, 22 janvier 2006, p A15

Challenger, vingt ans plus tard :
des répercussions énormes
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        Ce mardi matin, 28 janvier 1986, j’étais devant mon petit écran pour voir s'envoler la vingt-cinquième Navette spatiale. Si, pour la plupart des gens, il s’agissait d’un événement banal, ce lancement demeurait pour moi aussi palpitant que les précédents. À preuve, lorsque Challenger s'est envolée, je n'ai pu m'empêcher de crier: «Lets go
        La rapidité de ce qui allait suivre m'a sidéré. Rien ne laissait prévoir la foudroyante boule de gaz qui allait bientôt engloutir Challenger. Sur le coup, ma première réaction a été de penser que les fusées à poudre s'étaient détachées prématurément. J'ai aussitôt prié pour que Challenger puisse revenir se poser à Cap Canaveral.  Mais bientôt Steve Nesbitt, le commentateur de la NASA, a annoncé que le vaisseau venait d’exploser… «Obviously, a major malfunction
         La perte de Challenger a eu des conséquences si dévastatrices que, vingt ans plus tard, les répercussions s’en font encore sentir. 
Fin de la «révolution industrielle du 21ème siècle»
        Dans les années 1980, un nouveau créneau industriel était en train de naître. Aux États-Unis, en Europe et au Canada, des dizaines de firmes investissaient des millions $ afin de parvenir à fabriquer dans l’espace une foule de médicaments «révolutionnaires». Le très sérieux Center for Space Policy américain estimait qu’à eux seuls, ces produits génèreraient, dès les années 1990, 20 milliards $ en revenus annuels.
        De surcroît, des firmes comme McDonnell-Douglas, 3M et GM espéraient obtenir, grâce à l’apesanteur et au vide spatial, des cristaux parfaitement purs, des alliages aux propriétés insoupçonnées, des circuits électroniques ultra-compacts, etc. De nouvelles firmes, comme Space Industries Inc., se préparaient déjà à opérer leurs propres usines orbitales. 
        Ne voulant pas être surclassés par les Américains, les Européens développaient leur navette Hermès afin de ravitailler leurs laboratoires orbitaux.  Au Canada, un véritable secteur du service spatial était développé par SPAR, Oerlikon, MPB, CAL et compagnie.
        L’effervescence était telle que certains analystes estimaient que l’industrie spatiale pourrait avoir des impacts comparables à ceux de la Révolution industrielle du 19ième siècle!
          Hélas, toutes ces belles perspectives se sont volatilisées à la suite de la désintégration de Challenger.
Sur le coup, ma première réaction a été de penser que les fusées à poudre s'étaient détachées prématurément.

 

Où en sommes-nous ?
         Aujourd’hui, on a peine à imaginer qu’il y a vingt ans, la NASA prévoyait lancer une vingtaine de Navette par année. Or, c’est tout juste si elle est parvenue à en lancer une demi-douzaine certaines bonnes années. Conséquence: tous les projets américains d’exploitation commerciale de l’espace ont été abandonnés. 
         De leurs côtés, les Européens ont remisé leur navette, la jugeant trop risquée à la lumière de ce qu’avait subi Challenger. Quant à l’industrie spatiale canadienne, elle a été décimée par la vague. Le fait est qu’aujourd’hui, on lance deux fois moins de satellites qu’il y a vingt ans.
         À maints égards, le spatial est mal en point. Ainsi, la grandiose Station spatiale, annoncée peu avant que ne survienne Challenger, sera abandonnée par les Américains dès que les Navettes cesseront de voler en 2010. La NASA se retrouve en réalité embourbée dans le projet de retour sur la Lune du président Bush Jr, projet qui ne va nulle part.
Le Système solaire: du jamais vu !
         Un seul volet du spatial se porte à merveille: la découverte du Système solaire et de l’Univers. Nous vivons en effet une ère d’exploration sans précédant.


Dans les années 1980, la firme Space Industries Inc. se préparait à opérer des usines orbitales dites Industrial Space Facility. (Voir ISF)
        Ainsi, pendant que la planète Mars est auscultée par quatre sondes orbitales, les deux petits géologues Spirit et Opportunity fouillent son sol depuis deux ans. C’est là un exploit remarquable puisque ces deux robots devaient survivre moins de six mois aux rigueurs du climat martien. 
         Autour de Saturne, Cassini étudie de près la planète géante, ses anneaux complexes et ses satellites étranges. Il y a un an,la sonde Huygens est parvenue à se poser sur Titan – une autre réussite exceptionnelle.
        Même chose du côté des comètes, ces vestiges de la formation du Système solaire. La NASA vient de réussir à remmener sur Terre les premiers échantillons d’une comète. L’été dernier, elle est parvenue à sonder l’intérieur d’une comète en la percutant à l’aide d’un boulet de 375 kilos. 
        Parallèlement, les télescopes Hubble, Spitzer, Chandra, Newton et Cie nous dévoilent comment se sont formés l’Univers et les systèmes planétaires semblables à notre Système solaire. Et si tout va bien, d’ici une dizaine d’années, nous devrions pouvoir répondre à la grande question: sommes-nous seuls dans l’Univers?
        Mais de tout cela, hélas, on n’en parle que bien peu…

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L'ouvrage Comment savoir si nous sommes seuls dans l'Univers? explique que, d'ci une dizaine d'années, nous aurons les moyens de répondre à la question que tous nous nous posons.
Voir aussi : À bord de Challenger, ce 28 janvier...
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© Claude Lafleur, 2005

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