.
,
15 février 2006, p. D3
Aéronautique : le Québec s'impose
au Canada en tant que chef de file
par Claude Lafleur
L'industrie
aéronautique québécoise occupe le sixième rang
mondial alors qu'au Canada, il s'agit du quatrième secteur en importance
en matière d'investissements en recherche et développement.
Outre les départements de R-D des entreprises, le Québec
possède plusieurs centres de recherche publics, dont les six écoles
et départements de génie de nos universités.
Dans
la plupart des cas, informe Aouni Lakis, professeur au département
de génie mécanique de l'École polytechnique de Montréal,
la recherche-développement qu'on y réalise est menée
en étroite liaison avec les entreprises.
«Par
exemple, dit-il, dans mon groupe, nous réalisons deux projets, dont
l'un avec Pratt & Whitney, Bombardier Aéronautique et l'École
de technologie supérieure. On cherche les moyens de déterminer
à l'avance quand une pièce de moteur d'avion finira par flancher...»
Il souligne que, dans la plupart des cas, la R-D universitaire tente de
répondre directement aux préoccupations de l'industrie aéronautique.
De la recherche à l'ère du numérique
Les universitaires
réalisent également des études fondamentales, telles
celles menées à l'Université de Sherbrooke en aérodynamisme.
«Nous disposons ici d'une soufflerie assez vaste pour simuler les
écoulements d'air autour d'un avion ou d'une aile», indique
Yves Mercadier, représentant du génie aérospatial
à l'Université de Sherbrooke.
Il confirme
de la sorte que, même si le vol des premiers avions remonte à
100 ans, il nous reste encore beaucoup à apprendre en cette matière.
«Eh oui, dit-il, il y a encore de la recherche fondamentale à
réaliser parce qu'il y a 40 ans à peine, on n'était
pas capable d'effectuer des calculs avancés. Bien sûr, on
menait des expériences, mais celles-ci n'avaient rien de comparable
avec ce qu'on peut faire aujourd'hui.»
Par exemple,
l'utilisation des rayons laser permet de prendre des mesures en soufflerie
sans perturber l'écoulement de l'air. «Auparavant, lorsqu'on
mesurait la vitesse de l'air, il fallait introduire un appareil de mesure,
ce qui troublait l'écoulement, observe le professeur Mercadier.
On ne mesurait donc pas exactement ce qui se passe dans la réalité.
Mais voilà que, grâce aux lasers et à d'autres techniques,
on recueille des mesures sans jamais provoquer la moindre perturbation.»
De surcroît,
depuis les années 1980, les aérodynamiciens bénéficient
de puissants outils de travail, dont des ordinateurs ultra rapides et des
logiciels hyper performants. «Je dirais que tout a "explosé"
au cours des 15 dernières années, lance Yves Mercadier. Maintenant,
on travaille même en "soufflerie numérique", c'est-à-dire
qu'on simule sur ordinateur les écoulements aérodynamiques...
Plus besoin donc de soufflerie! Tout se fait numériquement aujourd'hui,
alors que rien de cela n'existait en 1980.»
CRIAQ: le modèle québécois de la
R-D canadienne ?
Les besoins
en recherche-développement aéronautique ne font que croître
car, à cause de la mondialisation, nos firmes se doivent non seulement
de demeurer à la fine pointe, mais également d'innover. À
cette fin, les entrepreneurs et les universitaires ont créé,
il y a trois ans, un organisme visant à favoriser spécifiquement
la R-D en aéronautique. Il s'agit du Consortium de recherche et
d'innovation en aérospatiale au Québec, le CRIAQ.
«Le
CRIAQ donne un bon coup de pouce à tous les partenaires de l'aéronautique
québécoise, estime d'ailleurs Claude Bédard, doyen
à la recherche et au transfert technologique de l'École de
technologie supérieure. C'est un forum où les industriels
font part de leurs besoins et où les universitaires présentent
leur expertise.»
Par l'entremise
du consortium, des équipes se sont constituées pour aborder
des thèmes de recherche spécifiques. «Nos entreprises
définissent un problème précis auquel elles sont confrontées,
indique M. Bédard. Par exemple, elles ont besoin de connaître
en détail un phénomène particulier ou elles cherchent
des moyens leur permettant d'économiser du temps, de l'argent ou
du poids. Elles font alors appel à notre expertise universitaire
et c'est ainsi que des équipes spécialisées entreprises-universités
se constituent...» Il s'agit donc de tirer avantage de la recherche
universitaire afin d'en amener les résultats au plus près
des besoins du marché, note encore Claude Bédard.
Association de partenaires
Autre particularité:
les projets menés sous l'égide du CRIAQ sont de niveau préconcurrentiel
et ne constituent pas de la R-D industrielle (laquelle est entourée
de «secrets industriels» et de brevets). «La recherche
préconcurrentielle intéresse plus d'une entreprise, souligne
le doyen à la recherche et au transfert technologique de l'ETS,
de sorte que, lorsqu'un projet arrive à terme, tous les membres
du consortium peuvent s'approprier ses résultats.»
Selon lui,
la venue du CRIAQ fait considérablement croître le volume
de R-D aéronautique à l'université. «Cela signifie
qu'à l'ETS, nous avons davantage de professeurs qui font de la recherche,
nous disposons de davantage de fonds de recherche, nous recrutons plus
d'étudiants diplômés, etc. Et forts des expériences
que nous acquerrons ainsi, nous pouvons entreprendre des projets plus ambitieux.
On peut même penser à s'associer à des partenaires
qui, auparavant, n'auraient pas été intéressés
à faire affaire avec nous. Voilà qui crée une synergie
et fait en sorte que, par conséquent, il se fait de plus en plus
de recherche et de développement de pointe au Québec!»
M. Bédard
fait même valoir que le modèle du CRIAQ pourrait avantageusement
s'insérer dans la politique sur l'aéronautique que le gouvernement
du Canada est en train d'élaborer. «Je pense que nous sommes
parvenus à faire réaliser à nos collègues du
fédéral qu'en matière de R-D, ils devraient s'appuyer
sur l'expérience du CRIAQ, dit-il. Puisque le consortium offre un
modèle qui fonctionne depuis trois ans et qui a fait ses preuves,
pourquoi réinventer la roue? Autrement dit, étant donné
qu'au Québec, nous avons trouvé une recette qui fonctionne,
appliquons-la donc à l'échelle du Canada!»
Toutefois,
le projet d'un CRIAQ pancanadien se trouve pour l'instant en veilleuse
étant donné le changement de gouvernement à Ottawa.
Néanmoins, insiste Claude Bédard, pour l'essor de l'industrie
aéronautique canadienne, il importe que ce modèle de partenariat
industrie-université soit implanté dans tout le Canada. |
|
.
,
25 février 2006, p. G4
La recherche universitaire
à l'Université McGill
par Claude Lafleur
Sans tambour
ni trompettes, nos universités se taillent une place de choix dans
le monde de la recherche sur le plan international, rapporte François
Carrier, directeur du Bureau de la recherche internationale de l'université
McGill.
«Selon
le récent rapport du Conseil supérieur de l'éducation
sur l'internationalisation des universités québécoises,
informe François Carrier de l'université McGill, celles-ci
constituent un pôle de connaissance qui fait qu'on est capable de
figurer parmi les meilleurs au monde. Je dirais même que, comparativement
à ce qui se fait ailleurs au Canada, nos universités se trouvent
avantageusement positionnées sur la scène internationale.»
