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Janvier 1957 Récit précédent

Espace, guerre et paix

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.      Aux premiers jours de 1957, personne ne soupçonne qu’il s’agira d’une année historique, celle où on entre dans l’Ère spatiale
     On sait pourtant que les Américains et les Soviétiques prévoient lancer des satellites durant les 18 mois de l’Année géophysique internationale qui s’ouvrira le 1er juillet.  On pense toutefois que ces lancements auront lieu en 1958 et, surtout, qu’ils auront peu de retentissements. Dans l’esprit du temps, il s’agit tout au plus d’un progrès scientifique intéressant; un satellite est perçu comme un engin qui prolongera le travail des ballons et des fusées-sonde. Rares sont ceux qui prêtent au premier lancement d’un satellite le pouvoir d’émouvoir les foules et personne n’anticipe ses répercussions géopolitiques.

Ce qui se prépare

     En juillet 1955, le président Eisenhower a décidé que les États-Unis allaient lancer de petits satellites scientifiques (10 kilos) durant l’année géophysique. Désireux que ce projet soit de nature purement civile, il confie à l’U.S. Navy la tâche de développer une fusée conçue à cette fin, au lieu d’utiliser des missiles militaires. La Navy a été préférée à l’Armée de terre et à l’Armée de l’air parce qu’elle était la seule des trois à ne pas être engagée dans le développement de missiles. Pourtant, l’Armée de terre aurait très bien pu lancer des satellites plus tôt que la Navy à l’aide de ses missiles Jupiter, alors que l’Armée de l’air prépare deux puissants missiles (Thor et Atlas). Cette dernière prévoit d’ailleurs utiliser ses Thor pour lancer des satellites-espions qu’elle prépare déjà en secret. Au cours de 1957, la Navy prévoit donc réaliser trois ou quatre tirs d’essai de sa fusée nommée Vanguard, sans pour autant viser la mise en orbite d’un satellite.
     De leurs côtés, les Soviétiques sont très discrets, ayant simplement annoncé leur intention de lancer un satellite durant l’année géophysique, sans en dire plus. En secret, le bureau d’ingénierie que dirige Sergueï Korolev conçoit un puissant missile destiné à expédier des ogives nucléaires jusqu’en Amérique. Il s’agit de la Raketa No. 7 (R-7), le premier missile ayant une portée intercontinentale (d’au moins cinq mille kilomètres). Ce bureau prépare également en secret un gros satellite scientifique (une tonne) qui doit être lancé par un R-7. 
     Les Américains — qui se considèrent d’emblée en avance sur tout le monde en matière de haute technologie — découvriront bientôt que les Soviétiques ont mis au point des engins nettement plus puissants que les leurs. 
     Toutefois, en ce début d’année, la mise au point du gros satellite russe a pris du retard. Or, Korolev redoute que les Américains ne lancent leur satellite avant lui. Il ordonne donc la fabrication de deux satellites plus simples (d’une cinquantaine de kilos) qu’il espère lancer dès que son R-7 aura accompli deux tirs d’essai. Avant tout le monde, Korolev, qui célèbre ses 50 ans le 12 janvier, s’engage dans une course à l’espace.

L’espace pour la paix

     En ce début d’année 1957, on parle peu d’espace, encore moins d’une course.
     Le 10 janvier, le président Eisenhower surprend tout le monde en abordant le sujet dans son discours sur l’état de l’union américaine. Il est en réalité préoccupé par la course aux armes que se livrent son pays et l’URSS.  Il propose la négociation d’accords destinés à favoriser la paix dès les années à venir.
     «Nous sommes disposés à conclure tout accord qui inversera la tendance actuelle au développement d’armes atomiques toujours plus dévastatrices, dit-il.  Des accords qui diminueront de part et d’autre les risques d’une attaque-surprise, qui permettront de surveiller le développement des missiles et des satellites, qui mèneront à une réduction des armes et des forces armées et qui allégeront le fardeau des dépenses militaires.» 
     À 66 ans, Eisenhower devient le premier chef d’État à préconiser que l’espace serve uniquement à des fins pacifiques et scientifiques. Dans son discours, il annonce que les États-Unis proposeront aux Nations Unies une résolution visant à bannir toute utilisation militaire de l’espace. 
     Quatre jours plus tard, son représentant à l’ONU dépose un projet de résolution en cinq points qui vise entre autres la surveillance internationale des missiles intercontinentaux et l’utilisation pacifique de l’espace. La proposition américaine a de quoi surprendre lorsqu’on sait que le Pentagone prépare déjà plusieurs projets spatiaux (voir textes suivants).  Ce qui intéresse surtout Eisenhower, peut-on présumer, c’est le fait que les missiles intercontinentaux doivent traverser l’espace pour parvenir jusqu’à leur cible. Restreindre l’espace à des fins pacifiques reviendrait donc à les bannir.
     De leurs côtés, les Soviétiques ont proposé en novembre 1956 une réduction graduelle des troupes au sol, l’arrêt d’ici deux ans de toute production de matériel nucléaire à usages militaires, la suspension immédiate de tous les essais nucléaires ainsi que la fermeture des bases militaires à l’étranger.
     C’est dire que si les Américains s’inquiètent de ce que les Soviétiques s’équipent de missiles intercontinentaux capables d’atteindre leur territoire, ces derniers déplorent qu’une bonne part de leur pays soit déjà entourée de bases militaires américaines dotées d’armes nucléaires. 
     Les Soviétiques lient donc toute négociation au sujet des missiles intercontinentaux à la fermeture des bases américaines en Europe. Or, les Américains se refusent à considérer un tel marchandage. Voilà que les négociations de paix s’engagent bien mal.

