Le paranormal en sept actes
Les témoignages, les démonstrations, les sceptiques, les hommes de science, leurs "preuves" et quelques révélationspar Claude Lafleur
Uri Geller est ce personnage qui suscite la controverse depuis près de vingt ans en réalisant des exploits — dont la torsion de cuillers et la reproduction de dessins par "télépathie" — que certains attribuent à des pouvoirs paranormaux mais que d'autres qualifient de trucs d'illusionnisme. Pour les premiers, Geller serait le plus grand médium de tous les temps alors que pour les seconds il s'agit d'un odieux charlatan.
Dans les pages qui suivent, nous n'avons pas tenté de dresser un bilan complet et définitif du "phénomène Geller" puisque même les dizaines d'ouvrages consacrés à ce propos n'ont pas dénoué la controverse. Nous avons plutôt reproduit l'émission de la télévision française Droit de réponse diffusée le 14 mars 1987 sur "l'effet Geller" et au cours de laquelle Uri Geller fut finalement confronté au magicien et sceptique Gérard Majax. Grâce à cette émission, nous illustrerons les principales conceptions faussement véhiculées au sujet de Geller ainsi que, d'une manière générale, le manque de rigueur qui confère si souvent une fort mauvaise réputation au paranormal.
Tout ce que l'on vous rapporte ci-dessous est extrait d'une émission de télé. Imaginez-vous donc au théâtre puisque vous êtes dans le studio de TF-1. L'atmosphère est à la foire, car la bonne vingtaine d'invités conviée sur le plateau est entourée de plusieurs dizaines de spectateurs. Vous allez d'ailleurs assister à une véritable pièce de théâtre mettant en scène les protagonistes typiques qui alimentent une controverse paranormale sans jamais permettre d'en tirer de véritables conclusions. (Note 1)
Premier acte : le témoignage sincère d'un honnête homme
En guise d'introduction,
l'animateur Michel Polac raconte avec conviction sa première rencontre
avec Geller. Dès le départ, il admet candidement: "Je suis
en partie l'un de ceux qui y croient [à ses pouvoirs]. Il faut que
je montre ma fourchette. Je la garde précieusement depuis quinze
ans. Voilà ce qui s'est passé il y a quinze ans (c'était
en '73 je crois)."
Voyant Uri
Geller attablé à une terrasse, Michel Polac nous explique:
"J'étais un peu gêné, je lui ai dit: "Écoutez,
tout le monde doit vous le demander, est-ce que je peux ...?" Et Geller
me dit "Bah oui, allons-y... Allez prendre une fourchette." Et les garçons
m'ouvrent le tiroir, j'en sors une fourchette. Je ne la quitte pas, elle
reste dans ma main! Je m'aproche d'Uri Geller, il se lève, tout
le monde l'entoure. Je ne la quitte pas, hein, cette fourchette! Et il
fait "ça" [Polac passe alors son doigt au-dessus de sa fourchette]
et je la vois se tordre. Alors je dois vous dire que ça a été
un choc prodigieux! Vous ne pouvez pas savoir: tout d'un coup je vois l'acier
[se tordre] comme du caoutchouc!
"Or, on ne
m'avait jamais décrit l'expérience, mais ensuite, quand j'ai
vu la presse, quand j'ai lu tout ce dossier, je me suis aperçu que
la description que font les autres est exactement la même, exactement!
J'ai eu l'impression que tout d'un coup c'était du caoutchouc. J'étais
très excité. J'ai montré ma fourchette à tous
mes amis qui m'ontraité d'imbécile... Je l'ai mise dans un
tiroir et je n'y ai plus pensé... Mais tout de même j'avais
ça en tête et je me disais qu'un jour, peut-être, je
rencontrerais de nouveau Uri Geller et que là je prendrais toutes
les précautions parce qu'il faut que mes amis me croient! J'ai l'air
d'un imbécile avec cette histoire!
"Alors Geller
est venu me voir l'autre jour... Il est revenu à la maison, il m'a
pris la fourchette et m'a dit "Écoutez, on va la retordre un peu..."
et il a refait cela. En deux secondes — mais deux secondes! —
elle s'est retordue un peu plus. Or, je vous signale que pour la tordre,
ce n'est pas évident [tant le métal est épais et rigide]...
Y'a de quoi être troublé.
"Je ne suis
pas un naïf. Je suis prêt à ce que l'on me prouve qu'il
y a un truc. Depuis quinze ans je demande partout autour de moi que l'on
me dise quel est le truc qu'il a pu utiliser. Et je n'ai toujours pas trouvé.
Peut-être que ce soir quelqu'un va enfin me le dire. Mais tant que
je n'aurai pas le truc, j'y croirai!"
Que dire à
la suite d'un témoignage aussi poignant de sincérité
et originant de l'un des animateurs les plus respectés de France?
Geller a, à n'en point douter, un véritable pouvoir, mais
de quelle nature est celui-ci?
Deuxième acte : les démonstrations vidéos
D'entrée
de jeu, Uri Geller amorce: "J'aimerais bien que tous les Français
qui m'écoutent s'assurent qu'ils aient devant leur poste de télévision
des clés, des montres cassées, des cuillers... Tout à
l'heure nous pourrons peut-être réparer vos montres chez vous!
Allez chercher tout ce qui est brisé chez vous et mettez-le à
côté de vos téléviseurs. Nous espérons
que tout à l'heure vous connaîtrez une expérience tout
à fait spéciale..."
Michel Polac
enchaîne avec la projection de courts extraits vidéos illustrant
quelques exploits réalisés par le "médium" lors d'émissions
télédiffusées un peu partout à travers le monde.
On visionne ainsi une prestation faite à la télévision
japonaise (canal NTV) le 31 mars 1983 et montrant un bâton de golf
tenu à deux mains par un enfant et par Uri Geller (à un certain
moment, on peut même compter jusqu'à six ou sept mains sur
la canne). Durant quelques minutes, Geller masse avec insistance l'endroit
précis où le bâton allait plier — jusqu'à
finalement se rompre complètement — le tout dans un délire
d'admiration!
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, il ne s'agit pas
à proprement parlé d'une démonstration de télékinésie
(note 2) puisque Geller tenait le bâton à
deux mains. En outre, elle a été menée dans une grande
confusion et, chose certaine, sur ce film on ne voit pas le bâton
se tordre hors des mains de Geller. Cet exploit est d'ailleurs jugé
peu convaincant par l'animateur lui-même.
