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Comment des spécialistes de 1950 pensaient que nous vivrions en l’an 2000

     Le 27 décembre 1950, le Robesonian de Lumberton, en Caroline du Nord, publiait un reportage préparé par l’Associated Press et intitulé «Comment des spécialistes pensent que nous vivrons en l’an 2000».  (Cet article a été reproduit dans l’excellent blogue Paleo-Future du 28 janvier 2008.)
      L’article présente une formidable série de visions sur le monde dans lequel on nous imaginait.  Dans maints domaines, les spécialistes ont étonnamment vu juste.  On notera toutefois un grand absent dans leurs prédictions: l’ordinateur pourtant si présent dans notre quotidien. 
     Voici donc la traduction de ce long article sur comment nos grands-parents imaginaient notre existence il y a une soixantaine d’années - avec, à droite, quelques commentaires. 

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     La seconde moitié du vingtième siècle fait miroiter de fabuleuses promesses parsemées de sombres posssibilités. Par-delà les guerres et les risques de guerre, de nouveaux périls nous guettent mais, tout compte fait, l’espoir et les rêves d’un monde meilleur finiront par triompher. 
     Compte tenu de l’accélération de la cadence de la vie moderne, l’année 2000 est plus proche de nous que pouvait sembler l’être l’année 1950 au début du siècle. 
     Si le passé prépare l’avenir et si les tendances actuelles tracent la voie, des millions d’entre nous vivront assez longtemps pour connaître la paix, la prospérité, la santé, une existence prolongée, davantage de loisirs et plus de luxe que nul n’en a connu. 

L'article du Robesonian publié 
en décembre 1950.
     Une femme pourrait même devenir président des États-Unis!
     Ce sont là quelques-unes des merveilles qu’entrevoient les spécialistes de l’Associated Press qui anticipent l’an 2000. Voici donc comment ils imaginent le futur.
Affaires internationales : le prix de la paix
     En l’an 2000, les étudiants en histoire considéreront probablement le vingtième siècle comme celui du sang et de l’argent.  Du sang, puisque la Terre se remettra à peine des effluves de la troisième guerre mondiale.  De l’argent (le symbole des ressources matérielles de l’Occident), parce qu’on aura triomphé des vaines promesses de l’empire communiste de Russie, en étant parvenu à unir le monde (ou, à tout le moins, en étant en voie d’y parvenir). Caractériser le vingtième siècle comme une période de sang et d'argent n'est pas si mauvais, n'est-ce pas?  Que dira-t-on du 21e?
     Plus important encore, car à la base de tout, sera la reconnaissance qu’une nouvelle puissance unificatrice – les États-Unis d’Amérique – aura pris sa place sur la scène internationale. Les États-Unis constitueront un nouvel «empire», mais un empire différent des empires britannique et de Rome, puisque ce sera le centre d’une force d'union.  Il est exact que les États-Unis ont dominé le monde, particulièrement à la fin du siècle...
     Le rôle central des États-Unis reposera sur la volonté maintes fois démontrée par notre pays de forger des alliances avec des partenaires sur la base d’intérêts communs, ainsi que sur notre capacité à aider les nations en besoin tout en s’opposant à la division du monde en plusieurs sphères d’influence au profit des grandes puissances. ... mais pas pour les motifs imaginés par les experts (américains) des années 1950.
     La troisième guerre mondiale – qui opposera des nations dont les valeurs sont diamétralement opposées – viendra de ce que la Russie aura tenté d’unir le monde par la force.  La troisième guerre mondiale n'a jamais eu lieu parce que, contre toute attente, le régime soviétique s'est écroulé en 1991.
     En l’an 2000, le concept d’une fédération mondiale sera devenu réalité grâce aux intérêts commerciaux favorisant le développement des nouveaux marchés ainsi qu’à cause du sang qui aura été versé à cette fin.  Les États-Unis occuperont une place prépondérante au sein de cette fédération internationale. Pourrait-on voir ici une évocation de la mondialisation?
Science : les premières planètes artificielles
     La première étoile fabriquée par l’homme circulera autour de la Terre bien avant l’an 2000.  Ses déplacements ressembleront à ceux de la Lune.  Reflétant la lumière du Soleil, elle sera visible avant le lever du jour et après la tombée de la nuit. Elle circulera à une altitude variant de 600 à 750 kilomètres, sinon davantage.  Le premier satellite a été lancé moins de sept ans après cette prédiction (le 4 octobre 1957). Spoutnik circulait à une altitute variant de 225 à 950 km.
