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Sciences de la santé
• Il faut plus d'argent, et de temps, pour la recherche
en santé et biotechnologie, 30 novembre 2005, p. B3
• Centre universitaire de santé McGill : à
la fine pointe de la cardiologie, 5 novembre 2005, p. B8
• Travailler à la mise au
point du médicament «parfait», 29 octobre 2005,
p. H8
• Le Projet MOXXI : vers la médecine du XXIe
siècle, 17 septembre 2005, p. G2
• Génomique : l'aube d'une nouvelle médecine,
20 août 2005, p. F4
• Industrie pharmaceutique : pilules québécoises
!, 14 mai 2005, p. H6
• Génomique : la pêche aux gènes,
26 mars 2005, p. G9
• Génomique : Montréal joue la carte internationale,
5 mars 2005, p. H2
Économie / entreprises québécoises
• Les PME québécoises : il faut remettre
sur rail la locomotive de l'exportation, 15 octobre 2005, p. G1
• Exportation agroalimentaire : «Une petite frite
avec ça?», 21 septembre 2005, p. D2
• ICSID : faire le design d'un monde meilleur, 21 mai
2005, p. H4
• Montréal est devenu «le» centre mondial
du design, 21 mai 2005, p. H5
• Océanologie : des crevettes dans le galon de
peinture, 7 mai 2005, p. G6
• Bombardier produits récréatifs : un moteur
deux-temps «révolutionnaire»?, 20 avril 2005, p. B5
• Le designer industriel : au-delà de l'esthétisme,,
12 février 2005
Environnement
• Pour comprendre les changements climatiques,
10 décembre 2005
Éducation / enseignement
• Le Pr Yves Mauffette : apprendre en posant des questions,
26 novembre 2005, p. G4
• Sciences biologiques à l’UQAM : l'humain avant
toute chose, 26 novembre 2005, p. G9
• ETS : la science au service de l'industrie, 8 octobre
2005, p. H3
• ETS-Transfert technologique : un organisme voué
au transfert des technologies, 8 octobre 2005, p. H4
• L’Université d'Ottawa : à la conquête
des Amériques,, 13 août 2005, p. F5
• L’Université Western Ontario : l'université
dans le parc, 28 mai 2005, p. H5
• Génie : Montréal, la ville aux quatre
écoles, 29 janvier 2005, p. G2
• Education : la réforme au secondaire, 8 janvier
2005, p. F3
Science et technologie
• Profession ingénieur : la révolution du
génie, 15 octobre 2005, p. G6
• La voiture de l'avenir : une voiture solaire lancée
à 110 km/h !, 22 août 2005, p. B8
Portraits
• Pierre Dansereau : la conscience
de notre environnement, 26 novembre 2005, p. G5
• La Dre Francine Décary : une passion sanguine,
12 novembre 2005, p. G2
• Michel G. Bergeron , l'inventeur
scientifique, 12 novembre 2005, p. G6
• Le Pr Lawrence Mysak : ondes de choc, 8 octobre 2005,
p. G5
Informatique / multimédia
• Le Grand Robert sur CD-ROM : la puissance du multimédia,
1er octobre 2005, p. G11
• Intranet : l'autre façon de faire,, 8 juin 2005,
p. B4
• SOCLe : des jeunes sur une lancée, 8 juin 2005,
p. B4
Urbanisme / Ville de Montréal
• Philadelphie : renaissance du centre-ville grâce
aux arts, 7 mai 2005, p. H4
• Le Palais des congrès de Montréal : un
phare pour Montréal, 23 avril 2005, p. H3
• Montréal : la ville et son Conseil des arts,
19 mars 2005, p. H5
• Le transport en commun à Vancouver : la côte
ouest met tous les avantages de son côté, 19 mars 2005, p.