Pourtant,
à notre intention, Geller commente: "Il faut comprendre Michel que
des choses de ce type... vous savez la canne de golf je ne l'ai fait qu'une
seule fois dans ma vie, et voilà c'était la fois! Ce jour-là,
pour une raison tout à fait mystérieuse, j'ai eu une sensation
très forte qui me permettait de le faire. J'ai du mal à y
croire moi-même! Je ne peux comprendre qu'en fait la canne se soit
cassée en deux... en fondant. J'ai en fait réessayé
chez moi des dizaines de fois et cela n'a jamais marché. Il y a
donc quelque chose... qu'il s'agisse des enfants autour [de moi], de l'ambiance
ou de ma propre humeur. Je ne sais pas de quoi il s'agit exactement. À
l'évidence, vous montrez là quelque chose de tout à
fait fantastique, c'est assez extraordinaire!
"Mais je ne suis pas un homme à miracle, poursuit-il. Je ne suis
pas un magicien non plus, c'est certain (note 3), je
n'ai donc pas le contrôle absolu de tous ces phénomènes.
Ce que je peux toutefois vous garantir en tout état de cause, c'est
que ce que je ferai avec les téléspectateurs chez eux marchera
—
et
cela arrivera à des milliers et à des milliers de téléspectateurs!
Parce que ce n'est pas ma puissance, ce n'est pas mon pouvoir qui passe
à travers la caméra et jusque dans les foyers, ce n'est pas
le cas. En fait, je ne suis qu'un déclencheur et quand je dirai
aux enfants "Écoutez, croyez-y les enfants, croyez-y, vos montres
recommenceront à marcher", je ne ferai alors que déclencher
le pouvoir qui est en eux. Et ça marche! Alors ce soir, il y aura
des milliers et des milliers de téléspectateurs qui verront
des montres marcher, qui verront leurs cuillers se tordre, etc. Je ne suis
pas surpris, mais pas du tout. Je pense que chacun de nous a ce même
pouvoir..."
De cette façon,
avec une grande habileté, Geller s'attire la sympathie du public
tout en attisant leur imagination: même s'il ne contrôle pas
son pouvoir, il nous garantit que nous tous pouvons en faire autant! "Quel
jeune homme sympathique et extraordinaire" ne manqueront de penser certains
téléspectateurs... Cette approche produit d'ailleurs d'importants
bénéfices, comme nous le constaterons à l'acte cinq.
On nous montre
par la suite trois démonstrations de l'expérience classique
de télépathie que Geller réussit à tout coup.
Lisant apparemment dans la pensé d'un témoin (en l'occurrence
un personnage célèbre et intègre), notre médium
reproduit fidèlement un dessin fait avant l'émission par
celui-ci.
La première
séquence est tirée de l'émission japonaise de NTV
où Geller refait bel et bien la fleur tracée par une vedette
locale. La deuxième démonstration (identique à la
première) a été exécutée le 10 janvier
1987 à la télévision allemande ZDF (Geller a bien
"entrevu" un lapin vu de dos, en insistant sur les trois paires de moustaches).
Finalement, le 29 septembre 1986, sur les ondes de la BBC, il a redessiné
la maisonnette imaginée au préalable par l'animateur britannique.
Si la ressemblance entre les dessins est toujours frappante, dans ce dernier
cas, Geller va même jusqu'à reproduire la maisonnette à
la même échelle!
En commentaire,
il ajoute: "Il faut dire que tout ce que vous venez de voir, eh bien, ce
ne sont que des exemples de démonstration. Il ne s'agit pas d'expériences
[scientifiques]. J'ai fait ce genre d'expériences à l'Institut
de recherche de Stanford [SRI], en laboratoire, dans des conditions contrôlées.
J'y suis resté trois mois, j'étais enfermé dans des
salles spéciales (certaines étaient blindées) et des
dessins étaient faits à des kilomètres.
"Mais malheureusement,
les controverses m'ont toujours suivies. Ceux qui ne veulent pas croire
trouvent toujours une excuse; il y a toujours quelque chose... un truc
par ci, un trou par là... J'avais peut-être un laser ou des
produits chimiques à ma disposition, etc. J'ai donc décidé
de laisser de côté toutes ces expériences scientifiques
parce que j'en avais assez. J'étais simplement un cobaye et j'ai
vu que scientifiquement cela ne menait à rien. Et c'est pour cela
que j'ai disparu il y a dix ans. J'ai décidé d'utiliser mes
pouvoirs pour trouver des matières minérales et non plus
pour tordre des cuillers. [...] Dans l'avenir tout ce que vous voyez [aujourd'hui]
sera quelque chose de tout à fait ordinaire — tout le monde
sera capable de faire ce genre de choses..."
Troisième acte : deux sceptiques confondus
À la
suite de ces propos édifiants, Geller procéde à la
même démonstration mais en recourant cette fois aux deux sceptiques
présents en studio! Dans le cadre de ce débat, Michel Polac
a en effet convié Michel de Pracontal, journaliste pour L'événement
du Jeudi et auteur de L'Imposture scientifique en dix leçons,
ainsi que Jean-Michel Bader, journaliste à Science & Vie.
Geller explique ainsi sa démarche: "Avant l'émission, j'ai
demandé qui seraient les sceptiques présents, car j'avais
peur... Il y a des sceptiques qui sont plutôt sympathiques mais il
y en a d'autres qui sont carrément hostiles. Je me demandais si
les sceptiques qui se trouveraient ici seraient de la deuxième catégorie.
J'ai rencontré Jean-Michel [et son confrère] et j'ai pu me
détendre parce que j'ai vu que ce n'était pas des gens hostiles
(note 4). Mais ils sont sceptiques, bien sûr. [...]
J'ai donc demandé à ces messieurs de dessiner quelque chose...
mais [je suis convaincu] à 80 % que ça ne marchera pas."
Michel de
Pracontal apporte des précisions sur ce qui s'était passé
avant l'émission: "On a fait quelques essais [de télépathie]
mais ça n'a pas marché... c'est-à-dire que Uri Geller
nous a dit "Je vais essayer de lire votre pensée". Il nous a demandé
chacun notre tour de faire un dessin. Il ne regardait pas. Puis il nous
a dit d'y penser fortement et qu'il allait voir l'image mentale qu'on allait
former. Mais ça n'a pas fonctionné, alors il nous a dit de
garder les dessins. Donc moi j'en ai un dans ma poche..."
C'est alors
que Geller se concentre sur Jean-Michel Bader et qu'au bout de quelques
minutes il réussit à reproduire son dessin! Comme on s'en
doute, les deux sceptiques sont fort embêtés et l'un d'eux
a même tenté une esquive: "Cela ne constitue pas pour moi
une..." d'amorcer Jean-Michel Bader sous les rires généralisés
de l'assistance.
Invoquant
la possibilité que Geller ait pu tricher (puisque les dessins avaient
été faits en sa présence), de Pracontal propose une
autre démonstration: "J'ai un dessin dans mon cartable que j'ai
fait chez moi — je ne peux donc absolument pas avancer d'arguments
tels que la lecture au crayon. Ce dessin n'a été vu par personne,
il est dans une enveloppe et celle-ci est fermée. Je suis prêt
à recommencer maintenant..."