     Cette petite planète sera vraisemblablement la première d’une longue série puisqu’il y a de bonnes raisons pour en construire d’autres, indépendamment des possibilités de voyage interplanétaire.  Elle sera placée dans le nez d’une fusée à étages, chaque étage se consumant avant de retomber vers la Terre. jusqu’à ce que le dernier élément atteigne la vitesse de 8 kilomètres à la seconde.  À cette vitesse, le vaisseau ne retombera plus, il deviendra un satellite de la Terre. Description exacte de la mise en orbite d'un satellite. 5 800 engins spatiaux ont été lancés entre 1957 et 1999, principalement pour assurer les communications et la surveillance militaire de la planète.
     Parmi les raisons de lancer des satellites, certains serviront de balise radar et d’autres réfléchiront les ondes radio pour des études scientifiques.  En plaçant trois vaisseaux à égale distance l’un de l’autre et à haute altitude autour de la Terre, on pourra relayer la télévision d’un bout à l’autre de la planète. Évocation du concept de satellites placés en orbite géostationnaire et qui acheminent effectivement les signaux télé d'un bout à l'autre de la planète.
     Le premier vaisseau ne sera probablement pas habité.  Mais il pourrait retirer suffisamment d’énergie du Soleil pour alimenter indéfiniment ses équipements électroniques. C'est là le concept des panneaux solaires qui convertissent l'énergie solaire en électricité, alimentant les équipements de bord.
     En l’an 2000, nous serons en mesure de nous rendre n’importe où dans le monde en moins d’une journée.  Nous pourrions ainsi devenir le voisin de quiconque sur Terre - en fait, de tous ceux que nous désirerons.  Alors que jadis, il fallait des semaines pour traverser les océans en bateau, les avions nous transportent presque n'importe où en moins d'une journée ou deux.
     Nous vivrons en pleine ère atomique.  L’énergie nucléaire remplacera le charbon et le pétrole là où ceux-ci ne seront pas économiques et où l’énergie hydraulique ne sera pas disponible.  Eh non, l'énergie nucléaire n'a pas remplacé le charbon et le pétrole - bien au contraire.
Économie : hauts niveaux de vie
     Les capacités industrielles et agricoles nationales permettront d’approvisionner les 300 millions d’Américains qui vivront dans cinquante ans – le double de la population actuelle. Exact!  En l'an 2000, les États-Unis comptaient 280 millions de personnes.  Ils ont franchi le cap des 300 millions en 2007.
     Des terres présentement improductives deviendront fertiles. La recherche scientifique fera croître la production agricole par hectare. Les progrès technologiques, industriels et économiques procureront à la population américaine des niveaux de vie huit fois plus élevés qu’ils le sont maintenant. Exact.
     Dans un livre intitule Les Facteurs contrôlant le développement économique, Harold G. Moulton, président de la Brookings Institution, prédit qu’au cours du prochain siècle, les dépenses alimentaires de la nation seront huit fois plus élevées qu’elles le sont actuellement.  Les dépenses annuelles pour l’habitation seront seize fois plus élevées qu’aujourd’hui, vingt fois plus pour les commodités, trente fois plus pour la santé et l’éducation, et trente-trois fois plus grandes pour les loisirs et les voyages. Probablement assez proche de la réalité.
     Des progrès technologiques toucheront tous les secteurs de l’économie.  Par exemple, les ménagères utiliseront des fours électriques pour préparer des rosbif en moins de temps qu’il leur faut pour mettre la table. Évocation de la cuisson par micro-ondes.
Questions féminines : une femme à la présidence ?
     La femme de l’an 2000 sera une super Diane, estiment les anthropologues et experts en beauté.  Elle mesurera plus de 1,75 mètre, portera des souliers de pointure 11, aura les épaules de lutteur et la musculature de conducteur de camion. Plus ou moins vrai: les femmes d'aujourd'hui sont plus grandes, mais l'idéal de beauté des années 1950 n'est pas le nôtre, la minceur ayant supplantée la musculature.
     Il se pourrait bien qu’elle accomplisse le même travail que l’homme et s’habillera donc en conséquence.  Ses cheveux seront courts, afin de ne pas entraver son travail. Elle portera sans doute des vêtements sobres le jour, mais sera plus coquette en soirée. On n'y pense guère, mais la présence des femmes sur le marché du travail est une véritable révolution.  Elles ont néanmoins conservé leur «féminité»!
     Le jour, elle portera probablement des pantalons.  Ceux-ci seront faits de tissus synthétiques conçus pour la conserver au chaud l’hiver et au frais l’été, en laissant passer les bons rayons ultraviolets tout en filtrant ceux qui brûlent.  Il s’agira de vêtements légers et munis de poches pour y mettre les repas comprimés que la femme du futur mangera au lieu de viande et de pommes de terre.  Des femmes en pentalons?  Quelle révolution! Quant aux vêtements en tissus synthétiques, ils sont très répandus, mais n'ont pas les qualités qu'on imaginait à l'époque. Concernant les repas-pilule, on avait sous-estimé à quel point l'acte même de prendre un repas est irremplaçable.