I2
Faits de société / le monde du travail
• CSQ : contrer le désengagement de l'Étatr,
30 avril 2005, p. G4
• CSN : plus qu'un simple mandat de négocier, 30
avril 2005, p. G5
• Le logement au Québec : anatomie d'une crise
majeure, 23 avril 2005, p. 10
• Théologie : retour aux sources,, 26 mars 2005,
p. H2
• Et si « la vie » commençait à
50 ans !, 26 février 2005, p. G6
• ACDI / coopération internationale : appuyer le
développement durable, 5 février 2005, p. G5
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26 novembre 2005, p. G5
Pierre Dansereau :
la conscience de notre environnement
Par Claude Lafleur
À 94
ans, Pierre Dansereau – le « père de l’écologie »
-- a vu naître et croître la prise de conscience sur
la place que nous occupons sur Terre et sur la fragilité de notre
habitat. Il se rappelle qu’à l’époque où il a amorcé
sa carrière scientifique – à la fin des années 1930
--, les mots écologie et environnement étaient pratiquement
inconnus. Et il sourit à présent de voir l’importance
qu’ont acquis ces mots.
«
Dans les années 1930, amorce-t-il doucement, il était difficile
de prononcer le mot “écologie”… On ne savait pas ce que c’était
! Tandis qu’aujourd’hui… »
En soixante-dix
ans, cette notion a d’ailleurs fondamentalement changé car, à
l’époque, l’écologie était une branche de l’économie
! « L’écologie, relate M. Dansereau, c’était
l’économie du milieu, la circulation des biens, la satisfaction
des besoins,.. Or, j’ai donné un sens beaucoup plus vaste à
ce mot en y joignant les dimensions de la biosphère. Comment
donc décrire le milieu dans ses dimensions d’espace et de temps,
et ne plus s’intéresser qu’à ses ressources ?»
Jeune chercheur,
Pierre Dansereau se consacre à la biogéographie, l’étude
de la distribution et du comportement des êtres vivants dans la biosphère.
L’essentiel de sa carrière scientifique porte sur la cartographie
de la végétation du monde alors qu’il effectue des études
phytosociologiques dans maints endroits du globe, dont en Amérique
du Nord, au Brésil et en Nouvelle-Zélande. Il s’intéresse
aussi à l'utilisation des terres et étudie l'écologie
humaine en milieu urbain. Ces travaux le conduisent sur tous les continents.
Le chercheur
occupe en outre différents postes de direction, notamment au Service
de biogéographie du Québec, au Jardin botanique de Montréal,
au New York Botanical Garden et à la faculté des sciences
de l'Université de Montréal. Aujourd’hui, professeur émérite
à l’UQAM, Pierre Dansereau est un environnementaliste mondialement
reconnu.
« Dès
la fin des années 1940, se rappelle-t-il, on a commencé à
parler de l’écologie. Mais c’était encore si nouveau que
les gens ne savaient pas vraiment ce que cela voulait dire. Écologie,
environnement… de quoi s’agit-il ?!»
L’homme, un animal… évolué ?
Pierre Dansereau
a été témoin de notre prise de conscience de la place
que nous occupons dans l’écosystème -- nous faisons partie
du règne animal, et ne sommes donc pas une créature créée
de toutes pièces par un Créateur – une notion encore difficile
à accepter pour certains.
« Lorsqu’on
a commencé à parler d’habitat, rapporte l’écologiste,
les gens se sont demandé ce que l’on voulait dire par là.
Dans quel habitat vivons-nous, nous les êtres humains? Est-ce le
même habitat que celui du rat musqué ?!»
Nous avons
donc dû nous faire à l’idée que nous faisons partie
du règne animal; par exemple, nous savons maintenant que, génétiquement,
les grands singes ne diffèrent de nous que par quelques gènes
seulement. « Nous faisons partie des animaux soi-disant intelligents
!», lance de sa voix chaude et douce le professeur.
« Mais,
paraît-il que nous sommes dotés de la capacité de la
réflexion, enchaîne-t-il toujours avec bonhomie, ce que les
primates ne seraient pas sensés avoir ! Pourtant, bon nombre
d’animaux apprennent et retiennent des notions. » Citant l’exemple
du kangourou, qui observe là où il se trouve avant d’amorcer
un saut, l’écologiste souligne qu’il existe une certaine prévoyance
chez eux : « les animaux acquièrent de l’expérience,
du vécu, voyons donc !, lance-t-il. Par exemple, le kangourou
s’est
cassé la gueule quelques fois… et il s’en rappelle !!!»