Ce sur quoi
réplique immédiatement Geller: "Attendez, on me prend pour
une machine! Ce n'est pas le cas, voyons... Je voudrais simplement vous
assurer qu'en tout état de cause ce que vous venez de voir c'est
quelque chose de réel et ne me racontez pas que...!" "Non, mais
je constate que vous ne relevez pas le défi" de répliquer
de Pracontal satisfait. Et l'animateur de venir à la rescousse de
Geller: "Vous saviez très bien [messieurs les sceptiques] dans quelles
conditions on vous a demandé de faire ce dessin. Donc vous étiez
là tous les deux et je pense que s'il avait triché, s'il
avait essayé de regarder votre dessin..., ça me paraît
tout de même un peu gros."
"Ce n'est
pas comme cela que nous devions faire l'expérience..." proteste
de Pracontal. "Ce n'est pas comme cela que je voulais faire l'expérience,
reconnut l'animateur, je suis d'accord avec vous. Nous voulions le faire
avec une enveloppe mais... Uri ne veut pas le faire. C'est vrai, mais c'est
déjà très fort."
Imaginez,
nous sommes venus à deux doigts d'assister à une démonstration
qui aurait pu balayer tout doute découlant du fait que les dessins
que devine Geller doivent être faits en sa présence!
Mais Geller s'est défilé avec la complaisance de l'animateur.
Quatrième acte : ah ces hommes de science !
La scène
suivante nous présente deux "savants" — deux spécialistes
dont on ne pourrait mettre en doute la crédibilité et qui
ont eux-mêmes constaté l'existence de phénomènes
paranormaux. Il s'agit de Charles Crussard, qui nous est présenté
par Michel Polac comme "l'un des plus grands ingénieurs métallurgistes
français". L'animateur spécifie que "si vous n'aviez pas
publiquement raconté [votre expérience], vous seriez aujourd'hui
membre de l'Académie des sciences". Ce que confirme d'ailleurs Jean
Bouvaist, un autre ingénieur métallurgiste.
Charles Crussard relate d'abord le phénomène qu'il a lui-même
vécu en 1974 alors qu'il regardait une émission où
Uri Geller proposait aux auditeurs de tenir en mains une cuiller, une clé
ou autre chose qui pourrait possiblement se tordre. «[Je n'avais
pas pris] une cuiller, dit-il, parce que moi j'aime bien les choses qui
sont nettes. C'était une pièce de métal nervurée,
épaisse et rigide, et je l'ai simplement tenue entre deux doigts.
Et à la fin de l'émission, quand la clé de Uri s'est
tordue, j'ai posé la pièce sur une table de verre et elle
avait une flèche de cinq millimètres...» (Note
5)
Comme le commente
Michel Polac "C'est tout de même extraordinaire!" et Jean Bouvaist
de renchérir: "Venant d'un scientifique tel que Charles Crussard,
cette affirmation aurait dû être un coup de tonnerre. Or rien
de tout cela [ne s'est produit]... En définitive, personne, même
ses amis et ses collaborateurs de longue date, n'a voulu croire un moment
à ce qu'il disait. Tout le monde a préféré
considérer... qu'il n'allait pas bien!" Bouvaist avoue lui-même
ne pas croire à ce qu'affirmait son confrère de renom: "Je
dois dire que [je suis] un détracteur de monsieur Crussard puisque
je n'ai jamais voulu le croire, comme tant d'autres scientifiques d'ailleurs."
Que penser
de tels propos? Comment expliquer qu'une autorité aussi prestigieuse
(rapporte-t-on) ait été incapable de convaincre ni ses collègues
ni ses proches? Pourtant non seulement ceux-ci connaissaient-ils bien celui
à qui ils avaient affaire mais ils ont sûrement eu tout le
loisir de l'écouter et d'examiner ses preuves. Jean Bouvaist parle
"de l'avis unanimement négatif de ses collègues [à
l'endroit de Crussard] après sa série d'expériences
qui avait déjà duré six mois". Curieux tout de même:
il doit pourtant y avoir de bonnes raisons pour expliquer que personne
ne croit ce "renommé savant"... (Nous en entreverrons d'ailleurs
quelques-unes par la suite.)
Cinquième acte : le témoignage d'un "groupie"
Michel Polac
fait alors intervenir un autre "savant de renom" — Elden Byrd — un physicien
qui a réalise des expériences avec Uri Geller. "Vous êtes
quasiment représentant officiel, déclara-t-il en guise de
présentation. Vous travaillez à la U.S. Navy, c'est pratiquement
comme si vous étiez lieutenant-colonel au Ministère de la
guerre en France. Vous avez fait une expérience avec Uri Geller
il y a dix ans sur un métal très particulier... [ce qui constitue]
l'une des expériences les plus difficiles à truquer, si vraiment
l'on continue à croire au truquage..."
"Il y a plusieurs
années, explique Elden Byrd, j'ai réalisé une démonstration
avec Uri Geller qui portait sur un alliage de métal: du titane et
du nickel. Ce qui est particulier avec cet alliage c'est qu'il a une mémoire
que l'on dit mécanique. Pour transformer cette mémoire, il
faut exercer une chaleur très forte, jusqu'à ce que le métal
soit chauffé à blanc." Le chercheur démontre alors
cette propriété à l'aide d'un petit file enroulé
en spirale. Chauffé à l'aide d'une allumette, ce fil se déroula
pour devenir droit, telle que l'avait enregistrée sa "mémoire
mécanique". Apparemment Uri Geller aurait réussi à
faire de même à main nue — sans donc porter le métal
à la température nécessaire. Il s'agirait là
d'un bel exploit en effet, mais ce qui est troublant lors de cet exposé
c'est la conclusion qu'en tire le chercheurs:
"Or, ce ne
sont pas mes expériences (ni celles des autres) qui m'ont convaincu
de la réalité du phénomène Geller. Ce ne sont
pas [non plus] les expériences de télépathie, ni celles
réalisées à l'Institut de recherche de Stanford, ni
même la modification de la mémoire de cet alliage. Ce qui
m'a vraiment convaincu de la réalité [du phénomène]
Uri Geller c'est le fait que j'ai vécu avec cet homme périodiquement
pendant un certain nombre de journées; son honnêteté,
son attitude à l'égard des autres humains dont il partage
le sort sur la planète, sa conviction selon laquelle il crée
quelque chose; il fait quelque chose pour le monde. La preuve de ses pouvoirs,
de sa capacité, est justement le fait qu'il dit que chacun de nous
peut tordre du métal, que chacun a ce pouvoir. Il n'a pas un talent
particulier, et la preuve de ce fait c'est que justement il y eu des réunions
de torsion de métaux dans le monde entier — moi j'en ai fait, des
enfants l'ont fait, etc."