     Ses proportions seront exquises, de stature amazonienne, parce que la science aura conçu une diète équilibrée en vitamines, en protéines et en minéraux qui fournira exactement ce dont son organisme a besoin tout en réduisant au maximum les gras. Fantasme masculin, s'il en est!
     La femme de l’an 2000 pratiquera toute sorte de sports.  Elle se mesurera probablement aux hommes au football, au baseball, dans les sports de compétition et à la lutte.  On la retrouvera également dans la haute finance, dans les affaires et même dans la fonction publique. On a longtemps cru, et on croit encore, que les écarts physiques entre les deux sexes disparaîtront.  Mais les écarts «intellectuels», eux, ont bel et bien disparu.
     Et qui sait, l’une d’elle pourrait même devenir président. Prédiction audacieuse, compte tenu des rôles auxquels étaient confinées les femmes de années 1950.
Médecine : durée de vie prolongée
     La médecine de l’an 2000 fera augmenter l’espérance de vie des femmes jusqu’à près de 80 ans et celle des hommes à plus de 75 ans.  Exact! En l'an 2000, l'espérance de vie pour une femme était de 79,5 ans et de 74,1 ans pour un homme. 
     Les progrès seront encore plus importants si les causes du cancer sont identifiées et si des traitements sont trouvés.  Le cancer est une sorte d’excroissance présent dans le métabolisme. Or, si on ignore à peu près tout au sujet de la croissance, on en connaît davantage sur le métabolisme.  La plupart des maladies chroniques, à l’exception des infections causées par les germes et les virus, proviennent d’un dérèglement du métabolisme. 
     Les études sur la croissance, le métabolisme et le cancer mèneront vers des percées concernant un autre grand ystère: les causes du vieillissement.  Il deviendra alors possible de contrôler ce processus, de sorte que les personnes âgées demeureront en bonne santé presque jusqu’à la fin de leur vie.  Exact. L'espoir de vivre en bonne santé jusqu'à la fin de nos jours s'est considérablement accru ces cinquante dernières années.
     On a de bons espoirs de parvenir à combattre le cancer au cours des cinquante prochaines années, mais pas de le vaincre, puisqu’il appert qu’il ne s’agit pas d’une seule maladie, mais d‘un mal qui prend différentes formes.  Exact. D'importants progrès ont été faits dans le traitement du cancer, mais on est loin d'avoir «vaincu» cette maladie à facettes multiples..
     La prévention de la perte des cheveux dépend des études sur la croissance, sur le vieillissement et sur la mort, bien plus que de tout autre facteur que nous connaissons.  Peu de progrès ont été faits dans ce domaine... si ce n'est que les cranes rasés sont à la mode!
     La santé publique s’améliorera, particulièrement nos connaissances sur la diffusion des infections d’une personne à l’autre, comme la grippe.  En l’an 2000, l’air qu’on respirera sera probablement aussi sécuritaire que l’eau et la nourriture le sont devenues au cours de la première moitié du vingtième siècle.  Exact. Il y a relativement peu de transmission de maladie par l'air ou, du moins, plus de grandes épidémies comme le redoutaient tant nos grands-parents.
     Les opérations chirurgicales – la sphère de la médecine qui progresse le plus -, permettront en l’an 2000 de réparer à peu près n’importe quel dommage infligés au corps à la suite d’une maladie, d’un accident et de l’hérédité, de sorte que les handicaps auront pratiquement disparus.  La polio sera probablement éradiquée bien avant l’an 2000. Si les opérations permettent de faire des «miracles», on est encore loin d'avoir fait disparaître tout handicap.  Par contre, la polio a presque disparu.
Guerre aérienne : la prochaine terreur
     L’espace remplacera la vitesse comme facteur déterminant dans la conduite des guerres aériennes, jusqu’à ce que les fusées prennent la relève en l’an 2000. Ce n'est pas tout à fait le cas puisque, aujourd'hui encore, les guerres sont en bonne partie menées à l'aide d'avions.
     La distance entre deux points ne devrait plus compter pour beaucoup dans la planification des opérations militaires.  La vitesse des engins pourrait grimper jusqu’à la limite des 28 000 kilomètres/heure – vitesse à laquelle tout objet ne retombe plus sur Terre. L’espace pour manœuvrer sera le facteur déterminant, de sorte que les scientifiques tenteront d’exercer le contrôle optimal afin d’utiliser les plus grandes vitesses possibles. Grâce aux grandes capacités des transports aéroportés et aux puissants moyens de communication planétaires, il est vrai que les distances comptent beaucoup moins dans la conduite des guerres d'un bout à l'autre de la planète.