Le fait de
réaliser que nous sommes un animal vivant dans un habitat a fait
germer en nous une certaine humilité, estime M. Dansereau. «
Je pense qu’il y a une nouvelle humilité chez l’homme lorsqu’on
constate qu’on diffère très peu des primates supérieurs.
Nous avons par contre la capacité d’aller au-delà grâce
à notre pouvoir de réflexion, grâce à notre
mémoire et à notre capacité d’interactions… Mais nous
sommes en prolongement avec la vie animale. »
C’est
ainsi qu’à ses yeux, l’exploration spatiale – particulièrement
la conquête de la Lune à la fin des années 1960 – nous
a fait réaliser que nous disposons de ressources limitées.
« Avec cette nouvelle connaissance de ce qui se passe en orbite,
j’ai ressenti à l’époque la responsabilité de ne pas
épuiser toutes nos ressources, commente-t-il. Il ne faut donc pas
se mettre dans une situation qui nous obligerait à devoir migrer
vers une autre planète… » En même temps, l’exploration
spatiale nous a ouvert de nouvelles dimensions : « Je sens que nous
avons pris conscience que nous ne sommes plus limités à notre
petite planète, mais que nous faisons partie d’un Univers désormais
accessible. »
Une
autre prise de conscience qu’a vu naître M. Dansereau est celle des
transformations irrémédiables que nous infligeons à
l’environnement. « Il y a soixante ans, dit-il, on n’avait
aucune conscience de la pollution que l’on créait… alors que pourtant,
nous le faisions depuis déjà longtemps. Aujourd’hui,
on le sait et on se rend compte des conséquences. »
Malgré
tous les maux que nous infligeons à notre habitat, Pierre Dansereau
demeure optimiste : « Je suis optimiste bien malgré moi, laisse-t-il
filer, car je suis venu au monde avec la vocation du bonheur. Je
crois que nous allons nous en tirer, que nous ferons ce qu’il faut faire
à temps pour éviter le pire. »
Par contre,
estime l’écologiste, il est extrêmement important que chacun
d’entre nous prenne conscience de notre place et de notre rôle. «
Les gens ne savent même pas qui ils sont et où ils sont, dit-il.
Ils n’ont même pas la connaissance de leur milieu… »
Retraite active
Confortablement
installé dans un coquet appartement au pied du Mont-Royal, Pierre
Dansereau coule des jours paisibles auprès de son épouse.
« Nous fêterons bientôt notre 71ème anniversaire
de mariage !», dit-il fièrement, alors que sa belle Françoise
lui sourit tendrement en le prenant par le bras. Son seul regret,
peut-être, est de ne pas avoir eu d’enfant. « Le bon
dieu ne nous a pas donné cette chance », laisse-t-il filer
laconiquement.
« Je
suis à la retraite, à la retraite active, poursuit-il les
yeux pétillants. Ce qui m’intéresse, c’est la conscience
de l’environnement !»
«
Que mon nom soit donné au pavillon des sciences de l’Université
du Québec me fait un velours, conclut-il Ça me fait
plaisir de voir mon nom sur le fronton d’un édifice. Vous savez,
je vais disparaître un jour, mais mon nom me survivra… » |
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10 décembre 2005
Pour comprendre les
changements climatiques
Par Claude Lafleur
La succession
des événements météo exceptionnels que nous
avons observés ces derniers mois nous fait se demander si nous n’assistons
pas déjà aux premiers effets des changements climatiques
tant annoncés.
La réponse
à cette question pourrait bien être : oui, peut-être
bien… Cependant, selon les climatologues, il est trop tôt pour tirer
avec certitude une telle conclusion. Pourquoi ? Parce qu’en météo,
comme dans maintes sphères de la science, les choses sont hélas
plus complexes qu’il n’y paraît.