Suite: Février 1957: Rêves de voyages

Voir aussi: January 1957: "Space for Peaceful Purpose Only dans The Great Adventure Project

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Aux premiers jours de 1957, personne ne soupçonne qu’il s’agira d’une année historique. On parle peu de l’exploration spatiale. Le président des Etats-Unis s’inquiète plutôt de la course aux armes que se livrent son pays et l’URSS.

 
Satellite, ballon et fusée-sonde

Appareils permettant d’étudier l’atmosphère terrestre. Les satellites gravitent en orbite autour de la Terre à 150 kilomètres et plus d’altitude. Les ballons flottent dans l’atmosphère à quelques kilomètres d’altitude. Les fusées-sonde sont seulement capables de grimper dans le ciel (généralement à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres) avant de retomber. Le vol des fusées-sonde est court (quelques minutes), celui des ballons peut s’étendre de quelques heures à plusieurs jours, alors que les satellites demeurent dans l’espace des mois, des années.


 
Fusée, missile, lanceur et fusée-sonde

La fusée est un moyen de transport qui développe au départ une puissante poussée en brûlant d’énormes quantités de carburants.  Elle permet d’atteindre rapidement les hautes altitudes ou de franchir de grandes distances. Selon sa mission, il existe différents types de fusées. Les missiles sont des fusées normalement chargées de transporter des bombes sur de grandes distances. Les lanceurs sont des fusées destinées à placer des satellites en orbite.  Les fusées-sonde servent à explorer l’atmosphère terrestre; elles ne transportent ni bombe ni satellite, mais de l’équipement scientifique. Dans la très grande majorité des cas, les fusées ne servent qu’une fois.


 
Army, Navy, Air Force

Les forces armées américaines comprennent quatre branches principales: l’Armée de terre (U.S. Army), les forces navales (U.S. Navy), les forces terre-mer (U.S. Marine) et l’Armée de l’air (U.S. Air Force).
     Dans le cadre de l’exploration spatiale:
La Navy a reçu le mandat de dévellopper une fusée conçue sur mesure pour lancer des satellites civils. Il s'agit de la fusée Vanguard.
L’Armée de terre a mis au point une famille de missiles, les Jupiter, qui seront éventuellement adaptés pour lancer des satellites.
L’Armée de l’air développe une gamme de missiles dont certains deviendront des lanceurs de satellites (Thor, Atlas et Titan).


 
Sergueï Korolev (1907-1966)

Ingénieur et organisateur de talent à qui on doit l’essentiel du programme spatial soviétique. Il a dirigé le bureau d’ingénierie qui a conçu le principal lanceur de satellite soviétique ainsi que les premiers satellites et capsules transportant des cosmonautes. (Plus dans Wikipédia


 
Missiles de courte, de moyenne et de longue portées, missiles intercontinentaux 

Selon la distance que peut franchir un missile, on dit qu’il est de courte portée (quelques centaines de kilomètres), de moyenne portée (de l’ordre du millier de kilomètres) et de longue portée (plusieurs milliers de kilomètres).  Les missiles de longue portée sont souvent dits «intercontinentaux» puisqu’ils peuvent franchir les distances séparant les continents.


 
Gros, petits et moyens satellites

Il existe des satellites de toute taille et de toute forme. Au début de l’ère spatiale, les Américains se préparaient à lancer de petits satellites pesant entre 2 et 10 kilos. Par contre, les Soviétiques préparaient un gros satellite (une tonne). Toutefois, pour des raisons techniques, ils ont commencé par lancer de plus petits satellites (85 et 500 kilos).


 
Dwight D. Eisenhower (1890-1969)

Trente-quatrième président des États-Unis. Ce président républicain a exercé le pouvoir de 1953 à 1961. Ce général est l’un des rares militaires à avoir été président des États-Unis. On lui doit la décision de lancer un satellite civil (le projet Vanguard) puis la création d’une agence spatiale civile (la NASA). (Plus dans Wikipédia)


 
Voir le discours sur l’état de la nation américaine prononcé par le président Eisenhower le 10 janvier 1957.
© Claude Lafleur, 2010 Mes sites web: claudelafleur.qc.ca