     Les stratèges militaires qui pensent à long terme évoquent de nouveaux principes de propulsion qu’ils ne définissent qu’en termes vagues: plus simples, moins coûteux, disponibles universellement et inépuisables.  Ces principes pourraient tirer profit des radiations solaires, de la fragmentation de l’air ou d’un nouveau procédé de fission nucléaire.  Aucun nouveau «principe» n'a réellement été mis en oeuvre depuis les années 1950.
     Des plateformes spatiales [des satellites], lancées depuis la Terre, mettront fin au «rideau de fer» des années 1950 en plaçant la planète sous surveillance constante. Exact!  Les satellites de surveillance militaire font en sorte qu'on sait tout ce qui se passe n'importe où sur Terre, aucun «ennemi» ne pouvant plus se cacher.
     Des missiles intercontinentaux, ayant une portée de 8 500 kilomètres, entreront en service bien avant l’an 2000.  Il y aura sans doute des missiles balistiques capables de voyager au-dessus de l‘atmosphère avant de plonger à toute allure vers leur cible, tels des météorites.  Exact. À partir des années 1960, de tels missiles (porteurs d'ogives nucléaires) sont entrés en service. Heureusement qu'on ne s'en est jamais servi.
     Des missiles téléguidés, capables de repérer leur cible en vol ou au sol, seront dotés d’une grande sensibilité.  Ils seront lancés à partir d’avions en patrouille permanente, des avions capables de demeurer dans les airs aussi longtemps que le font les navires en mer.  Des yeux électroniques élimineront toute erreur de détection et d’identification. De tels missiles, dits de croisière, existent (ils ont été abondamment utilisés lors de la «guerre du Golfe» en 1991).  Par contre, des avions capables de demeurer en vol durant des jours, voir des semaines, n'existent pas.
     Toute attaque aérienne sera pratiquement aussi imparable en l’an 2000 que ce l’est aujourd’hui. L’efficacité des armes aériennes sera telle que le défi consistera à survivre au «premier round», c’est-à-dire à l’assaut initial. C'est le cas.  L'efficacité des attaques de missiles intercontinentaux a donné lieu à la doctrine MAD - «Mutual Assured Destruction» -, une véritable folie qui aurait pulvérisé l'humanité.
Aviation civile : voler en toute sécurité
     Voyager en avion en l’an 2000 sera considéré aussi normal pour le grand public que le sont pour nous les déplacements en automobile et en train. C'est le cas, n'est-ce pas?
     Les envolées auront la précision des déplacements terrestres et devraient être moins tributaires des conditions météo.  Piloter sera aussi simple que de conduire une automobile et bénéficiera de mesures de sécurité qui éviteront toute erreur humaine.  La sécurité des transports aériens commerciaux surclassera celle de n’importe quel moyen de transport d’aujourd’hui. Si piloter n'est pas aussi simple que de conduire une automobile, les voyages aériens sont bien moins soumis aux aléas de la météo.  La sécurité aérienne dépasse en outre celle de tout autre moyen de transport.
     Les gros avions civils, dotés de moteurs nucléaires, ne seront plus limités par la vitesse ni par les distances.  Des systèmes de navigation et d’atterrissage dotés d’yeux électroniques, le confort des cabines pressurisées, de nouvelles structures et matériaux ainsi que les systèmes de déglaçage élimineront les caprices météo des horaires de vol.  Par rapport aux années 1950, le confort des avions s'est incroyablement amélioré.  Les moteurs nuclaires n'existent toutefois pas, de sorte que les appareils ont des capacités limitées.  Si les envolées sont à l'abris des caprices de la météo, elles ne le sont pas des obsessions de la sécurité.
     Des vitesses de croisière de 1 600 kilomètres/heure ou plus seront probablement atteintes par les avions de luxe. Le courrier postal et le cargo prioritaire pourront être livrés par des missiles sans pilote contrôlés depuis des stations au sol. Les spécialistes des années 1950 voyaient se profiler l'ère des vols supersoniques (en Concorde).  Par contre, tout comme l'achemienent de colis par fusée, les coûts se sont révélés trop exorbitants pour être rentables.
     De nouveaux principes de sustentation et le développement de concepts déjà envisagés mettront un terme aux problèmes posés par l’existence des grands aéroports. Le recourt aux ailes pivotantes et à des avions à ailes conventionnelles ainsi qu’à des hélicoptères de grande capacité éliminera la nécessité d’utiliser les grandes pistes d’atterrissage.  Eh non, on a toujours besoin de grands aéroports et les services aéroportés au centre-ville demeurent exceptionnels.
