la vingtaine.
     Le troisième type, c'est la délinquance persistante - celle à laquelle on pense généralement. Déjà, jeune enfant, l'individu montre un tempérament difficile et, à l'école, c'est un élève agressif. Il commence ses premiers délits par de petits vols, vers l'âge de 10 ans, et il commet ensuite des infractions de plus en plus sérieuses. Cette délinquance se continue essentiellement jusque dans la trentaine, alors que l'individu finit par s'assagir, soit parce qu'il a trouvé une place dans la société (vie de famille, travail) ou parce qu'il est fatigué de la prison...
     À partir de ces études, l'équipe du Dr Le Blanc a procédé à l'évaluation d'approches taillées sur mesure pour les différentes délinquances. Ce spécialiste insiste d'ailleurs beaucoup sur l'importance d'identifier correctement la nature de la délinquance le plus tôt possible et avant d'intervenir. «C'est comme avec le cancer, dit-il, il y a certains traitements qui sont plus appropriés que d'autres.»
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, samedi, 13 mai 1995, p. B10

Comprendre la dégénérescence du cerveau

Par Claude Lafleur

     À partir de l'âge de 20 ans, chaque jour, on perd des neurones. Chez un individu normal, quelques milliers de cellules nerveuses dégénèrent ainsi quotidiennement. Pourquoi? Nous l'ignorons. Mais c'est ce que tente de découvrir l'équipe du Dr André Parent, l'un des grands neurobiologistes canadiens.
     Professeur au département d'anatomie de l'Université Laval, André Parent se consacre à l'étude des ganglions à la base du cerveau. Ceux-ci n'ont cependant rien à voir avec les ganglions que «tâte» notre médecin; il s'agit plutôt d'énormes agglomérats de cellules nerveuses qui occupent toute la partie se trouvant sous le cortex cérébral. Le Dr Parent est persuadé que ces ganglions sont au coeur des maladies neurodégénératives comme celles de Parkinson, d'Alzheimer et d'Huntington.
     «Toutes ces maladies sont caractérisées par des pertes de cellules nerveuses dans une région très spécifique du cerveau, dit-il. Alors, nous essayons de comprendre pourquoi certains groupes de cellules dégénèrent plutôt que d'autres qui se trouvent pourtant juste à côté.»
     Le Dr Parent est bien au fait des thérapies controversées de remplacement que l'on a entreprises depuis une dizaine d'années. Ces thérapies consistent à implanter dans le cerveau malade des cellules prélevées sur des embryons humains (provenant de foetus avortés). Lors des premières expériences réalisées aux États-Unis, on a obtenu une amélioration notable - parfois même spectaculaire - chez des patients souffrant de maladies neurodégénératives. Mais ces changements ont été de courte durée.
     Le Dr Parent note que, dans les années quatre-vingt, les cliniciens sont allés trop vite, en sautant par-dessus l'étape de l'expérimentation animale pour procéder directement à des opérations sur l'humain. «Nous assistons actuellement à une sorte de moratoire, constate-t-il, les spécialistes ayant décidé d'arrêter pour voir ce qui se passe.»
     Quant à expliquer les résultats surprenants obtenus au départ, André Parent relate un fait étonnant à propos du cerveau. «On s'est aperçu qu'opérer le cerveau pour implanter quelque chose - le simple fait d'intervenir chirurgicalement - entraîne une amélioration étonnante.» Étonnante, mais malheureusement passagère.
     Pour sa part, l'équipe du Dr Parent travaille avec différents mammifères, ce qui permet le développement de modèles animaux de certaines maladies neurodégénératives. Résultats: des percées notables dans la compréhension des mécanismes biochimiques responsables de ces graves affections. La renommée d'André Parent a été reconnue lorsque celui-ci s'est vu confier la révision et la mise à jour de la dernière édition du traité Human Neuroanatomy, la véritable bible en la matière.
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, samedi, 13 mai 1995, p. B10

Albert Bregman: un psychologue 
à l'écoute des sons

Par Claude Lafleur

     Comment nos oreilles parviennent-elles à distinguer aussi bien le monde autour de nous?, s'est un jour demandé le Dr Albert Bregman, professeur de psychologie à l'Université McGill. Cette question passionne depuis plus de trente ans ce chercheur original. Et c'est ainsi qu'il a acquis une renommée mondiale en psycho-acoustique, la science de la perception des sons.
     Le Dr Bregman a développé une théorie qui rend très bien compte de ce qui se passe. Il a observé que l'oreille décompose tous les sons qu'elle reçoit en fréquences, alors que le cerveau rassemble les fréquences qui originent de la même source. Ces informations sont transmises au cerveau qui identifie alors les différentes sources de bruit en rassemblant les «paquets» de fréquences provenant d'une même source.
     Comme le souligne Albert Bregman, cette théorie n'intéresse pas que ses collègues psychologues. C'est le cas particulièrement des informaticiens qui tentent de résoudre le problème de la reconnaissance de la parole par les ordinateurs.
     Cette théorie passionne les maîtres de musique puisque, en leur expliquant comment se fait la perception auditive, elle leur permet de chercher des effets sonores particuliers. «Jusqu'à présent, indique le Dr Bregman, les compositeurs appliquaient des principes qui ont été développés par empirisme, mais voilà que ma théorie explique le pourquoi des règles de composition et d'orchestration.»
     Ses travaux ont également contribué à une meilleure compréhension de la perception visuelle, car celle-ci présente de nombreuses similitudes avec la perception auditive. En somme, il y a quantité de domaines scientifiques et technologiques qui bénéficient de ces recherches originales.
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, samedi, 4 mai 1996, p. E4