Wow! Apparemment
lui non plus n'est pas impressionné par les démonstrations
du "médium" même si ce dernier aurait réussi un exploit
qui outrepasserait nos connaissances physiques. Non, ce qui convainc ce
"savant" c'est davantage la personnalité sympathique du personnage
et l'espoir qu'il suscite.
Franchement,
comme esprit rationnel, on aurait dû nous présenter quelqu'un
d'autre qu'un fan de Geller!
En outre,
les travaux de ce chercheur soulèveent une polémique dans
le cadre de l'émission: Uri Geller avait-il modifié la mémoire
du fameux métal? demanda l'animateur. Selon Charles Crussard: "Il
a modifié la mémoire, c'est-à-dire que c'est comme
si l'échantillon métallique avait été passé
à une température bien supérieure — la température
à laquelle on ne peut faire cette déformation qu'en laboratoire.
Et on sait bien que ce fil n'a pas été passé à
cette température..."
Ce "savant"
nous donne un premier indice des raisons qui font que personne ne le croit,
en tenant les propos suivants: "Je sais [qu'un] illusionniste a prétendu
avoir reproduit ce fameux pliage. Mais malheureusement pour lui, il a donné
des photographies. Or, il est absolument évident que la forme du
métal plié par Geller et celle pliée par l'illusionniste
n'ont aucun rapport au point de vue courbure. Ça je puis vous le
dire puisque j'ai eu les photos entre les mains."
"Mais a-t-il
effacé la mémoire ou ne l'a-t-il pas effacé, cet illusionniste?"
de s'enquérir Michel Polac. Charles Crussard de balbutier: "Il avait
tout de même, en faisant un pliage très aigu, laissé...
il subsistait tout de même une certaine déformation même
après chauffage... mais absolument pas aussi aiguë que celle
de Geller!" Et Michel de Pracontal d'insister: "Vous dites que c'est
le même effet, mais en moins fort?" Et le "savant", confondu et embêté,
de dire: "Eh, non, je ne crois pas..."
Sixième acte : les preuves scientifiques
Durant cette
émission, on nous a d'ailleurs montré quelques "expériences
scientifiques" qui mettent toutefois en vedette Jean-Pierre Girard (le
"Uri Geller français"). C'est ainsi que Jean Bouvaist exhibe une
barre métallique longue en apparence d'une trentaine de centimètres
et ayant un diamètre d'un centimètre, pliée en son
milieu selon un angle d'une quinzaine de degrés.
"Il ne s'agit
pas d'une barre de fer, précise-t-il, mais d'une barre en alliage
d'aluminium qui est très dur en soi. Pour la déformer, il
faudrait appliquer une force qui soit supérieure à 150 kilos.
Cette barre avait été soumise, avant que je ne la donne à
Jean-Pierre Girard, à un haltérophile pesant plus de cent
kilos et dont j'avais testé au préalable la force. Et cette
barre a été déformée à cinq reprises
par Girard."
Michel Polac
enchaîne: "Vous avez donc filmé en laboratoire près
de deux cent cinquante expériences..." Jean Bouvaist explique avec
une certaine excitation: "À la suite des 150 expériences
[de Charles Crussard], je dois dire que [...] ça ne passait pas;
je ne pouvais pas le croire. Je m'étais mis dans la tête que
je ne croirais que ce que je verrais, moi! Et malgré tout le respect
et la réputation de Charles Crussard, je n'accordais pas une minute
d'attention à ce qu'il nous disait. [!!!]
"Nous avions
donc préparé une douzaine de barres, dont celle-ci. Nous
nous sommes mis dans des conditions telles qu'il n'y ait aucun meuble à
l'endroit où nous nous trouvions (puisqu'il est connu qu'il y a
des possibilités de faire des bras de levier). Il fallait que Jean-Pierre
soit complètement bras nus, ce qui fut le cas. Et lorsqu'il prit
cette barre, elle était la seule et nous, nous l'observions à
quatre-vingts centimètres de distance. [...] [Lorsque Girard mit]
la main dessus, la barre se déforma comme si le métal était
fondu. La première réaction que j'ai eu [fut de] retourner
dans le bureau [et de] mesurer la température à la main:
elle était froide. Et c'est comme ceci qu'il a produit cinq déformations
dont j'ai les courbes."
Et de conclure
notre chercheur: "Ce que je veux dire c'est qu'à la suite de ça
je n'y croyais toujours pas: je me suis dit que le truc était bien
plus fort encore que je le croyais. C'est tout."
Michel Polac
annonce alors: "Vous avez fait des centaines de films vidéos, évidemment
dans des conditions où vous ne pensiez pas à ce qu'on les
montre à la télé. Il y a donc un défaut dans
ces documents: on ne voit pas la barre avant sa déformation [!]
— par exemple lorsque vous la mettez dans un tube en verre." Imaginez:
Bouvaist a filmé ces démonstrations mais pas pour les diffuser!
De fait, nous n'en verrons aucune...
À la
place, on projete des films de Charles Crussard — celui que personne ne
croit — où l'on ne voit aucune "manipulation paranormale" appliquée
à un échantillon mais uniquement des tiges et des barres
une fois celles-ci déformées. Ainsi, dans le premier extrait,
le chercheur montre une tige roulant chaotiquement et où il clame
avec enthousiasme qu'elle est désormais magnétisée:
"Donc il y a eu à la fois déformation et transformation de
structure." Or, manifestement, il n'avait fait aucune analyse pour soutenir
cette dernière affirmation.
Dans le deuxième
extrait, on nous montre une barre (30 cm sur 1 cm) déformée,
alors que Crussard s'empressait de souligner: "Il faut remarquer que le
frottement s'est produit à l'endroit de la flexion et que si l'on
avait voulu le faire mécaniquement, il aurait fallu appuyer au bout.
On ne peut pas plier cette barre avec un doigt." Or, comment a-t-elle été
tordue? On ne nous le montrera pas!
À la
suite de ces extraits, qui de l'avis même de l'animateur ne témoignaient
d'aucun phénomène paranormal, celui-ci nous informe: "Vous
nous avez dit monsieur Bouvaist qu'il y a un document de trois minutes
de la télévision allemande où l'on voit mettre une
barre droite dans l'éprouvette, la déformer, la retirer —
elle n'est alors plus droite (ce que là nous n'avons pas pu voir).
Nous essayerons de l'obtenir pour une prochaine émission..." "Avec
contrôle d'illusionniste" ajoute l'interpellé nous lançant
ainsi une autre preuve irréfutable mais invisible de l'existence
du paranormal...