M. Carrier
sait de quoi il parle puisque son université, dont l'excellence
scientifique dépasse nos frontières depuis plus d'un siècle,
est l'une de celles qui réalisent le plus de projets à l'international.
«La mission de toute université comporte trois volets, relate-t-il,
à savoir: la recherche, la formation et le service à la communauté.
C'est ainsi que nos professeurs-chercheurs mènent actuellement une
centaine de projets un peu partout à travers le monde.»
Caraïbes et Palestine
Certains de ces
projets portent sur l'éducation, tel celui qui consiste à
former les cadres supérieurs du ministère de l'Éducation
de Trinité-et-Tobago afin de leur permettre de réformer leur
système scolaire. D'autres projets touchent le service à
la communauté, dont celui qui cherche à créer des
réseaux sociaux entre Israéliens, Palestiniens et Jordaniens.
Enfin, d'autres projets servent au développement de la connaissance,
notamment en Chine, où les chercheurs de McGill étudient
la culture à grande échelle du coton transgénique,
ou encore au Bangladesh, où ils recensent l'alimentation traditionnelle
dans différentes communautés.
François
Carrier dirige le bureau qui coordonne cette kyrielle de projets. «Mon
service est là pour faciliter ces activités, dit-il, en aidant
les chercheurs à planifier et à mettre sur pied leurs projets,
en tissant des liens avec des partenaires étrangers, en négociant
les questions de droit et de propriété intellectuelle, etc.»
Retombées de toutes sortes
Il rappelle que
l'université McGill a une longue tradition de recherche au niveau
international, considérant que cela a toujours été
une priorité. «Depuis 50 ans, nous réalisons quantité
de projets "à l'international", hors du Royaume-Uni et du Commonwealth,
dit-il. Nous sommes présents aux États-Unis, dans la francophonie,
en Europe, en Amérique latine, en Asie et en Afrique. Voilà
pourquoi nous possédons, je pense, une bonne longueur d'avance sur
les autres universités du Canada et d'Amérique du Nord.»
Pour l'heure,
son bureau pilote 96 projets de recherche au niveau international, dont
le financement atteint 64 millions de dollars. «Et nous en avons
une autre cinquantaine en développement», ajoute-t-il.
Ces
projets ont toutes sortes de retombées, parfois même inattendues.
Par exemple, il y a quelques années, une équipe de professeurs
en travail social ont concocté un programme de prévention
de la délinquance. Il s'agissait d'initier des jeunes, en danger
de délinquance, au milieu de la culture en leur faisant rencontrer
des artistes et des promoteurs des arts. «Ce projet a remporté
un vif succès à l'échelle du Canada, raconte M. Carrier,
à tel point qu'un sénateur républicain de Floride
en a eu vent. Il a même décidé de l'appliquer dans
la région de Tampa Bay. Aujourd'hui, nos professeurs travaillent
avec les services sociaux de la région pour adapter leur modèle
de prévention.»
Un autre projet
fort original a été mis en oeuvre dans la foulée des
accords de paix entre Israéliens et Palestiniens, signés
à Oslo en 1993. «Dans le cadre d'un programme de dialogue
pour la paix, nous invitons des étudiants israéliens, palestiniens
et jordaniens à venir étudier en sciences sociales ici à
McGill, relate François Carrier. En travaillant ensemble, ils développent
une appréciation mutuelle en constatant que, tout compte fait, ils
vivent la même situation. De retour dans leurs pays, nous espérons
qu'ils continueront de collaborer ensemble.»
En outre,
ce genre de projet a beaucoup d'impact sur l'enseignement donné
à l'université, souligne le directeur du Bureau de la recherche
internationale. Non seulement les professeurs et les étudiants qui
participent à ces projets développent leurs connaissances
et leurs compétences, mais leur travail à McGill est transformé
par ce qu'ils ont vécu.
Nouvelle tendance
Pour cette raison,
ce type de projet est appelé à croître, estime M. Carrier;
d'ailleurs, l'université a récemment modifié sa structure
administrative pour créer le poste de vice-principal à la
recherche et aux relations internationales. «Le poste de v.-p. à
la recherche a toujours existé, dit-il, mais depuis la mi-novembre,
la fonction internationale est reconnue aux plus hautes instances administratives
- tant dans le titre que dans le mandat. Et ça, c'est très
important!»
Autre nouveauté:
des partenariats de plus en plus étroits se tissent entre les universités
québécoises. Ainsi, plusieurs des projets internationaux
de l'université McGill sont réalisés de concert avec
l'Université de Montréal, l'université Laval, etc.
«Par
exemple, dans le cadre du projet de formation des cadres à Trinité-et-Tobago,
les facultés de l'Éducation de l'Université de Montréal
et de McGill ont créé un consortium et établi ainsi
une collaboration exemplaire, rapporte François Carrier. J'en suis
particulièrement heureux, dit-il, car je suis un apôtre de
la collaboration interuniversitaire. Comme j'aime à le dire à
mes collègues de l'UdeM, on a plus en commun au niveau international,
et on doit donc être davantage des collaborateurs que des compétiteurs
puisque, sur la scène internationale, la compétition vient
des États-Unis, de l'Europe, etc.»
D'ailleurs, constate-t-il, les universités québécoises
ont bien souvent des compétences complémentaires «qui
font que l'on peut mettre de l'avant des équipes du tonnerre! Le
projet de Trinité-et-Tobago en est une preuve formidable et j'espère
qu'il en inspirera de nombreux autres. Je souhaite que ce soit là
une nouvelle tendance. Il y a en place les éléments qui favorisent
ce rayonnement-là et c'est à nous de faire en sorte que notre
présence sur la scène internationale soit de plus en plus
importante». |
|
.
,
11 mars 2006, p. G3
À quand l'assurance santé privée
?
Par Claude Lafleur,
Le 16 février,
le premier ministre Jean Charest et le ministre de la Santé Philippe
Couillard ont annoncé que personne désormais n'attendrait
plus de neuf mois pour subir une chirurgie de la cataracte ou un remplacement
du genou ou de la hanche (actuellement, certains attendent jusqu'à
deux ans). Par le fait même, ils entrouvraient une porte à
l'assurance privée. «Nous mettons le secteur privé
au service du secteur public, d'affirmer M. Charest. Ce ne sera pas le
privé pour le privé, mais un outil au service de la solidarité,
un partenaire et un allié du régime public.»
Nous aurions
donc éventuellement le droit de souscrire à une police d'assurance
qui défrayera, le cas échéant, les coûts de
trois interventions, soit pour une chirurgie de la cataracte, ou pour un
remplacement du genou ou de la hanche. Nous devrions alors êtres
traités dans une clinique privée par un médecin qui
ne travaillera plus sous le régime de l'assurance maladie du Québec.
Ses honoraires seraient payés par nous ou par l'assurance que nous
aurons contractée.
Toutefois,
nous n'en sommes pas encore là, indique Yves Millette, vice-président
principal aux affaires québécoises pour l'Association canadienne
des compagnies d'assurance de personnes. «Le gouvernement semble
avoir annoncé une garantie de services pour certaines procédures,
dit-il. Mais c'est seulement lorsque cette garantie existera que les assureurs
privés pourront offrir des services.»
Vers un grand débat de société
?