     Des sections d’avion détachables et interchangeables d’un appareil à l’autre permettront la livraison de cargo de porte-à-porte.  Évocation des services de livraison par conteneur qui se font aujourd’hui par avion, par train et par camion.
     La cohabitation automobile-avion sera devenue une réalité. Était-ce vraiment une bonne idée?!
     Les chercheurs civils mèneront des études sur l’espace extra-atmosphérique en vue de réaliser des expéditions interplanétaires à l’aide de moyens qu’on ne peut envisager en ce moment. Même après cinquante ans d'exploration spatiale, on utilise toujours le principe de la fusée pour se déplacer dans l'espace.  Et personne n'a encore conçu un moyen vraiment révolutionnaire.
Construction : la maison au bout des doigts
     Les tendances actuelles façonnent déjà ce que seront les maisons, appartements et édifices à bureaux de la fin du siècle.  Elles pointent vers des villes qui se dresseront à la verticale et vers des banlieues accessibles par aéroport.  Ces petites communautés se trouveront à 150 kilomètres ou plus des grands ensembles de gratte-ciels qui s’élèveront au milieu d’immenses parcs et terrains de jeu. On a longtemps cru qu’en l’an 2000, on se déplacerait en avion, en hélicoptère ou en auto volante…  Mais, n’est-il pas vrai que parfois, à cause des embouteillages monstres, on a l’impression que nos banlieues se trouvent à 150 kilomètres du centre-ville?!
     Les gens vivront dans des maisons automatisées, nos gros boutons étant remplacés par des touches ou par des commandes vocales.  Déjà, certains n’ont qu’à peser sur une touche pour fermer une fenêtre ou pour activer une cafetière.  Mais demain, ce genre de tâches se fera du bout des doigts, comme c’est déjà possible dans les élévateurs des édifices les plus modernes.  Ou encore, on murmura simplement des commandes dans un intercom. N’est-il pas étonnant de réaliser qu’on a jadis rêvé de vivre dans un monde de «touches» comme c’est notre cas?
     Dans les petites villes, les règlements de zonage feront en sorte que chaque habitation sera entourée de pelouses, de jardins et d’arbres. Des murs vitrés s’abaisseront afin de fusionner l’extérieur et l’intérieur des maisons lorsque les conditions météo le permettront.  Les citadins se prélasseront sur des balcons individuels juchés bien au-dessus de la cime des arbres des parcs bordant les complexes immobiliers. La température des habitations sera maintenue à un degré confortable et constant tout au long de l’année. La chaleur sera extraite du sous-sol de la terre, de même que la climatisation. Plusieurs de ces énoncés se sont avérés. On y devine le fantasme de la vie de banlieue, des maisons de rêve et des grandioses ensembles de gratte-ciels des centre-ville entourés de jardins.  C’est plus ou moins notre réalité, bien que ce ne soit pas aussi paradisiaque qu’on l’imaginait.  On évoque même les concepts des maisons climatisées et de la géothermie.
     Les gratte-ciels redeviendront populaires à cause de la demande pour les grands espaces de qualité.  Cependant, les nouveaux édifices n’auront guère plus de cinquante étages, puisque ce sera la limite optimale d’opération pour les ascenseurs et pour les services d’utilité publiques. Très intéressant comme vision: si de très grands gratte-ciels ont été construits, il n’en reste pas moins que la majorité ne dépasse guère les cinquante étages.
     De nouveaux matériaux préfabriqués et ultralégers seront utilisés dans la construction et pour la rénovation des maisons et des gratte-ciels, aussi facilement qu’on change à présent la disposition des cloisons dans les édifices modernes. Tout à fait exact.
La télévision : voir et parler
     Les télévisions couleur tridimensionnelles seront si courantes et si perfectionnées que, dans certains cas, il s’agira de simples dispositifs projetant sur le mur du vivoir des images quasi réelles.  La pièce sera en outre automatiquement remplie de l’arôme appropriée. Nous n’en sommes pas vraiment là, bien que nous amorçons l’ère de la haute définition.  Quant à diffuser les odeurs d'accompagnement, est-ce vraiment une bonne idée?
     Les appareils radio auront disparu, puisque plus personne n’écoutera des émissions qu’on ne peut regarder.  La radio aura été remplacée par une technologie de communication qu’on ne peut imaginer pour l’instant. On pense souvent qu’une nouvelle technologie en remplacera une autre. Or, généralement, les technologies s’additionnent.  Par ailleurs, ne pourrait-on pas penser qu'on évoque ici les baladeurs et autres «iPod» de notre époque?