Charles Crussard
renchérit en affirmant: "Il y a des milliers d'enregistrements,
dans quatre laboratoires (en Angleterre, au Japon, en Australie et chez
nous)" alors que son confrère clame avec culot: "Il y a à
peu près cent sujets sur lesquels il y a eu des documents scientifiques
de qualité." Toutefois ni l'un ni l'autre n'a été
en mesure de nous en montrer un seul qui soit potable — de sorte
que l'on imagine pourquoi plus personne ne les croit.
Comme d'habitude,
en matière de paranormal comme en pseudo-sciences, on nous raconte
toujours la même histoire: "les preuves irréfutables existent
mais nous ne pouvons vous les montrer parce que..."!
Première révélation : le "médium" de Pierre Bellemare
De retour à
Uri Geller, celui-ci tente néanmoins d'enclencher un phénomène
paranormal à l'échelle de la France: "J'aimerais bien savoir
ce qui se passe dans la maison des téléspectateurs puisqu'ils
attendent certainement, dit-il. Bien que vos montres soient cassées,
remontez-les. Remontez-les toutes, même celles brisées. [...]
Je voudrais que vous teniez vos montres [serrées] dans vos mains.
Pendant une minute, tenez-les bien et croyez-y! Croyez que ces montres
vont recommencer à marcher. Si vous avez une radio qui ne fonctionne
pas, si vous avez un téléviseur ou peut-être un sèche-cheveux...
eh bien, pendant une minute, croyez-y."
"Maintenant
les enfants, écoutez-moi: quand je dirai "un, deux, trois" criez
"marchez!". Et vous aussi à la maison: pendant trente secondes,
croyez que tout cela va se remettre à fonctionner. Alors: un, deux,
trois: "marchez"! Allez, allez-y! Plus fort! Et vous aussi chers téléspectateurs
même si cela vous semble un peu bébête. Un, deux, trois:
"marchez"! Un, deux, trois: "marchez"! Maintenant, ouvrez vos mains. Si
certaines montres ont recommencé àmarcher, eh bien appelez
le studio. Si ça marche, appelez Michel Polac. Donnez-leur Michel
le numéro de téléphone."
Geller est
toutefois déçu de découvrir que l'animateur ne joue
pas le jeu; "Non, je ne donne pas le numéro, dit celui-ci, car trop
d'appels vont arriver et le standard va sauter. On n'a pas voulu être
inondé parce que si l'on reçoit des milliers d'appels, on
ne peut pas les contrôler... Quelques personnes ont eu le numéro;
elles appelleront."
"Appelez alors les journaux, les revues..., rebondit Geller, dites-leur
ce qui s'est passé! (Note 6) Maintenant, si rien
ne s'est passé chez vous, ne soyez pas déçu non plus
car cela n'arrive pas à tout le monde et pas toujours non plus...
Mais est-ce que l'on saura si des gens ont appelés?" insista-t-il.
Puis Geller
tente de faire dévier l'aiguille d'une boussole, mais ce n'est qu'un
succès mitigé puisque celle-ci bouge à peine.
L'animateur
céde alors la parole au journaliste et animateur Pierre Bellemare.
Il y a quelques
années, celui-ci a réalisé une expérience révélatrice
à propos des phénomènes paranormaux que peuvent observer
les téléspectateurs durant une émission comme celle
à laquelle nous assistions. Avec brio, il fait le récit suivant:
"Je voudrais
en quelques mots dire que nous nous sommes intéressés à
ce genre de réunions en essayant de reproduire exactement les conditions
que vous avez d'ailleurs ce soir. Donc, nous avions d'abord cherché
un personnage un peu exotique — ce qui est le cas de Uri Geller (par rapport
à notre pays j'entends) — et nous avions eu la chance d'avoir avec
nous un Mauricien qui avait des dons électromagnétiques je
dirais particuliers. Nous avions choisi en même temps une date extrêmement
difficile pour réaliser cette expérience: le 1er avril. Il
est réputé en France que le premier avril on fait des blagues;
donc nous étions dans une mauvaise situation pour faire une expérience
de ce genre.
"Nous étions
dans un studio [avec] public, exactement comme nous l'avons aujourd'hui,
et nous avions pris la précaution (que vous n'avez pas prise Michel)
d'être en liaison avec SVP, donc d'avoir un énorme standard
[téléphonique]. C'est absolument indispensable — et là
ça manque beaucoup à Uri de ne pas avoir de standard [comme]
vous l'avez remarqué depuis tout à l'heure...
"Nous avions
dit ce que nous allions faire: c'est-à-dire que ce monsieur était
capable d'augmenter de manière sensible la tension dans les ampoules
électriques. On pourrait donc voir des différences dans la
luminosité des ampoules et d'autre part, au moment où cette
expérience se passerait, il y aurait des réactions animales
auprès des postes de radio qui seraient en liaison avec nous. Nous
avions demandé à toutes les personnes qui constateraient
ces différences électriques et des réactions animales,
de bien vouloir nous téléphoner immédiatement à
SVP.
"Également,
comme vous l'avez fait ce soir, nous avions des contradicteurs dans la
salle qui n'ont pas manqué de dire tout ce qu'ils pensaient de ce
Mauricien et que tout ce qu'il allait faire — sans exception! — allait
être obligatoirement truqué d'avance.
"À
partir de cet instant, nous avions demandé à ce monsieur
de se mettre en transe. Il a pris absolument les mêmes précautions
que Uri Geller (sur nos conseils bien sûr, car nous lui avions conseillé
de les prendre) en disant: "Attention ça ne marche pas à
tous les coups, ça marchera peut-être ce soir, mais il y a
de fortes chances que ça ne marche pas" — de manière à
ce que lorsque ça marchera, évidemment, ce soit un véritable
triomphe. Et toutes ces précautions étant prises — la contestation
étant en place, le standard étant en place... — nous avons
procédé àl'expérience.
"Cet homme
s'est concentré. Nous avions nous-mêmes des ampoules dans
le studio pour voir s'il ne se passerait pas quelque chose. Et en effet,
après quelques minutes de concentration, certaines de ces ampoules
ont commencé àavoir une intensité plus forte — une
a même éclatée! Puis des appels téléphoniques
sont arrivés: des ampoules éclataient chez les gens, puis
des chiens aboyaient devant les postes, etc., etc. Enfin, ça devenait
une véritable révolution en France! Nous avons reçu
près de 700 appels différents nous confirmant cette expérience.
"Mais c'était
un 1er avril et nous l'avions montée entièrement et de toute
pièce! Le Mauricien était un ami, serveur dans un restaurant,
et il n'avait aucun don. Il ne s'était strictement rien passé
mais, par une sorte de phénomène collectif, il était
mathématique que chez des milliers de personnes il y ait des milliers
d'ampoules qui claquent au même moment — parce qu'en ce moment même
alors que je parle il y a des ampoules qui claquent! Donc forcément
il y a des témoignages. Et comme les gens avaient un comportement
différent devant leur poste, les animaux qui sont très sensibles
au comportement de leur maître avaient eu des réactions un
petit peu différentes.
