Mon premier contact par le net

Mon premier contact par le Net

        Par un certain vendredi soir, ne sachant trop que faire, je visite l'un des réseaux de rencontres de la Toile que je venais de découvrir un peu par hasard. J'y trouve des dizaines de petites annonces de quelques lignes. La plupart me paraissent «ordinaires».
        Toutefois, à force d'en lire, je finis par tomber sur une annonce qui me semble un peu spéciale. Il s'agit d'une certaine Nicole qui se présente simplement comme une «jolie femme de 39 ans...» Elle pique particulièrement ma curiosité puisque, contrairement à bien d'autres, elle indique qu'elle «croit à la sensibilité, aux valeurs humaines et au partage». De plus, elle se dit curieuse, enfantine, sensuelle, avec un «look classy-sexy». Elle cherche «un bel homme diplômé universitaire, sensible, ayant de belles valeurs humaines avec le goût de vivre une relation saine où tout est à découvrir».
        C'est la première fois qu'une annonce pique à ce point mon intérêt. Sur-le-champ, j'ai le goût de lui répondre, mais je ne sais trop quoi lui dire. Comment écrit-on à une inconnue? Je me couche le soir venu en y songeant; la nuit portant conseil dit-on, laissons passer un peu de temps.

Le lendemain matin, plus inspiré, je lui écris un court courriel curieux de voir ce qui se cache derrière cette Nicole. J'amorce ainsi simplement ma lettre:

Bonjour Nicole,

J'ai lu votre message et vos propos m'ont plu, car comme vous, je crois à la sensibilité, aux valeurs humaines et au partage... J'enchaîne ensuite avec une brève présentation teintée d'un brin d'humour. Puis je lui glisse:

Pour être un peu plus sérieux, disons que je rêve d'une douce compagne avec qui passer de bons moments, des moments de folie, de tendresse et de complicité. Une compagne avec qui je pourrais parler de tout, me balader, aller au cinéma, etc. Rien de bien compliqué, somme toute!

Et je termine:

Si ça vous tente d'en savoir davantage, écrivez-moi. Parlez-moi de vous sans crainte, et qui sait où conduiront nos échanges.

Quoi qu'il en soit, bonne chance et au plaisir. Le lendemain matin, quel bonheur, j'ai une réponse:

Bonjour,

    J'ai bien aimé ce que tu m'as écrit. Tout paraît si simple. Il y a un vent d'équilibre dans tes propos.
    Je suis aussi très simple mais j'aime ajouter une touche de vie dans mon habillement. Je me considère comme une femme équilibrée. Je ne recherche pas un partenaire à tout prix. J'aime la vie en ce moment mais un partage à deux est un enrichissement. La paix et la tranquillité avec un être cher sont un beau cadeau de la vie. J'ai cependant besoin d'apprivoiser la personne, de bien la connaître.
    J'ai par contre un vilain défaut, je fume la cigarette. Je ne me considère pas une grosse fumeuse. Une descente graduelle vers l'arrêt. J'ai trop souvent arrêté rapidement, ce qui ne m'a apporté que des échecs. Pour l'instant, j'écoute mon corps qui m'envoie des signaux de ralentissement.
    Le matériel, j'aime bien pour bénéficier d'un certain confort, pour rendre la vie plus agréable et nous permettre d'accomplir des activités amusantes.
    Alors voilà, pour l'instant,
    À bientôt,
Nicole         Quel beau petit message, me dis-je. Nicole me semble douce, franche, réfléchie et toute simple. Ces attentes semblent correspondre aux miennes; pas trop pressée mais qui rêve d'une belle rencontre. J'envisage lui répondre ce soir mais, après le dîner, n'y «tenant plus», je lui écris ceci:

Bonjour chère Nicole,

    Ton courriel me fait rêver. J'aime ta franchise et ton ton simple; tu ne crains pas de me dire certaines choses qui pourraient être un peu «risquées». Mais non, j'apprécie ton honnêteté et ton ton direct, deux qualités que je fais miennes.
    J'apprécie également ta vision des choses, qui correspond pas mal à la mienne. Comme toi, j'aime la vie en ce moment mais je rêve d'un partage à deux, de paix et de tranquillité avec une dulcinée. En fait, ce qui me manque le plus ces temps-ci, ce sont les dimanches matins, alors que celle que j'aime est blottie contre moi, la tête sur mon épaule, et qu'on échange en toute simplicité des tas de confidences et de moments de folie. Ah, le bonheur!
        Tu as besoin d'apprivoiser l'autre et de bien la connaître? Super, car je n'ai pas le goût de m'«embarquer solidement» de sitôt dans une relation. Je dirais même que, ces temps-ci, je file plutôt pour l'amitié, pour prendre le temps de faire connaissance, de s'apprivoiser et aussi de vivre le rêve de la rencontre d'une belle complice. Je ne cherche nullement l'aventure.
    Qu'en penses-tu, chère Nicole?
    J'aimerais que tu me parles davantage de toi. Que fais-tu dans la vie? À quoi t'intéresses-tu? De quoi rêves-tu?         Le mardi matin, je trouve dans mon courriel une réponse:

Bonjour,

    Je suis contente que mon envoi t'ait amené un certain goût du rêve. Chose que j'ai perdue un peu à force d'être trop souvent en contact avec les correspondances sur le Net. Cela m'a fait développer un côté très terre-à-terre (côté qui ne me ressemble guère) mais le désillusionnement m'a amenée à être un peu plus méfiante. Dommage, on perd beaucoup comme cela. Tu sais, les correspondances mentales sont une chose, l'énergie et l'image physique en sont une autre.
    J'ai aimé ton honnêteté; au moins tu positionnes l'autre, cela je l'apprécie beaucoup. De mon côté, je suis une femme -- comme je te l'ai déjà dit -- un peu désillusionnée et méfiante. Il y a eu beaucoup d'hommes qui m'ont fait la cour pour m'apercevoir en bout de ligne que tout cela n'était pas vraiment solide. Ils ont tous apprécié les moments qu'ils ont eus avec moi mais, pour différentes raisons, ils n'ont pas respecté les paroles dites. Certains sont restés en contact avec moi et j'ai appris à passer l'éponge.
    Je suis effectivement une personne franche et directe, certains diront que je suis un peu leur miroir, chose qui n'est pas l'idéal, car je confronte les gens. Hmmmmmmm, j'espère que je ne te fais pas trop peur avec tout ceci.
   Tout cela m'a donné une certaine confiance envers toi. De là mes propos de ce matin plus profonds.
    Je dois te quitter maintenant,
    Bonne journée,
Nicole         N'ayant pas le goût de travailler ce matin-là, je consacre une partie de la matinée à lui répondre.

Bon matin chère Nicole!

