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De 1900 à 1957 Récit précédent

Du rêve à la réalité

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.      Par quels moyens pourra-t-on explorer l’espace?  Voilà la question qu’on se posait il y a un siècle.
     Bien qu’il soit difficile d’évaluer les distances nous séparant des autres mondes, on réalisait alors que celles-ci sont énormes. Ainsi, on estimait que la Lune, l’astre le plus proche, se trouve à des centaines de milliers de kilomètres de nous. Les planètes et le Soleil sont à des millions de kilomètres. Il s’agit de distances astronomiques! Quant aux étoiles, elles se situent infiniment plus loin… 
     De surcroît, on s’est rendu compte que l’espace n’est pas un milieu offrant un point d’appui — de l’air ou de l’eau — sur lequel faire voguer nos navires. Un vide sidéral nous sépare des autres mondes. Comment parvenir à franchir de telles distances dans le vide?
     La solution à ce problème semble d’ailleurs si inimaginable que les auteurs des premiers récits de voyage spatial se contentent de suggérer des moyens loufoques: navires à voiles, ballons ou obus de canon.  Que leur importe puisqu’après tout, c’est l’aventure dans les autres mondes qui les intéressent.
     La solution au voyage spatial est énoncée en 1883 par Constantin Tsiolkovski: la fusée. Ce savant russe publie même les calculs montrant la nécessité d’utiliser des fusées à étages pour parvenir jusqu’à l’espace. Toutefois, Tsiolkovski vivant dans un coin reculé de Russie, ses travaux passent inaperçus. Ce n’est que dans les années 1910 et 1920 que d’autres savants arrivent aux mêmes conclusions que lui. Toutefois, entre le concept théorique de la fusée et sa mise en pratique, il y a un gouffre. 
     L’américain Robert Goddard est le premier à franchir ce gouffre en lançant en 1926 une fusée qui s’élève à douze mètres seulement. Puis, dans les années 1930, des clubs d’amateurs mettent au point les premiers moteurs-fusées. C’est au sein de ces clubs que plusieurs de ceux qui conquerront l’espace font leur classe, notamment les ingénieurs et organisateurs de talent que sont Sergueï Korolev et Wernher von Braun.  Néanmoins, s’ils rêvent d’espace, leurs fusées n’atteignent que quelques centaines de mètres, loin de la frontière de l’espace située à plus de cent kilomètres d’altitude.

La première fusée

     L’éclatement de la seconde guerre mondiale, à l’automne 1939, stoppe les premières tentatives pour atteindre l’espace.  La guerre fait dévier ces recherches vers la mise au point de missiles, des fusées capables d’expédier des bombes à grande distance. 
     Ce sont les Allemands qui réalisent les plus grands progrès dans ce domaine, en concevant la première véritable fusée opérationnelle: le missile A4, rebaptisé «Vengeance-2» et capable d’atteindre des cibles situées à trois cents kilomètres. Fait remarquable, les Allemands tireront 5 000 V-2 en l’espace de trois années alors que, par comparaison, en cinquante ans d’exploration spatiale (1957-2007), nous ne lancerons pas même 4 900 fusées porteuses de satellites.
     Le V-2 marque les débuts de l’exploration spatiale. C’est ainsi qu’au printemps 1945, lorsque la guerre prend fin avec la défaite de l’Allemagne, les Américains et les Soviétiques s’emparent du plus grand nombre possible de savants allemands et de V-2.  Toutefois, ce sont les Américains qui font main basse sur la crème des scientifiques, dont le réputé von Braun.
      C’est alors que, chacun de leur côté, les Américains et les Soviétiques développent leur savoir-faire en s’exerçant à tirer des V-2. Ceux-ci permettent en même temps d’explorer les hautes altitudes et même d’atteindre l’espace. Dès 1949, un V-2 américain modifié monte jusqu’à 400 kilomètres, l’altitude à laquelle orbite à présent la Station spatiale internationale.
     Il y a néanmoins un gouffre entre cette capacité de sonder l’espace et celle d’y placer des satellites.  Aller dans l’espace ne consiste pas tant à dépasser les cent kilomètres d’altitude mais d’atteindre la vitesse de satellisation de 28 000 kilomètres-heure. Or, il faudra encore des années d’efforts soutenus pour y parvenir.