De la météo comme des cours boursiers
Depuis une
vingtaine d’années environ, les scientifiques observent une augmentation
de la température moyenne à la surface de la planète
de 0,6 degré Celsius. Voilà qui peut paraître minime,
mais une telle augmentation reflète le fait qu’il y a davantage
d’énergie dans le système climatique terrestre pour engendrer
de fortes tempêtes.
Néanmoins,
le lien entre l’augmentation de la température du globe et les impressionnants
phénomènes météo auxquels nous assistons n’est
pas si direct, explique Alain Bourque, directeur du volet impacts et adaptation
au Consortium Ouranos. Par exemple, dit-il, une tempête de verglas
est une délicate combinaison de températures en surface et
en altitude, de vents, de patrons de précipitation, de trajectoire
de tempête, etc. Même chose pour les ouragans ; outre
les chaudes températures océaniques nécessaires pour
les alimenter, il faut réunir d’autres conditions, dont certains
vents en altitude, un taux d’humidité particulier dans la colonne
atmosphérique, etc. « Ce n’est donc pas parce que les températures
augmentent de plus en plus qu’on subira nécessairement à
davantage de tempêtes de verglas et de puissants ouragans »,
conclut M. Bourque.
Le Consortium
Ouranos, du nom du dieu grec de l’atmosphère, est un regroupement
de spécialistes québécois en recherche appliquée
en climatologie régionale et en adaptation aux changements climatiques.
« Notre objectif est de développer des outils d’aide à
la décision pour favoriser l’adaptation aux changements climatiques,
relate Alain Bourque. Autrement dit : comment faire en sorte pour que le
Québec se prépare aux nouvelles réalités qui
naîtront des changements climatiques. »
Pour comprendre
ce à quoi nous assistons, présentement, poursuit le climatologue,
il faut plutôt voir dans les changements climatiques une tendance
lourde. « C’est un peu comme à la bourse, dit-il. Les économistes
nous disent que les cours de la bourse ont toujours tendance à augmenter
de valeur parce que l’économie globale croît continuellement.
» Par contre, au quotidien, on assiste à des soubresauts
boursiers, parfois même à d’importantes chutes comme le crash
de l’automne 1987 -- véritable raz-de-marée financier qui
a emportés des milliers d’investisseurs. « Pourtant,
aujourd’hui, le crash boursier de 1987 n’apparaît plus comme un événement
peu visible par rapport à la tendance lourde de la croissance de
la bourse », relate Alain Bourque.
De même,
l’augmentation de la température globale est la tendance lourde
qui conditionne l’évolution du climat. Mais, tout comme le
crash de 1987, il se pourrait que les phénomènes météo
« extrêmes » des derniers mois… soient quasiment oubliés
d’ici quinze à vingt ans. Ces tempêtes ne sont donc
pas nécessairement les précurseurs d’événements
météo encore plus violents.
Préparons-nous quand même
Quoi qu’il en
soit, poursuit M. Bourque, les changements climatiques influenceront l’évolution
du climat. Nos modèles climatiques prévoient en effet
qu’à plus ou moins longue échéance, nous subirons
davantage de fortes tempêtes le long des côtes alors que, d’ici
un siècle ou deux, le niveau de la mer devrait s’élever de
plusieurs mètres.
Déjà,
les pays nordiques sont plus affectés que les pays du Sud à
cause de la disparition, en hiver, d’une bonne partie du couvert de neige
et de glace, « En temps normal, précise M. Bourque, ce couvert
blanc renvoie l’énergie solaire vers l’espace. Or, comme de moins
en moins de neige demeure au sol, celui-ci accumule la chaleur. »
De plus, le nombre de journées chaudes augmente, ce qui entraîne
de multiples effets – bénéfiques et non -- sur notre climat.
Pour les agriculteurs,
un tel réchauffement apparaît en général positif,
puisqu’il prolonge la durée de la saison de croissance des cultures.
Par contre, ils courent aussi le risque de voir apparaître des maladies
et des insectes qui accompagnent les climats chauds. De plus, nous
pourrions voir surgir des problèmes d’approvisionnement en eau.