Les assureurs
sont néanmoins très satisfaits de voir que le gouvernement
engage une discussion sur la place du privé dans le secteur des
soins hospitaliers. Dans un communiqué émis peu après
l'annonce du 16 février, leur association «félicite
le gouvernement du Québec d'amorcer un dialogue public constructif
et opportun en vue d'assurer la viabilité du système de santé
au Québec».
«Actuellement,
commente Yves Millette, nous sommes en train de regarder la portée
exacte de cette annonce. Entre autres, on examine quels effets pourrait
avoir cette ouverture sur les produits d'assurance collective que nous
offrons déjà.»
Son association
souligne d'ailleurs qu'en 2004, 2,8 milliards de dollars ont été
versés par ses membres pour défrayer les coûts de soins
non couverts par la RAMQ, «dont 190 millions aux hôpitaux et
220 millions en services comme des soins de longue durée».
Outre les régimes d'assurance collective bien connus, l'industrie
offre depuis quelques années des assurances contre les maladies
graves et pour procurer des soins de longue durée. «Au cours
des cinq dernières années, le taux de croissance annuel moyen
des régimes d'assurance maladie privés a été
de 12 %», indique-t-on.
«Nous
versons environ trois milliards de dollars par année en prestations
à des assurés québécois, renchérit M.
Millette. Nous essayons donc de voir quel sera l'impact des annonces [du
16 février] sur nos produits. Vont-elles apporter des changements
ou pourra-t-on modifier nos produits d'assurance? On se demande aussi s'il
est possible de mettre en marché de nouveaux produits afin de couvrir
les garanties spécifiques qui ont été proposées.
Mais en tout premier lieu, nous attendons de voir ce qu'il y aura dans
le projet de loi que le gouvernement déposera sous peu... Bien concrètement,
ce projet de loi fera foi des ouvertures dont parle le gouvernement.»
Une américanisation du système de
santé ?
Il y a toutefois
loin de la coupe aux lèvres, de sorte que les personnes qui pourraient
avoir besoin, d'ici une année ou deux, d'une chirurgie de la cataracte,
du genou ou de la hanche devront patienter encore.
En effet,
le ministre Couillard a annoncé qu'il ne fera pas adopter «à
toute vapeur» la loi nécessaire à l'établissement
des garanties de service. Par la suite, il faudra compter six mois pour
mettre en oeuvre les mécanismes qui limiteront les attentes, de
sorte que le processus ne sera pas en branle avant 2007.
Yves Millette
confirme en outre: «Je ne pense pas que l'on sera prêt, en
tant qu'assureur, à émettre de nouveaux produits avant d'avoir
pris connaissance du contenu du projet de loi... C'est clair que l'annonce
ouvre un nouveau marché, mais s'agira-t-il d'un marché qui
en vaut la peine, d'un marché suffisamment vaste pour offrir réellement
de nouvelles possibilités? Ça, ça reste à voir!»
Pour les assureurs,
ce nouveau marché reposera sur trois éléments qui
doivent se mettre en place parallèlement: l'ouverture de cliniques
privées, l'existence de clients et l'intérêt des groupes
d'assurés. «Premièrement, explique M. Millette, pour
que nous puissions offrir de nouveaux produits, il faut que des médecins
se désengagent de la RAMQ et qu'ils ouvrent des cliniques privées.
Deuxièmement, il faut que des consommateurs soient intéressés
à se procurer le genre de produits que nous offrirons. Et troisièmement,
étant donné que la plupart de nos produits sont offerts sur
une base collective, il faut que des employeurs et des regroupements de
travailleurs désirent ajouter cette couverture à leur assurance
collective. C'est ce qu'on regardera au cours des prochains mois afin de
déterminer s'il y aura ou non un marché.»
C'est un peu
la situation de l'oeuf et de la poule: des services médicaux privés
doivent naître pour que l'assurance destinée à les
couvrir soit offerte. Mais celle-ci ne sera disponible que si la demande
existe, ce qui, à son tour, conditionnera l'ouverture de cliniques
privées.
Par contre,
Yves Millette ne craint pas que cette ouverture au privé ne transforme
«à l'américaine» notre système de soins
de santé. «À mon avis, ce n'est pas un risque puisque
le système canadien est l'inverse de ce qui se pratique aux États-Unis.
Là-bas, les assureurs privés sont la base du système
tandis qu'ici, nous sommes complémentaires au régime public,
qui constitue la base du système. En outre, n'oublions pas que les
Américains sont pratiquement les seuls à pratiquer leur façon
de faire, puisque tous les régimes, un peu partout en Occident,
reposent sur des bases étatiques.»
Pour lui,
il ne fait aucun doute que, si jamais on devait un jour chercher à
privatiser nos soins de santé, c'est davantage du côté
de l'Europe qu'il faudra regarder. Pour l'instant, souligne-t-il, il n'existe
aucune volonté de la part des Canadiens ni des gouvernements pour
altérer les bases mêmes du financement des soins de santé.
«Depuis
que les régimes de santé existent, conclut-il, les assureurs
canadiens considèrent offrir des services complémentaires
à ce qui est proposé par le régime public. Et je ne
vois personne - nous y compris - qui désire changer les choses.» |
|
.
,
15 avril 2006, p. G2
Quelle place accorder au religieux
dans notre société laïque ?
Par Claude Lafleur
Les récentes
décisions concernant le port du kirpan à l'école et
l'aménagement d'un espace de prière à l'École
de technologie supérieure soulèvent maintes craintes et interrogations.
Doit-on - ou peut-on - tout permettre? Si non, quelles limites poser et
comment les appliquer? Doit-on laisser les tribunaux se prononcer «à
la pièce», comme cela se fait actuellement, ou plutôt
recourir à une loi qui établirait les pratiques religieuses
acceptables en public?
La place que
pourrait occuper le religieux dans notre société laïque
est un problème difficile à résoudre. Par exemple,
pour Jean-Louis Roy, président de Droits et Démocratie, on
ne peut bannir toute pratique religieuse en public, ne serait-ce qu'à
cause des chartes québécoise, canadienne et onusienne des
droits de la personne.
Qu'on le veuille
ou non, nous vivons dans un monde de plus en plus complexe où il
y a une multiplicité des pratiques religieuses, relate Ariane Brunet,
également de Droits et Démocratie. On devrait même
éviter de réglementer la pratique religieuse, selon Jean-René
Milot, professeur associé au département de science des religions
à l'UQAM, puisqu'on risque alors de créer des problèmes
qui n'existent pas actuellement.
Que faire?
Nous assistons
à un véritable choc de civilisations, estime Jean-Louis Roy.
«Pendant longtemps, dit-il, nous avons vécu entre nous - entre
chrétiens (catholiques, protestants, etc.) - et nous avons établi
une séparation entre le privé et le public, entre le laïc
et le religieux. Toutefois, ces dernières décennies, des
immigrants provenant notamment de pays islamiques se sont installés
chez nous. Or, ces nouveaux arrivants ne sont pas habitués à
appliquer de telles distinctions car, pour eux, la pratique religieuse
fait partie de la vie publique. Ils s'installent donc ici, dans une société
qui n'a rien à voir avec leur expérience.»
De notre côté,
poursuit M. Roy, nous devons nous faire à l'idée que notre
mode de fonctionnement social est peu répandu à l'échelle
de la planète. «Notre façon de vivre s'applique essentiellement
à l'Europe de l'Ouest, à l'Amérique du Nord, au Japon,
à la Nouvelle-Zélande, à l'Australie, etc. Mais, ailleurs
dans le monde, là où vivent plus de cinq milliards de personnes,
le religieux occupe une place et une visibilité considérables.»
