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Le Carnet 2009

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Dans le présent Carnet, il est abondamment question des Américains, particulièrement de la crise économique qu'ils vivent et de leur nouveau président.  Deux raisons motivent cette couverture.  D’une part, il y a la conviction que nous traversons une «époque historique» dont on parlera longtemps et qu’il convient de ce fait de la couvrir «au jour le jour» afin de voir comment la situation et nos perceptions évolueront.  D’autre part, il importe de suivre Barack Obama pour voir comment sa présidence évoluera.  Qui plus est, ce que vivent les Américains est riche d’enseignement pour nous, mettant en perspective notre propre situation. Autrement dit, en se comparant à eux, on apprend beaucoup sur nous. 
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Les enseignements de 
l’«épidémie de grippe porcine»

     Deux semaines après les premières manifestations de la «grippe porcine» - qu‘on appelle désormais grippe A (H1N1) -, celle-ci n’aurait tué qu’une cinquantaine de personnes (surtout au Mexique), même si elle se serait répandue dans une trentaine de pays. C’est bien peu en regard de l’hystérie médiatique à laquelle on est confronté.  Or, loin de vouloir en rester là, les médias soulèvent inlassablement le spectre de la grippe espagnole de 1918, rappelant maintenant que celle-ci avait débuté sans grand dommage – à la manière de la grippe porcine - pour déferler six mois plus tard.  Le message véhiculé: continuons d’avoir peur puisque, dans quelques mois, ce nouveau virus-contre-lequel-on-est-sans-défense pourrait faire des ravages.
     Assimiler grippe porcine et grippe espagnole, c’est toutefois omettre une donnée fondamentale: les conditions d’hygiène, de dissémination et de traitement des maladies infectieuses ont totalement changé en un siècle.  Autrement dit, si la grippe espagnole survenait aujourd’hui, elle n’aurait pas les effets dévastateurs d’il y a cent ans. 

Gare aux loups !
     L’épisode de la grippe porcine nous fournit néanmoins trois enseignements d’intérêt.
      Premièrement, les autorités se voient contraintes de la rebaptiser puisque le fait de parler de grippe porcine a fait conclure à certains qu’il est dangereux de consommer du porc.  Ce qui est faux.  Voilà qui montre combien la compréhension de certains est faible et à quel point il est aisé d’errer à partir des messages qu’on nous transmet. 
     Par conséquent, les autorités et, surtout, les médias ont l’obligation de faire extrêmement attention aux messages qu’ils répandent.  En particulier, en cherchant à ameuter les populations, les médias ont une fois de plus crié aux loups. Or, si jamais survenait une véritable menace, ils risquent fort de ne pas être pris au sérieux.
Le syndrome de la peste à venir
     Deuxièmement, ces dernières décennies, on nous a mainte fois affirmé que la venue d’un nouveau virus sera nécessairement une calamité qui pourrait bien décimera l’humanité (en citant souvent l’exemple de la grippe espagnole).  Or, là encore, c’est faux.
     Comment peut-on affirmer une telle chose?  Simplement parce que, depuis la venue de l’homo sapiens il y a 150 mille ans, si la plupart des nouveaux virus qui sont apparus entre temps avaient été le moindrement virulents, l’humanité serait disparue depuis belle lurette étant donné qu’on ne possédait aucun moyen (médical) pour se défendre.
     Or, non seulement l’humanité a-t-elle survécu durant 99,9% de son existence sans aucune médication appropriée, mais voilà qu’aujourd’hui, nous possédons justement une panoplie de moyens efficaces – dont des mesures d’hygiène, de bonnes conditions alimentaires et de santé publique ainsi qu’un arsenal de moyens pharmaceutiques – pour combattre toute infection.  En outre, l’épisode de la grippe porcine montre justement qu’un nouveau virus peut très bien être anodin.
     Est-ce à dire que jamais nous ne serons confrontés à un virus dévastateur?  Non.  Mais il ne faut pas non plus conclure que tout nouveau virus représente un péril contre lequel on ne saura se défendre.
Rester chez vois !
     Troisièmement, comment faire face à la possible menace du retour de la grippe A (H1N1) virulente l’automne prochain? 
     Sans négliger l’approche médicale et pharmaceutique, on pourrait d'ores et déjà mettre en place une mesure simple qui serait de toute façon bénéfique à tout le monde: désormais, quiconque souffre des symptômes de la grippe (ordinaire) devrait s’imposer de demeurer chez lui pour se soigner. (Posologie: gardez le lit, buvez beaucoup de liquide et reposez-vous.)
     Or, dans nos sociétés obsédées par la performance et par la nécessité absolue d’aller au travail et de vaquer à ses occupations, même lorsqu’on est malade, combien d’entre nous contaminons ainsi notre entourage? 
     Voilà qui représente des pertes considérables de productivité (pour employer le langage de l’économie) car, non seulement ces personnes malades sont-elles moins productives mais elles en contaminent d’autres qui, à leurs tours, deviennent moins productives… C’est donc toute la société qui en souffre. 
     Si donc on lançait le mot d’ordre, dans toutes les entreprises, organisations et à travers les médias que, lorsqu’on est «malade» (c’est-à-dire souffrant des symptômes de la grippe), on se soit de demeurez chez soi!  On pourrait de la sorte, dès le début de l‘automne, lancer des campagnes de santé publique dans le cadre desquelles on énoncerait les symptômes de maladies contagieuses à surveiller (entre autres: différencier un simple rhume d’une grippe) puis sensibiliser tout le monde (y compris les employeurs) à la «rentabilité» pour tous – y compris pour les affligées - que les personnes infectieuses demeurent chez elles.
     Après tout, ne rapporte-t-on pas que la grippe (ordinaire) tue 500,000 personnes chaque année?  Et combien de milliards sont perdus annuellement en productivité par contagion entre collègues?  De surcroît, en adoptant dès maintenant un tel mode de vie, on se préparerait à faire face à la possibilité d’un virus réellement dangereux.
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L'emploi reprend... au Canada !
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     Comme nous l’avions envisagé le mois dernier, l’emploi reprend, particulièrement au Canada et au Québec!  Dès 35,900 emplois apparus en avril au Canada, 22,400 se trouvent au Québec.  Quant à l’Ontario, elle enregistre une mince perte (de 3,000 emplois)… alors que les États-Unis subissent une autre perte majeure (de 539,000 emplois). 
     Comme l’illustrent les graphiques ci-contre, les plus récentes données sur le chômage confirment que notre économie est distincte de celle des États-Unis.  Qui plus est, le taux de chômage au Québec demeure inférieur à celui de l‘Ontario (8,4% contre 8,7%), de même que celui du Canada par rapport aux États-Unis (8,0% contre 8,9%). 
     Ces données sont remarquables en ce qu’elles constituent l’un des plus importants signes de reprise économique.  Bien sûr, même si tout allait bien, il faudra des années pour retrouver les niveaux d’emplois du milieu des années 2000* mais, au moins, il semble que, pour nous, le «pire» de la grande récession pourrait être derrière.
     Par contre, aux États-Unis, au cours des quatre premiers mois de l’année, c’est plus de 2,5 millions d’emplois qui ont été perdus. (C’est comme si au Canada, on avait perdu plus de 300,000 emplois et plus 65,000 au Québec, alors qu’on enregistre plutôt des pertes de 237,000 et de 26,400.
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     Comme l’écrit Bob Herbert dans le New York Times, «Le chômage est comme un cancer qui ronge la société.  Et la dernière chose qu’on veuille, c’est bien que ce cancer se généralise.  Or, c’est ce qui se passe maintenant [aux Etats-Unis]. Ne me parlez plus de la bourse ni des banques et de leurs magouilles incessantes.  Parlez-moi plutôt des familles pauvres et de classe moyenne en quête de travail; si elles n’en trouvent pas, alors le pays est dans le trouble…»


* Bien que, si le gain de 22,400 emplois obtenu en avril au Québec devait se répéter en mai, cela effacerait pratiquement toutes les pertes survenues non seulement depuis janvier, mais également depuis le début de la récession en janvier 2008 (pertes cumulatives de 26,300 emplois.)

Sources: Statistique Canada, «Enquête sur la population active, avril 2009», Le Quotidien,U.S. Bureau of Labor, «The Employment Situation Summary, April 2009», 8 avril 2009 & Bob Herbert, «Far From Over», The New York Times, 8 mai 2009 
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Grippe porcine : alerte mondiale ou…
aubaine pour les médias ?

     Alors que l’actualité semble s’essouffler – après une année chargée par suite de l’effondrement de l’économie et de l’élection d’un président noir à la tête des États-Unis –, voici que les médias s’emballent pour la grippe porcine qui vient d’apparaître au Mexique.  Des unes affolantes, des reportages 24 heures sur 24, des émissions spéciales, des dossiers fouillés: combien de victimes?, où?, que doit-on craindre?, que faire?  Fermer nos frontières?, demeurer à la maison?, s’équiper de masques et de remèdes antigrippaux?, surveiller le moindre toussotement ou malaise?, cesser de consommer du porc?  Les médias se déchaînent.
     Ce n’est évidemment pas la première fois qu’on assiste à un tel emballement. Rappelons-nous simplement les épisodes précédents: SRAS, virus du Nil, grippe aviaire, anthrax, bactérie mangeuse de chaire, abeilles tueuses, ébola, et - plus près de nous - listériose, algues bleues, eaux de piscine contaminées… sans oublier, tout au long des décennies 1980-90, l’obsession pour le SIDA.  Ce n’est pas la première fois que les médias s'affolent ainsi.
     Quelle aubaine pour ceux en mal de sensations fortes que l’apparition de cette grippe en ce printemps calme, une grippe qui, nous dit-on, pourrait ravager la planète, peut-être même à la manière de la grippe espagnole d’il y a cent ans.  (Eh oui, on évoque déjà la chose!)  Qui plus est, cette grippe semble surtout s’attaquer aux jeunes (plutôt qu’aux personnes âgées). Voilà de quoi inquiéter tout le monde: nos jeunes sont à risque de mourir de la grippe!
     Or, c’est en même temps oublier que, ce printemps également, quantité de jeunes hommes mourront lors d’accidents d’auto survenant à cause de la vitesse excessive, de leur conduite imprudente ou de leur consommation.  De même, davantage de jeunes femmes décèderont (éventuellement) d’un cancer de la peau parce qu’elles s’exposent aux rayons du Soleil et aux lampes des salons de bronzage.  Même au Mexique, où on dénombre déjà une centaine de morts dus à la grippe porcine, des milliers d’autres périront par balle. Mais tout cela n’est pas nouveau et, surtout, pas aussi sensationnel que la menace d'un virus inconnu.
     Peut-on suggérer aux médias qui rendent compte du nombre de victimes de la grippe porcine qu’ils rapportent également le compte des victimes de la route et du cancer de la peau? 
 
Les 1 361 prochains jours d’Obama

Nous savons, pour avoir observé les plus récents présidents des États-Unis, qu’il y a peu de liens entre les cent premiers jours d’un président et les 1,361 jours suivants.  La présidence est essentiellement une fonction de réaction: tout président – de John F. Kennedy à Barack Obama – est essentiellement tributaire des événements à venir. 

- Richard Reeves, historien et biographe, The New York Times.

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Le Pakistan dévoré par les talibans !

     Au milieu des années 1990, les talibans ont imposé en Afghanistan (population: 33 millions) l’un des plus terribles et cruels régimes religieux qu’on puisse imaginer.  Mais voici que ces bouchers de dieu s’apprêtent à conquérir le Pakistan, une nation nucléarisée de 176 millions de personnes - le sixième pays le plus peuplé du globe!
     Le New York Times rapporte en effet qu’après avoir conquis la région de Swat, les talibans viennent de s’emparer de celle du Buner, située à moins de cent kilomètres de la capitale Islamabad. «Les militants talibans ont soudainement envahi par centaines la région, à l’étonnement des autorités pakistanaises et américaines», rapporte le quotidien.  Déjà, ils imposent leur volonté en forçant les policiers terrorisés à se réfugier dans leurs casernes et en ordonnant la fermeture des tribunaux civils pour imposer leur «justice islamique» basée sur la charia.
     La rapidité avec laquelle ils se sont emparés du Buner accroît d’autant leur confiance de faire de même un peu partout dans le pays, estiment maints résidents et analystes.  Ils convoiteraient en particulier le Punjab, la province la plus riche et la plus peuplée du Pakistan.  Comme au Buner, les talibans peuvent compter sur la présence de quantité de cellules dormantes, de troupes militaires acquises à leur cause ainsi que de combattants formés par les forces armées pakistanaises (avec le soutien des Américains). «On observe une coordination à l’échelle du pays, constate un observateur sur place. La situation devient vraiment très préoccupante.»
     Comment expliquer que les talibans soient en mesure de s’emparer si aisément d’une société pourtant instruite et évoluée comme le Pakistan?  En effet, contrairement à l’Afghanistan, ce pays est une société développée qui fait du commerce international et occupe une place stratégique sur l’échiquier mondial. Or, lorsqu’ils envahissent une région, les talibans terrorisent si férocement les populations locales, assassinant tous ceux et celles qui montrent le moindre signe de résistance, qu'elles n’ont d’autre choix que de se soumettre à leurs diktats.
     De deux choses l’une. Ou les talibans prendront le contrôle du pays, ce qui aura des répercussions majeures sur la géopolitique régionale et planétaire.  Par exemple, depuis des décennies, le Pakistan et l‘Inde se disputent le Cachemire.  Depuis que le Pakistan s’est doté de la bombe atomique (en 1987, après l’Inde en 1974), les deux États ont cherché à régler ce litige par la négociation.  Évidemment, aucune négociation ne sera possible avec les talibans. Comment réagirait l’Inde si ceux-ci décidaient de s’emparer du Cachemire?  De surcroît, et surtout, l’Occident ne pourra tolérer un instant que l’arme nucléaire ne tombe entre leurs mains. (À côté d’une République talibane nucléarisée, l’Iran d’Ahmadinejad ferait figure d’ange.)
     Autre scénario possible: les talibans ne parviendront pas à s’emparer du Pakistan. Nul doute alors qu’ils ne lâcheront pas prise pour autant. Comme en Afghanistan ces dernières années, ils y sèmeront le chaos et la terreur. Pour ceux qui dénoncent notre présence en Afghanistan, attendez de voir le défi que posera un Pakistan soumis au terrorisme taliban.  Quoi qu’il advienne, la communauté internationale sera forcée de s'impliquer.

D’après: Jane Perlez & Pir Zubair Shah, «In Taliban’s Surge in Pakistan, a Pattern of Guile and Force», The New York Times, 25 avril 2009.
À lire aussi: Carlotta Gall & Elisabeth Bumiller, «Pakistan Claims to Retake Town», The New York Times, 29 avril 2009.
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Absurdités de notre époque

Alors qu’on confisque nos bouteilles de shampoing à l'aéroport, on permet à tout criminel ou psychotique de se procurer de puissants fusils d’assaut dans n'importe quel gun show de fin de semaine.

- Bob Herbert, «A Culture Soaked in Blood», The New York Times, 24 avril 2009.

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Tout continuera comme avant !