"Je veux dire
que nous nous sommes donc livrés simplement à une expérience
psychologique. Nous ne contestons pas un seul instant ce que dit Uri Geller,
simplement nous aimons particulièrement les propos [des illusionnistes]
Myr et Miroska quand ils disent à la fin de leur numéro:
"Si c'est vrai c'est extraordinaire, si ce n'est pas vrai c'est encore
plus fort!""
Suite à
ce brillant exposé, notre "savant" Charles Crussard se discrédite
davantage en contestant Pierre Bellemare: "Il y a des démonstrations
qui ont été faites par un illusionniste qui s'appelle Ranky
[et un collègue...]. Ils faisaient un tour [de passe-passe] que
je connais très bien qui donne l'illusion d'une flexion de barreau.
Ils disaient aux gens de se munir de pièces de métal et ils
déclenchaient dans l'assistance de véritables effets psi.
Autrement dit, ce n'est pas parce que l'émetteur [ne] fait [pas]
un effet véritable qu'il n'y a pas d'effets secondaires, puisqu'un
tour de prestidigitation peut induire chez les spectateurs de véritables
effets psi. Alors c'est plus compliqué que ce que dit Bellemare."
Ce sur quoi
l'interpellé répond éloquemment: "Vous avez la foi
monsieur! C'est beau!"
Deuxième révélation : oups... un médium saignant
Michel Polac
passe sur le champ au volet suivant: "Maintenant, en 1982, nous avions
montré dans cette émission un document que Roger Pic avait
fait à TF-1 sur la télékinésie et dans lequel
on voyait Jean-Pierre Girard faire un déplacement d'objets, toujours
sans y toucher. Il s'agissait de cubes de plastique que vous [Roger Pic]
lui aviez apportés." Repassant un extrait au ralenti l'animateur
commente: "Regardez bien s'il [...] ne pourrait pas y avoir un tout petit
fil de nylon caché entre le pouce et l'index et qui permettrait
très délicatement de faire bouger l'objet... C'est une question
que l'on peut se poser... Donc, à mon avis tout de même il
y a un petit doute."
Puis il enchaîne:
"Girard est venu chez nous la semaine dernière pour filmer la même
expérience mais compliquée par le fait qu'il avait mis un
aquarium en verre par-dessus afin d'éviter que l'on pense que des
fils de nylon permettraient de tricher. Voici donc l'expérience
— regardez bien, nous l'avons prise au moment où un objet bouge.
Regardez, regardez bien l'objet rouge, il va bouger deux fois..."
Avec émotion
Michel Polac commente "Toute mon équipe était là,
nous étions absolument superbement convaincus! La seule chose qui
me troublait c'était que Girard n'avait pas voulu que nous fournissions
nos objets (comme il l'avait accepté avec Pic) mais c'est lui qui
les avait apportés. Alors, j'ai dit: "Ne coupez pas les caméras,
on va enlever l'aquarium" et j'ai pris les objets. [...] Il y avait un
illusionniste choisi par monsieur Girard qui devait soi-disant vérifier
qu'il n'y avait pas de truquage et il avait amené cet aimant pour
prouver que rien n'était aimanté. En prenant l'objet rouge
dans ma main, j'ai vu que celui-ci était maintenant plus lourd:
ce n'était plus celui que j'avais pris auparavant!"
Sur la bande
vidéo on entend le dialogue suivant: "Ça c'est quoi là?
questionna l'animateur. Est-ce que l'on peut l'ouvrir maintenant? Je crois
que la seule solution pendant que les caméras tournent c'est de..."
Mal à l'aise, Jean-Pierre Girard soupire: "Écoutez, moi j'ai
fait mon expérience... " et il se lève à la sauvette.
Michel Polac constate: "Ce n'est pas probant" alors que le complice de
Girard tente de créer une diversion en racontant une histoire sans
rapport avec l'action.
De retour
en studio, Michel Polac commente: "Alors voilà. Pour moi c'est une
désillusion épouvantable, car effectivement l'objet rouge
qui a bougé était deux fois plus lourd que celui en bois
(dans lequel il n'y avait rien). Quand j'ai demandé à Girard
que l'on fasse une vérification (j'ai proposé qu'on le scie
ou qu'on le dévisse, puisque j'apercevais une petite vis en-dessous
du plastique), son associé a subtilisé l'objet et m'en a
redonné ensuite un autre en bois qui pesait deux fois moins lourd.
Alors là-dessus je pourrais dire: "C'est fini, je n'y crois plus,
c'est terminé!"..."
Imaginez!
Devant "toute la France", Jean-Pierre Girard — le médium avec
qui nos deux ingénieurs métallurgistes ont réalisé
des centaines d'expériences, dont certaines "prouvant" l'existence
de phénomènes paranormaux — était démasqué!!!
Septième acte : le pouvoir de Uri Geller
Et pourtant,
malgré tout, Michel Polac chancèle: "Bon, je dis personnellement,
après en avoir parlé avec ceux qui ont fait des expériences,
que ce n'est pas totalement négatif, car [les "médiums"]
ont tous reconnu avoir triché des dizaines de fois, étant
donné qu'ils ne réussissent pas leur coup à chaque
occasion. Alors là, je reste au même point."
Il demande
alors à Uri Geller s'il ne voulait pas tenter une dernière
expérience "parce que pour l'instant on n'en a pas!" "Écoutez,
répondit celui-ci, voyons ce que l'on peut faire avec les enfants.
Je voudrais que tous sortent leurs clés et les fourchettes aussi...
Les enfants, venez près de moi, venez, venez près de moi.
Maintenant... où est la caméra? Je voudrais montrer tout
cela à la caméra. Je vais commencer. Je dis à la cuiller:
"Tords! Tords-toi!"
Geller la
tient alors par le cuilleron d'une main et passe son autre au-dessus —
il la flatte — en s'assurant que l'on vit parfaitement ses gestes à
la caméra. "Tords-toi! Tords-toi... Vous voyez, je pense qu'il y
a une petite torsion, lente. Cuiller, tords-toi. Elle se dresse légèrement...
Tords-toi. Bon, une seconde." Geller juxtapose alors sa cuiller sur une
autre pour voir s'il n'y avait pas une légère flexion, mais
ce n'était pas le cas. Il recommence mais cette fois en se plaçant
de telle sorte que sa main droite nous cache totalement la cuiller.
"Bon, nous
recommençons. Tu te tords! Tords-toi! ... Vous voyez, je fais de
mon mieux mais ça ne marche pas àtous les coups... Regardez
vos clés aussi, peut-être y en aura-t-il une qui se tordra.