Par conséquent,
les chercheurs d’Ouranos tentent d’établir quel sera l’ampleur des
effets engendrés par les changements climatiques dans les différentes
régions du Québec – notamment le rehaussement du niveau des
eaux en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine – ainsi que sur
les infrastructures municipales et les réservoirs d’Hydro-Québec.
« Nous développons des solutions d’adaptation qui vont permettre
soit d’éviter le plus possible les impacts négatifs des changements
climatiques ou de profiter de certains avantages », commente le directeur
des Impacts et adaptation chez Ouranos.
Selon ses
dires, l’adaptation à laquelle nous devons faire face nécessitera
la collaboration et l’entraide de tout le monde. « Il y a des actions
à prendre autant de la part des individus que des entreprises, des
municipalités, des communautés que des gouvernements »,
dit-il.
Par exemple,
suggère M. Bourque, quiconque envisage acheter une propriété,
la moindre des choses sera de s’assurer qu’elle ne se trouve pas en zone
à risques. « On peut même se demander s’il n’est pas
inacceptable de construire une maison en zone côtière où
l’on sait déjà que ce territoire est appelé à
disparaître à plus ou moins long terme !» Cette mise
en garde vaut tout autant pour les promoteurs qui envisagent construire
un hôtel valant des millions $ sur le bord de la mer, que pour les
responsables des réglementations municipales et gouvernementales.
De même,
il nous faut dès maintenant organiser et maintenir des réseaux
de solidarité. M. Bourque cite l’exemple de ce qui s’est passé
lors de la « crise du verglas » de l’hiver 1998. « Rappelez-vous
comment les gens se sont entraidés, dit-il. On s’est entre
autres occupé des personnes âgées et mal prises… Ça
n’a pas été chacun pour soi ! Eh bien, désormais,
nous devons nous attendre à faire preuve de solidarité –
par exemple de se donner un coup de main en période de canicule
-- lorsque surviendra des événements météorologiques
difficiles. » |
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12 novembre 2005, p. G6
Michel Bergeron : le formidable
parcours d’un inventeur scientifique
Par Claude Lafleur
Michel G. Bergeron,
chef de la Division de microbiologie du Département de biologie
médicale de l'Université Laval, est un véritable inventeur
scientifique. Il a mis sur pied l’un des plus grands laboratoires d’infectiologie
au monde tout en révolutionnant la pratique de la médecine.
Non satisfait de ces réalisations, voilà qu’il s’apprête
à transformer notre mode de vie grâce à un «
condom invisible ».
Natif de la ville de Québec, c’était un élève
fort actif puisque jeune Bergeron a mené de front des études
à l’Académie de Québec et au Conservatoire de musique,
en plus d’être dans l’armée de réserve… « J’ai
toujours aimé faire des tas de choses, lance-t-il en riant, dont
plusieurs sports et de la trompette. »
Quand « la vie » décide pour
soi…
Au
printemps 1964, alors qu’il achève ses études, son professeur
de musique lui suggère : « Je comprends que la musique soit
ton premier choix et je suis certain que tu pourrais très bien réussir.
Toutefois, si j’étais à ta place, je me dirigerais vers une
carrière professionnelle – pourquoi pas la médecine, par
exemple – tout en poursuivant la musique dans tes temps libres. »
C’est ainsi que le jeune Bergeron opte pour la médecine, plus particulièrement
la néphrologie, le traitement des maladies rénales..