     S’il n’en tient qu’aux Américains, malgré la sévérité de la crise que nous traversons, rien ne changera par la suite. 
     Comme le relate David Brooks dans le New York Times, «Nous sommes au coeur de la pire crise du capitalisme en 70 ans.  Nous avons un nouveau gouvernement en place qui agit sur tous les fronts. Quel impact cela a-t-il sur ce que pense le public?»  Aucun.
     Ainsi, à la suite d’un sondage mené pour le National Journal, il ressort que l'Américain moyen croit encore et toujours que chacun s’en tirera mieux individuellement et qu’il ne faut surtout pas demander au gouvernement d’intervenir dans l’économie. 
     «Les Américains ont toujours eu l’impression que chacun est maître de sa destinée, écrit Brooks.  Décennie après décennie, ils se distinguent des autres en croyant que seuls nos agissements personnels déterminent comment on s’en tire et cette conviction n’a guère été ébranlée par la crise mondiale. Question après question, une grande majorité considère que nos actions déterminent combien on gagne, de quelle façon on traverse la récession, dans quel état est notre santé, et ainsi de suite.» 
     Malgré que la crise économique soit planétaire, cela n’a pas mené l'Américain moyen à souhaiter l’intervention de l’État, ni n'a suscité chez lui un sentiment anti-grande entreprise.  Selon un récent sondage Gallup, 55% des Américains considère qu’un gouvernement interventionniste est la pire menace à son pays, alors que seulement 32% craint plutôt la grande entreprise. 
     «Les Américains ont toujours redouté l'intervention du gouvernement et ils continuent de le craindre», poursuit le chroniqueur. Questionné pour savoir d’où proviennent les bonnes idées et les solutions économiques, 40% d'entre eux mentionne les entreprises et 40% le gouvernement.  Quant à savoir sur quelles bases reposent leur sécurité financière, la moitié estime que c’est une question de responsabilité personnelle et seulement 19% de politiques gouvernementales (comme l’imposition d’un salaire minimum) ou, pour 15% seulement, de programmes sociaux. 
     «La Grande dépression a modifié notre conscience collective [menant éventuellement à la création de programmes sociaux minimaux].  Mais ce n’est pas encore le cas pour la Grande récession*», conclut Brooks.
 
* Notez l’apparition du terme Grande récession, qui pourrait bien devenir l’appellation qu’on accolera un jour à la période que nous vivons.
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Ajouts: Les choses changeront d’autant moins que, comme le rapporte le New York Times, les financiers de Wall Street se préparent à s’octroyer des «bonus à la performance» aussi scandaleux que par les années passées! Pourtant, comme le commente Paul Krugman, «il n’y a plus aucune raison de croire que ces génies de Wall Street ont apporté quoi que ce soit de positif à la société, et encore moins de quoi justifier leurs bonus faramineux.»  Pourquoi le font-ils quand même, se demande le chroniqueur. Tout simplement parce qu’on les laissera faire: «Business as usual», écrit-il. 
Source: Louise Story, «After Off Year, Wall Street Pay Is Bouncing Back»;  Paul Krugman, «Money for Nothing», The New York Times, 25 et 26 avril 2009.

Source: David Brooks, «Yanks in Crisis» The New York Times, 23 avril 2009.
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L’arrogance d’un néo-conservateur non repentant

     Karl Rove a été le très proche conseiller du président George Bush fils. Au côté de Dick Cheney et de Donald Rumsfeld, il est l’un de ceux à qui on doit l’invasion de l’Irak et la doctrine de confrontation des États-Unis avec le reste du monde.  On peut imaginer que, comme tout néo-conservateur, il rejette en bloc les politiques d’ouverture de la nouvelle administration démocrate de Barack Obama.
     Dans un essai publié par le Wall Street Journal, Rove ne se gène pas pour dénoncer le président Obama en ne se repentant aucunement pour les conséquences désastreuses de l’idéologie appliquée par l'administration Bush. Voici donc comment pense aujourd’hui encore l’un des arrogants idéologue de la droite américaine. 
 
     Le président Barak Obama vient de terminer la deuxième portion de sa tournée internationale d’excuses. En moins de cent jours, il s’est excusé sur trois continents pour ce qu’il considère être les crimes commis par les États-Unis et par son prédécesseur.
     M. Obama a déclaré aux Français (les Français!) que les États-Unis «ont fait preuve d’arrogance, ont été moqueurs et même méprisants» envers l’Europe. [C'est le moins qu'on puisse dire, particulièrment à l'endroit de la France.]  À Prague, il a affirmé que les États-Unis ont «la responsabilité morale d’agir» en matière de contrôle des armes parce qu'ils sont les seuls à avoir «utilisé l’arme atomique». [Ce qui est vrai.]  À Londres, il a dit que les décisions concernant le système financier mondial ne doivent plus être prises par «simplement des Roosevelt et Churchill assis dans une pièce autour d’un brandy» - comme si c’était une mauvaise affaire. [Quelle arrogance.]  En Amérique latine, il a dit que les États-Unis n’ont pas «poursuivi et soutenu leurs engagements envers leurs voisins» parce que nous n’avons pas «vu que nos progrès sont directement liés à ceux de l'enemble des Amériques.» 
     Parce qu’il a confessé nos crimes, le secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, considère que M. Obama a «changé l‘image des États-Unis à travers le monde», ce qui nous a rendus «plus en sécurité et plus forts».  À l’évidence, M. Gibbs se référait à l’absence de contestataires lors du Sommet des Amériques du week-end dernier.
     Mais est-ce bien la bonne façon d’évaluer le succès?  Les contestataires anti-américains sont de toute évidence un bien mauvais indicateur de la sagesse d’un président. Ronald Reagan a attisé des centaines de milliers de contestataires en déployant des missiles Pershing et de croisière en Europe.  Or, ces missiles nous ont aidés à remporter la Guerre froide.
     Il y a quelque chose de disgracieux dans le fait que M. Obama critique ses prédécesseurs, y compris tout récemment John F. Kennedy.  («Je suis heureux que le président [Daniel] Ortega ne m’ait pas reproché tout ce qui s'est passé depuis que j’avais 3 mois!» a déclaré M. Obama après que le président du Nicaragua ait livré une tirade anti-américaine de 52 minutes au cours de laquelle il a évoqué la Baie des Cochons.)  M. Obama agit comme si aucun de ses prédécesseurs – sauf peut-être Abraham Lincoln – n’a possédé autant de sagesse que lui.
     M. Obama s’est fait demander en Europe s’il croyait que les États-Unis étaient exceptionnels. Il a répondu qu’il y croyait de la même façon que «les Britanniques croient en une Grande-Bretagne exceptionnelle et que les Grecs croient en une Grèce exceptionnelle». Autrement dit, c’est une belle façon de dire non. [Quant à Rove, il croit que les États-Unis sont indéniablement exceptionnels, pour ne pas dire supérieurs aux autres.]
     M. Obama semble considérer qu’il y a une équivalence morale entre les États-Unis et nos adversaires et présume que s’il admet nos torts, les autres nations en feront autant et changeront.  Mais il n’a obtenu aucune admission (et encore moins de changement) de la part des dirigeants du Venezuela, du Nicaragua ou de la Russie.  Il s’est excusé au nom des États-Unis et nos adversaires s’en sont réjouis.  Fidel Castro n’a pas pour autant adouci sa répression envers les Cubains, mais il se prépare à profiter des changements de politique de M. Obama. [Rove ignore-t-il que Fidel n’est plus en fonction depuis plus d’un an?]
     Lorsqu’un président recherche à être populaire, il risque de perdre de vu les intérêts vitaux des États-Unis. Bien qu'il soit encore tôt, devant le peu de résultats qu’il a retirés de ses excuses, David Axelrod de l’équipe Obama s’est tout de même senti obligé de déclarer cette semaine que le président a planté, cultive et récoltera éventuellement des bénéfices «très très valables».  Comme quoi, par exemple?
     Néanmoins, le désir de plaire a conduit M. Obama à mettre de l’avant de mauvaises politiques.  Blâmer les États-Unis pour la crise financière mondiale l’a ainsi mené à céder aux demandes des Européens de sévir contre les paradis fiscaux et les fonds spéculatifs.  Or, ni l’un ni l’autre n’est relié à la crise du crédit.  Disant que la relation des États-Unis avec la Russie «a été laissée à l’abandon» a mené le président à proposer des négociations de désarmement.  Mais cela détourne notre attention des véritables problèmes que nous éprouvons avec la Russie, à savoir: l’invasion de la Georgie l’été dernier, les menaces profanées à l'endroit de l’Ukraine, le refus par les Russes d’exercer des pressions sur l’Iran afin que ce pays abandonne ses ambitions nucléaires et les menaces de représailles adressées à la Pologne, aux États baltes et à la République tchèque qui appuient les États-Unis dans le déploiement d’un système anti-missiles. 
     M. Obama sousestime les menaces auxquelles nous sommes exposés.  Il se réjouit de penser que le Venezuela a un budget militaire qui «est probablement 1/600e du nôtre» (il s’agit plutôt de 1/215e), mais cela n’empêche pas M. Chavez de soutenir les guerres menées par les narcoterroristes en Colombie (l’un de nos principaux alliés) ou de fournir des pétrodollars aux régimes anti-américains. Le Venezuela n’attaquera probablement jamais les États-Unis, mais il peut nuire à nos intérêts. 
      Henry Kissinger a écrit dans ses mémoires Years of Renewal: «Les grands hommes d’État du passé se percevaient comme des héros qui prenaient à charge le poids du difficile cheminement de leur société vers l’inconnu.  Le politicien d’aujourd’hui est moins intéressé à jouer les héros, mais plutôt à être une supervedette.  Les héros évoluent seuls, les vedettes gagnent leur statut par l’approbation.  Les héros se définissent d’après leurs valeurs propres, les vedettes par le consensus.  Lorsque les visions d’un candidat sont construites à partir de focus groups et entérinées par des animateurs télé, l’insécurité et la superficialité se renforcent.» [Kissinger ayant publié ses mémoires en 1999, il ne parlait pas d’Obama.]
      Une supervedette, et non un homme d’État, dirige maintenant notre pays.  Cela générera à court terme les applaudissements de l’étranger, mais fera peu pour ce qui devrait être la principale préoccupation en politique étrangère de tout président américain: faire progresser nos intérêts à long terme.

     Que dire de plus sinon que la présidence de George Bush fils, dont l’un des principaux artisans a été l’auteur de ces lignes, a été la plus désastreuse pour les intérêts des Etats-Unis. Non seulement les politiques guerrières préconisées par Rove et son équipe de néo-conservateurs ont-elles embourbé les États-Unis en Iraq en plus de les ruiner, mais elles ont isolé les Américains comme jamais auparavant.  Admettons tout de même que lorsque Rove parle de mauvais président, il sait de quoi il s'agit!

Source: Karl Rove, «The President's Apology Tour», The Wall Stree Journal, 23 avril 2009.
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Un beau « complot » ?

     Le 15 avril – date d’échéance pour remettre son rapport d’impôt aux États-Unis –, la droite républicaine a organisé une foule de «tea parties» pour dénoncer les politiques fiscales de l’administration Obama.  Certains y ont vu, ou espéré, une renaissance du Parti républicain durement secoué depuis la débâcle électorale du 4 novembre, par l’effondrement de l’économie à la suite des huit années d’administration Bush et par la condamnation et le rejet des politiques néo-conservatrices par le nouveau président démocrate.
     Curieusement, depuis cette date, l’administration Obama laisse filer jour après jour des documents et informations détaillant les politiques de torture mises en oeuvre par l’administration Bush dans la foulé des attentats du 11 septembre 2001.*  Quelle magnifique façon de faire taire les Républicains que de les confronter à leurs crimes!
     Assistons-nous à une coïncidence ou à une stratégie délibérée pour contrer la droite américaine?  Quoi qu’il en soit, personne ne parle plus de la résurgence des Républicains par suite des contestations organisées le 15 avril.
 
* À lire dans The New York Times: Mark Mazzetti & Scott Shane, «Interrogation Memos Detail Harsh Tactics by the C.I.A.», 16 avril 2009 ; Mark Mazzetti, «C.I.A. Memos Could Bring More Disclosures», 17 avril 2009 ; Editorial, «The Torturers’ Manifesto», 18 avril 2009 ; Scott Shane, «Waterboarding Used 266 Times on 2 Suspects», 19 avril 2009 ; Brian Knowlton, «Report Gives New Detail on Approval of Brutal Techniques», 21 avril 2009 ; Scott Shane & Mark Mazzetti, «In Adopting Harsh Tactics, No Look at Past Use», 21 avril 2009 ; Sheryl Gay Stolberg, «Obama Won’t Bar Inquiry, or Penalty, on Interrogations», 22 avril 2009 ; Franck Rich, «The Banality of Bush White House Evil», 25 avril 2009 ; Brian Stelter, «How ’07 ABC Interview Tilted a Torture Debate», 27 avril 2009.
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Mythes hollywoodiens et réalité washingtonienne

     «Selon des films populaires comme Ennemi de l’État (v.f. de Enemy of the State), la National Security Agency américaine voit tout et connaît tout grâce à ses puissants satellites capables de capter la moindre conversation téléphonique et de la retransmettre au rutilent quartier général de la NSA en banlieue de Washington D.C.  Ce genre de films, de même que les tonitruants reportages de la presse européenne au sujet du réseau Echelon de la NSA ont semé plusieurs idées fausses dans la tête du grand public. Or, comme l’ont clairement démontré les attentats du 11 septembre et l’incapacité de trouver des armes de destruction massive en Irak, la NSA ignore bien davantage de choses qu’elle en connaît.  Il ne s’agit pas d’une agence qui voit tout et qui sait tout, mais d’une bureaucratie qui possède de coûteux moyens.» 

Source: Dwayne Day, «Ferrets of the high frontier», Space Review, 20 avril 2009.
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Sociétés à crédit

     Nous assistons ces derniers temps à un phénomène remarquable: quantité d’entreprises sont forcées de fermer ou de vendre certains de leurs actifs ou de se placer sous des lois les protégeant de la faillite afin de se restructurer, car elles croulent sous les dettes.  Dans bien des cas, il s’agit d’entrepreneurs et de grandes sociétés qui, au cours des dernières années, ont fait quantité d’acquisitions à crédit.  Et voilà que le marché se contractant et le crédit se rarifiant, elles n’ont plus les moyens de rencontrer leurs obligations.  Certains feront finalement faillite, d’autres vendront à perte une portion de leur empire.
     Le monde des affaires subit le même sort que bon nombre de consommateurs.  Ceux et celles qui se sont bâtis une richesse à crédit risquent à présent de tout perdre ou, à tout le moins, de perdre beaucoup.  La mécanique est implacable: qu’on soit un individu, un entrepreneur, un homme d’affaires ou même une grande société, on ne peut emprunter éternellement pour grossir toujours plus.  Il faut un jour rembourser ses dettes au risque d’être confronté à une remise de comptes.
     Qu’en est-il de nos gouvernements? 
     Ceux-ci, qui ont cumulé ces trente dernières années d’énormes dettes, se lancent à présent dans des déficits majeurs (donc des emprunts majeurs) afin de relancer l’économie.  On nous dit qu’on ne doit pas s’en inquiéter, que tout ce qui importe, c’est de sauver à tout prix notre économie.  Mais qu’arrivera-t-il lorsque sonnera pour eux aussi l’heure des comptes?
     Si un individu peut faire faillite, si une grande entreprise peut se restructurer à perte, un pays ne peut faire faillite, nous dit-on. 
     C’est faux, comme l‘illustre l’effondrement des économies de l’Islande et de l’Irlande, deux États qui ont justement connu une croissance vigoureuse ces dernières années grâce au crédit.  Le fait est que pour nos gouvernements aussi – donc pour nous -, un jour viendra où on sera confronté à notre endettement national faramineux.  Les conséquences seront alors terribles… parlez-en aux Islandais et aux Irlandais.
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La prostitution pour combattre le terrorisme

     La vie reprend peu à peu son cours à Bagdad, rapporte Rod Nordland, du New York Times, après cinq années de terreur dues au terrorisme islamique. Les bagdadiens ont recommencé à fréquenter les parcs et lieux publics, autrefois cibles de choix pour les kamikazes.  Ils sortent le soir, fêtent et consomment de l’alcool…  Même la prostitution a refait surface.
     Par contre, les drogues n’exerceraient peu d’attrait sur eux: «La seule chose que nous voyons de temps à autre, indique un enquêteur, ce sont des comprimés illégaux.»  Il s’agirait surtout de Valium, les bagdadiens ayant connu suffisamment de «sensations fortes» ces dernières années.
     Quoi qu’il en soit, les forces de l’ordre ne s’occupent guère de ces déviances, rapporte le journaliste, trop accaparées qu'elles sont à combattre le terrorisme. 
     Curieusement, les forces de l’ordre ne désirent surtout pas s’en prendre aux prostituées, au contraire même, avoue un enquêteur: «Elles sont nos meilleures sources de renseignement, dit-il.  Elles savent tout au sujet des membres des JAM et d’Al Qaeda [les groupes islamistes terroristes].  S’il n’en tenait qu’à moi, ajoute-t-il, je détruirais plutôt les mosquées et répandrais un peu plus les prostituées car, au moins, elles ne sont pas sectaires.»
     Ainsi, les fanatiques qui répriment avec tant de violence toute forme de sexualité… fréquentent pourtant les bordels de Bagdad! 

