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Ma démarche

     Comment puis-je affirmer raconter ici l’histoire de l’exploration spatiale comme on ne l'a jamais fait?
     C’est par inadvertance que j’en suis venu à ce constat.

     Me passionnant pour l’exploration spatiale depuis plus de quarante ans (voir ci-contre), j’ai récemment entrepris de relire le New York Times des années 1950 pour voir comment on y décrivait les événements. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ceux-ci ne sont pas relatés tels que je les ai si souvent lus ailleurs. Plusieurs articles vont même à l’encontre de ce que «tout le monde sait». J’ai aussi découvert quantité de faits significatifs que l’Histoire néglige depuis.

     Évidemment, nous savons beaucoup plus de choses aujourd’hui qu’à l’époque, notamment grâce aux recherches historiques qui ont été réalisées ainsi que par le biais des biographies et mémoires rédigés par ceux qui ont participé à l’aventure. C’est particulièrement le cas avec l’ouverture des archives soviétiques et du fait que les pionniers russes peuvent enfin parler.
     Il ressort de tout ceci une «triple» histoire.  Il y a d’abord celle connue du grand public et qu’on retrouve dans bon nombre d’ouvrages. Il y a ensuite l’histoire pour les spécialistes, les ouvrages savants qui fouillent à fond divers aspects de l’exploration spatiale. Il y a enfin l’histoire telle que relatée au quotidien par un journal aussi crédible que le New York Times.  Or, si chacune raconte la même trame de fond, chacune rapporte pourtant un récit assez différent. 

Les Spoutnik et Laïka

     Pour vous donner une idée, je citerai les faits suivants qui, bien qu’il s’agisse de détails, colorent néanmoins différemment l’histoire généralement acceptée.
     La grande majorité des livres relatent que le 4 octobre 1957, les Soviétiques ont surpris le monde en lançant Spoutnik 1 puis, un mois plus tard, Spoutnik 2 avec à bord le chien Laïka.  Or, lorsqu’on lit les journaux de l’époque, on découvre non seulement qu'on avait été prévenu mais, surtout, que les deux satellites ne s’appellent pas Spoutnik.  Ils n’ont pas de noms. Pour les Soviétiques, il s’agissait simplement du «premier satellite artificiel de la Terre» et du «deuxième satellite artificiel de la Terre».  De même pour Laïka: ce n’était pour eux qu’un animal de laboratoire, sans nom, de race laïka (une lignée de chiens eskimo).
     C’est plutôt nous en Occident qui avons plus tard nommé ces satellites Spoutnik 1 et Spoutnik 2.  De même, nous avons baptisé le chien Laïka, celui-ci représentant à nos yeux bien plus qu’un spécimen de labo. (Les Russes ont fini par adopter nos appellations.) 

Deux poids, deux mesures

     Mais il y a plus encore. En lisant les journaux de l’époque, on découvre une foule de faits qui laissent songeurs.
     Par exemple, au lendemain du lancement de Laïka, nos sociétés de protection des animaux ont protesté contre le fait que le «pauvre petit chien» allait mourir dans l'espace après quelques jours de vol.  Par contre, au même moment, la rumeur a couru à l’effet que les Soviétiques auraient lancé une bombe atomique en direction de la Lune.  Apparemment, cette bombe allait exploser au moment de l’impact afin de prouver au monde entier que les Soviétiques auraient bien atteint la surface lunaire!  Or, curieusement, personne n’a protesté contre un projet aussi grotesque. C’est dire qu’à l’époque, on acceptait l’idée de faire sauter des bombes atomiques dans l‘espace, tout en déplorant le sort réservé à un pauvre animal «sacrifié au nom de la science».
     De même, on découvre que, pendant que le président des États-Unis préconisait l’exploration exclusivement pacifique de l’espace, ses généraux préparaient nombre de projets spatiaux militaires.
     Quantité de faits du genre et à présent oubliés donnent une autre vision de ce qu’ont été les années passées. Vous constaterez d'ailleurs que bon nombre des chroniques mensuelles recèlent ce genre de «perles».