Éric Dupont: des médicaments révolutionnaires

Par Claude Lafleur

     À trente ans, Éric Dupont est à la fois un brillant chercheur scientifique et un homme d'affaires avisé. Titulaire d'un doctorat en physiologie-endocrinologie de l'Université Laval, il a par la suite complété son postdoctorat en neuro-endocrinologie, tout en obtenant un certificat en administration des affaires! «J'aime autant la science que les affaires, dit-il. Voilà pourquoi, en 1991, alors que je terminais mes études, j'ai lancé mon entreprise, les Laboratoires Æterna.» Cette firme utilise des produits de la mer pour fabriquer notamment une véritable crème antirides, distribuée par la multinationale du cosmétique Estée Lauder.
     Durant deux ans, Éric Dupont a cherché à découvrir un composé inhibiteur d'angiogénèse. «L'angiogénèse est le phénomène responsable de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, explique-t-il. Tous les tissus de l'organisme doivent, s'ils veulent grandir et maturer, être alimentés par le sang. Mais il y a toutefois quelques exceptions à cela, dont le cartilage et la cornée; ce sont des tissus avascularisés.»
     «D'autre part, poursuit-il, nous savons que dans 90 % des cas de cancer, c'est le phénomène d'angiogénèse qui rend le cancer létal. Autrement dit, si la tumeur cancéreuse n'était pas vascularisée, le patient mourrait avec son cancer, et non pas du cancer! Prenez les cinq plus grands tueurs - les cancers du poumon, du sein, de la prostate, du côlon-rectum et du pancréas. Tous ont un dénominateur commun: les vaisseaux sanguins qui nourissent la tumeur.» On retrouve en outre sensiblement la même problématique pour l'arthrite et dans plusieurs maladies de peau, dont le psoriasis.
     Par le passé, des chercheurs ont démontré que des tissus comme le cartilage disposent de substances qui empêchent la formation de vaisseaux sanguins. Ainsi, en employant les plus récentes techniques de biologie cellulaire et de fractionnement cellulaire, l'équipe des Laboratoires Æterna est parvenue à isoler les molécules naturelles empêchant l'angiogénèse.
     «Nous avons mis au point un procédé de fractionnement et d'isolation de ces substances, que nous avons breveté en 1994», précise Éric Dupont. Æterna dispose ainsi de tous les brevets protégeant ses découvertes et s'associe maintenant à diverses firmes internationales afin de procéder aux essais cliniques et, éventuellement, à la mise en marché de médicaments révolutionnaires.
     «Imaginez, le traitement du cancer, du psoriasis et de l'arthrite représentent à eux seuls un marché de 20 milliards de dollars annuellement!, lance-t-il. Et notre traitement pourra aussi bien s'appliquer à l'acné, à la rosacée et même à certaines maladies ophtalmologiques.» Selon M. Dupont, les premiers médicaments pourraient être mis sur le marché dès 1998.