Source: Rod Nordland, «Secure Enough to Sin, Baghdad Revisits Old Ways», The New York Times, 18 avril 2009.
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Surveillons plutôt nos extrémistes de droite

     «Bien qu’un petit nombre de conservateurs et de vétérans des guerres soient membres de groupes haineux, pratiquement tous les groupes haineux se fondent sur des idéologies d’extrême droite», constate Charles Blow du New York Times
     Ce chroniqueur réalise un travail remarquable en couvrant la dérive de la droite américaine.  Ses articles font ressortir des aspects dont on parle peu mais qui risquent d'avoir de terribles conséquences sur notre société.  Par exemple, dans son plus récent article, Blow rapporte que les organisations de droite tentent de recruter le plus d'ex-soldats possible afin de profiter de leurs expertises de guerre. 
     «Le bureau du renseignement et d’analyses du Département de la sécurité intérieure des États-Unis a publié la semaine dernière un rapport suggérant que les actuelles conditions politiques et économiques vivifient les groupes extrémistes de droite, écrit-il, alors que certains d'entre eux cherchent à recruter et à “radicaliser” les vétérans de retour d’Irak et d’Afghanistan.»
     De même, un autre rapport publié l’été dernier par le FBI et intitulé Recrutement par les suprématistes blancs de personnel militaire depuis le 11 septembre indique que «l’expertise militaire se retrouve à tous les échelons de la plupart des mouvements suprématistes extrémistes» et que ces groupes «tentent d’accroître le recrutement de militaires encore actifs ou retraités.»
     Plus globalement, Charles Blow fait ressortir le discours démagogique des leaders de la droite qui cherchent ainsi à enflammer le militantisme de certains.  Qui sait si, à la manière de Thimoty McVeigh, certains ne passeront pas à l’action… alors que les démagogues s’en laveront les mains? 

Source: Charles Blow, «The Enemies Within», The New York Times, 17 avril 2009. À lire aussi du même auteur: «Pitchforks and Pistols», 3 avril 2009 & «Three Blind Mice», 6 mars 2009. Voir aussi l’ensemble de ses écrits dans le New York Times.
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Le « pire» est-il derrière ou devant nous ?

     Ces dernières semaines, plusieurs indicateurs économiques semblent montrer que la récession s’estomperait.  Bien que l’économie n’a pas encore repris - loin de là -, on peut peut-être commencer à espérer que le pire de la crise pourrait être derrière nous.  Voilà qui serait une formidable nouvelle.
     Toutefois, est-ce bien le cas?  Nul ne peut le dire.  Pour sa part, Paul Krugman, économiste et chroniqueur au New York Times, nous met en garde contre tout excès d’optimisme.  Il rappelle que, même lors de la Grande dépression, la descente aux enfers ne s’est pas faite en continue.
     «En particulier, écrit-il, il y a eu une pause environ un an et demi [après le début de la crise en octobre 1929], soit à peu près où nous en sommes en ce moment.  Puis est survenue une série de revers bancaires de part et d'autre de l’Atlantique, auxquelles s’est ajoutée une gamme de mesures politiques désastreuses lorsque les gouvernements ont tenté de préserver l’étalon or et alors que l’économie s’est mise à chuter de plus bel.» 
     «Un tel scénario pourrait-il se produire cette fois-ci?, poursuit Krugman.  Eh bien, le marché immobilier commercial craque de partout, les pertes générées par les cartes de crédit augmentent et personne ne sait jusqu’où la situation au Japon et en Europe de l’Ouest se détériorera.  On ne reproduira probablement pas le désastre de 1931, mais on est loin d’être assuré que le pire est derrière nous.»
     «Et même lorsque le pire sera passé, tout ne sera pas réglé pour autant.  La récession de 2001 n’a officiellement duré que huit mois, mais le chômage a continué d’augmenter durant une autre année et demie.  Le même phénomène s’est produit à la suite de la récession de 1990-91.  Il y a donc toute raison de croire que ce sera la même chose cette fois-ci. Ne soyez donc pas surpris si le chômage continue de grimper tout au long de 2010.»
     En fait, il faudra probablement des années, voir une décennie, pour revenir à des niveaux d’activité économique comparables à ceux qu’on connaissait au milieu des années 2000.  Peut-être même n’y reviendrons-nous jamais, en ce sens que le monde aura entre temps bien changé.*
 
* J’ai récemment visionné un film tourné en 1989, Dark Rain, une histoire policière se déroulant au Japon d’alors.  Or, quel ne fut pas ma surprise de constater nombre de différences par rapport à notre époque: le film ne montre aucun ordinateur ni téléphone cellulaire et encore moins d’Internet, de texto, de localisation par GPS ou autres technologies qu’on prend pour acquis.  Sans qu’on s’en rende compte, le monde d’aujourd’hui diffère grandement de celui d’il y a quinze ans à peine.

Source: Paul Krugman, «Green Shoots and Glimmers», The New York Times, 16 avril 2009.
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Retour à la guerre froide ?

     Pendant que nous, en Occident, on se préoccupe des effets de la crise économique, ailleurs dans le monde, les préoccupations peuvent être étonnamment différentes.  C’est ainsi que le quotidien russe Pravda publie d’étonnants articles sur la guerre froide qui pourrait être en train de se réinstaller entre les États-Unis et l’ancien État communiste.
     Le 15 avril, citant un rapport du Natural Resources Defense Council américain, le quotidien rapporte que: «Les États-Unis envisagent une nouvelle doctrine nucléaire. Ils sont sur le point de changer la nature des cibles nucléaires visées en territoire de la Fédération russe. Ils réorienteraient leurs missiles nucléaires pour viser non plus les grandes villes russes mais les douze plus importants centres économiques du pays.  Selon les experts américains, la destruction de ces installations paralyserait l’économie russe, de sorte que l’État ne serait plus en mesure de résister militairement.»  Dorénavant, les missiles américains viseraient les principales installations des sociétés Gazprom, Rosneft, Rusal, Nornikel, Surgutneftegaz, Evraz et Severstal.
     Deux jour plus tard, la Pravda rapportait que le site de nouvelles d’affaires russe Bigness.ru («big business») a publié une carte géographique des États-Unis montrant qu’une attaque nucléaire limitée les paralyserait encore plus facilement.  «Il s’avère que les États-Unis sont beaucoup plus vulnérables à ce chapitre que la Russie, écrit-on.  Une frappe contre seulement cinq cibles précipiterait l’économie américaine dans l’âge de pierre.» 
     Selon Leonid Ivashov, vice-président de l’Académie des sciences géopolitiques cité par la Pravda, la Russie n’aurait qu’à détruire les principales banques américaines et londoniennes pour paralyser l'économie.  Inga Foksha, économiste pour IK Aton, identifie quant à lui quelques cibles américaines, dont les bureaux de la Federal Deposit Insurance Corporation à Washington, Dallas et Chicago. «Cette société garantit les dépôts de banques, dit-il. En les détruisant, les banques n’ayant plus cette garantie, les épargnants paniqueraient et iraient retirer leurs avoirs.»  Une grande firme comme General Electric pourrait aussi être frappée, affligeant plusieurs secteurs névralgiques de l’économie, mettant en péril des millions d’emplois.  Enfin, les sociétés Freddie Mac et Fannie Mae, qui assurent le marché hypothécaire, pourraient être à leur tour détruites. 
      Heureusement, le quotidien russe rapporte également les propos d’un économiste, Yevgeny Nadorshine, qui considère ce genre de scénarios pures folies. «La différence entre le moment où on paralyserait l’économie de l'autre et celui où celui-ci s’en prendrait à nos vies se mesure en heures, dit-il. Peu importe les cibles visées, toute attaque nucléaire ne restera pas sans riposte.» 

L'état de notre folie actuelle
     La Pravda souligne enfin que, pour l’heure, les deux puissances nucléaires appliquent la doctrine dite de la Destruction mutuelle assurée (ou Mutual Assured Destruction, MAD en anglais, mot qui signifie également folie).  Selon le journal, les États-Unis se tiennent prêts à anéantir 200 cibles sur le territoire russe, alors que la Russie en vise une centaine aux États-Unis. 
     Un troisième article précise que les Etats-Unis et la Russie entreprendront le 24 avril de nouveaux pourparlers START (Strategic Arms Reduction Treaty). Le précédent traité, START-1, signé le 31 juillet 1991 et entré en vigueur le 5 décembre 1994, expire le 5 décembre prochain. 
     Selon ce traité, les deux camps devaient réduire leurs arsenaux de 6,000 bombes atomiques au cours des sept années suivantes. La Russie avait le droit de conserver 6,500 ogives et les États-Unis 8,500.  Ce traité interdisait par ailleurs la production, l’essai et le déploiement de missiles balistiques aéroportés, de systèmes sous-marins et de missiles de croisière nucléaires, ainsi que toute arme spatiale.  Le 6 décembre 2001, les deux camps ont affirmé avoir rempli leurs engagements.  Les spécialistes estiment que la Russie possède 1,136 missiles et 5,518 ogives et les États-Unis 1,237 missiles et 5,948 ogives.

Sources: «U.S. retargets nuclear missiles to 12 Russian economic facilities«, Pravda, 15 avril 2009 ; Sergei Malinine, «Russia’s nuclear attack on U.S. may start with major banks?, Pravda, 17 avril 2009 ; Vladimir Anokhine, «USA intends to pull Russia’s leg to have as many nukes as it wants to», Pravda, 24 avril 2009.
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« The American way »

     Depuis le 11 septembre 2001, près de 120,000 Américains ont péri par homicides, la plupart du temps par arme à feu, écrit Bob Herbert dans sa chronique intitulée The American way. «Pensez-y: 120,000 morts, c’est près de vingt-cinq fois le nombre d’Américains tués en Irak et en Afghanistan.»  (Par comparaison, c’est comme si au Québec, 3,000 personnes avaient péri de la sorte depuis 2001, soit six ou sept fois plus qu'en réalité.)
     «Pour l’essentiel, poursuit le chroniqueur du New York Times, nous ne faisons pas grand cas de ce carnage.  L’idée même de faire quelque chose de tangible concernant l’invraisemblable nombre d’armes à feu en circulation n’intéresse personne.  Peu importe si huit enfants sont assassinés chaque jour aux États-Unis.  Qu’importe si une personne périt par arme toutes les 17 minutes…»
     «Le but de la National Rifle Association – le terrible lobby des armes à feu américain – et d’une pléthore de parlementaires qui se disent conservateurs est de mettre plus d’armes entre les mains de davantage de personnes.  Ainsi, le Texas est l’un des États qui étudient une loi permettant le port d’armes sur les campus.  Les promoteurs de ce genre de lois prétendent, entre autre chose, que cela permettrait aux étudiants et aux professeurs de se défendre contre un tireur fou du type de celui qui a abattu 32 personnes à la Polytechnique de Virginie il y a deux ans.  Ils voudraient que les armes à feu deviennent aussi courantes que les ordinateurs portables et les téléphones cellulaires.  L’un des parlementaires texans parle des personnes non armées comme étant de “simples cibles”.»
     «Tous ces meurtres font davantage de victimes que celles qui périssent sous les balles.  Mais toute expression d’horreur vis-à-vis cette violence et toute compassion envers les victimes n’ont aucun retentissement dans une société qui n’est ni assez mature ni assez civilisée pour faire quoi que ce soit à cet égard.»

Source: Bub Herbert, «The American Way», The New York Times, 13 avril 2009.
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Comment résoudre les conflits internationaux

     Il arrive fréquemment que le comportement de certains États suscite la désapprobation de la communauté internationale.  C’est le cas notamment de la Corée du Nord (qui vient de lancer un missile longue-portée), de l‘Iran (qui cherche à se doter de l’arme atomique), d’Israël (qui attaque et harcèle ses voisins) et de plusieurs pays d’Afrique et d’Asie (qui violent les droits de la personne).
     Comment réagir face à des comportements que nous jugeons inacceptables?  Notre première réaction consiste souvent à chercher à imposer des sanctions et des boycotts, en espérant que l’État visé finira par céder. Cependant, l’histoire montre que les sanctions ne font que maintenir les régimes en place – comme c’est le cas avec Cuba depuis cinquante ans - tout en pénalisant fortement les populations (comme dans l’Irak d’avant l’invasion ou présentement en Corée du Nord, au Birmanie ou dans le cas de la Chine au Tibet).
     Inversement, on sait qu’entreprendre un dialogue et tisser des liens finissent par mettre fin à la situation qu’on réprouve.  C’est de cette façon qu’on est venu à bout du puissant régime soviétique de même qu’on a rétabli la paix en Irlande du Nord.  On est en train de faire la même chose avec la Chine: si on n’avait pas établi de solides liens économiques avec ce dernier des régimes communistes à grande échelle, nous vivrions probablement une guerre froide aussi coûteuse et inutile que celle menée dans les années 1950-1980 entre l’Occident et l’Union soviétique.  Tandis que là, la Chine étant notre principal fournisseur - et nous, son principal client -, son régime anti-capitaliste anachronique tombe graduellement en désuétude.
     Il est par contre difficile de chercher à établir des liens avec certains régimes, particulièrement avec la Corée du Nord et l’Iran.  Toutefois, il ne fait aucun doute que c’est de cette façon qu’on parviendra un jour à leur faire entendre raison. 
     L’une des avenues à emprunter consiste à proposer un pacte mutuellement bénéfique.  Roger Cohen, chroniqueur au New York Times spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient, donne un bel exemple d'un scénario de normalisation entre l’Iran et les Etats-Unis.
     D’une part, suggère-t-il, la République islamique d’Iran cesserait de soutenir les mouvements terroristes Hamas et Hezbollah présents en Palestine et au Liban.  Elle adopterait une position de neutralité à l’égard d’Israël, c’est-à-dire de non-reconnaissance de l'État juif mais également de non-intervention.  Elle accepterait de participer à la stabilisation de l’Irak et de l’Afghanistan.  Elle accepterait la vérification de son programme nucléaire par l’Agence internationale de l’énergie nucléaire, programme qui ne devrait poursuivre que des objectifs civils.  Elle s’engagerait à combattre le terrorisme à la al-Qaeda tout en entreprenant d'améliorer le respect des droits humains dans son pays. 
     De leurs côtés, les États-Unis garantiraient la sécurité de la république islamique tout en endossant son importance et son rôle indéniable au Moyen-Orient.  Ils accepteraient le droit de l’Iran à utiliser quelques centaines de centrifugeuses pour enrichir le matériel nucléaire et ce, à des fins de recherche.  Ils accepteraient que l’Iran se procure un réacteur nucléaire auprès de la France.  Ils s’engageraient à soutenir la candidature de l’Iran à l’Organisation mondiale du commerce.  Ils remettraient les biens iraniens confisqués à la suite de la prise d’otages de 1980 et lèveraient toutes leurs sanctions. Ils prendraient enfin bonne note que, par le passé, l’Iran favorisait une solution de deux États (israélien et palestinien) acceptable aux Palestiniens. 
     Notons que Cohen considère qu’une telle démarche serait probablement inacceptable pour Israël.  «Une solution du genre, écrit-il, pourrait être contrecarrée à tout moment par Israël qui a clairement indiqué que jamais il n’acceptera un Iran nucléarisé», même si I'État juif possède lui-même l’arme atomique.  Cependant, «Israël serait fou* d’attaquer l’Iran, estime Mohamed ElBaradeï, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique.  S’il le faisait, cela embraserait la région et précipiterait l’Iran dans la mise au point de l’arme nucléaire avec le soutien du monde islamique.»  Pour éviter ce cauchemar, ajoute Cohen, Barack Obama devra faire preuve de nettement plus de sévérité envers Israël que tout autre président avant lui.  «Il est grand temps», conclut-il.
 