La Grande aventure / The Great Adventure

     À présent, non seulement avons-nous l’avantage de bénéficier du recul du temps mais les connaissances historiques acquises nous permettent de voir ce qui se passait en coulisse.
     C’est ainsi qu’en dressant le parallèle entre les informations d‘époque et ce qu’on sait à présent, on obtient un récit historique différent de ce qu’on raconte habituellement.
     Pour parvenir à ce résultat, j’ai d’abord construit un site Internet qui met en parallèle (sur deux colonnes) l’information connue au moment des événements et ce que nous savons à présent. Cette recherche fait l’objet d’un site anglais intitulé The Great Adventure Project
     Ce site rassemble une collection de courts articles (le résumé des textes d’origine) placés par ordre chronologique. Dans tous les cas, j’indique la source (avec hyperlien) à l’intention des lecteurs avides d’en savoir plus.
     À partir de ce site, je rédige ensuite les chroniques meusuelles qui composent le récit de La Grande aventure spatiale. Résultat: un lecteur bilingue a la chance de lire une bonne synthèse de l’exploration spatiale d’un mois puis de consulter la chronologie correspondante pour approfondir ses connaissances.
     Voilà pourquoi, à la fin de chaque chronique, j’indique deux hyperliens. Le premier vous convie à lire la suite du récit et le second la chronologie détaillée des événements qu’on vient de couvrir. À vous de choisir la voie qui vous conviendra le mieux. 

     Évidemment, rédiger le récit de l’exploration spatiale de mois en mois représente une tâche colossale qui nécessitera des années de labeur. (Je prévois y consacrer le reste de mes jours.) J’espère pouvoir ajouter régulièrement des épisodes. De la sorte, vous vivrez avec moi une aventure de découvertes qui s’annonce longue et palpitante!

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Enfant de l’espace

     Je suis ce qu’on pourrait appeler un «enfant de l’espace», même si, bien entendu, je ne suis pas né dans l’espace. 

     Je me considère comme tel parce qu'entre autres, je suis né au début de l’ère spatiale et parce que celle-ci jalonne mon existence.
     En effet, lorsque les Soviétiques ont lancé le premier satellite, Spoutnik, j’étais à sept mois de naître.  Je me plaît à penser que c’est probablement vers ce 4 octobre 1957 que ma mère a pris conscience qu’elle me portait. L’idée de mon existence coïncide peut-être avec celle du premier satellite! 
     Je suis né un mardi soir, le 6 mai 1958, à Montréal.

Les graines de la passion

     Le premier souvenir que je conserve de ma petite enfance remonte à l’après-midi du 20 février 1962. J’ai 3 ans et 9 mois.  Je me revois encore jouant dans la cuisine auprès de ma mère qui fait son repassage.  Son programme-radio est constamment interrompu par des bulletins spéciaux.  Je comprends qu’il se passe quelque chose, sans bien entendu réaliser de quoi il s’agit.  Il y a, dit-on, un homme dans l’espace. 
     La radio couvre en fait l’envolée de John Glenn, le premier Américain en orbite.  Évidemment, à l’âge que j’ai, je ne puis comprendre ce dont on parle mais cela pique ma curiosité. C’est probablement la première fois que je prends conscience d’une réalité hors de mon petit monde d’enfant.

     Avant son mariage, ma mère a été institutrice dans une petite école de campagne.  Étant naturellement pédagogue, elle m’enseigne à lire, à écrire et à compter. Sa méthode repose sur le jeu. Par exemple, elle dessine une échelle où, entre chaque barreau, elle place des syllabes, des mots ou des nombres.  À moi de les déchiffrer pour grimper l’échelle!  Ce faisant, maman m’enseigne qu’apprendre est une activité amusante.  Voilà l’une des plus précieuses notions que Gabrielle me lègue et qui guide mon quotidien aujourd’hui encore.

     En mai 1963, alors que je viens d’avoir 5 ans, j’entreprends de lire les gros titres du journal La Presse qui traîne sur la table de la cuisine.  Coïncidence, le quotidien titre «Cooper est en orbite».  L’article relate le vol de l’astronaute américain Gordon Cooper

     Six mois plus tard, ma curiosité d’enfant est piquée au vif par l’assassinat du président Kennedy.  Bien que j’aie peu de souvenirs de ce drame, ma mère raconte qu’à l’époque, je suis demeuré rivé au petit écran.  (Treize ans plus tard, je serai extrêmement ému de me retrouver au cimetière d’Arlington, sur la tombe du président Kennedy, comme si je reconnaissais les lieux.)