«Par
ailleurs, enchaîne Ariane Brunet, nous vivons à une époque
où il y a une montée des fondamentalismes et il ne sert à
rien de se mettre la tête dans le sable. Il faut donc que nous parvenions
à vivre ensemble dans une atmosphère qui incite au respect
et à la dignité des uns envers les autres. Et il me semble
que la laïcité est l'une des solutions à appliquer.»
Selon elle,
nous pourrions d'ailleurs imposer la primauté de la laïcité
sur la pratique religieuse en public. «En faisant cela, dit-elle,
on n'inventerait rien puisque c'est ce que l'on a décidé
de faire en décrétant, dans notre Constitution, la séparation
de l'Église et de l'État. Mais c'est loin d'être une
solution facile à appliquer!»
Autant M.
Roy que Mme Brunet notent que la situation que nous vivons ne diffère
pas de ce qui se passe ailleurs en Occident. «Je ne crois pas qu'on
soit en train de vivre quelque chose de différent de ce qui se passe
en Angleterre, en France, en Espagne, en Suède ou au Danemark, indique
Mme Brunet. Nous sommes tous en train de vivre une "complexification" de
nos mondes.»
Un optimisme prudent
Pour Jean-René
Milot, qui suit de près la situation depuis des décennies,
il y a heureusement des raisons d'être optimiste. «J'observe
une ouverture vers le dialogue, dit-il, et ce, particulièrement
au cours des derniers mois. Si l'on prend le cas des caricatures de Mahomet,
la réaction de la communauté musulmane de Montréal
a été très différente de ce qu'elle a été
ailleurs dans le monde.»
En effet,
rappelle-t-il, si bon nombre d'organismes musulmans d'ici ont affirmé
qu'une telle publication peut être offensante pour les croyants,
elles ont en même temps considéré que cela fait partie
de la liberté d'expression. En conséquence, au lieu de manifester
bruyamment dans nos rues, les grandes organisations musulmanes montréalaises
ont ouvert les portes de leurs mosquées afin de diffuser leur point
de vue.
«Voilà
qui nous donne des raisons d'espérer, estime M. Milot. J'observe
ainsi qu'au cours des deux ou trois derniers mois, il y a eu quantité
de rencontres où l'on a vu des musulmans et d'autres citoyens discuter
ensemble. J'observe que, de plus en plus, tout le monde est intéressé
à se parler.»
De l'accommodement raisonnable au débat
public
Le professeur
Milot prêche beaucoup en faveur de l'accommodement raisonnable, tel
que l'a récemment demandé la Commission des droits de la
personne à l'ETS. À ses yeux, le mérite de cette approche
est qu'elle n'équivaut pas à une loi qui s'impose à
tous, mais réclame une exception à une règle générale.
«Le fait qu'untel soit autorisé à porter le kirpan
à l'école [moyennant certaines restrictions] ne veut pas
dire que tous les sikhs peuvent en faire autant n'importe où, n'importe
quand, dit-il. L'accommodement raisonnable ne crée pas une loi qui
tenterait de régler à l'avance tous les problèmes
ou tous les cas possibles.»
Par contre,
cette approche nécessite une réciprocité, c'est-à-dire
qu'il ne faut pas qu'un groupe ait l'impression de faire toutes les concessions
alors que l'autre en ferait peu ou pas du tout. «Or, je pense qu'il
y a un problème de perception, observe M. Milot, puisque la majorité
est généralement consciente de ce qu'elle concède,
mais ne l'est pas nécessairement à propos de ce que les autres
ont à concéder.»
Si cette
approche est fort utile - «puisqu'elle nous a jusqu'ici permis d'éviter
le pire» -, M. Milot admet sans peine qu'on ne pourrait pas continuer
ainsi indéfiniment. «D'ailleurs, en communiquant sa décision
[concernant l'ETS], le président de la Commission des droits de
la personne a lancé un appel pour qu'on amorce un débat public
sur ces questions», indique Jean-René Milot.
Or, à
son avis, le président de la Commission ne s'adresse pas au législateur
en lui demandant de légiférer, mais plutôt à
notre capacité de vivre avec la différence. «Un débat
public, lancé par plusieurs organismes, viendrait selon moi confirmer
ce qu'on a commencé à observer ces derniers mois»,
conclut-il.
Pour sa part,
Ariane Brunet considère qu'il faut poser des questions à
ceux qui préconisent certaines pratiques religieuses. «Toute
religion qui est discriminatoire se doit d'être remise en question,
tranche-t-elle. Après tout, c'est l'un des principes fondamentaux
de la Déclaration universelle des droits de l'homme.»
Quant à
Jean-Louis Roy, il considère que, compte tenu de nos traditions,
on se doit de maintenir la séparation du religieux et du laïc.
«L'espace public commun - les lieux qui appartiennent à la
collectivité - ne peut pas être religieux, dit-il. Il doit
par contre permettre à toutes les croyances de se manifester.» |
|
.
[,
29 avril 2006, p. h10
À qui la responsabilité
du financement des Arts ?
Par Claude Lafleur
Pas de doute,
Montréal aspire à devenir une véritable capitale culturelle.
Déjà, grâce à son bassin de créateurs
et d'artistes dont plusieurs sont reconnus mondialement, la ville en a
le potentiel. Toutefois, ce qu'il manque souvent cruellement, ce sont les
ressources financières nécessaires.
Certains préconiseront
un plus grand apport de l'entreprise privée dans le financement
des arts, comme cela se fait ailleurs au Canada et aux États-Unis.
C'est, entre autres, la position de la Chambre de commerce, qui milite
activement pour rapprocher le monde des affaires et celui des arts. Par
contre, d'autres, comme le professeur Laurent Lapierre des HEC Montréal,
considèrent que le financement des arts et de la culture relève
essentiellement de l'État. M. Lapierre craint même qu'un financement
privé d'importance mène au désengagement de l'État.
De bonnes affaires grâce à la culture
Pour la présidente
et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain,
Isabelle Hudon, les arts et la culture sont un volet essentiel à
la vie dans une grande ville. «Les arts sont importants pour nous,
gens d'affaires, puisque, si nous voulons réaliser nos ambitions,
il nous faut attirer les talents nécessaires, explique-t-elle. Or,
on sait que ceux-ci sont attirés par la qualité de vie du
milieu, ce qui implique nécessairement une vitalité culturelle.
Montréal est d'ailleurs reconnue pour sa qualité de vie en
raison justement de la place prépondérante qu'occupe la culture.»
Par conséquent,
la CCMM cherche à sensibiliser ses membres au fait que, s'ils veulent
continuer de prospérer, ils doivent non seulement développer
leurs services et produits, mais également attirer et conserver
la main-d'oeuvre qualifiée dont ils ont besoin. «Nous considérons
donc la culture comme un vecteur de développement des affaires»,
insiste-t-elle.
L'an dernier,
son organisme a réalisé une enquête pour vérifier
si le milieu des affaires était suffisamment disposé à
soutenir la culture montréalaise. «Deux raisons justifiaient
notre enquête, précise Isabelle Hudon. Premièrement,
nous voulions obtenir les données précises nous permettant
de voir où l'on se situe. Deuxièmement, nous voulions faire
valoir l'importance d'une participation accrue du privé dans le
financement de la culture. Nous visons en fait à sensibiliser autant
le milieu des affaires que celui de la culture à ce qu'est la réalité.»
