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Par
quels moyens pourra-t-on explorer l’espace? Voilà la question
qu’on se posait il y a un siècle.
Bien qu’il soit
difficile d’évaluer les distances nous séparant des autres
mondes, on réalisait alors que celles-ci sont énormes. Ainsi,
on estimait que la Lune, l’astre le plus proche, se trouve à des
centaines de milliers de kilomètres de nous. Les planètes
et le Soleil sont à des millions de kilomètres. Il s’agit
de distances astronomiques! Quant aux étoiles, elles se situent
infiniment plus loin…
De surcroît,
on s’est rendu compte que l’espace n’est pas un milieu offrant un point
d’appui — de l’air ou de l’eau — sur lequel faire voguer nos navires. Un
vide sidéral nous sépare des autres mondes. Comment parvenir
à franchir de telles distances dans le vide?
La solution à
ce problème semble d’ailleurs si inimaginable que les auteurs des
premiers récits de voyage spatial se contentent de suggérer
des moyens loufoques: navires à voiles, ballons ou obus de canon.
Que leur importe puisqu’après tout, c’est l’aventure dans les autres
mondes qui les intéressent.
La solution au voyage
spatial est énoncée en 1883 par Constantin Tsiolkovski: la
fusée. Ce savant russe publie même les calculs montrant la
nécessité d’utiliser des fusées à étages
pour parvenir jusqu’à l’espace. Toutefois, Tsiolkovski vivant dans
un coin reculé de Russie, ses travaux passent inaperçus.
Ce n’est que dans les années 1910 et 1920 que d’autres savants arrivent
aux mêmes conclusions que lui. Toutefois, entre le concept théorique
de la fusée et sa mise en pratique, il y a un gouffre.
L’américain
Robert Goddard est le premier à franchir ce gouffre en lançant
en 1926 une fusée qui s’élève à douze mètres
seulement. Puis, dans les années 1930, des clubs d’amateurs mettent
au point les premiers moteurs-fusées. C’est au sein de ces clubs
que plusieurs de ceux qui conquerront l’espace font leur classe, notamment
les ingénieurs et organisateurs de talent que sont Sergueï
Korolev et Wernher von Braun. Néanmoins, s’ils rêvent
d’espace, leurs fusées n’atteignent que quelques centaines de mètres,
loin de la frontière de l’espace située à plus de
cent kilomètres d’altitude.
La première fusée
L’éclatement
de la seconde guerre mondiale, à l’automne 1939, stoppe les premières
tentatives pour atteindre l’espace. La guerre fait dévier
ces recherches vers la mise au point de missiles, des fusées capables
d’expédier des bombes à grande distance.
Ce sont les Allemands
qui réalisent les plus grands progrès dans ce domaine, en
concevant la première véritable fusée opérationnelle:
le missile A4, rebaptisé «Vengeance-2» et capable d’atteindre
des cibles situées à trois cents kilomètres. Fait
remarquable, les Allemands tireront 5 000 V-2 en l’espace de trois années
alors que, par comparaison, en cinquante ans d’exploration spatiale (1957-2007),
nous ne lancerons pas même 4 900 fusées porteuses de satellites.
Le V-2 marque les
débuts de l’exploration spatiale. C’est ainsi qu’au printemps 1945,
lorsque la guerre prend fin avec la défaite de l’Allemagne, les
Américains et les Soviétiques s’emparent du plus grand nombre
possible de savants allemands et de V-2. Toutefois, ce sont les Américains
qui font main basse sur la crème des scientifiques, dont le réputé
von Braun.
C’est alors
que, chacun de leur côté, les Américains et les Soviétiques
développent leur savoir-faire en s’exerçant à tirer
des V-2. Ceux-ci permettent en même temps d’explorer les hautes altitudes
et même d’atteindre l’espace. Dès 1949, un V-2 américain
modifié monte jusqu’à 400 kilomètres, l’altitude à
laquelle orbite à présent la Station spatiale internationale.