     Il ne fait aucun doute que ces événements ont semé les germes qui ont fait naître en moi la passion des sciences et de l’actualité.  C’est ainsi qu’à 8 ans, j'arrête de jouer lorsque la radio annonce que trois astronautes viennent de brûler vifs à bord de la cabine d’Apollo 1 (ci-contre). J’ai aussi conscience des assassinats de Martin Luther King et de Bobby Kennedy.  Dans ce dernier cas, je passe les jours suivants rivé à la télé à suivre les événements entourant ses funérailles. Évidemment, dans les trois cas, je suis encore trop jeune pour réaliser la portée de ces événements.  Je commence néanmoins à lire les journaux, cherchant à comprendre…

     Heureusement, mon enfance n’est pas jalonnée que par des tragédies, puisque j’ai aussi le privilège de connaître le fabuleux été de l’Expo 67 – l’exposition universelle de Montréal.  Hélas, à 9 ans, je suis encore trop jeune pour vraiment profiter de cette ouverture exceptionnelle sur le monde. Je conserve en fait peu de souvenirs de l’Expo, si ce n’est d’y être allé deux ou trois fois et, surtout, qu’il y avait énormément de monde!  Le souvenir que j’en garde plutôt, c’est de m’être mis à collectionner les articles de journaux qui en parlaient - découpures que je colle dans des «scrap books» que je possède encore. 

     C’est dans ce contexte que je me mets à feuilleter les magazines laissés derrière par les adultes, à la recherche de reportages sur les technologies modernes.  Je me rappelle encore de certains qui m’ont émerveillé, dont un reportage magnifiquement illustré sur un porte-avion nucléaire et un autre sur le paquebot France publiés dans Paris-Match. Il y a en outre celui du Science & Vie qui présente l’exploration spatiale des années 2000.
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Comment on voyait l'an 2000 en 1965
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«Pour desservir les bases humaines qui seront sans doute installées avant la fin du siècle, il faudra un service de transporteur régulier.  Le véhicule passager (à l’avant) vient s’accrocher à une navette nucléaire qui le transporte au voisinage de la Lune.» 

     Deux tableaux de Robert McCall (ci-haut et ci-dessous) publiés par Science & Vie en janvier 1965 et qui ont fait rêver l’enfant que j’étais. J’ai passé des heures à contempler ces images en me disant que voilà ce que serait un jour ma réalité: un monde où on vivrait et travaillerait dans l’espace. 

«Avant la fin du millénaire, des stations orbitales ceintureront la Terre.  Elles pourront être du type illustré ici… Une de leurs fonctions principales sera de servir de bases de départ et d’arrivée pour les fusées interplanétaires.  Une navette comme celle représentée dans notre dessin quitterait la Terre et rejoindrait la station orbitale où elle “viendrait à quai”…»

Coup de foudre

     Au soir du 24 décembre 1968, ma famille et moi sommes réunis en cette veille de Noël dans notre petit chalet de Clarence Creek, en banlieue d'Ottawa. J'ai dix ans. Pendant que maman nous prépare, mes trois frères et moi, pour la messe de minuit, papa regarde la télé. L'image est de si piètre qualité que je n'arrive pas à distinguer grand-chose. P'pa m'explique qu'il s'agit d'une diffusion télé en direct de la Lune; pour la première fois des hommes gravitent autour de notre satellite naturel.
     L'idée me traverse l'esprit: quelle aventure fantastique!
     En marchant vers l'église, par cette belle et froide nuit d'hiver, j'admire la Lune en songeant que trois hommes se trouvent non loin d'elle. Dès le lendemain, je me plonge dans la lecture des journaux des derniers jours (Le Droit d’Ottawa) pour y découvrir l'étonnante odyssée des astronautes d’Apollo 8.  Je passe donc ce 25 décembre la tête dans les journaux!
     Ma vie en est à jamais changée: je suis frappé d'un coup de foudre! En moi naît une passion qui ne cessera de croître.