     La transmission de l’électricité se fera sans fil – l’un des grands rêves des ingénieurs sera enfin réalité.  Plus de poteaux ni de fils électriques qui cèdent lors des intempéries. Une simple antenne placée sur le toit des maisons recueillera l’énergie nécessaire pour alimenter les équipements domestiques. Voilà une excellente idée, car elle permettrait aussi d’éliminer les amoncellements de fils qu’on retrouve un peu partout dans nos maisons.  Pour l’instant, la seule solution qu’on a trouvé, consiste à enterrer les fils extérieurs.
     Les communications téléphoniques se feront par ondes radio, à l’aide d’appareils sans fil et équipés d’écran télé.  L’interlocuteur à l’autre bout de la communication n’aura plus de secret.  Tout piéton sera muni de son propre téléphone, un appareil qui combinera la technologie des rayons X et de la télévision. Nos grands-parents ont beaucoup rêvé du téléphone portable, une technologie qui a changé notre quotidien.  Et voici qu’on arrive à l’ère du «visiophone».
     De même, des appendicectomies seront réalisées à l’aide de caméras télé à rayons X, d’écrans télé et de bistouris électroniques – ces derniers étant des électrodes fonctionnant sans avoir à percer la peau. Prédictions assez proches des innovations technologiques médicales de notre époque.
Le cinéma : diffusion en quatre dimensions
     Certaines salles de cinéma auront la forme de dôme.  La surface de ces murs courbés servira d’écran.  L’action du film se déroulera généralement devant les spectateurs, mais parfois aussi au-dessus de leur tête, sur les côtés ou à l’arrière. Ainsi, une fillette traverse la rue devant les spectateurs et ceux-ci se retournent pour voir si, derrière eux, une voiture s’en vient… Ce n’est pas tout à fait notre réalité, bien que cela fait penser aux écrans IMAX.  Les futurologues du passé n’ont cependant pas imaginé le son quadriphonique recréant un peu ce qu’ils décrivent.
     Les photos en trois dimensions existeront probablement. Il pourrait s’agir d’images ayant de la profondeur comme on en voyait autrefois dans les boutiques de stéréoscopie. Quasiment tous les films seront en couleur.  Les spectateurs continueront de rire et de réagir aux mêmes choses que nous.  Les films d’amour et les westerns continueront d’être à l’affiche. Évidemment, c’est là la description des hologrammes.  Mais pourquoi les experts imaginaient-ils que les films ne seraient pas tous en couleur?  Ils ont néanmins vu juste en pensant que le goût des cinéphiles changerait peu.
     L’influence de la télévision sera énorme, estiment des chefs de l’industrie comme Cecil B. DeMille et Dore Schary. Ceux-ci envisagent déjà le «mariage» du cinéma et de la télévision. Certains pensent que la télévision ne détrônera que les petits théâtres.  Mais si jamais se développe un système qui permet aux spectateurs de choisir ses projections, alors certains prédisent que plus aucun théâtre ne survivra. C’est tout à fait le cas, n’est-ce pas… pour le meilleur et pour le pire.
Agriculture : un âge d’or
     Une ère de prospérité sans précédente en agriculture – qui procurera davantage de sécurité économique aux fermiers et de meilleurs aliments aux consommateurs – pourrait bien être l’une des plus grandes réalisations de la seconde moitié du vingtième siècle.  Tout à fait exact (si ce n'est que la vie d'agriculteur n'est pas de tout repos).
     D’ailleurs, l’un des remarquables avancées obtenues au cours de la première moitié du siècle a justement été des progrès dans cette direction.  Au début des années 1900, il fallait les efforts des deux cinquièmes de la population pour répondre aux besoins en produits de la ferme.  Cinquante ans plus tard, il n’en faut plus que le cinquième. Ceci a été rendu possible en grande partie grâce aux progrès de la science, à de nouveaux ou à de meilleurs équipements de ferme ainsi qu'à l’amélioration de la biologie. Exact.
     Comme on prévoit qu’il y aura 200 millions d’Américains d’ici la fin du siècle, les dirigeants de l’industrie prédisent que moins d’un dixième de la population sera nécessaire pour alimenter les marchés en produits agricoles. Probablement exact. (Notez que cette portion du texte mentionne 200 millions d'Américains alors que, plus haut, on prédisait 300 millions.  De toute évidence, ce ne sont pas les mêmes experts à l'oeuvre.)
     Selon eux, grâce à l’utilisation à large échelle de plantes et d’animaux plus performants, grâce à l’amélioration des engrais, grâce à de nouvelles façons de cultiver et à de la machinerie agricole plus performante, les agriculteurs du futur auront besoin de beaucoup moins de terre. Exact.