Ça commence, ça commence! Regardez! [Nous ne voyons toutefois
pas la cuiller en train de se tordre, seulement lorsqu'il enlève
sa main la voyions-nous très légèrement pliée.]
Comme vous pouvez le voir, ça commence. Le problème c'est
qu'il s'agit de cuillers qui sont très solides. Je ne sais pas pourquoi
vous avez apporté des cuillers aussi épaisses. Elles sont
très robustes!"
Comme la démonstration
ne se réalise pas véritablement, Geller déclenche
une véritable tornade de confusion durant laquelle nous perdons
totalement de vue la cuiller qu'il gardait en sa possession: "Attendez!
Les enfants, venez autour de moi. Allez debout, montez, montez! Alors faites
comme moi, faites comme moi avec la main. [Il demande à quelques
enfants de poser leurs mains sur la cuiller de sorte que celle-ci est ensevelie
sous cinq, six ou sept d'entre-elles.] Allez-y et dites "Cuiller tu te
tords, tu te tords!" Dites-le. [Et les enfants crièren: "Tords-toi!
Tords-toi!"] "Bon, voyons. C'est très peu, très peu. Peut-être
encore un petit peu. Mais ça c'est du réel! Ce n'est pas
quelque chose que nous puissions contrôler véritablement...
N'y a-t-il pas quelque chose de plus fin, peut-être une cuiller moins
épaisse? En tout cas, vous l'avez bien vu se tordre."
Oh que non!
nous n'avons absolument pas vu la cuiller se tordre. Nous avons dès
lors sous les yeux une cuiller légèrement tordue, mais nous
ne l'avons pas vu se tordre, nuance! Michel Polac confirme d'ailleurs ce
fait: "Non. Les incrédules ne seront absolument pas convaincus...
C'est vrai qu'il y a une torsion, mais..."
La démonstration
qu'a ainsi réalisé Geller ne correspondait absolument pas
à celles que décrivent tant de témoins convaincus
(tel que décrit à l'acte premier), c'est-à-dire que
celui-ci réussit une torsion d'envergure, en quelques secondes et
avec une facilité déconcertante. Elle correspond toutefois
davantage à celles que nous rapportent les sceptiques (dont les
magiciens Randi et Majax) au cours desquelles Geller provoque une confusion
générale et fait de nombreuses diversions.
En outre,
sa méthode telle que nous l'ont rapportée ces détracteurs
s'en trouve magnifiquement illustrée. Au départ, Geller fait
en sorte que nous ayons bien en vue la cuiller qu'il flatte. Toutefois
on la perd par la suite du regard alors que la torsion est réalisée.
De la sorte, les spectateurs crédules conservent le souvenir d'avoir
bien vu la cuiller (ce qui est exact) se tordre sous leurs propres yeux
(ce qui est faux). Geller nous révéle ainsi un côté
astucieux de sa personnalité: son remarquable sens de l'illusionnisme!
Troisième révélation : Majax confronte Geller
Dès
lors, le délire et l'incrédulité envahissent complètement
le plateau et c'est dans cette atmosphère que se produit le coup
de théâtre (dans tous les sens de l'expression), c'est-à-dire
l'arrivé en trombe de Gérard Majax, illusionniste français
et farouche détracteur de Uri Geller!
Apostrophant
l'animateur, Majax s'écrit: "Vous m'avez gardé dans une pièce
à côté... Je devais intervenir il y a vingt minutes
et..." "Je ne vous ai pas fait venir, rétorque celui-ci, pour la
bonne raison que l'expérience prévue n'a pas eu lieu." "Mais
on a vu des choses, d'enchaîner le magicien. Vous avez un club de
golf monsieur Ladislav de Hoyos? La première chose que l'on a vu
ce soir c'est un club de golf..."
Soudain se
lève dans l'assistance un complice de Geller qui tente de créer
une diversion en criant: "Monsieur Polac, une chose très importante
que l'on n'a pas dite ici — et c'est très important! — c'est l'utilité
de la chose..." Majax ne s'en laisse toutefois pas imposer. Posant la main
de l'animateur sur la partie avant du bâton, il ordonne: "Touchez!"
"C'est dur" constata celui-ci. Le magicien poursuit sa démonstration:
"Voilà, mettez votre main au-dessus. Il faudrait qu'on le voit bien
à l'écran. Passez votre main dessus, passez votre main. Pensez-y!
"Belie"! "Belie"! [Et la canne plia comme du caoutchouc, d'un angle atteignant
les 35 degrés.] J'ai un pouvoir moi aussi maintenant!..." On voit
brièvement Uri Geller, la figure déconfite.
"Et maintenant
le truc de la boussole..., enchaîne immédiatement Gérard
Majax. Regardez la boussole. Je vous passe les enfants, même si ce
serait bien mieux avec eux. Regardez... et voilà!" Il fait tournoyer
l'aiguille de celle-ci beaucoup plus violemment que Geller l'avait fait
plus tôt. "Maintenant je vais faire la cuiller tordue..."
Quelqu'un
dans l'assistance réclame plutôt la démonstration de
télépathie: "Et le dessin, dit Majax, il faudrait que moi
aussi je puisse faire faire un dessin avant l'émission à
quelqu'un... parce que vous m'aviez promis que l'expérience serait
faite avec un appareil où vous regardiez le dessin dans une boîte
de carton."
Michel Polac,
quelque peu malmené, admet effectivement: "Oui, je reconnais que
Uri Geller n'a pas voulu." "Uri Geller n'a pas voulu! s'écrie triomphalement
Majax en enchaînant: Et la cuiller tordue, il l'a fait avec plein
de détournements d'attention. C'est de l'illusionnisme! Malheureusement,
ce n'est que de la tricherie. On vient d'assister à une gigantesque
mascarade et si j'avais plus de temps, je vous le montrerais en détail...
Rien n'a été fait ce soir de probant: comme d'habitude on
a employé les systèmes dénoncés par Pierre
Bellemare."
Et dans tout
ce fouillis, Uri Geller, visiblement confu, tente de s'expliquer: "Un magicien...,
un illusionniste... peut réussir un certain nombre de trucs... Attendez!
Bon, quand vous avez deux peintures — deux Picasso — il y a un vrai et
il y a une imitation... Je ne sais pas ce qu'il a dans ses poches!" À
cette accusation adressée à Majax, celui-ci rétorqua:
"Montrez-moi vos ongles? On vous a fouillé avant?"
Tentant de
rétablir un semblant d'ordre, Michel Polac fait l'aveu suivant:
"Le problème, c'est qu'il y a encore des gens qui continuent à
ne pas y croire et je suis ce soir de ceux-là!"