La Chambre
de commerce a donc réalisé des entrevues de fond auprès
de 50 cadres responsables des dons corporatifs et des commandites. Elle
a ensuite invité 12 000 entreprises à répondre à
un sondage électronique. «Notre analyse nous a permis de conclure
que seulement 13 % du financement de la culture montréalaise est
assuré par le privé, relate Mme Hudon. C'est beaucoup moins
que la moyenne canadienne, qui s'élève à 21 %.»
«Nous
avons aussi constaté que, s'il est vrai que l'entreprise privée
n'est pas autant au rendez-vous qu'ailleurs au Canada, il est aussi vrai
que les organisations culturelles doivent modifier leur façon de
solliciter les entreprises pour obtenir de l'aide financière.»
Selon la Chambre, on ne peut simplement cogner à la porte d'une
entreprise et dire: «Je suis la culture et c'est important pour Montréal...
Pouvez-vous me donner de l'argent?»
«Non!,
lance Isabelle Hudon, le milieu artistique doit comprendre que toute entreprise
existe avant tout pour créer de la valeur. Il faut donc lui faire
valoir comment son investissement dans une organisation culturelle l'aidera
à atteindre ses objectifs.» Ainsi, précise-t-elle,
lorsqu'une entreprise commandite un événement, c'est généralement
pour rejoindre sa clientèle. «Assurez-vous donc d'avoir quelque
chose à offrir en retour d'une contribution financière.»
Le privé responsable de notre culture ?
«C'est bien
beau tout cela, mais on ne doit pas laisser l'entreprise privée
assurer notre culture», répond en substance Laurent Lapierre,
titulaire de la Chaire de leadership Pierre-Péladeau aux HEC Montréal
(autrefois l'École des hautes études commerciales de l'Université
de Montréal).
«Pourquoi?
Tout simplement parce que ce n'est pas comme cela qu'on doit établir
notre politique culturelle. À mon avis, le financement des arts
doit demeurer l'affaire de l'État, alors que la proportion assurée
par le privé devrait demeurer marginale. Autrement, c'est comme
si vous permettiez à Alcan d'établir la politique culturelle
en choisissant de subventionner telle compagnie artistique plutôt
que telle autre.»
Notons
que Laurent Lapierre possède une formidable connaissance du monde
des affaires et des arts. Fondateur du Théâtre du Trident,
à Québec, dans les années 1970, il détient
trois baccalauréats (arts, pédagogie et histoire), un M.B.A.
et un doctorat en gestion. Son enseignement aux HEC Montréal porte
sur la direction, le «leadership» et la gestion des entreprises
artistiques et des industries culturelles.
Il considère
que les arts sont aussi importants que la santé et l'éducation
- deux domaines largement financés par nos gouvernements. «Ce
qui fait l'identité du Québec ou du Canada, ce sont davantage
nos artistes que notre système de santé ou d'éducation,
lance-t-il. Un Robert Lepage, un Denis Marleau, un André Hamelin,
ou encore le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée
de la civilisation de Québec, le Cirque du Soleil, etc., voilà
ce qui fait notre identité. Autrement dit, si le Québec est
reconnu aujourd'hui sur la scène internationale, c'est grâce
à notre culture.»
Par conséquent,
M. Lapierre considère injuste qu'on ne finance pas aussi bien les
artistes que les professionnels de la médecine et de l'éducation.
«On n'a aucune réticence à subventionner les étudiants
des HEC qui vont ensuite très bien gagner leur vie, alors qu'on
se refuse à aider une danseuse de ballet...»
Il estime
en outre que, contrairement à ce qui se passe dans les autres grandes
villes nord-américaines, Montréal ne possède pas le
bassin d'entreprises qui permettrait de financer adéquatement nos
compagnies artistiques. «Je ne dis pas que les entreprises privées
ne doivent pas contribuer au financement de la culture, mais cela ne pourra
jamais être suffisant. Le rôle primordial doit demeurer celui
de l'État.»
«Remarquez
aussi que, si on nous dit qu'aux États-Unis les compagnies artistiques
ne reçoivent pas de subventions de l'État, on ne nous dit
pas que la Comédie-Française reçoit davantage de subventions
de l'État que tous les théâtres canadiens réunis!»
En fin de
compte, Laurent Lapierre craint que le financement des arts par le privé,
s'il devenait important, risque d'encourager nos gouvernements à
se désengager... «comme cela s'observe, justement, aux États-Unis!». |
|
,
6 mai 2006, p. G5
Montréal : siège des Nations
Unies de l’aviation civile
Par Claude Lafleur
Montréal
abrite un joyau de la diplomatie internationale dont on ignore généralement
la présence: l'Organisation de l'aviation civile internationale
(OACI). Son président du conseil reçoit le Prix Rayonnement
international du Palais des congrès.
Situé
dans le Quartier international, le siège de l'OACI est une petite
ONU puisque, comme à New York, 189 pays y sont représentés
par des délégués. De surcroît, la salle où
siège le conseil de l'OACI ressemble à celle du prestigieux
Conseil de sécurité des Nations unies. L'OACI constitue en
outre l'un des leviers qui fait de Montréal une métropole
internationale.
«L'organisation
a été créée à Chicago en décembre
1944, relate Assad Kotaite, président du conseil de l'OACI, alors
que le monde était en guerre et avant même la naissance de
l'ONU.»
Montréal
a été choisie pour accueillir l'organisation parce qu'elle
constituait une ville paisible, sécuritaire et biculturelle. Alors
métropole et capitale économique du Canada, c'était
également une plaque tournante du trafic aérien à
destination de l'Europe, des États-Unis et de l'Ouest canadien.
«Montréal était donc toute désignée pour
devenir la ville hôte de l'OACI», résume M. Kotaite.
Il considère
que, pour toute personne venant de l'étranger, Montréal est
une ville très accueillante dans laquelle tout le monde se sent
bien. «Je dirais même que c'est peut-être une ville unique
du fait qu'elle est biculturelle à tous les niveaux», dit-il.
Assad Kotaite
s'est installé ici en 1956 à titre de représentant
de son pays (le Liban) au conseil de l'OACI. Cinquante ans plus tard, il
se souvient que la ville l'a grandement étonné. «Avant
de venir ici, j'avais pas mal lu au sujet de Montréal et je pensais
que la ville était beaucoup plus développée qu'elle
ne l'était en réalité, dit-il. J'ai par contre été
témoin du fulgurant développement économique, social,
culturel et politique de la ville.» Lui qui a fait le tour du monde
un nombre incalculable de fois affirme sans hésiter que «Montréal,
telle qu'elle est actuellement, est convoitée dans le monde entier».
Au coeur de la diplomatie internationale
L'OACI a pour
fonction d'établir la réglementation et les normes internationales
assurant la sécurité et la sûreté du transport
aérien civil. «L'objectif principal de l'organisation est
de développer une aviation civile internationale sûre, ordonnée,
efficace et économique, précise son président. Nous
nous préoccupons avant tout de l'intérêt du public
qui voyage en cherchant à lui procurer un transport aérien
qui soit à la fois sécuritaire et économique.»
Notons que
trois organismes régissent le transport aérien international:
l'OACI, qui gère les préoccupations des États, l'Association
internationale du transport aérien (IATA), qui représente
les compagnies aériennes, et le Conseil international des aéroports
(ACI), qui chapeaute les aérogares. (Le siège social des
deux premières se trouve à Montréal alors que la troisième
réside à Genève.)
