À Cap Canaveral, les responsables du projet Vanguard prennent livraison de la deuxième fusée d’essai, qu’ils espèrent lancer en avril.
     Sergueï Korolev a-t-il eu vent de l’affaire? Toujours est-il que, redoutant plus que jamais que les Américains ne lui dament le pion, il fait pression et obtient du conseil des ministres soviétiques l’autorisation de lancer un satellite dès avril ou mai. Deux des R-7 qui devaient normalement servir aux essais du missile intercontinental sont réaffectés au tir de satellites. Korolev devra cependant réussir un ou deux tirs d’essai avant de pouvoir se consacrer au lancement d’un satellite. 
 

     À l’occasion du premier Symposium sur l’astronautique, qui se tient à San Diego, les participants s’entendent pour dire que les premiers voyages humains dans l’espace devraient avoir lieu d’ici quelques années tout au plus. Un ingénieur enthousiaste et futur concepteur d’engins spatiaux, Krafft Ehricke (à l’aube de la cinquantaine), soutient par exemple qu’il serait possible de concevoir d’ici cinq ans et au coût de 350 millions $ un vaisseau capable de transporter quatre astronautes. Ses confrères pensent également que d’ici une vingtaine d’années, on effectuera des voyages vers la Lune et vers Mars. 
     Par contre, un inventeur de renom, Lee De Forest, considéré comme l'un des pères de l’électronique moderne, est d’avis que jamais l’homme ne marchera sur la Lune «quels que soient les progrès scientifiques à venir», dit-il.  Il pense néanmoins que la diffusion des signaux télévisés d’un continent à l’autre «n’est qu’une question de temps, d’une dizaine d’années tout au plus.» 
     Ce genre de prévisions montre à quel point les experts peuvent à la fois prêcher par excès de confiance et par pessimisme. Bien sûr, nous sommes allés sur la Lune douze ans après que De Forest en ait nié la possibilité. Par contre, comme il l’avait prédit, la télévision intercontinentale (par satellite) est devenue réalité en l’espace de huit années seulement. De même, dans les délais et aux coûts estimés par Ehricke, la NASA réalisera le programme Mercury, quatre capsules plaçant chacune un homme en orbite en 1962 et 1963. 

     Pour leurs parts, les militaires américains se préparent à conquérir l’espace. «Nous estimons que les envolées par-delà l’atmosphère sont dorénavant possibles», déclare le brigadier général Hollingsworth Gregory, responsable des recherches scientifiques pour l’Armée de l’air. 
     De son côté, Clifford Furnas, sous-secrétaire à la Défense responsable de la recherche et développement, considère que «Si on le veut vraiment et si on y met les efforts nécessaires, il sera possible de lancer d’ici dix ans un engin automatique vers la Lune. Un vaisseau lunaire habité pourrait être développé d’ici 25 ans.» (En réalité, Furnas est «pessimiste» puisque la première sonde lunaire sera lancée dès 1959 et on marchera sur la Lune dès 1969.)

Suite: Mars 1957: Secrets révélés

Voir aussi: February 1957: Dreaming of Spaceflight dans The Great Adventure Project