Arme ultime

     Avant la guerre, les deux idéologies qui dominent le monde — le capitalisme et le communisme incarnés par les Américains et les Russes — se trouvaient séparées par une distance géopolitique suffisante pour pouvoir coexister. Cependant, au lendemain de la guerre, les Soviétiques occupant une bonne part de l’Europe, le monde bascule dans une lutte idéologique à finir: la guerre froide.
     De surcroît, la guerre a complètement transformé la donne stratégique à cause de deux innovations militaires: le missile et la bombe atomique. Le jour approche où on pourra anéantir un adversaire simplement à l’aide d’ogives nucléaires transportées par missiles. Et puisqu’aucune autre arme ne peut contrer la puissance foudroyante des missiles à tête nucléaire, ils constituent l’ultime arme de guerre.
     De crainte que l’un des deux camps ne se dote le premier d’un nombre suffisant de missiles nucléaires, les Américains et les Soviétiques se lancent dans une course effrénée à l’arme ultime. Le monde bascule alors dans une lutte à finir dont l’enjeu est la domination d’un système idéologique sur l’autre. 
     C’est ainsi que tout au long des années 1950, les deux rivaux  développent des missiles et des bombes atomiques toujours plus puissants. 

L’exploration de l’atmosphère

     Cette course à l’arme ultime n’a, en soit, rien à voir avec l’exploration de l’espace. Cependant, les concepteurs des missiles — qui rêvent en fait d’explorer l’espace depuis des décennies — ont pleinement conscience que les engins de guerre qu’ils mettent au point permettront également de lancer des satellites.
     En 1953, Fred Singer, jeune physicien de l’Université du Maryland, propose d’ailleurs le lancement d’un satellite rudimentaire qu’il surnomme MOUSE (souris), l’acronyme de Minimum Orbital Unmanned Satellite of the Earth. L’année suivante, Mikhaïl Tikhonravov suggère d’utiliser le puissant missile R-7 que développe Sergueï Korolev pour faire de même.
     Malgré le fait que les missiles aient pour mission le transport de bombes, leur mise à l’essai permet en même temps de sonder la haute atmosphère terrestre. Pour la première fois, on peut étudier à très haute altitude les radiations provenant du Soleil et de l’espace qui sont normalement filtrées par l’air. Des chercheurs profitent donc du tir de missiles pour y embarquer toute sorte d’appareils de mesure.
     L’intérêt pour l’exploration de l’atmosphère grandit à tel point qu’au début des années 1950, la communauté scientifique internationale décide d’organiser une session intensive d’études de l’environnement terrestre. Elle met en œuvre l’Année géophysique internationale qui s’étendra du 1er juillet 1957 au 31 décembre 1958.  Ces 18 mois d’études sont retenus afin de profiter d'une période soutenue d’éruptions solaires. On désire mesurer l’impact du Soleil sur notre environnement.
     Dans le cadre de cette année géophysique, la communauté scientifique déploiera la gamme des moyens permettant d'étudier l’atmosphère: instruments au sol et équipements transportés en altitude par ballons et par fusées-sonde. En 1955, les Américains et les Soviétiques annoncent même leur intention de lancer des satellites durant cette période.
     Voilà donc que, sans qu’on le réalise à ce moment-là, s’amorce la grande aventure de l’exploration spatiale.