Durant
les 30 dernières années, M. Kotaite a assuré la présidence
du conseil de l'OACI. «Mon travail en est un de diplomate; j'assure
la diplomatie en aviation civile. À ce titre, j'ai eu à gérer
quantité de crises et de conflits entre pays.»
Parmi les
crises majeures, non seulement est-il confronté aux menaces terroristes
qui pèsent sur le transport aérien depuis 2001, mais également
à la terrible vague de détournements d'avion qui a frappé
le transport de passagers dans les années 1970-1980. On l'a un peu
oublié aujourd'hui mais à l'époque, une kyrielle de
commandos détournaient des appareils bondés de passagers
afin de faire valoir leurs récriminations. Certaines de ces prises
d'otages se sont terminées dans le sang...
Ciels de guerre
Parallèlement,
les Soviétiques ont été blâmés par le
conseil, mais plus important encore, la constitution de l'OACI a été
amendée afin d'y stipuler qu'aucun État ne peut s'arroger
le droit d'utiliser des armes contre un avion civil. L'OACI a en outre
développé des procédures sécuritaires pour
l'interception d'avions civils advenant que l'un d'eux viole l'espace aérien
d'un État.
Depuis ses
bureaux de Montréal, M. Kotaite a en outre géré des
disputes touchant le contrôle et le transit des avions entre pays
- disputes opposant notamment l'Inde et le Pakistan, la Chine et le Viêtnam,
les deux Corée ainsi que les États-Unis et Cuba. Dans chaque
cas, il lui a fallu des années - 25 ans dans le cas des Corée!
- pour parvenir à des accords acceptables. «Vous savez, en
diplomatie, vous ne devez jamais dire à l'une des parties qu'elle
a tort... Et vous devez toujours être très, très patient!»,
lance-t-il en éclatant de rire.
Ce qui préoccupe
à présent les délégués de l'OACI, ce
sont les enjeux liés à la protection de l'environnement.
«Déjà, notre organisation a beaucoup fait en ce domaine,
indique M. Kotaite. Nous avons réduit le bruit des aéronefs
à l'intention des populations qui vivent à proximité
des aéroports. Nous nous préoccupons aussi beaucoup de la
qualité de l'air. Nous cherchons à réduire au maximum
la pollution de l'air générée par les aéronefs.»
À l'avant-scène internationale
Selon plusieurs
maires de Montréal (dont Jean Drapeau, Jean Doré et Pierre
Bourque), la présence de l'OACI contribue véritablement à
l'essor international de la ville. C'est entre autres grâce à
elle que l'IATA est venue s'installer ici.
Plus concrètement,
l'OACI injecte chaque année de 60 à 80 millions de dollars
dans l'économie montréalaise, alors qu'elle emploie quelque
700 personnes. Bon an, mal an, plus d'un millier de personnes viennent
de l'étranger pour participer à diverses réunions
et conférences organisées par l'OACI.
«Je
suis franchement heureux que nous contribuions de la sorte à l'essor
économique et international de Montréal», de lancer
fièrement celui qui se considère à présent
comme un citoyen à part entière de sa ville d'adoption. |
|
.
,
13 mai 2006, p. J6
S’attaquer aux maladies en
passant par les portes cellulaires
Par Claude Lafleur
Si vous souffrez
de problèmes rénaux, d'hypertension ou de troubles cardiovasculaires,
ce pourrait être parce que certaines «portes» de vos
cellules remplissent mal leurs fonctions. Or, de plus en plus, on traite
ce genre de maladies en intervenant au niveau microcellulaire.
«Par
exemple, relate le Dr Paul Isenring, à une personne qui souffre
d'un problème de rétention de sel, on prescrit en général
un diurétique qui a pour fonction de bloquer l'une des portes cellulaires
permettant au rein de retenir le sel. Ce dernier est alors évacué
par les urines.»
Professeur
à la faculté de médecine de l'université Laval,
le Dr Isenring dirige une équipe du Centre de recherche de l'Hôtel-Dieu
de Québec qui étudie ces fascinantes portes cellulaires.
Il s'agit de mécanismes extrêmement perfectionnés,
une sorte de moteur microscopique «plus complexe qu'un moteur d'automobile»,
dit-il.
Le but de
ces travaux est non seulement de comprendre le fonctionnement de ces «portes-moteurs»,
mais de mettre au point une foule de médicaments efficaces et sans
effets secondaires.
Ne passe pas qui veut !
Comme nous l'avons
vu en biologie, chacune de nos cellules est revêtue d'une membrane
imperméable à ce qui vient de l'extérieur - un peu
comme notre peau qui protège notre corps. À la surface de
cette membrane se trouvent des milliers de petites portes spécialisées
qui ont pour fonction de laisser entrer (ou sortir) certaines molécules.
Ces portes, que les spécialistes appellent des protéines,
agissent un peu comme notre bouche, nos narines ou notre anus.
«Il
s'agit de petits trous "intelligents" - de véritables moteurs -
qui sont capables de reconnaître une molécule spécifique»,
explique Paul Isenring. Par exemple, si une molécule de sodium se
présente devant la bonne porte, elle sera absorbée pour être
expédiée à l'intérieur de la cellule. Par contre,
si une molécule différente se présente à la
même porte, cette dernière ne s'ouvrira pas. «Pour nous
chercheurs, ces portes représentent des cibles que nous pouvons
utiliser pour traiter plusieurs types de maladies», souligne le médecin.
Il s'agit
en plus de fantastiques machines à l'échelle moléculaire.
«Ces moteurs sont extrêmement complexes, dit-il. Nous savons
qu'ils bougent sans cesse, qu'ils tournent d'un bord puis d'un autre plusieurs
fois par seconde, que des bras se déploient et d'autres se replient,
etc. C'est absolument fascinant!» Ces moteurs sont cependant si minuscules
que leur fonctionnement demeure invisible, même pour les plus puissants
de nos appareils d'observation. On arrive de justesse à voir ces
portes-moteurs à l'état figé, mais jamais à
filmer leur fonctionnement. «On peut donc voir comment le petit moteur
est organisé dans l'espace, rapporte le Dr Isenring, mais nous aimerions
bien le voir fonctionner...»
Une aventure palpitante
Il y a tant de
portes spécialisées à la surface d'une cellule que
l'équipe de l'Hôtel-Dieu s'intéresse à une catégorie
particulière, appelée transporteur d'ions.
Imaginez une
petite bouche qui se trouve à la surface de la cellule, commence
par expliquer le Dr Isenring. Cette bouche voit arriver un ion - un atome
ou une molécule ayant gagné ou perdu un ou plusieurs électrons
- par exemple un sodium ou un chlore. Cette bouche est capable de reconnaître
l'ion et de l'ingurgiter si celui-ci lui convient. Par contre, elle ne
laissera pas passer d'autres types d'ions.
L'étude
des transporteurs d'ions est fort importante, insiste le chercheur, puisqu'ils
jouent un rôle déterminant dans un grand nombre de pathologies.
Par
conséquent, ce sont des cibles de choix pour y diriger des médicaments.
«Étant donné qu'il y a des milliers de cibles disponibles,
il y a donc des milliers de médicaments que l'on pourrait concevoir
pour interagir avec l'un ou l'autre de ces mécanismes spécialisés»,
confirme-t-il.