     L’une des retombées qu’on peut attendre du fait d’avoir moins besoin de fermes, ainsi que des nouveaux développements scientifiques à venir, sera la stabilisation de la production agricole et des approvisionnements - ce qui procurera une meilleure sécurité à tous ceux qui cultivent la terre. Exact.
Politique : la liberté triomphera
     Comment sera gouverné notre pays dans cinquante ans?
     Probablement comme aujourd’hui: par deux parties qui se disputent l’un l’autre et entre eux. Les électeurs seront libres de choisir le gagnant, celui-ci demeurant pressé de toute part et guidé par une constitution qui n’aura guère changé depuis l’époque de George Washington. Tout à fait exact: rien n'a vraiment changé.
     Il est par contre assez facile d’imaginer de tout autre scénarios.
     Ainsi, certains nous voient glisser vers un État tout-puissant qui nous contrôlera en recourant au prétexte de la «sécurité». Certains entrevoient la nécessité de restreindre les libertés afin de se protéger contre ceux qui complotent contre nous. Et d’autres craignent que notre liberté soit difficile à préserver advenant une guerre mondiale. Prédictions vraiment étonnantes, lorsqu’on songe à l’ère Bush qui a sévi à partir de l’an 2000. De la prémonition!
     Et alors?
     Serons-nous confrontés à une dictature militaire qui tentera de restaurer l’état de la nation, sinon même son âme, à la suite d’une conflagration nucléaire?  Une nouvelle forme de fascisme?  Ou, au nom du socialisme, des mesures plus ou moins strictes de contrôle sur ce que nous aurons le droit de faire et sur ce qui nous sera interdit? Plutôt juste, n'est-ce pas?
     Certains craignent le pire… 
     Pourtant, depuis la naissance de la nation, nous avons craint le pire tout en espérant le meilleur.  Nous avons traversé des guerres et des dépressions.  Et nous sommes passés à travers tout cela tout en demeurant libres. Tout à fait exact comme raisonnement.
     Aujourd’hui, nous avons la puissance – comme on peut le démontrer aisément – de choisir la voie que nous désirons. 
Travail : des semaines de plus en plus courtes
     On a toutes les raisons de penser que la croissance du syndicalisme, amorcée au début des années 1900, continuera de se poursuivre au cours de la seconde moitié du siècle.  Oups, là les spécialistes se sont trompés, puisque le syndicalisme a connu d’importants reculs, particulièrement aux États-Unis.
     Partie pratiquement de rien, le syndicalisme s’est énormément développé et est toujours en pleine croissance.  Les multiples composantes et regroupements de la société – le mouvement syndical n’en étant qu’un parmi d’autres – réalisent à présent que la sécurité et le bien-être de la nation exigent que tous demeurent vigoureux et travaillent ensemble. En théorie, c’est vrai, mais la réalité est très différente.
     Puisque le syndicalisme arrive à maturité, il devrait être mieux considéré par les autres acteurs de la société.  Ce fait devrait tendre à éliminer les grands conflits entre syndicats et employeurs et créer de meilleures relations de travail.  Ce n'est pas ce qui est arrivé aux États-Unis
     Tout porte à croire que le syndicalisme continuera de s’impliquer dans la politique. jouant probablement un rôle de plus en plus important.  D’ici la fin du siècle, ce mouvement pourrait s’être doté de son propre parti, comme c’est le cas en Europe. Faux.  Ce sont plutôt les mouvements religieux qui, aux États-Unis, ont pris beaucoup de place sur l'échiquier politique.
     On peut aussi parier que, à la fin du siècle, plusieurs projets sociaux actuellement perçus comme des mesures socialistes seront acceptés et même mis en oeuvre.  Qui, en 1900, aurait pu imaginer qu’au milieu du siècle, il y aurait des régimes de pensions institués par le gouvernement et une semaine de travail limitée à 40 heures, un salaire minimum, la limitation du travail des enfants ou des primes pour le chômage? Cela a été vrai jusque dans les années 1960, mais de moins en moins au fur et à mesure que se déroulait le siècle.
     Dites donc à vos enfants qu’ils ne devraient pas s’étonner si un jour, des lois limitant la semaine de travail à 35 heures, sinon même à 20 heures.  Théoriquement, c’est vrai mais la réalité est tout autre.  Voir ma conclusion ci-dessous.

Note. Cet article a été rédigé par divers spécialistes de l’Associated Press: J.M. Roberts fils (affaires internationales), Howard W. Blakeslee (science), Sam Dawson (économie), Dorothy Roe (affaires féminines), Alexander George (démographie), James J. Strebig (aviation), David G. Bareuther (construction), C.E. Butterfield (télévision), Gene Handsaker (cinéma), Ovid A. Martin (agriculture), Ed Creagh (politique), Norman Walker (travail) et David Taylor Marke (éducation).