     L’été suivant, je suis rivé à la radio, à la télé et me gave de journaux pour suivre toutes les péripéties du premier débarquement sur la Lune: la mission Apollo 11.  Aujourd’hui, je conserve en mémoire l’effervescence qui a marqué le week-end du 19-20 juillet, alors que trois astronautes réalisent l’un des vieux rêves de l’humanité. 
     En ce dimanche soir, 20 juillet, j’obtiens même la permission de me coucher très tard (vers minuit). À 22h55, en famille, nous regardons Neil Armstrong faire son «petit pas pour un homme, un bond de géant pour l’humanité». (Trente-cinq ans plus tard, je relaterai La Grande aventure d’Apollo 11 en espérant faire revivre ce qu’a été ce moment époustouflant de notre histoire.)

Les retombées d’une passion

     À partir de là, l'exploration spatiale devient ma passion. Toutes les autres activités – y compris mes études et, plus tard, ma carrière – y sont subordonnées.  (Ci-contre, à 12 ans avec mon petit chien Tamy.)
     C’est ainsi que je me mets à écouter au quotidien les bulletins de nouvelles ainsi qu’à feuilleter les journaux et les magazines à la recherche d’articles sur l‘espace. Ce faisant, je m’ouvre au monde, découvrant la réalité de sociétés méconnues comme l’Union soviétique, ainsi que la politique internationale. Je réalise que nous sommes en pleine guerre froide, que les États-Unis et l’URSS se livrent non seulement une course dans l’espace mais une guerre de tous les instants un peu partout sur la planète (au Vietnam, à Cuba, au Chili…). Cela m’amène à m’intéresser à l’histoire et à la géographie, afin de comprendre l’origine des faits d’actualité. 

     Chaque fois que des astronautes s’envolent pour l'espace ou qu’ils y réalisent des exploits, je m'absente de l'école ou de mon lieu de travail.  Ô bonheur, les premières années de ma passion sont jalonnées par les six expéditions lunaires Apollo.
     J’ai aussi la chance de passer mes étés à Terre des hommes, le site d’Expo 67 où, dans les années subséquentes, divers pays y présentent de belles expositions.  Les premières années, il y a même un pavillon dédié à l’espace où, je le réalise à présent, on présentait des pièces remarquables.  C’est aussi pour moi l’occasion de découvrir l’Union soviétique, dont le pavillon regorge année après année de matériel et de documents spatiaux de grande qualité. (Je m’y procure des livres russes sur l’espace qui sont rares en Occident (ci-contre) et qui m’inciteront, des années plus tard, à apprendre les rudiments de cette langue.)

     Mon intérêt pour l’actualité et les questions internationales a parfois des «retombées» inattendues. Ainsi, le fait de suivre au quotidien ce que font les Américains et les Soviétiques dans l‘espace me permet de voir à l’œuvre les deux idéologies rivales. Le fait d’observer ainsi comment le communisme et le capitalisme fonctionnent dans la réalité – la première dans le plus grand secret et la seconde au vu et au su de tous – m’amène à me forger une opinion sur leur valeur.

     Mon intérêt pour le spatial a bien entendu d’importantes répercussions sur mes études. Non seulement me suis-je intéressé aux sciences, mais je suis avide de lire tout ce qui me tombe sous la main, y compris de gros bouquins.  J’apprends avec hâte l’anglais afin de pouvoir comprendre les publications de la NASA que j’accumule.
     Bien entendu, les sciences deviennent ma matière favorite et ce penchant me conduira tout naturellement à entreprendre une carrière de journaliste scientifique. À partir de 1983, j'allie donc l'utile à la passion en devenant journaliste spécialisé dans l’exploration spatiale. Je bénéficie ainsi de l'ultime privilège de pouvoir gagner ma vie tout en faisant ce que j'aime. Je vis mon rêve et mon rêve me fait vivre!

     Pour justifier l’envoie d’astronautes dans l’espace, on évoque souvent l’argument voulant que ceux-ci servent de modèles aux jeunes et qu’ils les amènent à s’intéresser aux sciences et aux technologies. C’est mon cas. je suis l'un de ces enfants de l'espace!

© Claude Lafleur, 2010 Mes sites web: claudelafleur.qc.ca