, lundi, 9 décembre 1996, p. C4

Stephen Hanessian a fait de Montréal 
un important centre pharmaceutique

Par Claude Lafleur

     Chimiste d'origine américaine, Stephen Hanessian s'est parfaitement intégré à la vie québécoise et a fait de Montréal un centre pharmaceutique d'importance. Ce scientifique émérite, qui enseigne la chimie organique à l'Université de Montréal, est en fait un pionnier de l'application de cette discipline à des fins pharmaceutiques et médicinales. Sa grande expertise a d'ailleurs contribué de façon significative au développement de l'industrie pharmaceutique québécoise.
     La chimie organique se concentre sur les éléments qui composent les organismes vivants (le carbone, l'oxygène, l'azote, l'hydrogène et le souffre) par opposition à la chimie inorganique qui s'intéresse aux minéraux et aux métaux. «C'est véritablement la chimie du vivant», indique le professeur Hanessian.
     À 61 ans, celui-ci est un chercheur chevronné puisqu'il a produit plus de 300 communications scientifiques, a obtenu 25 brevets et a remporté un nombre incalculable de prix et de distinctions. Ainsi, il est le récipiendaire 1996 de la Médaille d'or du gouvernement canadien comme scientifique par excellence de tout le pays, alors que l'American Chemical Society - la plus prestigieuse société chimique au monde - lui a octroyé son Arthur C. Cope Scholar Award.
     «C'est la première fois qu'un Québécois reçoit cette distinction», laisse échapper avec modestie ce Néo-Canadien au français impeccable, venu s'établir ici en 1968. «J'ai également été nommé le scientifique de l'année par La Presse, et ça m'a fait chaud au coeur de voir que la science est considérée au même titre que les arts et les sports...»
     Le professeur Hanessian a notamment mis au point des méthodes avant-gardistes dont se servent les firmes pharmaceutiques du monde entier pour mettre au point de nouveaux médicaments. «Je suis un peu un architecte moléculaire, dit-il, car comme un architecte qui conçoit des maisons, moi, je dessine des molécules chimiques.»
     «Je travaille plus spécifiquement en chimie thérapeutique, poursuit Stephen Hanessian. La question que l'on me pose sans cesse est: avez-vous trouvé quelque chose qui touche directement le public, comme un agent anticancérigène ou antiviral? Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre puisqu'ici, au département de chimie de l'université, nous faisons de la recherche fondamentale qui bénéficie à la communauté scientifique en général et aux sociétés pharmaceutiques en particulier.»
     Les recherches réalisées par l'équipe du Dr Hanessian ont notamment permis de développer de nouveaux antibiotiques, des substances antivirales et antileucémiques.
    «Je suis de ceux qui travaillent à combattre constamment les bactéries et les virus, dit-il. Par exemple, prenons le cas des antibiotiques de type pénicilline. Une personne qui souffre d'une infection prend un comprimé, et sa santé s'améliore durant une journée ou deux, avant de subir une certaine rechute. Que se passe-t-il alors? C'est que l'agent responsable de l'infection s'est muté; il s'est transformé de telle sorte que la molécule de l'antibiotique n'est plus efficace contre lui. Dans les faits, la bactérie fabrique elle-même des molécules qui lui permettent de se défendre ou d'attaquer nos molécules de pénicilline.»
     «Nous rencontrons de plus en plus fréquemment ce phénomène de résistance, poursuit le spécialiste, ce qui nous oblige à mettre au point de nouvelles molécules. Puisque nous connaissons la structure et la composition chimique des molécules de pénicilline, nous savons que leur point faible se trouve à tel ou tel endroit. Nous cherchons donc à faire des changements chimiques, à renforcer la molécule ou à déjouer la bactérie.»
     L'une des innovations les plus remarquables du professeur Hanessian est «l'approche Chiron», une stratégie qui permet de simplifier l'analyse des molécules complexes. Cette approche permet à un chercheur de décomposer une molécule en ses éléments constitutifs et de comprendre comment la modifier et l'améliorer. Cette approche a en outre conduit l'équipe du Dr Hanessian à concevoir un logiciel qui permet de visualiser une molécule chimique complexe à l'écran d'un ordinateur.
     «Un peu comme l'architecte le fait, grâce à notre logiciel Chiron, on dessine à l'écran la molécule, précise le Dr Hanessian. Ensuite, le logiciel nous permet d'améliorer notre idée, car il connaît les règles de l'art et les applique extrêmement rapidement. Pour poursuivre l'analogie de l'architecte, c'est comme si on donnait un plan de maison au logiciel et que celui-ci améliorait la disposition des pièces. Le logiciel nous indique la façon la plus efficace de parvenir à la molécule désirée.»
     Le Dr Hanessian indique de plus que Chiron est utilisé par une bonne centaine de chercheurs à travers le monde. «Notre logiciel se veut une contribution à l'avancement de la connaissance, c'est-à-dire qu'on ne le vend pas, mais on le donne. C'est un outil de recherche que je n'ai pas conçu pour des raisons pécuniaires.»

Répandre les bienfaits de la science
     Toutefois, ce qui fait véritablement la fierté du professeur Hanessian, ce sont les chercheurs qu'il a formés au cours de ses trente années à l'Université de Montréal.
     «J'aime travailler auprès des jeunes qui sont, disons, un peu "verts" lorsqu'ils arrivent dans mon laboratoire, dit-il. J'ai plaisir à les voir s'épanouir puis à se placer dans des instituts, universités ou firmes pharmaceutiques pour répandre ainsi un peu de ce qu'ils ont appris ici. Si je puis me vanter de quelque chose, c'est des 250 chercheurs qui sont sortis de mon laboratoire et qui, en très grande majorité, oeuvrent à présent de façon plus directe à l'amélioration de la qualité de notre vie... Voilà ce dont je suis le plus fier!»
On doit par conséquent au professeur Hanessian d'avoir établi la réputation de Montréal comme centre de formation de certains des meilleurs spécialistes en chimie organique du monde. Parmi ceux-ci, plusieurs occupent aujourd'hui des postes de premier plan dans l'industrie pharmaceutique. Stephen Hanessian supervise d'ailleurs l'un des plus importants groupes de recherche universitaire en chimie du monde.
     «Comme un architecte qui conçoit des maisons, moi, je dessine des molécules chimiques»


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 

 

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© Claude Lafleur, 2008
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