Il complète ses études de médecine
à l’Université Laval, puis réalise sa résidence
au Montreal General Hospital. « Un soir, raconte-t-il, j’ai reçu
un jeune homme qui souffrait d’une sévère endocardite bactérienne,
une infection des valves cardiaques. Le pauvre, nous avons dû l’opérer
d’urgence, car les piliers de ses valves venaient de lâcher. »
L’opération
réussie, le Dr Bergeron consacre le reste de sa nuit à lire
au sujet de l’endocardite bactérienne. « C’était le
premier cas du genre que je voyais, dit-il. Je suis alors tombé
sur les écrits du Dr Louis Weinstein… écrits qui m’ont passionné
au point où, au petit matin, j’avais décidé de m’orienter
vers l’infectiologie ! »
Mieux
: il se rend étudier auprès du Dr Weinstein, à l'Université
de Tufts, à Boston. Là, il fait la rencontre du Dr Salvador
Luria, prix Nobel de médecine 1969. « Celui-ci m’a initié
au rôle de l’ADN et de l’ARN, précise Michel Bergeron, De
la sorte, quand je suis revenu à Québec, en 1974, j’avais
acquis autant une formation de chercheur que de clinicien. »
Le médecin-chercheur
entreprend alors de mettre sur pied son propre laboratoire d’infectiologie.
« Au début, je ne disposais que d’un lieu pas plus grand que
la taille d’une cuisine !», relate-t-il. Mais ce modeste départ
ne l’empêche pas d’instituer l’un des plus grands centres de recherche
sur les maladies infectieuses.
« Tout
ceci pour vous dire, conclut-il, que… c’est souvent « la vie »
qui décide pour nous !»
Une première révolution : le diagnostic
ultra rapide
Michel Bergeron
consacre ses premières années de recherches à l’étude
des antibiotiques. « Comme j’aimais toujours la néphrologie,
précise-t-il, mes travaux ont porté sur les infections rénales
: comment les antibiotiques pénètrent dans le rein, comment
ils agissent, en quoi ils sont toxiques, etc. »
Ayant
travaillé avec Louis Weinstein -- qui était alors considéré
comme la sommité dans le domaine --, bon nombre de fabricants d’antibiotiques
font appel à l’expertise du Dr Bergeron. Il devient par conséquent
un expert international en la matière, ce qui lui permet de développer
rapidement son laboratoire.
C’est ainsi
qu’aujourd’hui, avec ses 250 chercheurs, le Centre de recherche en infectiologie
qu’il dirige figure parmi les dix plus importants au monde. «
Nous travaillons sur les diagnostics ainsi que sur les vaccins du futur
(notamment pour prévenir l’hépatite et le VIH/sida), de même
que sur d’autre façons de développer des molécules…
»
Une première révolution médicale
Par un bon matin
de 1985, Michel Bergeron se lève avec une idée en tête
: « Il faudrait que nous nous consacrions sur la mise au point de
tests de diagnostic rapide », se dit-il.
Pourquoi ?
Parce qu’à l’époque, il observe que se développe de
plus en plus de résistance aux antibiotiques. « Ce qui
se passe, dit-il, c’est que, comme il faut des jours pour déterminer
de quelle infection souffre un patient, tout médecin qui observe,
disons, une pneumonie, ne prend pas de chance et prescrit un antibiotique
capable de détruire la trentaine de microbes qui pourrait causer
l’infection. Mais, ce faisant, on favorise le développement
d’une résistance aux antibiotiques. On n’a par contre pas
le choix puisqu’on ne dispose pas d’instruments capables de diagnostiquer
rapidement l’agent infectieux. »
Il se
lance donc dans la confection de tests de diagnostic ultra-rapide. Son
laboratoire a ainsi conçu deux tests, l’un capable d’identifier
le streptocoque du groupe B chez la femme enceinte – qui peut causer une
très grave infection chez le nouveau-né – et l’autre le staphylocoque
aureus résistant à la méthicilline -- le fameux SARM
qui est le problème numéro un dans les hôpitaux. Ces
tests sont maintenant vendus partout à travers le monde.
Deux nouvelles révolutions annoncées
Ces derniers temps,
le Dr Bergeron travaille sur une nouvelle invention : le « condom
invisible ».
Il s’agit
d’un gel que la femme insère dans son vagin peu avant l’acte sexuel
et qui la protège aussi bien contre les maladies transmissibles
sexuellement (y compris le sida) que contre une grossesse non désirée.