* Israël serait d’autant plus fou de s'en prendre à l’Iran que ses deux plus récentes attaques, au Liban en 2006 et à Gaza en janvier dernier, ont été non seulement désastreuses mais ne lui ont apporté aucun gain

Source: Roger Cohen, «Realpolitik for Iran», The New York Times, 12 avril 2009.
Voir aussi: Roger Cohen, «The Mellow Doctrine », The New York Times, 3 mai 2009.
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Rappels historiques et leçons d’histoire

     Dans le New York Times, Paul Krugman évoque la situation des «années folles» du début du vingtième siècle et les suites du krach de 1929, montrant que ce que nous vivons y ressemble terriblement.  Citant les travaux des économistes Thomas Philippon et Ariell Reshef, il explique que le système bancaire américain a traversé trois grandes périodes ces cent dernières années.
     D’abord, avant 1930, écrit-il, le secteur bancaire était un monde très excitant puisque dominé par des bâtisseurs d’empires financiers (dont certains se sont éventuellement révélés de pures fraudes).  Qui plus est, l’activité des banques a généré l’endettement considérable des ménages entre la Première guerre mondiale et 1929, soit durant les fameuses «années folles».
    À cette époque, les banquiers étaient nettement mieux rémunérés que leurs homologues oeuvrant dans d’autres secteurs d'activité.  Le monde de la finance a toutefois perdu tout son éclat lorsque le système s’est écroulé à la suite du krach de 1929.
     Ensuite, l’industrie bancaire qui a émergé à la suite de la Grande dépression des années 1930 était strictement réglementée.  Elle était par conséquent beaucoup moins flamboyante et beaucoup moins payante pour les banquiers.  Cette profession est alors devenue moins passionnante en partie parce que les banquiers étaient peu enclins à prêter aux ménages.  Néanmoins, cette période de conservatisme bancaire a constitué une ère de prospérité pour l’ensemble des Américains. 
    Enfin, à partir de 1980, avec l’arrivée au pouvoir des républicains de Ronald Reagan, plusieurs des mesures de réglementation ont été abaissées, de sorte que le secteur bancaire est redevenu excitant.  L’endettement des ménages a crû substantiellement, pour éventuellement atteindre des seuils comparables à ceux des années 1920.  Simultanément, la taille du secteur financier a explosé; au milieu des années 2000, il représentait le tiers des profits réalisés par l’ensemble des entreprises. Les carrières en finance sont redevenues extrêmement lucratives, particulièrement pour les bâtisseurs d’empires financiers.
    Toutefois, certains observateurs ont averti que cette hyperactivité financière ne pouvait durer.  L‘un d’eux, Raghuram Rajan, alors directeur du Fond monétaire international, avait fait valoir lors d’une conférence en 2005 que la croissance rapide du secteur financier faisait en même temps augmenter le risque d’un «effondrement catastrophique».  Mais les autres participants à la conférence, dont Lawrence Summers, aujourd’hui à la tète du Conseil économique national, ont ridiculisé cette crainte. 
     Pourtant, le krach est survenu.
     L’essentiel des succès du secteur financier apparaît à présent comme un leurre.  Pire, son effondrement ravage les autres secteurs de l’économie, le commerce international et la production industrielle chutant même plus rapidement que durant la Grande dépression.  Cette catastrophe fait qu’on exige à présent de réglementer à nouveau - ou, à tout le moins, qu'on surveille de près - le secteur de la finance. 
     Que retenir de tout cela?
     On peut entre autres se demander si, contrairement à nous, nos petits enfants retireront les leçons des excès du monde de la finance.  On peut même se demander si, d’ici quelques années à peine, on ne se remettra pas à croire à nouveau aux «miracles économiques» tels que la croissance perpétuelle et les rendements élevés sans risque, ainsi qu’aux merveilles de la déréglementation et du libre-marché n’ayant nul besoin de l’encadrement de nos gouvernements.  Répèterons-nous l’histoire dans un avenir pas si lointain?!

D’après Paul Krugman, «Making Banking Boring», The New York Times, 9 avril 2009.
Voir: Thomas Philippon et Ariell Reshef, «Wages and Human Capital in the U.S. Financial Industry: 1909-2006», décembre 2008.
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Le chômage en train de s’estomper !
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     Les plus récentes données sur les pertes d’emplois publiées par Statistique Canada montrent que, une fois de plus, l’emploi est en train de se rétablir autant au Canada qu’au Québec et en Ontario.  Même si 61,300 personnes ont perdu leur emploi en mars au Canada, c’est beaucoup moins que les 129,000 et 85,600 qui ont subi le même sort en janvier et février.  Le même phénomène s’observe au Québec et en Ontario, comme l’illustre les trois graphiques ci-contre.  Néanmoins, les taux de chômage sont passés, de février à mars, de 7,7 à 8,0% au Canada, de 7,9 à 8,3% au Québec et de 8,0 à 8,7% en Ontario.
      Surtout, notre situation continue de se démarquer nettement de celle qui prévaut aux États-Unis, où les pertes d’emplois demeurent massives depuis six mois (graphique du bas).  Si la tendance se maintient, on pourrait même assister à des gains d’emplois en avril, particulièrement au Québec (où on a dénombré seulement 4,600 pertes d'emplois en mars, comparativement à 25,800 en janvier et à 18,400 en février).
     Statistique Canada rapporte en outre qu’en février, les exportations et les importations de marchandises ont augmenté après trois mois de recul prononcé (graphique ci-contre). Les exportations du Canada se sont ainsi accrues de 5,2%, alors que nos importations ont augmenté de 1,1%. Cela a entraîné un léger excédent commercial de 126 millions $, comparativement à un déficit de 1,2 milliard $ en janvier. Ce «renversement» de 1,3 milliard $ est un autre important signe tangible qui montre que l’activité économique tend à reprendre. 


Comparaison du taux de chômage des différentes provinces du Canada, 
on voit que le Québec se classe avantageusement.

Sources : Statistique Canada, «Enquête sur la population active» & «Commerce international de marchandises du Canada», Le Quotidien, 9 mars 2009.
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L’irrésistible paradoxe américain

     Dans une récente chronique intitulée «La bulle idéologique», Alain Dubuc écrivait dans La Presse:
     Tout au long des années 2000, il s'est créé d'énormes déséquilibres dans l'économie américaine: un endettement insoutenable, la création successive de bulles, d'abord celle des entreprises technologiques en 2000, ensuite celle de l'immobilier, en 2006, et enfin celle du pétrole pas longtemps après. Comme si l'économie reposait sur un système de croissance pyramidale. Si le phénomène s'est étendu à d'autres pays, il avait son épicentre aux États-Unis.
     Une question se pose. Face à cette situation parfaitement insoutenable, face à des déséquilibres observables et mesurables, comment se fait-il qu'à peu près personne n'ait compris ce qui se passait? Ou plus précisément, pourquoi y a-t-il eu si peu de signaux d'alarme et pourquoi ces avertissements trop rares n'ont pas été écoutés? Comment une situation qui, du moins avec le recul, semblait parfaitement prévisible, n'a-t-elle pas été prévue? Pourquoi les autorités et les marchés refusaient-ils de voir et d'entendre?
     Pourquoi, par exemple, au moment de la faillite de Bear Stearns, qui annonçait clairement la suite des choses, n'y a-t-il pas eu un branle-bas de combat? Pourquoi a-t-il fallu attendre le krach boursier, quand il était trop tard?
     La réponse à ces questions tient dans ce que Dubuc appelle l'éclatement d'une «bulle idéologique», c’est-à-dire la faillite d’une idéologie basée sur la recherche des succès rapides, de l'appétit du gain et des rendements déraisonnables - en d'autres mots: de la cupidité et de l’avidité*. «On a assisté à une espèce de déconnexion entre le travail et le succès, entre le succès et l'effort, entre l'enrichissement et l'épargne, entre la croissance et la production», écrit-il avec raison. 
     On pourrait aussi ajouter que le problème que pose sans cesse le système américain, c’est que, malgré tous ses excès et son incohérence, c’est celui qui donne les meilleurs résultats. 
     En effet, les États-Unis sont incontestablement la société la plus riche du globe (tout en étant la plus endettée).  C’est celle qui génère le plus de richesses – et de loin – en terme de PIB, tout en étant celle qui dévore la production des autres. (Ce faisant, elle fait vivre le reste du monde, particulièrment le Canada.)  La société américaine compte le plus grand nombre des plus brillants cerveaux et les entrepreneurs les plus riches, mais c’est aussi la société occidentale où l’on retrouve les plus grandes poches de pauvreté.  C’est la société qui offre les meilleurs soins de santé… auxquels n’a cependant pas accès une bonne part de sa population. Etc.
     Les États-Unis nous font ainsi miroiter le modèle à imiter – qui ne rêve pas de payer aussi peu d’impôts que les Américains, quels entrepreneurs et économistes ne parlent pas avec admiration de l’efficacité et de la productivité des Américains, qui ne rêve pas des salaires élevés qu’on y retrouve – tout en figurant parmi les sociétés développées les moins enviables (en terme de criminalité et de qualité de vie).
     Bref, on aura beau dénoncer tous les travers des Américains, difficile de ne pas rêver de faire comme eux… mais en bien mieux, évidemment!  Ainsi donc, lorsque la sévère crise du capitalisme à l’américain sera passée, on court le risque que tout redevienne comme avant… jusqu’à la prochaine fois! 
 
* En anglais, on parle de «greed», mot qui n’aurait pas son équivalant en français, estime Alain Dubuc.  Ainsi, écrit-il, «Le terme “avidité” décrit le caractère ardent et immodéré d'un désir pour quelque chose.  Mais il lui manque une nuance du mot greed, qui comporte un élément d'accumulation, qui décrit le désir excessif et égoïste d'avoir plus de quelque chose. Le terme “cupidité” pourrait faire l'affaire, mais il réfère surtout à l'argent. Le greed, c'est en quelque sorte la gloutonnerie économique. La culture du “encore plus”, du “encore plus vite”, la recherche du coup fumant qui permettrait la fortune instantanée.»

Source: Alain Dubuc, «La bulle idéologique»,  La Presse, 4 avril 2009.
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Comment les Russes perçoivent les Américains

      Dans un article-éditorial intitulé «Pourquoi la Russie ne doit jamais se départir de ses armes nucléaires», publié dans la Pravda, Stanislav Mishine donne un aperçu de comment les États-Unis peuvent être perçus en Russie. Nous traduisons ce texte afin d’illustrer une étonnante vision du monde.
 