L'un des projets
d'étude menés par son équipe vise donc à comprendre
le fonctionnement de certaines de ces cibles. Un autre projet cherche à
développer des médicaments spécifiques à chacun
des transporteurs d'ions pour les utiliser dans le traitement de maladies
telles que l'hypertension artérielle.
Étude des cotransporteurs cathion-chlore
Afin de limiter
le nombre de cibles à étudier, l'équipe du Dr Isenring
s'intéresse plus particulièrement à une famille de
neuf protéines: les cotransporteurs cathion-chlore.
«Ces
protéines ont la particularité de reconnaître trois
ions à la fois, dit-il. En fait, elles ne laissent passer le sodium,
le potassium et le chlore que si ceux-ci se présentent en même
temps. Autrement, la porte demeure fermée.»
La famille
des neuf cotransporteurs est impliquée dans une foule de maladies,
dont les problèmes de tension artérielle. «Fait intéressant,
note le médecin, lorsque certains de ces cotransporteurs fonctionnent
trop, ils génèrent de l'hypertension. Mais s'ils ne fonctionnent
pas suffisamment, ils produisent de l'hypotension. Il s'agit donc de cibles
très intéressantes.»
Le problème,
actuellement, c'est qu'on dispose de médicaments qui interagissent
avec plusieurs cotransporteurs à la fois, alors qu'il faudrait parfois
n'en viser qu'un, deux ou trois. Ainsi, l'un des médicaments très
utilisés pour combattre les problèmes de tension artérielle
interagit avec sept des neuf cotransporteurs. Il provoque par conséquent
des effets secondaires qui pourraient être enrayés si on disposait
de médicaments plus spécifiques.
L'équipe
du Dr Isenring essaie donc de développer des molécules capables
de cibler individuellement chacun des neuf cotransporteurs. «Nous
essayons entre autres de trouver des façons de modifier les molécules
que l'on connaît déjà afin qu'elles n'interagissent
qu'avec une cible», dit-il.
À cette
fin, son équipe a récemment reçu une somme de 650
000 $ de la part du Programme des chaires de recherche du Canada et de
la Fondation canadienne pour l'innovation afin de poursuivre ses travaux.
«Essentiellement, la subvention servira à nous procurer des
appareils ultra-puissants qui nous permettront d'obtenir les mesures nécessaires
à nos travaux», précise Paul Isenring.
Il entrevoit
ainsi que de nouveaux médicaments pourraient voir le jour d'ici
quelques années. «J'espère avoir la chance de participer
aux essais de nouvelles molécules, dit-il. Pour un médecin
chercheur et clinicien comme moi, ce serait alors une aventure palpitante!» |
|
13
mai 2006, p. J1
L'aventure américaine du Dr Fournier
Par Claude Lafleur
En 1998, le
jeune orthopédiste Karl Fournier va suivre une formation d'une année
au prestigieux hôpital Johns Hopkins de Baltimore. Son but est d'apprendre
les pratiques les plus récentes en chirurgie de la colonne vertébrale.
Au moment
de quitter le Québec, il a cumulé plus de 100 000 $ en dettes
d'étude. En principe, il doit revenir l'année suivante afin
d'entreprendre sa pratique à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.
«Johns
Hopkins étant l'un des hôpitaux les plus réputés
au monde, pratiquement chaque semaine je recevais des offres d'emploi alléchantes»,
rapporte le Dr Fournier. Ainsi, dès sa première année
de pratique, on lui promet des revenus de 300 000 $ (US), en plus de défrayer
toutes ses dépenses de déménagement. Il va sans dire
qu'il s'agit là de conditions nettement supérieures à
ce que pouvait espérer le jeune chirurgien en revenant au Québec.
«J'ai donc pensé pratiquer une année ou deux aux États-Unis,
le temps de me refaire une santé financière, puis revenir
m'installer ici.»
Karl Fournier
se laisse ainsi tenter par l'aventure américaine. Il découvrira
bientôt un univers insoupçonné: les dessous d'un système
de soins privés qui en fait rêver plus d'un.
L'efficacité médicale à l'américaine
En 1999, le Dr
Fournier s'installe dans une clinique médicale de Mount Vernon,
en Illinois. «Je suis alors entré dans le système américain,
c'est-à-dire dans une "business" pour laquelle nous, Québécois,
ne sommes vraiment pas préparés.»
Ainsi, il
découvre que, s'il gagne bel et bien les 300 000 $ promis, la clinique
médicale pour laquelle il travaille en retient la moitié
pour couvrir les frais de bureau.
«Il
faut savoir qu'opérer une clinique aux États-Unis coûte
très, très cher en raison du personnel nécessaire,
dit-il. On a d'abord besoin de personnes pour gérer les contrats
des 65 compagnies d'assurance des patients avec qui on fait affaire. Il
faut ensuite d'autres personnes pour gérer les préautorisations
d'opérer, puis il en faut d'autres pour collecter nos remboursements,
toujours auprès des compagnies d'assurance... N'oublions pas non
plus tout le personnel de bureau, de réception, les frais de bâtisse,
etc.! Ça coûte au bas mot 1000 $ à 1200 $ par jour
pour gérer une clinique. Il faut donc que tu produises beaucoup,
que tu opères beaucoup...»
Au bout d'un
an, n'arrivant pas à s'entendre avec son employeur sur le partage
des frais de bureau, le Dr Fournier décide d'emménager dans
une autre clinique. Il s'installe à Nashville, Tennessee, une charmante
ville qui lui rappelle Québec.
Le chirurgien
observe alors ce que signifie réellement l'efficacité de
la médecine à l'américaine. «Là-bas,
l'accès aux soins est vraiment rapide, dit-il. En venant te consulter,
tout patient s'attend à être opéré la semaine
suivante! Pour un Québécois habitué à attendre
des mois, c'est vraiment très impressionnant.»
Toutefois,
cette efficacité a ses revers. «Dans bon nombre de cas de
maux de dos, le meilleur traitement consiste à prescrire une médication
et du repos, et à laisser le temps faire son oeuvre. Le dos se guérit
souvent mieux par lui-même, de dire le spécialiste. Mais pas
question pour un Américain d'attendre, il faut l'opérer tout
de suite! Et si tu ne l'opères pas, il s'en va tout simplement voir
un autre chirurgien.»
La pression
pour opérer est si forte - autant sur les médecins que pour
les patients - que le Dr Fournier constate fréquemment des chirurgies
inutiles, hâtives ou même bâclées. «J'étais
reconnu comme le chirurgien qui avait terminé ses études
à Johns Hopkins et qui était par conséquent capable
de traiter les catastrophes», dit-il.
Il découvre
ainsi que le chirurgien avec qui il travaille «tourne les coins ronds»
et qu'il opère plus que nécessaire. «C'était
véritablement un gros "money-maker", dit-il, et je n'aimais vraiment
pas ses pratiques. Je n'étais d'ailleurs pas le seul à penser
ainsi, ai-je découvert par la suite. J'ai donc quitté le
plus vite possible sa clinique.»
La fin du rêve américain
En 2001, Karl
Fournier se joint à un groupe d'orthopédistes à titre
d'associé plutôt qu'employé. Cette fois, les choses
se passent mieux et il y pratique durant trois ans.
Étant
donné ses connaissances avancées, il se taille la réputation
d'être le chirurgien de la dernière chance. «On me référait
les patients pour qui les choses avaient mal tourné.»