    Alors que toi tu m'écris avant d'aller travailler, moi je te réponds durant mon heure de dìner. C'est l'fun, je me lève et lis ton message. Ça commence bien la journée, même si ça «dérange» un peu mon avant-midi!
    J'ai bien apprécié ton long message même si tu dis être méfiante et un peu désabusée. Je te comprends car j'ai moi aussi passé par là, par la rencontre de belles personnes qui hélas n'aboutisse à rien, par moults espoirs déçus. Et, pour cette raison, j'ai décidé de prendre mon temps, de prendre le temps de faire connaissance sans trop développer d'attentes mais en goûtant au rêve que la démarche procure.
    Je comprends également ta méfiance puisqu'il y a tant d'hommes qui racontent n'importe quoi (et pas mal de femmes aussi!). Je vais donc jouer franc jeu avec toi, être franc, réellement franc.
    Ainsi, je dois t'avouer que tu n'es pas «la seule» dans les parages ces temps-ci! Rassure-toi cependant. En fait, j'ai découvert le réseau de rencontres sur le Net vendredi soir dernier. J'ai lu toutes les annonces de femmes -- y'en a beaucoup! -- et tu as été la seule à qui j'ai répondu, la seule. Par contre, étant «participe-actif», j'ai placé une annonce. Et depuis, j'ai reçu quelques belles réponses car, comme je m'y attendais, il y a des gens de qualité qui recourent à cette méthode pour faire connaissance. Mais, pour être encore plus franc -- et non pas pour te «flatter» -- tu es celle qui me plaît le plus, honnêtement.
    Car plus je te lis, plus j'ai l'impression d'avoir à faire à quelqu'un de bien, à une femme franche et directe, et réfléchie. Et ça tombe bien parce que moi aussi je suis franc et direct. La réticence et le désabusement que tu éprouves, moi aussi je le connais mais je me dis qu'il faut bien prendre des chances, -- des risques calculés -- pour avoir la chance de rencontrer.
    Si tu vas voir ma petite annonce, tu découvriras que je me suis permis de lancer la réflexion suivante: «Si je puis me permettre un commentaire. Il est possible, me semble-t-il, de rencontrer quelqu'un de bien par l'entremise de ce genre d'annonces à condition de parvenir à surmonter deux obstacles. Premièrement, les attentes irréalistes de part et d'autre: celles qui cherchent l'homme idéal -- beau, grand, riche, communicatif avec sens de l'humour poussé -- éprouveront autant de difficultés que ceux qui attendent le top modèle bien dans sa peau et sans défaut! Le deuxième obstacle, c'est le fameux «ça clique ou ça clique pas!» Est-ce parce que nous vivons dans une société de fast-food qu'on s'attend à rencontrer sur-le-champ l'âme soeur qui comblera tous nos désirs? Pourquoi ne pas prendre le temps de faire connaissance?»
    Tout ça pour te dire, chère Nicole, que si je désire prendre le temps de faire connaissance par courriel, puis éventuellement par téléphone, ce n'est pas «pour te mener en bateau» mais par désir de faire une belle rencontre dans les meilleures conditions.
    Si ça te tente, en lisant mes messages, laisses-toi rêver mais rêve à un être humain avec son lot de qualités et de défauts.
    Au plaisir et bonne journée!         En soirée, je reçois un deuxième message de Nicole. Yabadabadooo!

Bonjour,

    Eh bien, on a tous notre petite routine dans la lecture de notre courrier. Aujourd'hui, c'est différent: je te réponds le soir. Peut-être y verras-tu une différence? ;-)
    Je me suis faite emmerder par un gars qui avait répondu à mon annonce. C'est lorsque je lui ai dit que je n'étais pas attirée par les noirs qu'il a commencé a écrire plein d'annonces sur le site avec mon adresse de courrier électronique. Cela m'emmerde et me fait peur de correspondre avec des gens. En voyant ton nom qui apparaissait, ça m'a réconfortée. Je me suis dit okay, ce n'est pas lui qui récidive. Ahhhhhhhhh la race humaine des fois! Je reçois pleins d'e-mail en réponse à l'annonce qu'il a posée, et bien des bêtises. Cela ne m'amuse pas du tout. Bon, on verra, j'ai avisé l'administrateur du site. J'espère qu'ils ont des moyens pour contrer ce genre de phénomène. Bon okay.
    C'est amusant, on joue au jeu de la franchise. C'est normal que tu communiques avec d'autres personnes. Tu sais avec moi cela ira peut-être nulle part. Alors c'est intelligent de garder plusieurs portes ouvertes. Par contre, c'est très flatteur de me dire que tu aimes mes communications. Une bonne personne, oui je crois que je le suis. En fait, tous les gens sont de bonnes personnes jusqu'à temps qu'ils posent des actions déplaisantes. Tout le monde veut plaire mais chacun à sa façon. La race humaine est bien compliquée.
    Suite à ton annonce, je peux te répondre: «Ahhh, je croyais que tu étais l'homme idéal, beau, grand, communicatif, riche, le top modèle quoi ;-) un prince charmant ;-)» Qui es-tu au juste?
    Aahhhhh, je dois partir, je continuerai demain matin.
    À tout à l'heure,
Nicole         Le mercredi matin, je lui réponds et les échanges se poursuivent... Jeudi matin, Nicole m'écrit:

Bonjour,

    Tu sais, cette mauvaise expérience sur le net avec ce gars m'a fait reculer dans mes contacts internet. Je me suis dit que je suis peut-être mieux de rencontrer les gens dans la vraie vie. Au moins, on est tout de suite en contact avec l'énergie des gens, ce qu'ils dégagent. On s'épargne les mauvaises surprises.
    Je suis assez sélective dans l'apparence physique, c'est très primaire comme critère mais je suis comme cela. Tu vois, je ne suis pas la femme idéale non plus; j'ai des critères assez «basic». Ce n'est pas la même chose lorsque l'on rencontre quelqu'un dans la vie et que l'on apprend à découvrir la personne à travers différentes activités.
    Bof, enfin tu vois, je recule de beaucoup.
    Il manque quelque chose dans ce contact sur le net. On entre en contact avec les gens, en étant assez handicapé, car bien des notions nous sont totalement inconnues. Le style de la personne, l'échange des fusions entre les personnes.
    Le fait de voir une future rencontre au loin me fait peur. La peur d'être décue, la peur de rencontrer une nouvelle énergie qui m'est totalement inconnue. Cela serait tellement plus plaisant de se rencontrer et de se découvrir dans la routine de la vie.
    Bon, c'est pas rose tout cela.
    Bonne journée, amuse toi bien :)
Nicole         La suite logique à de tels propos est de rapidement passer à l'étape suivante: la conversation au téléphone. Je donne donc à Nicole mon numéro de téléphone en la laissant libre d'agir à sa guise. C'est ainsi que le vendredi soir, elle me téléphone. Ah, ah!

Elle commence par me demander si je ne suis pas étonné qu'elle m'appelle ainsi. Je lui dis que non, puisque je me doutais bien qu'elle me téléphonerait d'autant plus qu'elle ne m'a pas écrit ce matin. Nous commençons ainsi tranquillement la conversation. Elle a une voix «grave» et un peu éteinte; elle ne me semble pas pétillante de vie.

On parle un peu du magnifique temps que nous avons. J'apprends qu'elle habite «à la campagne», sur un grand terrain où il y a plein d'arbres (moi qui croyais qu'elle était en ville). Ensuite, Nicole me dit relativement peu de choses sur son travail; son ton est plutôt monocorde; ce n'est pas le grand enthousiasme.

J'apprends aussi qu'elle adore les chevaux. Chaque semaine, beau temps mauvais temps, elle fait de l'équitation. À un moment donné, elle lance que sa jument a «un carectère de femme, un caractère changeant et incompréhensif» et elle ajoute: «Je ne sais pas comment vous faites, vous les hommes, pour vivre auprès d'une femme! On n'est pas des cadeaux!!!» Étonnant.

Cela nous amène à jaser longuement, la conversation est bien engagée et nous passons ainsi un bon deux heures au téléphone. C'est agréable et intéressant puisque nous parlons des vraies choses. Mais plus je parle avec Nicole, plus j'ai l'impression qu'elle n'est pas vraiment prête à rencontrer. Elle me semble sereine mais un peu désabusée. Elle a fait pas mal de démarches et a rencontré plusieurs gars mais, chaque fois, il y a toujours un petit quelque chose qui cloche. Conséquemment, malgré que notre conversation soit dynamique, je n'ai pas l'impression qu'elle soit prête à s'impliquer dans une relation ni même qu'elle soit mûre pour une rencontre.

Au bout de deux heures fort intéressantes, je mets un terme à la conversation en lui lançant que j'attendrai un message d'elle ou un appel. On se laisse ainsi en très bon terme, mais je ne pense pas qu'il y aura une suite.

De fait, il n'y en aura pas. Hélas, mon premier cyber-contact se termine un peu abruptement après une semaine seulement. Bah, il y a les autres...

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