     La semaine dernière, à la suite du sommet du G-20 et alors que la Corée du Nord s’apprêtait à tirer un missile, le président américain Obama a lancé un vibrant plaidoyer afin de libérer le monde de la menace nucléaire.  Selon lui, les États-Unis doivent montrer la voie: «En tant que puissance nucléaire – la seule à avoir utilisé l’arme atomique –, les États-Unis ont le devoir d’agir.» Il espère y parvenir grâce à une série de mesures telles qu'un traité bannissant tout essai nucléaire et un autre de non-prolifération des armes nucléaires.  Il propose aussi de récupérer d’ici quatre ans les matériaux nucléaires éparpillés sur la planète. 
     Or, les coeurs sensibles et les esprits faibles qui siègent à la Douma et dans les autres institutions politiques russes pourraient percevoir un tel discours comme une belle action et un noble objectif.  Ils pourraient même vouloir y contribuer tout en obtenant des fonds américains et de l’OTAN afin de nous aider à faire de même en Russie.  À ceux-là, je dis: un instant!
     Bien que la perspective d’un monde sans arme nucléaire peut sembler attrayante, formidable et même extraordinaire, ce ne serait pas le cas.  À vrai dire, pour l'heure, les armes nucléaires russes sont la seule chose qui empêche le pays de sombrer, au mieux, dans une guerre civile fomentée par l’Occident ou, au pire, dans une autre Guerre patriotique [guerre mondiale] embrasant cette fois l’Europe entière et les États-Unis.
     Bien que la sphère anglo-marxiste* se meurt - mais d’une mort lente -, elle manifestera encore de nombreux soubresauts.  C'est dire qu'aussi longtemps que les Américains maintiendront des armes en Europe, en Corée, au Japon et en Georgie – donc aux portes de la Russie – et seront appuyés tant militairement qu’économiquement par l’OTAN, nous devons examiner avec réalisme, de façon rationnelle et historiquement toute proposition émanant d'eux. 
Dominer le monde grâce au désarmement
     La stratégie du désarmement n’est pas nouvelle pour les Américains.  Il ne s’agit cependant pas d’un beau et noble projet humaniste, mais plutôt d’un sombre complot comme ils en ont menés maintes fois envers leurs ennemis de façon à parvenir à les dominer. 
     Par exemple, tôt dans la courte histoire des États-Unis, lorsque les Américains n’avaient pas les moyens de conquérir les nations autochtones, ils les ont conviées à négocier.  Ils sont ainsi parvenu à obtenir des traités d’amitié et de désarmement.  Toutefois, ils en ont profité pour installer des soldats et pour construire de forts sur les territoires indiens.  Ils ont même recouru à la peste, en donnant aux tribus indiennes des couvertures infectées, afin de les affaiblir puis, oubliant tout traité, pour les attaquer.  Les Américains ont signé plus de deux cents traités avec diverses nations et tribus autochtones mais n’en ont respectés aucun.
     De même, au lendemain de la Première guerre mondiale, les États-Unis sont vites devenus les rivaux de leurs anciens alliés en cherchant à dominer le monde, tout en fournissant à Lénine et à sa clique des centaines de millions $ afin de soutenir la guerre civile en Russie et alors que l’Allemagne se trouvait paralysée par une dette de guerre à rembourser.  En fin de compte, les principaux rivaux des Américains étaient les Britanniques, les Français et les Japonais.  Du point de vue de la marine, donc des capacités de projeter la force militaire, les États-Unis n’étaient pas de taille.  Ils ont par conséquent entrepris de remédier à ce problème en partant en croisade. 
     Leur intention était en apparence fort louable.  Ils invitaient leurs alliés à se départir de leur flotte, comme ils le feraient eux-mêmes, en limitant la portée et la taille des navires et de leur armement.  Officiellement, cela devait servir à diminuer les tensions en Asie entre Britanniques et Japonais.  C’est ainsi qu’en 1921, ces puissances se sont retrouvées à Washington pour aboutir, sans trop s’en rendre compte, à affaiblir leurs empires pour permettre ainsi aux Américains de s’en emparer.  Mais le Japon et l’Angleterre n’ont pas été les seuls dupes de l‘affaire puisque la France, l’Italie, la Belgique, la Chine, les Pays-Bas et le Portugal ont eux aussi signé ce traité. 
     Ce Traité des cinq puissances convenait que chaque pays signataire devait plafonner sa marine de guerre à un certain tonnage: 500,000 tonnes pour les États-Unis et l’Angleterre, 300,000 tonnes pour le Japon et 175,000 tonnes pour la France et l’Italie.  Or, le tonnage était conçu de telle sorte que l’Angleterre ne pouvait plus maintenir sa capacité de contrôler son empire.  Qui plus est, à ce stade, l’Angleterre n’était plus la puissance industrielle dominante alors que l’Allemagne et la Russie avaient été neutralisées, de même que l’Empire austro-hongrois démantelé en une douzaine de petits États.  Les Etats-Unis se retrouvaient donc avec la plus grande capacité industrielle du monde.
     Ainsi donc, sous le prétexte d’un bel idéal, les Américains se sont placés en position pour s’emparer facilement des empires de leurs compétiteurs et de tout le reste, puisqu’ils n’avaient plus à rattraper la flotte britannique tout en étant l’égal de celles des Japonais, des Français et des Belges.  Non seulement avaient-ils atteint laparité avec l’Angleterre, mais ils étaient en mesure de se développer plus rapidement que quiconque. 
     Or, rien n’a change depuis et les Américains continuent de jouer le même jeu, sachant fort bien que les cœurs sensibles qui, sur toute la planète désirent à tout prix la paix, tomberont toujours dans leur piège, au lieu de chercher à faire les sacrifices nécessaires pour assurer la protection de leur nation et donc de conserver leur liberté. 
     Rappelez-vous ceci: depuis la constitution des États-Unis en 1776, les Américains ont envahi, annexé ou simplement attaqué plus de quarante nations (en comptant les différentes nations autochtones) et ce chiffre est encore plus grand si on considère le nombre de révolutions et de guerres civiles qu’ils ont directement financées. 
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* Le terme anglo-marxisme a de quoi surprendre, n‘est-ce pas?  Dans un autre article, Mishine parle de «la Révolution bolchevique de 1917 financée par les anglo-marxistes.»  «Les commanditaires de cette révolution, Wall Street, étaient déjà infectés par le marxisme, écrit-il.  Cette révolution s’est par la suite scindée en deux: le communisme bureaucratique de Staline et le fascisme d’État-corporatiste à la trotskiste…  Sous les apparats des démocraties libérales et de la mondialisation – autres appellations du fascisme marxiste -, l’esclavage et l’exploitation économiques étaient plus ou moins sous contrôle au temps de la guerre froide et de son rival fraternel, le communisme stalinien.  Mais avec la disparition de celui-ci, en 1991, il n’était plus nécessaire pour l’anglo-marxisme d’exercer la moindre retenue.»  Autrement dit, on l’aura deviné, il s’agit du capitalisme tant honni en Russie depuis si longtemps.  Notons au passage que Mishine préconise le retour aux «bonnes vieilles valeurs chrétiennes orthodoxes».  Voir: «Russia must offer the world a different ideology».

Source: Stanislav Mishine, «Russia can never surrender its nukes», Pravda, 6 avril 2009.
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Que faire de la menace nord-coréenne ?

     La Corée du Nord a-t-elle tenté de placer son premier satellite en orbite grâce à sa propre fusée ou a-t-elle essayé un missile à longue portée capable (éventuellement) de transporter une ogive nucléaire?  Tout ce qu’on sait pour l’heure, c’est que dimanche matin, vers 11h20 heure locale (2h20 temps universel), une Unha-2* a décollé du Centre spatial de Tonghae emportant avec elle le supposé satellite de communication expérimentale Kwangmyongsong-2.  Puis, quelques minutes plus tard, le deuxième étage de l’engin est passé en trombe au-dessus du Japon.  Certains rapports font état d’une mise en orbite neuf minutes après le décollage, alors que d’autres parlent d’un écrasement à quelques milliers de kilomètres à l’Est du Japon, dans l’océan Pacifique, ne causant aucun dommage.  (L’hypothétique mise en orbite a vraisemblablement échoué puisque personne ne rapporte trace du satellite émettant depuis l'espace.) 
     Pour les nord-Coréens et les quelques rares gouvernements qui les soutiennent (Chine et Russie), il ne fait aucun doute que leur pays a le droit de développer la technologie permettant de lancer des satellites.  Par contre, pour ceux qui ont à craindre les actions de l’une des dernières dictatures communistes d’un autre âge, on ne peut laisser ce pays se doter d’une arme de destruction massive aussi redoutable qu’un missile intercontinental.
     Que la Corée du Nord soit parvenue ou non a lancer un satellite a en réalité peu d’importance.  Ce qui importe, c’est: que peut-on faire pour l’empêcher de menacer ses voisins avec des missiles longue portée équipés d’ogives nucléaires?  L’enjeu est vital de part et d’autres.  Pour ce petit État faible, pauvre et assiégé de toute part, l’arme nucléaire représente l’ultime protection contre toute attaque.  Pour les pays limitrophes, particulièrement pour la Corée du Sud et le Japon (mais aussi pour la Chine et la Russie), l’existence d’une arme nucléaire entre les mains d’un régime aussi paranoïaque qu’imprévisible représente une véritable menace.  (Par contre, les États-Unis ont peu à craindre qu’un missile nord-coréen n’atteindre un jour leur côte Ouest, car il suffit pour eux d’indiquer clairement au régime de Pyongyang que la moindre tentative en ce sens sera répondue par un anéantissement nucléaire assuré.) 
     Comment donc parvenir à bout de la Corée du Nord?  Imposer de nouvelles sanctions encore plus sévères?  Sûrement pas puisque cette méthode a maintes fois prouvé son inefficacité en plus d’aggraver les souffrances du peuple. Toutefois, il devrait être possible de faire s’effondrer en douce ce faible régime par le biais d’une concertation entre nations en danger.  Après tout, ne sommes-nous pas venus à bout pacifiquement du plus puissant régime communiste nucléarisé de la planète il y a une vingtaine d’années?
 
* Techniquement, il existe des différences fondamentales entre des fusées conçues pour lancer des satellites et des missiles destinées à transporter des ogives – même s’il s’agit d’engins assez semblables.  Par exemple, une fusée Ariane ferait un mauvais missile puisque, entre autres, elle exige des semaines de préparations, alors qu’un missile est un lanceur de satellite plustôt inefficace.  Ainsi donc, suivant les caractéristiques de l’engin nord-coréen, il devrait être possible de déterminer s’il s’agit avant tout d’un lanceur de satellite ou d’un missile ballistique. (À droite, la fusée Unha-2 quelques secondes avant son décollage le 5 avril. Voir vidéo.)

Ressources: Choe Sang-Hun & David Sanger «Defying World, North Koreans Launch Rocket», The New York Times, 5 avril 2009 ; «DPRK says successfully launches satellite», China Daily, 5 avril 2009 ; Wang Linyan, «Satellite launch sparks conflicting claims», China Daily, 6 avril 2009 ; William Broad, «Experts Call North Korean Missile Launch a Failure», The New York Times, 5 avril 2009 ; Craig Covault, «North Korean launch fails to put anything into orbit», Spaceflight Now, 5 avril 2009 ; Craig Covault, «North Korean rocket flew further than earlier thought», Spaceflight Now, 10 avril 2009.
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Le point sur la crise

     En éditorial, le New York Times dresse les constats suivants: 
     «Durant une bonne partie de la semaine, on a pu croire que l’économie allait bientôt se rétablir.  Divers baromètres économiques, bien que faibles, n’étaient pas aussi mauvais qu’on s’y attendait.  Même les résultats mitigés de la rencontre du Groupe des 20 à Londres ont été en partie compensés par la démonstration du sérieux de nos dirigeants ainsi que par les bons débuts sur la scène internationale de Barack Obama.»
     «Cependant, vendredi, la réalité s’est imposée avec la nouvelle que le taux de chômage est passé de 8,1% à 8,5% en mars, un sommet en 25 ans.  Les employeurs ont ainsi sabré 663,000 emplois additionnels en mars.  (Graphique ci-contre)  Près de deux millions d’emplois ont disparu cette année seulement et 5,1 millions depuis le début de la récession en décembre 2007.  Le nombre de chômeurs atteint à présent 13,2 millions.»
     «Il ne fait aucun doute qu’on subit la récession la plus longue depuis la Seconde guerre mondiale.  Les pires récessions précédentes – celles du début des années 1970 et des années 1980 – ont chacune duré 16 mois.  L'actuelle dure déjà depuis 16 mois.» 
     «Reste maintenant à savoir combien de temps encore durera la crise et jusqu’à quel point elle s'amplifiera?  En terme d’emplois, la réponse à ces deux questions est: “encore beaucoup”.  Cela viendra de ce que les employeurs continueront de réduire les emplois aussi longtemps que l’économie s’affaiblira et ils ne se remettront à embaucher qu’une fois qu’ils auront la conviction que l’économie sera bel et bien relancée.  Or, dans le cas de cette récession, les mécanismes habituels de reprise sont bloqués.  En temps normal, toute reprise économique, et particulièrement dans les cas les plus sévères, débute avec le rétablissement du marché immobilier.  Mais pas cette fois puisque, selon des estimés prudents, les prix des maisons et leurs ventes ne devraient pas commencer à croître de façon significative avant 2010 au plus tôt.»
     «Normalement, toute reprise économique s’amorce aussi par la vente de biens durables et grâce aux exportations - l’une et l’autre étant habituellement dominées par l’automobile.  Or, les consommateurs et l’industrie de l‘auto sont cette fois-ci trop durement frappés pour que cela stimule une relance de sitôt.» 

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     Ajoutons qu’on peut même craindre qu’au fur et à mesure que le gouvernement américain injectera des billions $ dans son économie – créant de ce fait d’immenses déficits budgétaires -, on risque fort d’assister à une chute de la valeur du dollar américain, puis à une perte de confiance des investisseurs étrangers et, par conséquent, à une poussée de l’inflation.  Si un tel scénario devait se produire, on assisterait à une intensification de la crise bien au-delà de 2010.

Source: Éditorial, «Unemployment Rising», The New York Times, 4 avril 2009
Voir aussi: U.S. Bureau of Labor, «The Employment Situation: Mmarch 2009»  & Jack Healy, «Jobless Rate Hits 8.5% as March Payrolls Fall by 663,000», The New York Times, 3 avril 2009.
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G-20 : de l’optimisme délirant 
ou scepticisme prudent

     Qu’a vraiment donné la brève rencontre des principaux chefs d’État à Londres?  C’est la question que tout le monde se pose au lendemain de ce sommet d’un jour.  Bien sûr, pour les participants, cette rencontre a donné des résultats formidables - il n’en pouvait être autrement puisque s’ils avaient échoué en ne s’entendant sur quoi que ce soit de significatif, cela aurait précipité le monde dans une crise encore plus grave.  C’est d'ailleurs précisément ce qui est arrivé en 1933, alors qu’un sommet semblable n’avait donné aucun résultat et que, par la suite, les nations ont mis en place des mesures protectionnistes qui ont amplifié la Grande dépression.
     Ce qui surprend, c’est le fait qu’on observe du côté européen une vive satisfaction alors que côté américain, on perçoit plutôt une certaine déception.  Pour les uns, c’est la fin du «capitalisme sauvage à l’anglo-saxon» et «le début de la construction d’un monde nouveau», alors que pour les autres, tout reste à faire, même si ce sommet apporte une lueur d’espoir.
     Le fait est qu’il est ressorti peu de mesures concrètes, si ce n’est l’engagement à fournir 1,1 billion $ au Fond monétaire international afin que celui-ci soutienne les économies les plus pauvres de la planète.  Pour le reste, les chefs d’État se sont engagés, mais que de façon intangible et chacun de son côté, à instaurer certaines réformes économiques, dont: 1°) à coopérer plus étroitement, 2°) à réagir plus rapidement à toute urgence économique, 3°) à dénoncer les pays qui servent de paradis fiscaux et 4°) à éviter le protectionnisme.  Mais comme il n’est pas question d’imposer des contraintes aux États qui n’appliqueraient pas l’une ou l’autre de ces mesures, il s’agit essentiellement d’engagements moraux qu’on ne peut qu'espérer voir appliquer qu’en toute bonne foi.
     Le sommet de Londres pourrait néanmoins être un premier pas vers la mise en œuvre d’une gouvernance mondiale de l’économie de libre marché – ce qui serait déjà un progrès notable. Comme l’a d’ailleurs souligné le président Obama, cette rencontre inaugure une nouvelle ère, celle où les décisions concernant l’avenir de l’économie mondiale ne seront désormais plus prises par un petit groupe de puissances occidentales, comme cela se fait depuis 1944, mais par l’ensemble des principaux États du monde.

Ressources: Mark Landler & David Sanger, «World Leaders Pledge $1.1 Trillion for Crisis» & Editorial, «The Economic Summit» The New York Times, 2 avril 2009.
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Réunion «historique» du G-20 ou 
bras de fer États-Unis/reste du monde ?