Suite: Janvier 1957: Espace, guerre et paix

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Par quel moyen parviendra-t-on à explorer l’espace? Voilà la question qu’on se posait il y a cent ans. La solution a été trouvée par un obscur savant russe: la fusée. C’est en effet le seul moyen pour s’affranchir de la gravité terrestre pour voyager dans le vide spatial.
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Distances

     La Lune se trouve à 385 000 kilomètres de nous. Les planètes les plus proches sont à des dizaines de millions de kilomètres. Le Soleil se trouve à 150 millions de kilomètres. Quant aux étoiles, elles se situent à des centaines de milliards de kilomètres d’ici.
     Il s’agit bien entendu de distances qui dépassent notre compréhension. Pour s'en faire une idée, divisons-les par un milliard. C'est alors que la taille du Système solaire équivaut à celle d’une ville d'une vingtaine de kilomètres. À cette échelle, la Terre correspond à un raisin et la Lune à un petit pois, les deux étant distants de 38 centimètres. 
     La taille du Soleil se compare alors à celle d'un humain. Mercure, la planète la plus proche du Soleil, deviendrait un petit pois placé à 58 mètres de là. Quant à Vénus, il s’agirait d’un raisin posé à 108 mètres du Soleil, alors que la Terre serait un raisin posé à 150 mètres — l’équivalent d’un pâté de maisons. 
     Pour sa part, Mars s'assimilerait à un bleuet placé à 230 mètres du Soleil (à un pâté et demi de maisons), alors que Jupiter serait un pamplemousse installé à trois-quarts de kilomètre. Quant à Saturne, un autre pamplemousse, elle se trouverait à 1½ kilomètre du Soleil. Pluton (une graine) fermerait la marche à 6 kilomètres du centre-ville. 
     À cette échelle, les plus proches étoiles se situeraient à des centaines de kilomètres du Système solaire-ville. (Voir La taille de l’Univers à l’échelle humaine)

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Constantin Tsiolkovski (1857-1935)

     Autodidacte, Constantin Tsiolkovski est cet instituteur de campagne qui a trouvé le moyen de conquérir l’espace. Il démontre entre autres qu’une fusée à carburants liquides serait assez puissante pour atteindre l’espace. Il découvre aussi qu’une fusée formée de plusieurs étages — et non tout d’un bloc — sera le véhicule idéal pour explorer l’espace. Il est de ce fait considéré comme le grand théoricien de l’astronautique. 
     En outre, Tsiolkovski décrit une station interplanétaire composée de plusieurs éléments séparés. Il est de ce fait considéré comme le visionnaire des stations orbitales. Il est cependant trop en avance sur son temps pour pouvoir tester ses idées. Son œuvre est néanmoins reconnu de son vivant, Tsiolkovski est élu à l'Académie des Sciences de l'URSS. il décède en 1935 à l'âge de 78 ans. (Plus dans Wikipédia)

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La fusée: seule façon d’aller dans l’espace

     Pourquoi faut-il nécessairement utiliser une fusée pour aller dans l'espace?
      Tous nos moyens de transport s’appuyent sur un milieu pour avancer, à commencer par nos pieds sur le sol. De même, les véhicules à roues ont besoin de routes, les navires de l'eau, les ballons et avions de l'air, etc.  Toutefois au-delà d’une cinquantaine de kilomètres d'altitude, il n'y a plus rien pour y appuyer un véhicule conventionnel. Seule la fusée peut s'y déplacer en éjectant de la matière derrière elle. La poussée exercée par les gaz sortant de l’arrière d’une fusée la fond avancer très rapidement.
     De plus, comme la fusée est destinée à fonctionner dans le vide, elle emporte avec elle tous les combustibles dont elle a besoin. (La plupart des moteurs de nos véhicules terrestres mélangent du carburant à l'air ambiant.) Bref, la fusée est le seul véhicule autonome qui n’a ni besoin d’un milieu ambiant sur lequel s’appuyer ni de s’alimenter. (Plus dans Wikipédia)

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Robert Goddard (1882–1945)