Malheureusement,
il passe à un tout autre volet au lieu de laisser poursuivre la
confrontation. Qu'il aurait été instructif de laisser
Uri Geller s'expliquer enfin en présence d'un illusionniste chevronné...
Quatrième révélation : des livres paranormalement faux
L'animateur enchaîne en effet promptement: "Nous avons passé
beaucoup de temps durant le mois précédant l'émission
à essayer de vérifier tout ce que dit Uri Geller dans son
livre (note 7). [...] Il y a des témoignages extraordinaires,
dont certains que nous avons voulu vérifier. Par exemple, il dit
que dès l'âge de quatre/cinq ans, il a [étonné]
tous ses camarades et les professeurs de son collège. Nous avons
réussi à rejoindre monsieur Marc [Thirsk?] qui était
professeur de géographie et d'enseignement religieux. Il confirme
que Geller était un enfant tout à fait normal et il n'a aucun
souvenir de dons particuliers. Mais néanmoins — c'est là
qu'il y a toujours un trouble — il se souvient qu'un jour Geller lui a
dit: "Les soucoupes volantes, ça m'intéresse" et lui a demandé:
"Est-ce que Jésus peut arrêter les réveils?" Phrase
qui est tout de même assez troublante! ...
"Au siège
de IBM et de Wang, il aurait arrêté des disquettes — expérience
que nous aurions voulu faire avec l'ordinateur (démagnétiser
des disquettes) mais que Uri n'a pas souhaité faire ce soir. Bon,
à Wang, on ne s'en souvient pas. Mais par contre Carolyn Atkinson,
qui travaille au service des relations publiques de cette entreprise affirme
avoir effectivement assisté à l'expérience en compagnie
d'un journaliste de News of the World (un journal populaire)...
IBM: aucun souvenir de l'expérience rapportée à San
Diego [même s']il y a une photo dans le livre. Nous n'avons pu avoir
aucune confirmation...
"Dans votre
livre, vous dites que vous travaillez pour des compagnies minières
et pétrolières et que vous avez donc découvert un
certain nombre de choses assez exceptionnelles. Notamment le Financial
Times a publié en janvier 1986 un article très détaillé
où il explique que vous avez découvert pour la Zennec une
mine dans les îles Salomon. Ce journal a vérifié et,
en effet, le président de la Zennec (monsieur Stirling) a reconnu
la chose. Nous, nous lui avons téléphoné, mais il
a refusé de nous confirmer ou d'infirmer...
"Donc nous
avons fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de vérifications pour beaucoup
de choses — il faut bien le dire — mais nous n'avons pas trouvé
la preuve que nous cherchions."
Et l'animateur
de poursuivre: "Nous avons fait la même chose pour monsieur Girard
qui a écrit un livre où il raconte sa vie. Nous avons envoyé
un journaliste dans le village de son enfance, là où lui
aussi disait que tout le monde se souvenait qu'il avait des dons particuliers
— notamment à l'école où il devinait la question de
l'institutrice avant qu'elle ne la pose. Hélas! dans le village
de monsieur Girard, impossible de trouver quelqu'un qui se souvienne de
ses dons."
Démasqué
une seconde fois, Jean-Pierre Girard amorce timidement une réplique:
"Ils sont tous morts..." "Mais non, trancha l'animateur, il y a des gens
qui étaient en classe avec vous, mais personne ne s'en souvient!"
Comme quoi
l'on ne peut croire tout ce qui est écrit dans les livres (quels
qu'ils soient, notez-le bien).
Conclusion : Rien de probant encore une fois, mais...
En toute fin
d'émission, le journaliste Ladislav de Hoyos fait le commentaire
suivant: "Je voudrais juste vous dire que personnellement je n'ai absolument
pas été convaincu pas les expériences de Uri Geller.
Je voudrais simplement faire remarquer, en homme de télévision,
que toutes les séquences que nous avons vues [...] étaient
très très mal réalisées. Je ne mets pas du
tout en doute la science des experts qui ont assisté à ces
expériences, mais c'était vraiment mal filmé et si
on le veut d'une manière probante, ce n'est pas comme cela qu'il
faut s'y prendre."
Quant à
Michel Polac, il nous lance l'ultime aveu: "Comme quoi c'est vraiment un
monde! C'est un monde où vraiment nous ne nous y reconnaissons pas...
Mon équipe peut témoigner, envers et indépendamment
de moi, que ma fourchette il me l'avait tordue bon sang de bonsoir! Et
ce soir je n'y crois plus! Voilà! Je suis désolé Uri,
je n'arrive plus à y croire. Vous n'avez pas réussi une expérience
probante ce soir. Je suis désespéré; j'ai perdu la
face aux yeux de toute mon équipe!"
De tels propos
font bondir l'ingénieur Bouvaist: "Et rappelez-vous quand même,
pour avoir un doute, l'auto-expérience de Charles Crussard ici présent.
C'est un menteur?" Ah ces pauvres "savants", malheureusement pour
eux, plus personne ne les croit!
———————
(1) Notez qu`afin de faciliter la compréhension
des évènements, nous avons remanié quelque peu le
déroulement de ceux-ci, tout en simplifiant les dialogues, sans
toutefois jamais altérer la nature des échanges. (Retour
au texte)
(2) Du moins tel qu'on le définit
en page 11 de l'ouvrage L'effet Geller, rédigé par
Uri Geller et Guy Lyon Playfair: la télékinésie nous
y est présentée comme le "mouvement d'objet sans contact
physique". (Retour au texte)
(3) Pourtant dans son ouvrage Geller
avoue avoir fait des trucs de magie sur scène. (Retour
au texte)
(4) Qui sont les "bons" et qui sont
les "mauvais" sceptiques? James Randi rapporte que Geller refuse systématiquement
de se produire devant des illusionnistes... à moins qu'il ne les
choisisse lui-même. On peut donc se demander si les "bons" sceptiques
ne seraient pas ceux qui n'ont pas l'habileté de détecter
des tours de passe-passe. (Retour au texte)
(5) On peut se demander si la tige que
tenait monsieur Crussard n'était pas déformée avant
l'expérience. En d'autres mots, s'il l'avait posée sur la
table dès le départ, n'aurait-il pas constaté cette
légère déformation? Malheureusement, il ne fut plus
possible par la suite de vérifier une telle hypothèse...
(Retour au texte)
(6) Dans son ouvrage Le grand bluff
(page 17), Gérard Majax explique que les montres anciennes ne se
cassent pas complètement. Elles s'arrêtent mais il suffit
de les secouer un peu tout en réchauffant leur graisse pour qu'elles
puissent fonctionner un temps... "Les horlogers experts ont été
catégoriques sur ce sujet" affirme-t-il. (Retour
au texte)
(7) C'est-à-dire L'effet Geller
publié en 1987 aux Éditions Pygmalion/Gérard Watelet
.(Retour au texte)
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