     En ce 2 avril, les dirigeants des dix-neuf pays les plus importants de la planète se réunissent à Londres pour se concerter sur comment faire face à la récession et pour mettre de l’ordre dans l’économie mondiale.  En fait, on devrait plutôt dire que les États-Unis cherchent à «concerter» le reste du monde, alors que la plupart des autres visent plutôt à mettre de l‘ordre en imposant des mesures de contrôle aux marchés financiers et au système bancaire planétaire (ainsi qu’à imposer des limites aux commissions versées aux courtiers en bourse et à la rémunération exorbitante que s’octroient certains dirigeants de sociétés financières et de grandes entreprises).
     Créé en 1999, le Groupe des 20 réunit 19 pays - États-Unis, Chine, Allemagne, France, Angleterre, Japon, Inde, Russie, Brésil, Indonésie, Canada, Australie, Italie, Mexique, Argentine, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Corée du Sud et Turquie – ainsi que l’Union européenne qui représentent 90% du PIB mondial, 80% des échanges internationaux et les deux tiers de la population du globe.
     Ce qui ressort des préludes de la rencontre, c’est le fait que les États-Unis se refusent à encaisser tout blâme pour les excès qui, chez eux, ont provoqué la crise actuelle et qu’ils ne veulent surtout pas qu'on leur impose quoique ce soit.  Par contre, ils demandent à ce que les autres États, particulièrement ceux d’Europe, se mettent à dépenser massivement comme eux pour relancer l’économie.  Courageusement, la France et l’Allemagne s’y refusent, évoquant à juste titre le fait que la crise étant due à un excès d’endettement, il y a peu de chance qu’on la résorbe par un nouvel excès d’endettement.  Comme d'habitude, l’Angleterre se range derrière les États-Unis, ce qui génère, de la part de certains opposants, l’idée de critiquer le «capitalisme anglo-saxon». 
     Ce qu’on observe surtout, c’est la perte d'influence des États-Unis et l’entrée en scène de nouveaux joueurs, particulièrement de la Chine.  Celle-ci a même proposé la création d’une monnaie d’échange internationale afin de remplacer la devise américaine.  Bien sûr, les Américains s’y opposent vivement, car cela minerait substantiellement leur pouvoir (surtout celui d’emprunter).  Bien qu’il ne s’agisse pas d’une nouvelle idée, il se pourrait que la proposition chinoise fasse éventuellement son chemin étant donné l’affaiblissement de la mainmise américaine.
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Comment va la bourse ?

     L’indice boursier Dow Jones aurait-il enfin achevé sa foudroyante chute amorcée il y a six mois?  Comme l’illustre ce graphique, en cinq mois, il a perdu 40% de sa valeur (passant de 10,800 à 6,500 points).  (L’indice a en fait perdu 50% de sa valeur depuis son record de 13,000 points atteint en mai dernier.)  Ces trois dernières semaines, il a entamé une remontée remarquable de 1,500 points (avant de s'agaiblir légèrement).  Est-ce là le signe du rétablissement de l’économie?  Peut-être
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Obama dit « non » à GM et à Chrysler :
vers une mise en faillite progressive ?

      Faisant preuve d’audace, de lucidité et de courage, Barack Obama rejette du revers de la main les plans de restructuration soumis par les deux principaux constructeurs américains d'automobile.  Afin de recevoir des milliards $ additionnels en fonds publics, GM et Chrysler devaient soumettre, fin mars, des plans d’affaires montrant comment elles planifiaient retrouver leur rentabilité. 
     Comme le résume le New York Times, «Le président Obama propose un compromis valable entre deux solutions inacceptables: laisser General Motors et Chrysler faire faillite ou leur donner des dizaines de milliards de plus en espérant le meilleur.  Au lieu de cela, il a décidé de les soutenir encore quelques semaines tout en les obligeant à revenir avec un meilleur plan pour restructurer leurs affaires.»  Par conséquent, le président donne à GM et à Chrysler respectivement deux mois et un mois de plus pour refaire leurs devoirs.  Dans le même souffle, il n’hésite pas à évoquer une faillite possible.
     Aux yeux des observateurs, il semble qu’Obama tire certaines leçons du comportement éhonté des dirigeants d’A.I.G. qui, après avoir frôlé la faillite et reçu des milliards $ en aide publique, se sont octroyés de généreux «bonus à la performance» - soulevant la colère et l‘incrédulité de tout le monde.  Pas question cette fois de permettre aux dirigeants des géants de l‘automobile de faire ce que bon leur semble avec les deniers publics.
     Maints observateurs notent par ailleurs qu’il est de moins en moins probable que GM parviendra à retrouver le chemin de la rentabilité.  Comme l’illustre David Brooks, certaines entreprises sont dans le domaine de l’acier, d’autres dans la fabrication de biscuits, mais GM oeuvre dans le domaine de la restructuration permanente.  «Depuis trente ans, écrit-il, GM ne cesse de se restructurer en vue d’une prochaine viabilité.  Durant tout ce temps, elle ne cesse de perdre des parts de marché et de décliner inexorablement.  Mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre ses restructurations…  Le problème avec GM, c’est qu’elle n’offre pas le produit que les consommateurs désirent.»  À preuve, alors que les ventes globales de voitures ont baissé de 39% au cours des deux premiers mois de 2009, celles de GM ont chuté de 51%.
     Le fait que le président Obama évoque pour la première fois l’éventualité d'une faillite nous laisse entendre que c’est probablement ce qui arrivera à GM… d’ici la fin de l’année peut-être. Dans le fond, ce que pourrait chercher à faire son administration, ce serait une faillite progressive afin d’amoindrir la vague de fond que la disparition de ce géant provoquera inéluctablement. 

Sources: Editorial, «The Last Best Chance for Detroit» & David Brooks, «Car Dealer in Chief», The New York Times, 30 mars 2009.
Voir aussi: Nick Bunckley, «Bankruptcy Is Now ‘More Probable,’ New G.M. Chief Says» The New York Times, 30 mars 2009 ; Michael de la Merced % Jonathan Glaterur, «U.S. Plan Sees Easing of G.M. to Bankruptcy», The New York Times, 31 mars 2009.
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Quand l’Histoire ne tient qu’à un fil

     La tragédie de la Navette spatiale «Columbia» a bien failli se produire quinze ans plus tôt, révèle le site web Spaceflight Now, ce qui aurait probablement anéanti un pan de l'exploration spatiale.
     Le 2 décembre 1988, 85 secondes après son décollage, Atlantis a été frappé par un morceau de mousse isolante émanant du réservoir extérieur, endommageant substantiellement son bouclier thermique – précisément ce qui est arrivé à Columbia le 16 janvier 2003.  Toutefois, contrairement à ce dernier cas, l’équipage d’Atlantis a eu conscience des importants dommages causés par l’impact puisque les astronautes ont observé que des centaines de tuiles du bouclier thermique de leur vaisseau avaient été endommagées.  Pour le commandant de la mission, Robert Gibson, le destin de l’équipage était même scellé: «Nous allons périr!» a-t-il songé, rapporte le site web. Les astronautes ont même vu que le bord d’attaque de l’aile droite d’Atlantis pourrait avoir été endommagé: «Si c’est le cas, nous sommes des morts en sursis!», a considéré le commandant. (C’est justement ce dommage qui a entraîné la perte de Columbia.)
     À l’époque, on n’a rien su du drame puisqu’il s’agissait d’une mission ultrasecrète réalisée par la NASA pour le compte de la Défense américaine.  Les militaires ont même empêché les ingénieurs de la NASA d’évaluer correctement la gravité de la situation, de sorte que même les responsables de la mission n’avaient pas conscience de la gravité des faits.
     Durant le retour sur Terre, le commandant Gibson surveillait attentivement la réaction des gouvernails d’Atlantis, car il avait déduis que si l’aile droite se mettait à se disloquer, cela déstabiliserait le vaisseau, ce qu’essaierait de compenser les gouvernails.  Gibson savait toutefois que, le cas échéant, il ne pourrait rien faire… sinon que de prévenir Houston de la catastrophe imminente!
     Heureusement, Atlantis s’est posé indemne. Au sol, les ingénieurs ont été horrifiés de constater l’ampleur des dommages, la carlingue ayant même commencé à fondre à au moins un endroit.
     La perte d’Atlantis aurait eu des répercussions dévastatrices pour le programme spatial.  Cette mission étant la deuxième seulement à survenir après la perte de Challenger, si la NASA avait perdu un second équipage en trois vols, nul doute que cela aurait marqué la fin des vols de la Navette spatiale.  Or, comme celle-ci devait par la suite servir à l’assemblage de la Station spatiale internationale, ce programme aurait également été cancellé. 
     Il est par ailleurs choquant de découvrir que la perte de Columbia, quinze ans plus tard, aurait pu être évité si seulement la NASA avait tiré les leçons de cette quasi-tragédie.

Source: William Harwood, «Legendary commander tells story of shuttle's close call», Spaceflight Now, 27 mars 2009.
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Huit bonnes raisons de demeurer en Afghanistan

     «Lors de mon arrivée en Afghanistan, je doutais de l’utilité de nos efforts pour transformer ce pays, écrit David Brooks dans le New York Times. L’Afghanistan est l’une des sociétés les plus pauvres, les moins instruites et les plus corrompues de la Terre.  Il s’agit d’une société infiniment complexe et divisée.  Elle a de puissants ennemis au Pakistan et en Iran alors que les réseaux de trafiquants de drogue s’emploient à y maintenir le chaos.  Le territoire est jonché des débris des grandes puissances qui ont tenté d’y mettre un peu d’ordre.»
     «Tout ce sur quoi reposent mes doutes a été renforcé lors de ma visite de six jours, poursuit le chroniqueur.  Pourtant, ceux qui y oeuvrent sont la preuve que l’Afghanistan peut devenir une société fonctionnelle et opposée à la terreur, et qu’il vaut par conséquent la peine d’y risquer la vie de nos fils et de nos filles.»
     Brooks élabore sept raisons pour lesquelles nous nous devons de poursuivre notre intervention là-bas:
1°) les Afghans désirent la même chose que nous: vivre en paix et en sécurité,
2°) nous avons maintenant appris des erreurs que nous avons commises, 
3°) nous avons enfin les bonnes priorités, 
4°) la direction du pays, bien qu'encore largement corrompue, s’améliore peu à peu, 
5°) les États-Unis prennent finalement cette guerre au sérieux,
6°) on se préoccupe enfin du problème que pose le Pakistan, à savoir que ce pays est la source et le refuge des talibans, et
7°) il est tout bonnement erroné de considérer l’Afghanistan comme une société du Moyen-Âge où on y perd son temps.
     J’ajoute une ultime raison:
8°) pour empêcher, à tout prix, le retour des talibans, le régime des «fous de dieu» le plus abjecte des temps modernes. 

Source: David Brooks, «Winnable War», The New York Times, 26 mars 2009. 
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Gare aux experts !

     Les spécialistes dont on entend les analyses un peu partout seraient loin d’être les plus compétents pour évaluer l'état des choses et, surtout, pour prévoir ce qui pourrait se passer, rapporte Nicholas Kristof dans le New York Times. «Les faits montrent que ce qui importe le plus lorsqu’il s’agit d’évaluer une situation ou de prendre une décision ne serait pas tant les connaissances ou l’expérience, mais le bon jugement d’une personne ou, pour être plus précis, sa façon de réfléchir», écrit-il.
     Ainsi, Philip Tetlock, professeur à l’Université de Californie à Berkeley, a étudié 82,000 prédictions faites par 284 experts sur une période de vingt ans. Résultat: celles-ci étaient à peine supérieures au hasard. «Il ne fait pratiquement aucune différence que l’expert ait un doctorat ou qu’il soit économiste, en science politique, journaliste ou historien, qu’il ait ou non une expérience de terrain ou accès à des informations privilégiées, ou qu’il possède plusieurs ou peu d’années d’expérience», écrit l’auteur dans son livre Expert Political Judgment.
     En fait, le seul facteur qui jouait était la réputation de l’expert… qui avait un effet inverse sur sa pertinence!  C’est-à-dire que les experts réputés commettraient plus d’erreurs que les moins connus.  Ce constat surprenant viendrait de ce qu'ils auraient moins tendance à douter et à se remettre en question.  Ce phénomène serait amplifié par les médias qui tendent à consulter les experts qui donnent des avis tranchés, qui voient les choses «en noir ou en blanc», plutôt que les nuances plus proches de la réalité. 
     Qui plus est, les experts qui se trompent fréquemment sont rarement «éliminés du marché» puisque personne ne tient le compte de leurs erreurs.  On le voit clairement avec tous les analystes et économistes qui, ces dernières années, n’ont pas vu venir la crise économique.  On le voit aussi très bien chez les prétendus experts qui, au fil des décennies, nous annoncent une «fin du monde» pour une raison ou une autre…

Source: Nicholas Kristof, «Learning How to Think», The New York Times, 25 mars 2009. 
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Serions-nous en train de sortir de la crise… déjà ?

     Bien que la plupart des analystes prédisent une longue et douloureuse récession, le «pire» pourrait déjà être derrière nous!  Peut-être.
     En fait, plusieurs indices économiques encourageants commencent à poindre aux États-Unis, l’épicentre de la crise.  Ainsi, le 12 mars, le département du commerce annonçait que les ventes au détail n'ont diminué que de 0,1% par rapport à janvier, soit cinq fois moins que ce à quoi s’attendaient les économistes.  Ce faible déclin pourrait suggérer que l'effondrement de l’économie commencerait à s’estomper.  Le 19 mars, le département du travail rapportait que les réclamations pour des prestations de chômage ont diminué de 1,8% par rapport à la semaine précédente. (Le nombre de chômeurs est ainsi passé de 658,000 à 646,000, ce qui représente néanmoins un niveau très élevé.)  Le 23 mars, on apprenait, ô surprise, que la vente des maisons a augmenté de 5,1% en février (après avoir chuté de 5% en janvier). Il pourrait s’agir du premier signe que le marché immobilier commence à se rétablir.  Enfin, le 25 mars, le département du commerce indiquait que les commandes pour les biens durables ont augmenté de 3,4% en février (comparativement à une baisse de 7,3% en janvier).  Dans tous les cas, ces données surprennent les spécialistes. Conséquemment, l’indice Dow Jones – un baromètre qui témoigne de l’état de l’économie - a entrepris une remontée soutenue.  Après avoir atteint un plancher de seulement 6,547 le 9 mars, l’indice avait déjà repris mille points dix jours plus tard, pour continuer son ascension (ci-contre).
     En vérité, il serait surprenant que la crise économique soit déjà du passé et que nous assistions à une véritable reprise.  On doit donc s’attendre à assister, au cours des prochaines semaines et mois, à de nouvelles chutes (possiblement brutales).  Au mieux, l’économie est comme un patient qui se relève tant bien que mal d’une terrible épreuve…
     Mais peut-être aussi sommes-nous déjà sur la bonne voie, sur la voie d’un (prompt) rétablissement?  Voilà qui serait remarquable, particulièrement pour Barack Obama; si la reprise devait être réelle, sa présidence pourrait être créditée du plus étonnant renversement économique de tous les temps!

Sources: Stephanie Rosemblom, «Decline in Retail Sales Is Gentler Than Expected, but No Cause for Optimism», The New York Times, 12 mars 2009 ; Associated Press, «Some Good News on Jobs and Mortgages», The New York Times, 19 mars 2009 ; Jack Healy,«Unexpected Jump in Home Sales in February», The New York Times, 23 mars 2009 ; Jack Healy, «Latest Glimmer of Economic Hope: Rise in Factory Orders», The New York Times, 25 mars 2009.
Voir aussi: Economics and Statistics Administration, U.S. Department of Commerce.
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Enfin, voici la Station spatiale internationale !