Il y a néanmoins
un gouffre entre cette capacité de sonder l’espace et celle d’y
placer des satellites. Aller dans l’espace ne consiste pas tant à
dépasser les cent kilomètres d’altitude mais d’atteindre
la vitesse de satellisation de 28 000 kilomètres-heure. Or, il faudra
encore des années d’efforts soutenus pour y parvenir.
Arme ultime
Avant la guerre,
les deux idéologies qui dominent le monde — le capitalisme et le
communisme incarnés par les Américains et les Russes — se
trouvaient séparées par une distance géopolitique
suffisante pour pouvoir coexister. Cependant, au lendemain de la guerre,
les Soviétiques occupant une bonne part de l’Europe, le monde bascule
dans une lutte idéologique à finir: la guerre froide.
De surcroît,
la guerre a complètement transformé la donne stratégique
à cause de deux innovations militaires: le missile et la bombe atomique.
Le jour approche où on pourra anéantir un adversaire simplement
à l’aide d’ogives nucléaires transportées par missiles.
Et puisqu’aucune autre arme ne peut contrer la puissance foudroyante des
missiles à tête nucléaire, ils constituent l’ultime
arme de guerre.
De crainte que l’un
des deux camps ne se dote le premier d’un nombre suffisant de missiles
nucléaires, les Américains et les Soviétiques se lancent
dans une course effrénée à l’arme ultime. Le monde
bascule alors dans une lutte à finir dont l’enjeu est la domination
d’un système idéologique sur l’autre.
C’est ainsi que
tout au long des années 1950, les deux rivaux développent
des missiles et des bombes atomiques toujours plus puissants.
L’exploration de l’atmosphère
Cette course à
l’arme ultime n’a, en soit, rien à voir avec l’exploration de l’espace.
Cependant, les concepteurs des missiles — qui rêvent en fait d’explorer
l’espace depuis des décennies — ont pleinement conscience que les
engins de guerre qu’ils mettent au point permettront également de
lancer des satellites.
En 1953, Fred Singer,
jeune physicien de l’Université du Maryland, propose d’ailleurs
le lancement d’un satellite rudimentaire qu’il surnomme MOUSE (souris),
l’acronyme de Minimum Orbital Unmanned Satellite of the Earth. L’année
suivante, Mikhaïl Tikhonravov suggère d’utiliser le puissant
missile R-7 que développe Sergueï Korolev pour faire de même.
Malgré le
fait que les missiles aient pour mission le transport de bombes, leur mise
à l’essai permet en même temps de sonder la haute atmosphère
terrestre. Pour la première fois, on peut étudier à
très haute altitude les radiations provenant du Soleil et de l’espace
qui sont normalement filtrées par l’air. Des chercheurs profitent
donc du tir de missiles pour y embarquer toute sorte d’appareils de mesure.
L’intérêt
pour l’exploration de l’atmosphère grandit à tel point qu’au
début des années 1950, la communauté scientifique
internationale décide d’organiser une session intensive d’études
de l’environnement terrestre. Elle met en œuvre l’Année géophysique
internationale qui s’étendra du 1er juillet 1957 au 31 décembre
1958. Ces 18 mois d’études sont retenus afin de profiter d'une
période soutenue d’éruptions solaires. On désire mesurer
l’impact du Soleil sur notre environnement.
Dans le cadre de
cette année géophysique, la communauté scientifique
déploiera la gamme des moyens permettant d'étudier l’atmosphère:
instruments au sol et équipements transportés en altitude
par ballons et par fusées-sonde. En 1955, les Américains
et les Soviétiques annoncent même leur intention de lancer
des satellites durant cette période.
Voilà donc
que, sans qu’on le réalise à ce moment-là, s’amorce
la grande aventure de l’exploration spatiale.
Suite: Janvier
1957: Espace, guerre et paix |
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Par quel moyen parviendra-t-on
à explorer l’espace? Voilà la question qu’on se posait il
y a cent ans. La solution a été trouvée par un obscur
savant russe: la fusée. C’est en effet le seul moyen pour s’affranchir
de la gravité terrestre pour voyager dans le vide spatial. |
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Distances
La
Lune se trouve à 385 000 kilomètres de nous. Les planètes
les plus proches sont à des dizaines de millions de kilomètres.