C’est donc un véritable condom… qui protège de surcroît
contre le cancer du col de l’utérus. « Et comme mon
produit est un gel invisible, j’appelle ça un condom invisible !»,
lance en souriant le Dr Bergeron.
Ce gel est
actuellement en phase d’essais cliniques et il pourrait être disponible
d’ici quatre ou cinq ans si tout va bien.
Le Dr Bergeron
cherche par ailleurs à inventer un test diagnostic sur CD. «
Je tente de mettre au point des tests qui tiennent sur un cédérom
et qui se feront dans le cabinet du médecin. » Le CD contiendra
toutes les solutions nécessaires pour décoder l’ADN d’un
microbe.
« Imaginez,
par exemple, explique le médecin, que vous souffriez d’un mal de
gorge. Vous allez voir votre médecin. Celui-ci prélève
un échantillon dans votre gorge, il le dépose sur un CD et
insère le disque dans un appareil d’analyse. Au bout de quelques
minutes, l’appareil identifie la nature du micro-organisme… Bref, vous
ressortez du bureau du médecin muni de la prescription précise
contre l’agent infectieux. »
Le CD-test
n’est pas encore sur le marché mais, si tout va bien, il pourrait
l’être d’ici cinq ans. « Si ça marche, nous pourrions
bien révolutionner à nouveau la pratique médicale
! », indique Michel Bergeron avec enthousiasme. |
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29 octobre 2005, p. H8
À la recherche du médicament «parfait»
Par Claude Lafleur
Dans
son laboratoire de l’Université de Montréal, le biochimiste
Michel Bouvier tente de découvrir comment nos cellules répondent
aux messages qu’elles reçoivent du cerveau. « Vous savez,
c’est un peu comme dans notre société…, tous les dérèglements
pathologiques originent de problèmes de communication entre nos
cellules et le système nerveux ou endocrinien !», lance joyeusement
le chercheur.
Ses
travaux portent autant sur la compréhension des mécanismes
en cause que sur l’identification de molécules (des médicaments)
susceptibles de régler ces « problèmes de communication
». Son but ultime : mettre au point des outils qui permettront
de développer les « médicaments de demain »,
des substances plus efficaces et plus spécifiques qui génèreraient
moins d’effets secondaires.
« Nous
nous intéressons aux modes de signalisation utilisés par
les cellules, explique M. Bouvier, à savoir comment le système
nerveux communique avec les différents organes pour contrôler
leurs fonctions et comment les hormones contrôlent les fonctions
vitales de l’organisme. »
Michel Bouvier
est à la fois professeur au Département de biochimie de l’Université
de Montréal, titulaire de la Chaire Hans Selye et de la Chaire de
recherche sur la signalisation cellulaire et de pharmacologie moléculaire
ainsi que directeur du Groupe de recherche universitaire sur le médicament
(GRUM).
Des médicaments « made in university
»
Concrètement,
son équipe s’intéresse aux mécanismes fins qui font
que, par exemple, les cellules cardiaques répondent aux messages
envoyés par le système nerveux pour, notamment, régulariser
la fréquence cardiaque ou la force de contraction du muscle. «
Ces communications se font par ce qu’on appelle des transmetteurs – des
hormones ou des neurotransmetteurs, précise le biochimiste. Et nous,
nous tentons de comprendre comment fonctionnent ces récepteurs,
comment leur efficacité est contrôlée, comment reconnaissent-ils
tel neurotransmetteur plutôt que tel autre, etc. »
Bien
qu’il s’agisse de recherches fondamentales, ces travaux mènent directement
à des applications concrètes, dont la mise au point de médicaments.
À cette fin, l’Université de Montréal vient de constituer
autour de cette équipe le Groupe de recherche universitaire sur
le médicament.
«
Je viens d’accepter la direction d’un nouveau groupe – le GRUM –, rapporte
Michel Bouvier, un rassemblement de près de 70 chercheurs spécialisés
dans divers aspects de la découverte et du développement
des médicaments. ». Selon ses dires, le GRUM est, en quelque
sorte, le prolongement naturel de ses travaux.