     La Stations spatiale internationale est quasiment complétée. Pour l’essentiel, ISS demeura à jamais telle qu’on la voit sur cette photo prise par l’équipage de la mission STS-119 le 25 mars.  On la voit enfin tel qu’elle nous a été présentée durant si longtemps sur des dessins d’artiste (ci-contre et ci-dessous).  Il aura fallu une trentaine de missions d’assemblage réalisées sur dix ans pour assembler ses principaux éléments. 
     Sur la photo, on voit de part et d'autre les deux paires de panneaux solaires qui génèrent l’électricité de bord.  Au centre, vers le bas, se trouvent les trois laboratoires scientifiques américain, européen et japonais (formant un T inversé).  À la partie supérieure de la photo se trouve la portion russe qui sert à l’habitation et au contrôle de la station.  (Les deux séries de panneaux pointant vers le haut sont des radiateurs qui évacuent la chaleur produite à bord.)  À partir de mai, ISS sera habitée par six stationautes (contre trois actuellement). Au cours de la prochaine année, une demi-douzaine de vols de la Navette spatiale ajouteront divers équipements scientifiques internes ainsi qu’un dôme d’observation. Si tout va bien, elle devrait fonctionner encore une dizaine d’années. (Voir aussi le clip vidéo.)
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Comment Obama s’attaque à la crise économique

      Lors de sa deuxième conférence de presse à heure de grande écoute en moins de 65 jours de présidence – un autre contraste d‘avec George Bush –, Barack Obama a tenu à faire le point sur comment son administration tente de relancer l’économie.  Il a donc dressé le bilan suivant: 
 
     Avant de répondre aux questions des journalistes, je désire faire le point concernant les mesures que nous prenons pour faire passer notre économie de la récession à une relance et, ultimement, à la prospérité. 
     En premier lieu, il importe de se rappeler que la crise actuelle ne s’est pas produite du jour au lendemain et qu’elle n’est pas le fruit d’une décision ou d’une action.  Il a fallu de nombreuses années et plusieurs failles pour en arriver à ce résultat.  Et il faudra plusieurs mois et une gamme de solutions différentes pour nous en sortir.  Il n’y a pas de remèdes miracles ni de solutions rapides.
     C’est pourquoi nous déployons un train de mesures conçu pour s’attaquer aux causes de la crise sur toutes ses formes.  Il s’agit de mesures pour créer des emplois, pour aider les propriétaires fiables, pour relancer le crédit et pour faire croître notre économie sur le long terme.  Et nous commençons à voir les signes de progrès.
     La première mesure que nous avons mise en place est un plan de relance pour stimuler la création d’emplois et pour mettre de l’argent dans les poches des travailleurs.  Notre plan a déjà préservé l’emploi d’enseignants et de policiers, il crée des emplois dans la construction pour la réfection des routes et des ponts…  Notre plan fournira une réduction d’impôts à 95% des travailleurs et qui paraîtra sur leur chèque de paie dès le 1er avril. 
     La deuxième mesure que nous avons mise de l'avant consiste en un plan de stabilisation du marché immobilier et pour aider les propriétaires fiables à conserver leur maison.  Ce plan est l‘une des raisons pour lesquelles les taux hypothécaires sont pratiquement à leur plus bas niveau historique.
     Nous assistons déjà au refinancement d’hypothèques alors même que les propriétaires profitent des bas taux. Et chaque Américain doit savoir que jusqu’à 40% de toutes les hypothèques sont désormais admissibles à du refinancement.  Cela équivaut à une autre baisse d’impôts. Pour la première fois depuis très longtemps, nous commençons aussi à voir des signes d’augmentation des ventes et de stabilisation du prix des maisons.
     Le troisième mesure de notre stratégie consiste à relancer le crédit pour les familles et les entreprises.  À cette fin, nous avons mis en oeuvre un programme conçu pour appuyer les marchés des prêts autos, des prêts étudiants et des prêts pour les petites entreprises – un programme qui a déjà permis plus de prêts au cours de la dernière semaine qu’au cours des quatre derniers mois combinés. 
     Hier, le Secrétaire [au Trésor Tim] Geithner a annoncé un nouveau plan qui combinera les ressources du gouvernement et des investisseurs privés pour racheter les mauvaises créances qui empêchent les banques de se remettre à prêter.  Et nous continuerons de faire tout ce qui est nécessaire, au cours des prochaines semaines, pour nous assurer que les banques dont dépendent les Américains auront l’argent dont elles ont besoin pour prêter, même si l’économie devait se détériorer. 
     Enfin, la portion la plus importante de notre stratégie est de nous assurer que le pays ne retombera pas dans un cycle de bulles spéculatives qui finissent par éclater.  Nous savons qu’une économie basée sur la spéculation à outrance, sur le prix surévalué des maisons et sur le crédit déraisonnable ne produit pas de la richesse durable mais, au contraire, l’illusion d’une prospérité qui nous met tous en danger.

Source: «President Obama’s News Conference», The New York Times, 24 mars 2009.
Voir aussi: Peter Baker & Adam Nagournay, «In a Volatile Time, Obama Strikes a New Tone for Crisis», The New York Times, 24 mars 2009.
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Les véritables déficits du gouvernement du Québec

     En rendant public son budget pour l’année financière qui s’amorce le 1er avril, la ministre des finances du Québec annonce qu’elle prévoit «un premier budget déficitaire en dix ans».  Elle annonce ainsi un déficit de 3,9 milliards $ pour la prochaine année et de 3,7 milliards $ pour l’année suivante.
     Or, tous ces chiffres sont faux puisque, selon les données contenues dans son Plan budgétaire 2009-2010, en dix ans, la dette du Québec est passée de 98 à 148 milliards $, soit une hausse de 50 milliards $.  (Allô «déficit zéro»!)  C’est dire qu’en moyenne, le gouvernement enregistre un déficit annuel de 5 milliards $ par année!
     C’est ainsi que le tableau D-3 du document montre que depuis 1998, la dette gouvernementale a cru de la façon suivante:

     Notez le «bond» survenu en 2008, alors que la dette grimpe d'un coup de 25 milliards $.  Celui-ci fait suite à une «réforme comptable». Autrement dit, le gouvernement ayant sous-estimé systématiquement ses déficits depuis dix ans, il a dû rajuster ses chiffres.
     Qui plus est, le budget prévoit une augmentation de la dette de 3,4 milliards puis de 8,9 et de 9,9 milliards $ ces trois prochaines années… si tout va bien. 
     Résultat, le gouvernement verse des milliards en paiements d’intérêts.  C’est ainsi qu’une soixantaine de milliards $ - l’équivalent de ses dépenses d’une année - ont été versés de la sorte ces dix dernières années… au lieu de servir à la santé, à l’éducation, etc.   Et ça continue puisque pour l’année en cours, il versera 6,8 milliards $ en «pure perte» d’intérêts. 

Dette totale et par habitant

Dette au 31 mars 2009 Dette par habitant PIB par habitant 
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Canada 576,0 milliards $ 17 291 $ 39 237 $
Ontario 163,1 milliards $ 12 615 $  45 922 $
Québec 148,0 milliards $ 19 095 $ 39 007 $
Colombie-Britannique 35,8 milliards $ 8 171 $ 56 302 $
Manitoba 14,1 milliards $ 11 672 $ 41 676 $
Saskatchewan 12,6 milliards $ 12 402 $ 59 662 $
Nouvelle-Écosse 10,9 milliards $ 11 617 $ 37 046 $
Alberta 10,8 milliards $ 3 012 $ 82 402 $
Terre-Neuve 9,8 milliards $ 19 295 $ 64 349 $
Nouveau-Brunswick 5,7 milliards $ 7 627 $ 37 789 $
Île-du-Prince-Édouard 1,0 milliards $ 7 153 $ 32 961 $
États-Unis 12 700 milliards $ 42 000 $ 48 278 $

Source; Ministère des finances du Québec, «Plan budgétaire 2009-2010», 19 mars 2009.
Voir aussi: Budget de l'Ontario 2009
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Les Américains moins «bornés» qu’on le pense ?

     Les Américains seraient nettement moins croyants qu’on le croit généralement, rapporte Franck Rich dans le New York Times.  «La plus récente Enquête sur l’identité religieuse des Américains publiée la semaine dernière, relate-t-il, constate que la plupart des religions ont perdu du terrain depuis 1990 et que l’option qui croit le plus rapidement est “Aucune”.»  Cette option est passée de 8 à 15%, surclassant toute les dénominations religieuses à l’exception de catholique romaine et baptiste.  Un autre sondage réputé, l’Enquête sociale générale, fait un constat encore plus étonnant.  D’après les résultats préliminaires publiés le mois dernier, deux fois plus d’Américains font nettement plus confiance à la communauté scientifique qu’aux organisations religieuses. Ces dernières «se classent au même rang que les banques et les institutions financières sur l’échelle de la confiance», rapporte le chroniqueur du New York Times
     En conséquence, ajoute Rich, la population américaine rejetterait ce que prêchent généralement les chefs religieux et la droite républicaine à propos de plusieurs «enjeux moraux».  Par exemple, de récents sondages indiquent que près de 60% d’entre eux sont d’accord avec l’abolition des restrictions sur le financement de la recherche sur les cellules souches imposées par George Bush.  Par ailleurs, 55% ne s’objectent pas au mariage homosexuel alors que 75% estiment que les homosexuels «affichés» devraient avoir le droit de servir dans l‘armée. 
     Dans sa chronique, Rich montre à quel point les républicains sont déconnectés de la majorité des Américains de même qu’ils se comportent à l’opposé de la moralité qu’ils prônent tant.

Sources: Frank Rich, «The Culture Warriors Get Laid Off», The New York Times, 14 mars 2008 & American Religious Identification Survey, General Social Survey.
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Fin du monde à répétition

     Tout au long du 20e siècle, on a cru voir venir la fin du monde pour l’an 2000.  D’abord pour des motifs religieux (l’Apocalypse et le retour du Christ), puis par crainte d’un holocauste nucléaire (guerre froide entre Américains et Soviétiques), puis en se basant sur une foule de croyances ésotériques (grande pyramide, ère du verseau, nouvel-âge, alignements des planètes, Nostradamus et autres prophéties de malheur) et enfin pour des raisons environnementales (destruction de l'écosystème).  On a même craint un terrible «bogue» pour le 1er janvier 2000.
     Évidemment, notre monde existe toujours.
     Néanmoins, en ce 21e siècle, certains continuent d'appréhender une fin du monde, craignant principalement le réchauffement de la planète, la fonte des glaces polaires et l‘élévation du niveau des océans.  «Gaïa est sur le point de se venger de nous!», dit-on.  (Peut-être quelques-uns voient-ils la présente crise économique comme le début de la fin… à moins que ce ne soit le contraire?)  D’autres redoutent encore l’Apocalypse ou se basent sur diverses croyances (notamment précolombiennes)…
     D'ordinaire, la fin du monde nous est annoncée pour dans quelques dizaines d'années.  Voilà qui est commode, puisque ceux qui le font plus tôt se trouvent vite confronté à leurs (fausses) prophéties.  Quant aux autres, ils peuvent toujours espérer qu'on aura oublié leurs prédictions… d’autant plus que de nouvelles fins du monde auront entre temps été annoncées. Un bel exemple de cela sont les prédictions des écologistes qui annonçaient, dans les années 1970-80, divers scénarios de fin du monde pour l’an 2000… et qui continuent de sévir aujourd’hui encore en nous prêchant le pire pour d’ici 2050 (ou 2100, pour les plus prudents). 
     Le fait est: tous ceux et celles qui ont annoncé une fin du monde depuis des millénaires - qu’importe sur quoi reposent leurs affirmations (science ou croyances) - ont enregistré un taux de succès de… 0%. Z-É-R-O! 
     Gageons par conséquent que la fin du monde n’aura pas lieu, une fois de plus, telle qu’annoncée.  Autrement dit, elle restera à jamais pour dans «d'ici quelques décennies»!

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Le Canada « indépendant » des États-Unis ?

     Statistique Canada rapporte que l'emploi au Canada a fléchi pour un quatrième mois consécutif, 83,000 personnes ayant perdu leur travail en février.  Par conséquent, le taux de chômage atteint 7,7%.  En tout, ce sont 295,000 travailleurs qui ont perdu leur emploi depuis le sommet d'octobre 2008.
     C’est à la fois peu et beaucoup.  C’est peu à comparer aux 2,3 millions d’Américains qui ont subi le même sort depuis octobre.  C’est surtout «peu» si on considère que ces 83,000 pertes d’emplois sont inférieures de 35% aux 129,000 survenues en janvier.  Par comparaison, aux États-Unis, les pertes d’emplois ont cru de 9%, de 598,000 en janvier à 651,000 en février
     Voilà des données qui étonnent énormément.  En effet, depuis le début de la crise économique, on observe que la situation est nettement moins critique au Canada qu’aux États-Unis.  On se dit cependant qu’«on ne perd rien pour attendre», que la crise nous rattrapera tôt ou tard et probablement plus violemment.  Or, plus le temps passe, moins ce scénario apparaît.  Est-ce à dire qu’on échappera «au gros» de la crise?  Peut-être pas, mais elle pourrait être moins rigoureuse qu’aux États-Unis.  (Il est cependant trop tôt pour tirer une telle conclusion.)
     Néanmoins, comme le montrent les graphiques ci-contre, l’évolution de l’emploi diffère fondamentalement entre les deux pays.  Les trois premiers graphiques montrent les gains (en bleu) et les pertes (en noir) des emplois au Québec, en Ontario et au Canada de janvier 2008 à février 2009.  Comme on le voit, le marché connaît des hauts et des bas.  Par contre, aux États-Unis (graphique du bas), les pertes d’emplois ne cessent de croître de mois en mois, surtout ces quatre derniers mois. 
     On continue ainsi d’observer que les taux de chômage demeurent inférieurs au Canada qu’aux États-Unis, de même qu’au Québec par rapport à l’Ontario (tableau ci-dessous).  Voilà une autre situation étonnante. 

Travail et chômage, février 2009

Québec O/Q Ontario C/O Canada E/C États-Unis
Population adulte 6 411 200 1,65 10 604 600 2,56 27 161 200 8,65 234 913 000
Population active 4 169 300 1,72 7 185 600 2,55 18 315 200 8,42 152 214 000
   Emploi 3 840 100 1,71 6 559 900 2,58 16 889 400 8,39 141 748 000
      Temps plein 3 114 200 1,71 5 316 700 2,58 13 696 900 n/d
      Temps partiel 725 900 1,71 1 142 200 2,58 3 202 500 n/d
   Chômage 329 200 1,90 626 700 2,26 1 415 900 8,81 12 407 000
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Taux d'activité 65,0 % 67,8 % 67,4 % 65,7 %
Taux de chômage 7,9 % 8,7 % 7,7 % 8,1 %
Taux d'emploi 59,9 % 61,3 % 62,2 % 60.3 %
 

     On considère pourtant que notre sort économique est intimement lié à celui des États-Unis, étant donné que la grande majorité de ce que nous produisons est achetée par nos voisins.  On s’attend donc à ce que nous soyons frappés de plein fouet par toute récession américaine.  Or, cela ne semble pas être le cas cette fois-ci (on observe plutot un «ralentissement» de notre économie).
     Que se passe-t-il donc?
     Est-ce à dire que l’économie canadienne ne marcherait plus au pas de celle de nos voisins?  Ce serait étonnant, bien que c’est ce que les chiffres de l’emploi tendent à indiquer. 
    Comment expliquer un tel désarrimage entre les deux économies?  Les faits que notre système bancaire n’a pas commis les excès de l‘américain (en prêtant à tout vent), que nous, comme consommateurs, ne nous soyons pas lancés dans une boulimie de folles dépenses à crédit et que, d’une façon générale, notre société ne repose pas autant sur les profits et l’appât du gain à tout prix - la cupidité - expliquent peut-être qu’au bout du compte, nous vivons dans une société plus saine que celle des États-Unis. Peut-être… 
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Note: Le trois facteurs O/Q, C/O et É/C permettent de comparer respectivement la situation du Québec et de l’Ontario, celle de l’Ontario et du Canada et celle du Canada et des États-Unis. 
     Ainsi, la population adulte de l’Ontario est 1,65 fois plus grande que celle du Québec. En outre, la population active y est encore plus grande (1,72 fois), c’est-à-dire que, toute proportion gardée, plus d’adultes sont sur le marché du travail en Ontario qu’au Québec. (Les deux provinces seraient à égalité si tous les facteurs étaient à 1,65.)  De même, il y a un plus grand nombre de personnes en emploi (1,71 fois) mais encore davantage de chômeurs (1,90 fois… c'est-à-dire qu'il y a presque deux fois plus de chômeurs en Ontario qu'au Québec).
     Si on compare le Canada aux États-Unis, on observe que la population adulte américaine est 8,65 fois plus élevée que celle du Canada.  Par contre, le nombre de travailleurs est plus petit (8,42 fois), alors que le nombre de chômeurs est plus élevé (8,81 fois).