     Pionnier américain de l'exploration spatiale, Robert Goddard a conçu l’une des premières fusées, tout en inventant la plupart des composantes des fusées. Le 16 mars 1926, il réalise le premier tir d’une fusée à carburants liquides. Au cours des onze années suivantes, il réussit plusieurs tirs, dont celui d'une fusée qui retombe deux kilomètres plus loin. Il est l'auteur de deux cents brevets cernant la technologie des fusées. 
     En 1919, Goddard publie son livre A method for reaching extreme altitudes dans lequel il propose d'utiliser des fusées pour explorer l'atmosphère terrestre. Il préconise même d’envoyer une fusée sur la Lune avec une charge explosive suffisante pour que l’impact soit visible depuis la Terre. 
     Goddard meurt en 1945, à 62 ans, en ayant vu que des fusées comme les V-2 peuvent expédier des bombes à de grandes distances. (Plus dans Wikipédia)

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Missile et fusée V-2

     Le V-2 a d’abord été une terrifiante arme de guerre avant de donner naissance aux premiers lanceurs de satellite. 
     Mis au point au début des années 1940, il s’agit du premier missile capable d’expédier des bombes à plusieurs centaines de kilomètres de son point de départ. Plus de trois mille V-2 ont été tirés en direction de l’Angleterre (principalement contre Londres). En terme de pertes de vie, cette arme s’est révélée peu efficace. Par contre, elle a été une arme de terreur, puisqu’impossible à contrer.  Pour cette raison, le V-2 a validé le concept des missiles balistiques comme arme foudroyante qui sera au cœur de la guerre froide que se livreront Américains et Soviétiques à partir des années 1950.
     Par ailleurs, une fois la seconde guerre mondiale terminée et jusque dans les années 1950, des V-2 modifiés et améliorés servent à parfaire les technologies des missiles ainsi qu’à explorer l'atmosphère terrestre. De ce fait, ils sont à l’origine des fusées qui permettent à présent d'explorer l’espace. (Plus dans Wikipédia)

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Principe de satellisation

     La difficulté d’aller dans l’espace ne consiste pas à dépasser la hauteur de l’atmosphère terrestre, mais à atteindre la vitesse de satellisation. Dès les années 1940, des missiles V-2 allaient dans l‘espace. Il a toutefois fallu développer des fusées beaucoup plus puissantes pour parvenir à y placer des satellites.
     La difficulté vient de ce que, pour demeurer dans l’espace, un engin doit se déplacer à la vitesse de 28 000 kilomètres à l’heure, soit 8 kilomètres à la seconde. (Imaginez un trajet sur Terre de 8 kilomètres… que vous franchiriez en une seconde seulement!) 
     Pourquoi une telle vitesse? 
     Imaginez un objet que vous tenez dans vos mains.  Si vous le lâchez, il tombera de 5 mètres durant la première seconde. Or, la surface de la Terre est courbe: tous les 8 kilomètres, elle se courbe de 5 mètres. Ainsi, si vous pouviez lancer l'objet en lui donnant une vitesse horizontale de 8 kilomètres à la seconde, celui-ci tomberait de 5 mètres, mais la surface qu’il survole s’incurvera d’autant. Résultat: l’objet ne se rapprocherait jamais du sol, il serait en orbite terrestre.
     S’il n’y avait pas d’atmosphère, on pourrait placer un objet en orbite à une dizaine de kilomètres seulement (au-dessus des montagnes).  Il faut cependant atteindre une altitude où l’air est rare pour demeurer dans l‘espace.  Cette altitude est d’au moins 100 kilomètres, bien qu'à une telle altitude, un satellite ne demeurerait dans l’espace que quelques heures. On place généralement les satellites à au moins 200 ou 300 kilomètres d’altitude. 
     Plus un satellite se déplace rapidement, plus son orbite est haute. Un engin circulant à plus de 11 kilomètres à la seconde quitte le domaine terrestre pour se retrouver dans le Système solaire. Il peut alors se rendre jusqu’à la Lune ou visiter n'importe quelles planètes. À 17 km/sec, il quitte le Système solaire et prend la route des étoiles. 
     Aller dans l’espace n’est donc pas une question d’altitude mais de vitesse — ce qui nécessite de puissantes fusées. 

© Claude Lafleur, 2010 Mes sites web: claudelafleur.qc.ca