«Eh
oui, je gagnais très bien ma vie, mais je ne faisais que de la révision
et de la réparation de catastrophes. Surtout, je voyais que je ne
m'en sortirais jamais. Je n'avais pas de plaisir, de sorte que, au printemps
2004, j'ai décidé de rentrer.»
Et c'est ainsi
que, depuis 2004, le Dr Fournier pratique à l'hôpital Charles-LeMoyne.
«Bien sûr, je gagne beaucoup moins qu'auparavant - environ
la moitié -, mais j'ai retrouvé ici le plaisir et la qualité
de vie! |
|
.
,
15 juillet 2006, p. f3
Deoits des homosexuels : l'exemple québécois,
un phare pour la communauté gaie mondiale
Par Claude Lafleur
Il est évident
que les droits des personnes homosexuelles diffèrent énormément
selon l'endroit où l'on se trouve dans le monde. Encore aujourd'hui,
l'homosexualité est passible de mort dans bon nombre de pays alors
que certaines sociétés, notamment en Europe et en Amérique
du Nord, prônent l'égalité totale.
À ce
chapitre, le Canada en général, et le Québec en particulier,
font figure de phares pour la communauté gaie, estiment aussi bien
Michael Kirby, juge à la Cour suprême d'Australie, et Joke
Swiebel, ancienne députée au Parlement européen, que
le militant québécois Laurent McCautcheon, président
de Gai Écoute et de la Fondation Émergence.
«Le
Canada est un véritable phare en matière de tolérance
et d'acceptation, lance sans hésiter le juge Kirby. Il me semble
que cela repose sur l'esprit d'ouverture qui existe au Québec ainsi
que sur le fait qu'on considère que toute personne doit être
acceptée pour ce qu'elle est et que tous doivent bénéficier
des droits humains fondamentaux. Par conséquent, nombreux sont les
Australiens qui admirent le Canada pour l'exemple qu'il donne au reste
du monde.»
«Vu
d'Europe, enchaîne l'ex-députée Joke Swiebel, Montréal
et le Québec donnent l'impression d'être des sociétés
très libérales [au sens philosophique du terme]. Il ne fait
aucun doute que le Canada figure parmi les pays les plus progressistes
de la planète.»
Selon Laurent
McCautcheon, le Québec se situe, au chapitre des droits des homosexuels,
dans les sociétés les plus avancées, aux côtés
de la Hollande et de la Belgique. «Bien entendu, chaque pays diffère
un peu des autres, dit-il, mais nul doute que nous figurons dans le peloton
de tête.»
Être gai en Amérique du Nord
Évidemment,
la situation des personnes homosexuelles varie légèrement
selon la province ou l'État où l'on se trouve, souligne M.
McCautcheon. Par exemple, si le mariage entre personnes de même sexe
est reconnu dans l'ensemble du Canada, il n'en va pas de même des
droits de parentalité et d'adoption pour les couples homosexuels.
La situation
diffère davantage aux États-Unis, puisque les législations
varient énormément d'un État à l'autre. «Les
États-Unis, c'est un tout autre monde comparé au Canada,
relate M. McCautcheon. Ainsi, si on a le droit de se marier au Massachusetts,
il y a des États où l'homosexualité est à peine
tolérée.»
De surcroît,
le président Bush vient de relancer sa croisade visant à
inscrire dans la Constitution américaine le fait que le mariage
s'applique exclusivement à l'union d'un homme et d'une femme. «Bien
sûr, c'est une démarche purement politique, souligne le militant,
mais cela reflète le fait que Bush estime pouvoir se faire du capital
politique avec ce sujet. De fait, sa croisade témoigne de l'ambivalence
américaine par rapport à l'homosexualité...»
Les inégalités à l'européenne
Si on en juge
par les propos de Joke (prononcer «yoké») Swiebel, le
statut des homosexuels est encore plus complexe en Europe. «La situation
des gais et lesbiennes chez nous varie beaucoup selon le pays où
vous vous trouvez, indique-t-elle. Les États du Nord-Ouest sont
traditionnellement à l'avant-garde en matière de droits des
gais et lesbiennes. Par contre, plus on va vers le Sud et l'Est, moins
les homosexuels bénéficient de protection.»
Néanmoins,
la situation évolue rapidement et recèle quelques belles
surprises. Ainsi, si certains ex-pays de l'Est se montrent encore très
réfractaires aux homosexuels - notamment les Pays baltes et la Pologne
-, d'autres sont beaucoup plus ouverts. Il y a en outre le cas, étonnant,
de l'Espagne. «Personne n'avait imaginé que ce pays, considéré
comme arriéré, permettrait le mariage des personne de même
sexe!», lance quasi amusée Mme Swiebel.
«Certains
pays reconnaissent les unions de même sexe, précise-t-elle,
alors que, dans d'autres, il faut lutter pour obtenir simplement le droit
d'être protégé contre la violence, contre les crimes
haineux ou tout bonnement pour se sentir en sécurité dans
les rues.»
Par conséquent,
chacun des 25 États de l'Union européenne compte des communautés
homosexuelles très actives. Tantôt celles-ci militent afin
d'obtenir des droits dans leurs pays, tantôt elles font front commun
pour réclamer une protection ou le respect de leurs droits à
l'échelle européenne.
L'étonnante «tolérance»
australienne
Le cas de l'Australie
est particulièrement intéressant du fait que ce pays «de
l'autre côté du globe» est une ancienne colonie britannique
comme le Canada. Si la communauté homosexuelle australienne ne bénéficie
pas d'autant de droits que la nôtre - notamment en matière
de mariage -, la société australienne semble néanmoins
accepter fort bien l'homosexualité.
À preuve,
le cas de Michael Kirby. Juge à la Haute Cour d'Australie, celui-ci
est un militant gai qui vit avec son compagnon depuis près de 30
ans! «Jamais je n'hésite à prendre part à des
cérémonies officielles, en présence de la reine ou
du premier ministre, au côté de mon compagnon», glisse-t-il
le plus naturellement du monde.
Il observe
en outre que les droits des homosexuels ont beaucoup progressé ces
20 dernières années. «En tout premier lieu, toutes
les lois qui criminalisaient l'homosexualité ont été
abolies.» Certains États australiens appliquent des lois contre
la discrimination envers les gais et lesbiennes ou permettent les unions
entre conjoints de même sexe. Par contre, de tels droits ne sont
pas reconnus à l'échelle du pays.
Le mariage
gai vient même d'être strictement interdit par le Parlement
fédéral. En effet, il y a deux ans, celui-ci a adopté
une loi stipulant que le mariage est nécessairement une union entre
un homme et une femme. Des tentatives ont même été
faites pour créer un statut d'union civile, mais elles ont récemment
échoué à la suite d'un vote serré (32 à
30) au Sénat australien.
Toutefois,
le juge Kirby estime que la question du mariage n'est pas une priorité
pour la communauté gaie d'Australie. Il relate ainsi un sondage
réalisé en 1998 dans lequel 85 % des gais et lesbiennes australiens
indiquaient ne pas être intéressés à obtenir
ce droit. «Cette question n'est pas une priorité parce que,
me semble-t-il, la société australienne est beaucoup moins
religieuse que la vôtre en Amérique du Nord», estime-t-il.
En fait, selon
lui, les enjeux qui préoccupent davantage les homosexuels australiens
portent plutôt sur la lutte contre la discrimination en matière
de droits légaux, de droits de propriété, de régimes
gouvernementaux et de pensions, ainsi que sur l'obtention, de la part de
l'État, de la reconnaissance des unions de fait. |
|