Le Soleil se trouve à 150 millions de kilomètres. Quant aux
étoiles, elles se situent à des centaines de milliards de
kilomètres d’ici.
Il
s’agit bien entendu de distances qui dépassent notre compréhension.
Pour s'en faire une idée, divisons-les par un milliard. C'est alors
que la taille du Système solaire équivaut à celle
d’une ville d'une vingtaine de kilomètres. À cette échelle,
la Terre correspond à un raisin et la Lune à un petit pois,
les deux étant distants de 38 centimètres.
La
taille du Soleil se compare alors à celle d'un humain. Mercure,
la planète la plus proche du Soleil, deviendrait un petit pois placé
à 58 mètres de là. Quant à Vénus, il
s’agirait d’un raisin posé à 108 mètres du Soleil,
alors que la Terre serait un raisin posé à 150 mètres
— l’équivalent d’un pâté de maisons.
Pour
sa part, Mars s'assimilerait à un bleuet placé à 230
mètres du Soleil (à un pâté et demi de maisons),
alors que Jupiter serait un pamplemousse installé à trois-quarts
de kilomètre. Quant à Saturne, un autre pamplemousse, elle
se trouverait à 1½ kilomètre du Soleil. Pluton (une
graine) fermerait la marche à 6 kilomètres du centre-ville.
À
cette échelle, les plus proches étoiles se situeraient à
des centaines de kilomètres du Système solaire-ville. (Voir
La
taille de l’Univers à l’échelle humaine) |
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Constantin
Tsiolkovski (1857-1935)
Autodidacte, Constantin Tsiolkovski est cet instituteur de campagne qui
a trouvé le moyen de conquérir l’espace. Il démontre
entre autres qu’une fusée à carburants liquides serait assez
puissante pour atteindre l’espace. Il découvre aussi qu’une fusée
formée de plusieurs étages — et non tout d’un bloc — sera
le véhicule idéal pour explorer l’espace. Il est de ce fait
considéré comme le grand théoricien de l’astronautique.
En
outre, Tsiolkovski décrit une station interplanétaire composée
de plusieurs éléments séparés. Il est de ce
fait considéré comme le visionnaire des stations orbitales.
Il est cependant trop en avance sur son temps pour pouvoir tester ses idées.
Son œuvre est néanmoins reconnu de son vivant, Tsiolkovski est élu
à l'Académie des Sciences de l'URSS. il décède
en 1935 à l'âge de 78 ans. (Plus dans Wikipédia) |
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La
fusée: seule façon d’aller dans l’espace
Pourquoi
faut-il nécessairement utiliser une fusée pour aller dans
l'espace?
Tous nos moyens de transport s’appuyent sur un milieu pour avancer, à
commencer par nos pieds sur le sol. De même, les véhicules
à roues ont besoin de routes, les navires de l'eau, les ballons
et avions de l'air, etc. Toutefois au-delà d’une cinquantaine
de kilomètres d'altitude, il n'y a plus rien pour y appuyer un véhicule
conventionnel. Seule la fusée peut s'y déplacer en éjectant
de la matière derrière elle. La poussée exercée
par les gaz sortant de l’arrière d’une fusée la fond avancer
très rapidement.
De
plus, comme la fusée est destinée à fonctionner dans
le vide, elle emporte avec elle tous les combustibles dont elle a besoin.
(La plupart des moteurs de nos véhicules terrestres mélangent
du carburant à l'air ambiant.) Bref, la fusée est le seul
véhicule autonome qui n’a ni besoin d’un milieu ambiant sur lequel
s’appuyer ni de s’alimenter. (Plus dans Wikipédia) |
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Robert
Goddard (1882–1945)
Pionnier
américain de l'exploration spatiale, Robert Goddard a conçu
l’une des premières fusées, tout en inventant la plupart
des composantes des fusées. Le 16 mars 1926, il réalise le
premier tir d’une fusée à carburants liquides. Au cours des
onze années suivantes, il réussit plusieurs tirs, dont celui
d'une fusée qui retombe deux kilomètres plus loin. Il est
l'auteur de deux cents brevets cernant la technologie des fusées.