 
Quelques commentaires

     Deux aspects des prédictions qui précèdent m’étonnent au plus haut point.

     Premièrement, l’immense majorité d'entre elles s'est avérée juste.  De surcroît, plusieurs sont étonnantes de précision, notamment le nombre d’Américains vivant en l’an 2000 et leur espérance de vie, ainsi que les prédictions concernant le cancer (qu’on combattra de mieux en mieux sans toutefois le vaincre).  De même au sujet des technologies spatiales et de guerre ainsi que de la vie en banlieue et concernant plusieurs gadgets.  La qualité et la quantité des bonnes prédictions dépassent, et de loin, tout ce qu’il m’a été donné d’observer depuis trente ans du côté des astrologues, devins et autres voyants de tout acabit. Aucun n’arrive à la cheville des spécialistes de l’Associated Press!

     Deuxièmement, l’aspect qui m’étonne davantage, c’est de réaliser que l’ensemble des prédictions faites en 1950 est plutôt optimiste, comme le résume si bien l’introduction: «des millions d’entre nous vivront assez longtemps pour connaître la paix, la prospérité, la santé, une existence prolongée, davantage de loisirs et plus de luxe que nul n’en a connu». 
     Or, on aurait pu s’attendre à ce que nos grands-parents imaginent une pléthore de catastrophes – guerres nucléaires, famines planétaires, surpopulation, cataclysmes dévastateurs, désastres écologiques et industriels, dictatures et abus de pouvoir… - qui conduiraient inévitablement vers la décadence de l’humanité, sinon même vers sa disparition.  C’est d’ailleurs le genre de scénarios auxquels on nous a habitué depuis une trentaine d’années.
     Non seulement nos grands-parents ont-ils rêvé d’un futur «en rose», mais ils ont vu juste!
     Étonnant, tout de même..

De la société du loisir à celle de la consommation

     Il y a par contre quelques failles majeures dans leurs prédictions.  Non, il ne s’agit pas tant d’«oublis» technologiques comme les ordinateurs, l’Internet, les CD et DVD, ni même de la prédiction erronée (mais très compréhensible) d’une troisième guerre mondiale. Il s'agit plutôt des révolutions sociales qui allaient inévitablement se produire, en particulier dans les rapports entre les hommes et les femmes. 
     C’est à peine si les experts de 1950 évoquent que les femmes envahiront le marché du travail et que l’une d’elles pourrait devenir présidente des États-Unis.  Mais on devine que les rapports homme-femme ne changeront guère, les unes demeurant au foyer pendant que les autres «gagnent la vie».
     Ainsi, non seulement personne n’a vu venir l’invention de «la pilule» (contraceptive) ni la libération sexuelle et le féminisme, mais encore moins l’effondrement de la pratique religieuse. la vie en union libre, l’éclatement des familles, l’individualisme, l’hyper-sexualisation, etc.  Tout se passe comme si, aux yeux de nos grands-parents, la société allait se transformer du point de vue technologique, mais très peu sur le plan social. 
     Évidemment, aujourd’hui encore, il est toujours plus facile d’imaginer des bouleversements technologiques – un jour, on pourra faire ceci et cela…, on aura vaincu telle maladie…, on sera confronté à tel péril… -, mais il demeure aussi difficile d’imaginer comment évolueront la société et les rapports humains. 

     En réalité, il y avait dans les années 1960-1970 une prédiction largement répandue concernant l’évolution de notre société: on imaginait qu’en l’an 2000, on vivrait dans une société du loisir, dans un monde où on aurait peu besoin de travailler pour vivre décemment. 
     Or, évidemment, tel n’est pas le cas. 
     Que s’est-il donc passé?
     Le concept de la société du loisir a été supplanté par celui de la société de consommation qui nous stimule à acheter davantage de biens et de services. 
     Pourtant, nous pourrions vivre dans une «société du loisir» si nous le choisissions.  C’est-à-dire que si on se contentait de vivre comme le faisaient nos grands-parents – si on limitait notre consommation au même degré que le leur -, nous pourrions vivre en ne travaillant que quelques dizaines d’heures par semaine. 
     Mais comme la publicité omniprésente et les pressions sociales de nos pairs et des médias nous poussent toujours plus à consommer – les multiples manifestations de la mode et du «voisin gonflable» -, on doit par conséquent réaliser de longues semaines de labeur tout en se couvrant de dettes difficilement remboursables. «Consommez aujourd’hui et payez plus tard!», nous dit-on. Ce faisant, on s’embourbe dans nos propres chaînes de surconsommateur effrêné… 

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© Claude Lafleur, 2008
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