Par contre,
indique-t-il, ce groupe n’est pas là pour remplacer la recherche-développement
réalisée par les grandes pharmaceutiques. « Nous visons
plutôt à travailler en partenariat avec elles, car nous pensons
que l’académique a une place à prendre à ce niveau-là.»
L’un des rôles que se sont d’ailleurs donnés les chercheurs
du GRUM consiste à identifier de nouvelles molécules pour
le traitement des maladies reliées au vieillissement.
« Parce que nous avons un meilleur mode de vie, relate M. Bouvier,
nous vivons plus longtemps. Or, par le fait même, nous développons
des maladies pour lesquelles on ne dispose pas encore de thérapies
appropriées. Il est par conséquent de notre devoir
de mettre au point des médicaments qui ciblent plus particulièrement
les maladies issues du vieillissement. »
Étonnamment,
rapport Michel Bouvier, ses collègues et lui visent même une
cible inatteignable : mettre au point des médicaments « parfaits
», c’est-à-dire des substances qui n’auraient aucun autre
effet que celui recherché. « Bien entendu, s’empresse-t-il
d’ajouter, c’est là une cible impossible à atteindre puisque,
après tout, un médicament, c’est toujours une sorte de poison…»
Il n’empêche
que mieux est ciblée la molécule thérapeutique, moins
elle a d’effets multiples, d’où l’importance des travaux fondamentaux
réalisés par cette équipe de recherche.
Une pépinière de médicaments
inédits
Par ailleurs,
les chercheurs du GRUM s’intéressent à des maladies dites
« orphelines », c’est-à-dire qui n’affligent que peu
de personnes. « Ce peut être une maladie qui ne touche que
quelques milliers de familles à travers le monde, indique M. Bouvier,
ou qui n’est présente que dans des pays défavorisés.
» On comprend que de telles maladies ne bénéficient
pas des investissements de l’industrie pharmaceutique. « Nous, au
GRUM, estimons donc que l’académique a le devoir de s’intéresser
à ce genre de maladies, affirme Michel Bouvier, et qu’on doit donc
s’activer dans le développement de médicaments appropriés.»
Un exemple
de maladie orpheline sur lequel planchent les chercheurs du GRUM est le
diabète néphrogénique congénital. Les
victimes de cette maladie rare urinent jusqu’à trente litres par
jour (!) et se doivent donc de boire énormément -- ce qui,
bien entendu, rend misérable leur vie. De plus, chez les enfants,
cette maladie provoque de graves problèmes de croissance. Toutefois,
le diabète néphrogénique congénital n’affecte
que quatre cents familles à travers le monde. « Mais, rapporte
M. Bouvier, dans les familles qui en sont atteintes, tous les garçons
sont affectés, puisque la maladie est reliée au chromosome
Y. Dans ces familles, le diabète néphrogénique congénital
est donc un drame puisqu’il se transmet de génération en
génération. »
Dans un premier
temps, les collègues de M. Bouvier ont cherché à comprendre
pourquoi le récepteur en cause ne fonctionnait pas correctement.
Puis, ils ont repéré une molécule – un médicament
déjà utilisé pour traiter une autre pathologie --
qui, d’après leurs connaissances, devait pouvoir remédier
à la situation. « Après l’avoir testé en laboratoire,
relate le directeur du GRUM, nous avons effectué un petit essai
clinique, en collaboration avec le Dr Pichet de l’Hôpital Sacré-Cœur.
Or, il appert que cet essai semble donner de bons résultats !»
Pour Michel
Bouvier, c’est là un exemple de l’une des responsabilités
que doit assurer le GRUM. « Mais, ajoute-t-il, on ne peut pas promettre
que nous parviendrons à développer quantité de remèdes
pour des maladies orphelines puisque, après tout, nous n’avons pas
les moyens dont dispose l’industrie pharmaceutique – loin s’en faut !
Dans bien des cas, nous espérons surtout parvenir à mettre
suffisamment au point un produit pour finir par intéresser au moins
une firme de biotechnologie qui nous aidera alors à commercialiser
le nouveau médicament. » |
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