En
1919, Goddard publie son livre A method for reaching extreme altitudes
dans lequel il propose d'utiliser des fusées pour explorer l'atmosphère
terrestre. Il préconise même d’envoyer une fusée sur
la Lune avec une charge explosive suffisante pour que l’impact soit visible
depuis la Terre.
Goddard
meurt en 1945, à 62 ans, en ayant vu que des fusées comme
les V-2 peuvent expédier des bombes à de grandes distances.
(Plus dans Wikipédia) |
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Missile
et fusée V-2
Le V-2 a d’abord été une terrifiante arme de guerre avant
de donner naissance aux premiers lanceurs de satellite.
Mis
au point au début des années 1940, il s’agit du premier missile
capable d’expédier des bombes à plusieurs centaines de kilomètres
de son point de départ. Plus de trois mille V-2 ont été
tirés en direction de l’Angleterre (principalement contre Londres).
En terme de pertes de vie, cette arme s’est révélée
peu efficace. Par contre, elle a été une arme de terreur,
puisqu’impossible à contrer. Pour cette raison, le V-2 a validé
le concept des missiles balistiques comme arme foudroyante qui sera au
cœur de la guerre froide que se livreront Américains et Soviétiques
à partir des années 1950.
Par
ailleurs, une fois la seconde guerre mondiale terminée et jusque
dans les années 1950, des V-2 modifiés et améliorés
servent à parfaire les technologies des missiles ainsi qu’à
explorer l'atmosphère terrestre. De ce fait, ils sont à l’origine
des fusées qui permettent à présent d'explorer l’espace.
(Plus dans Wikipédia) |
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Principe
de satellisation
La
difficulté d’aller dans l’espace ne consiste pas à dépasser
la hauteur de l’atmosphère terrestre, mais à atteindre la
vitesse de satellisation. Dès les années 1940, des missiles
V-2 allaient dans l‘espace. Il a toutefois fallu développer des
fusées beaucoup plus puissantes pour parvenir à y placer
des satellites.
La
difficulté vient de ce que, pour demeurer dans l’espace, un engin
doit se déplacer à la vitesse de 28 000 kilomètres
à l’heure, soit 8 kilomètres à la seconde. (Imaginez
un trajet sur Terre de 8 kilomètres… que vous franchiriez en une
seconde seulement!)
Pourquoi
une telle vitesse?
Imaginez
un objet que vous tenez dans vos mains. Si vous le lâchez,
il tombera de 5 mètres durant la première seconde. Or, la
surface de la Terre est courbe: tous les 8 kilomètres, elle se courbe
de 5 mètres. Ainsi, si vous pouviez lancer l'objet en lui donnant
une vitesse horizontale de 8 kilomètres à la seconde, celui-ci
tomberait de 5 mètres, mais la surface qu’il survole s’incurvera
d’autant. Résultat: l’objet ne se rapprocherait jamais du sol, il
serait en orbite terrestre.
S’il
n’y avait pas d’atmosphère, on pourrait placer un objet en orbite
à une dizaine de kilomètres seulement (au-dessus des montagnes).
Il faut cependant atteindre une altitude où l’air est rare pour
demeurer dans l‘espace. Cette altitude est d’au moins 100 kilomètres,
bien qu'à une telle altitude, un satellite ne demeurerait dans l’espace
que quelques heures. On place généralement les satellites
à au moins 200 ou 300 kilomètres d’altitude.
Plus
un satellite se déplace rapidement, plus son orbite est haute. Un
engin circulant à plus de 11 kilomètres à la seconde
quitte le domaine terrestre pour se retrouver dans le Système solaire.
Il peut alors se rendre jusqu’à la Lune ou visiter n'importe quelles
planètes. À 17 km/sec, il quitte le Système solaire
et prend la route des étoiles.
Aller
dans l’espace n’est donc pas une question d’altitude mais de vitesse —
ce qui nécessite de puissantes fusées. |
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