Source: Statistique Canada, «Enquête sur la population active, Février 2009», Le Quotidien, 13 mars 2009.
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Internet : que faisions-nous avant ?

     Il y a vingt ans, des informaticiens ont imaginé le World Wide Web (www), autrement dit: le réseau Internet.  On rapporte que, le 13 mars 1989*, un chercheur britannique en physique, Tim Berners-Lee, a présenté à ses collègues du Conseil européen pour la recherche nucléaire un projet visant à permettre aux milliers de scientifiques collaborant au CERN de rester en contact et de partager par ordinateurs les résultats de leurs travaux.  C’est ainsi qu’est né le Web.  Ce nouveau mode de communication a été mis à la disposition du public à partir de 1991.
     C’est ainsi qu’il y a vingt ans, sans qu’on le sache, s’amorçait l’une des plus fulgurantes révolutions planétaires.  En moins de dix ans, l’outil de communication Internet – qui permet entre autres les échanges par courriel, l’accès au bout des doigts de l’information sur tout et pour tous, tout en révolutionnant maintes pratiques du travail – s’est imposé.  On en arrive même à se demander ce qu’était notre vie avant Internet.

Aurait-on dû en débattre ?
     Internet est étonnant à biens des égards.  D’une part, il s’agit de l’une des révolutions les plus marquantes de la vie moderne mais que, pourtant, personne n’avait vu venir.  La rapidité avec laquelle s’est imposé Internet défierait même tout scénario de science-fiction. 
     Internet met aussi en valeur ce qu’il y a de meilleur chez l’humain, en permettant notamment de créer mains réseaux de contacts et de solidarité à l’échelle planétaire et en favorisant le partage de la meilleure information (Wikipédia et journaux en ligne).  Évidemment, il permet aussi «le pire» (cybercriminalité et pornographie juvénile), ce que ne manquent pas de rapporter les médias.
     Le fait qu’Internet soit apparu de façon si inattendue amène à se demander ce qu’il serait arrivé s’il en avait été autrement. 
     Dans les années 1970, nous avons vu venir la révolution informatique, le fait que les ordinateurs allaient bientôt «envahir» nos vies.  Plusieurs s’inquiétaient fortement de ce que ceux-ci créeraient beaucoup de chômage – les machines remplaçant l’homme – tout en permettant à nos gouvernements de nous surveiller constamment (syndrome du Big Brother).  D’autres imaginaient qu’ils allaient tout bonnement nous compliquer la vie: le syndrome dit I.B.M., pour It’s Better Manually («Vaut mieux tout faire à la main»).  Heureusement que la révolution informatique n’a pu être arrêtée.
     Imaginons maintenant si, fin des années 1980-début des années 1990, on avait pu débattre de la pertinence d’établir un réseau planétaire d’échanges comme Internet.  Nul doute qu’une pléthore de «prophètes de malheur» se serait élevée pour s’y opposer, prétextant mille et un périls (certains véritables, d’autres chimériques).
     Or, devant les interminables débats publics qui sévissent un peu partout dans notre société (et qui bloquent maints projets, mème bons), on peut supposer que si la création d’un réseau aussi polyvalent, puissant et soumis à aucun contrôle qu’Internet avait fait l’objet d’un questionnement préalable, on serait encore à en discuter et que, par conséquent, il n’existerait pas.  La société s’en porterait-elle mieux ainsi?
Prochaine «révolution» en préparation ?
     Ce vingtième anniversaire est d’autre part intéressant du fait qu’il nous rappelle à quel point d’importants progrès peuvent surgir inopinément.  Ainsi, se pourrait-il, en cette période de tourments (qui favorise dit-on l’innovation et la créativité) que quelque part soit en train de naître la prochaine «révolution bienveillante» qui bouleversera nos vies d'ici dix ou quinze ans?
     Il y a en ce moment des «petits génies» à l’œuvre… peut-être même certains qui ne se doutent pas de la révolution qu’ils pourraient déclencher (comme Tim Berners-Lee… devenu Sir Timothy John Berners-Lee).
 
* Peut-être vous souvenez-vous de cette journée particulière, puisque ce 13 mars, le Québec a été paralysé par une panne d’électricité généralisée.  Plusieurs lignes de haute tension reliant Montréal et la Baie-James sont «tombées», victimes d’un puissant orage magnétique (une explosion solaire qui vient perturber le champs magnétique terrestre).  Voir les explications de Michel Morin, «Le Québec dans le noir», Société Radio-Canada.
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Indulgence pour la richesse des « riches » 

     Bob Herbert rapporte dans le New York Times qu’entre 1980 et 2005, la taille de l’économie américaine a plus que doublé.  Pourtant, durant cette période, le revenu moyen pour l’immense majorité des Américains a… diminué! 
     «Aussi incroyable que cela puisse paraître, écrit-il, l’année 1973 est celle où les revenus ont été les plus élevés pour 90% des Américains.»  Le revenu moyen par travailleur (ajusté selon l‘inflation) était alors de 33,000 dollars américains, soit 4,000$ de plus qu’en 2005.
     Ces données s'assimilent à celles publiées en mai dernier par Statistique Canada à l'effet que les gains pour les travailleurs canadiens ont légèrement progressé pour passer de 41,348$ en 1980 à 41,401$ en 2005 (en dollars canadiens constants de 2005). Surtout, Statistique Canada révélait que les gains se sont accrus à l'échelon supérieur des emplois, ont stagné à l'échelon moyen et ont diminué à l'échelon inférieur.  C’est ainsi qu’entre 1980 et 2005, le revenus du 20% des travailleurs les mieux rémunérés a progressé de 16,4%, alors que celui du 20% des moins bien rémunérés a chuté de 20,6%. Quant au 20% de la tranche moyenne – «la classe moyenne» pourrait-on dire -, leurs revenus ont augmenté… de 0,1%.
      Comment se fait-il que les revenus de l’immense majorité des travailleurs n’ont pas suivi l’extraordinaire progression de l’économie ?, se demande le chroniqueur du New York Times
     En guise de réponse, il cite Jared Bernstein, économiste et depuis peu conseiller auprès du vice-président Joe Biden, qui écrivait dans un livre: «L’économie a été détournée par les riches et puissants et transformée en un outil utilisé contre le reste d’entre nous.» 
     Herbert dénonce l’idéologie républicaine au pouvoir pour l’essentiel des trente dernières années et qui préconise des baisses d’impôts pour les plus riches, la déréglementation des marchés et la réduction du «Big Government» pour laisser davantage d’argent dans les poches des «contribuables» afin, dit-on, que la richesse ainsi dégagée «descende» dans le reste de l’économie. (Évidemment, les plus riches qui, en principe paient le plus d’impôts, sont les premiers bénéficières de telles mesures.)
     «Les travailleurs se sont fait vendre l’idée que ces mesures étaient bonnes pour eux, écrit Herbert.  Ils en sont venus à penser que c’était une merveilleuse idée que de confier leur part de l’enrichissement collectif à ceux qui sont déjà fabuleusement riches.»
     On pourrait se demander pourquoi cette idéologie est si populaire, même ici.  Pense-t-on que «les riches» savent mieux que nous dépenser les gains générés par la collectivité? 
     Peut-être sommes-nous conditionnés à admirer «les riches et célèbres», à penser qu’ils méritent de conserver la richesse qu’ils s’approprient?  (Autrement, comment accepter l’idée que n’importe quel joueur de hockey gagne des millions, de même qu’une certaine classe de p.d.g.?)  Peut-être est-on tout aussi disposé à ce que «les riches» ne paient pas trop d’impôts en pensant au jour où nous aussi serons «riches».  Ne se sent-on pas naturellement vexé par l’idée d’avoir à remettre 40% de nos revenus le jour où nous gagnerons 100,000$ ou plus?  En attendant, on achète l’idée qu’«on» paie trop d’impôts et que ceux-ci doivent être diminués (au profit des plus riches). 

Sources: Bob Herbert, «Reviving the Dream», The New York Times, 9 mars 2009 ; Statistique Canada, «Recensement de 2006 : Gains, revenus et coûts d'habitation», 1er mai 2008.
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L’un des grands tournants de l'Histoire ?

     «Et si la crise économique de 2008 représentait quelque chose de nettement plus fondamental qu’une profonde récession?, pose Thomas Friedman dans le New York Times.  Et si elle nous disait que la mécanique de croissance perpétuelle que nous avons institué ces cinquante dernières années était tout simplement insoutenable économiquement et écologiquement et qu'en 2008, nous avons frappé un mur?»
     «Peut-être un jour considérerons-nous 2008 comme un point tournant dans l’histoire de l’humanité?  Nos enfants et petits-enfants nous demanderont peut-être: “Comment c’était avant?  Que faisiez-vous lorsque le système s’est effondré?  À quoi pensiez-vous et comment avez-vous réagi?”» 
     Pour ma part, je dirai que c’est entre autres pour répondre à ce genre de questions que je tiens à jour cette chronique.  Qui sait le chemin que nous parcourrons d'ici cinq à dix ans et, surtout, où nous aboutirons?!

D’après: Thomas Friedman, «The Inflection Is Near?», The New York Times, 7 mars 2009.
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Donnera-t-on à Obama le temps 
de « faire des miracles » ?

     Dans une chronique intitulée «Les miracles demandent du temps», Bob Herbert s’inquiète de ce que: «Barack Obama n’est président que depuis six semaines que déjà on assiste à un étonnant déferlement de hauts cris, de colère et même de déception parce qu’il n’a pas encore su résoudre les problèmes de l’économie américaine, parce qu’il ne nous a pas non plus délivré des conséquences désastreuses résultant des folles idées des conservateurs de droite et des années de mauvaise gestion par les radicaux républicains.» 
     «On lui reproche – selon l’angle d’où on le critique – le fait que les marchés financiers continuent de chuter, de ne pas agir assez rapidement pour remettre à flots l’industrie financière au bord du précipice, pour n’avoir pas encore arrêté l’hémorragie des saisies de maison, pour chercher à procurer une assurance-santé aux millions d’Américains qui n’en ont pas, pour engendrer le plus grand déficit budgétaire alors qu’il combat la plus grave crise économique depuis la Seconde guerre mondiale…»
     Évidemment, souligne Herbert, il faudra du temps, beaucoup de temps, pour remédier aux décennies d'incurie républicaine, mais sera-t-on assez patient pour le lui en donner?

D'après Bob Herbert, «Miracles Take Time», The New York Times, 6 mars 2009.
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À la découverte des premières Terres

     La NASA vient de lancer l’un des plus importants instruments scientifiques de tous les temps – Kepler – un télescope spatial aussi remarquable qu’Hubble.  Si tout va bien, celui-ci repérera les premières planètes semblables à la Terre gravitant autour d’étoiles se trouvant à quelques années-lumière de nous.  Il répondra ainsi à l’une de nos grandes interrogations: des planètes comme la nôtre abondent-elles dans notre galaxie ou sont-elles plutôt rares?
      Au cours des douze dernières années, nous avons découvert trois cents planètes autour d’étoiles voisines.  Toutefois, à cause des techniques employées, on n'a découvert que d’immenses boules de gaz semblables à Jupiter et où, d’après nos connaissances, la vie ne peut exister.  On n’a jusqu’à présent jamais repéré une petite planète rocheuse comme la nôtre.
     Au cours des trois prochaines années, Kepler procédera à un «sondage» en scrutant une population de 100,000 étoiles afin de déterminer quelle proportion d’entre elles possède des petites planètes.  Tel qu’illustré ci-contre, il scrutera une minuscule portion de notre galaxie, en direction de la constellation du Signe, comprise entre ici et 3,000 années-lumière.  En sondant ainsi le un deux-millionnièmes des étoiles qui forment notre galaxie, Kepler découvrira-t-il une ou des milliers de Terres… ou toute autre chose?
     Sa tâche équivaut à tenter d'observer le passage d’un insecte devant les phares d’une automobile située à des kilomètres.  C’est-à-dire que lorsqu’une planète passe devant son étoile, elle fait légèrement diminuer son éclat (de 0,001%).  Kepler cherchera donc à mesurer cette diminution d’éclat.  Il n’a cependant pas la capacité de photographier les planètes qu’il détectera, de sorte qu’on ne verra pas ces Terres.  Il ne possède pas non plus la capacité de déterminer si certaines recèlent de la vie. 

Lorsqu’une planète passe devant son étoile, elle jette une «ombre» correspondant à sa taille.  L’illustration de gauche représente le passage d’une Jupiter devant le Soleil, alors que celle de droite montre une Terre.  Notons que Kepler ne verra pas les astres comme nous le montrent ces illustrations, mais mesurera plutôt la diminution de l’éclat de l’étoile causée par le passage de la planète. Qui plus est, alors que ces illustrations ne sont qu’à un mètre de vous, dans le cas de Kepler, elles devraient être placées à des kilomètres!

     La facture de la mission Kepler s’élève à 600 millions $us, ce qui pourrait sembler une dépense extravagante en ces temps de crise économique.  Toutefois, si on considere que le nombre de travailleurs américains (qui défraient la facture) s’élève à 150 millions de personnes, c’est comme si chacun d’entre eux avait déboursé 4$ pour cette quête scientifique.  Notons que cette somme «astronomique» n’a pas été dépensée «dans l’espace» mais bien en salaires versés à deux mille ingénieurs, scientifiques et techniciens au cours des cinq dernières années. 

Ressources: Site web de la mission Kepler (NASA); Press Kit de la misson Kepler.
Voir aussi mon livre Comment savoir si nous sommes seuls dans L'Univers ?
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La Crise s’accentue

     L’une des meilleures façons de voir où en est la crise économique est de suivre l’évolution du nombre de personnes qui perdent leur emploi.  Cela nous donne non seulement une idée du nombre de personnes qui sont directement affligées par la crise, mais également comment se comporte l’économie en général; plus le nombre de sans-emploi s’accroît, plus l’économie se contracte, et plus l’économie se contracte, plus de personnes perdent leur emploi…  Le premier signe d'une reprise économique sera de sortir de cette spirale infernale.  Or, nous n'en sommes vraiment pas là. 
     En effet, les données sur l‘emploi aux États-Unis – l’épicentre de la crise - indiquent que la spirale du chômage, loin de s’estomper, s’accentue au contraire. En février seulement, 651,000 Américains ont perdu leur emploi, soit 9% de plus qu’en janvier (598,000) et davantage qu’en décembre (524,000) et en novembre (533,000).  Depuis le début de la récession (décembre 2007), c’est plus de 3 millions d’Américains qui ont rejoint les 9 millions déjà sans-emplois.


Depuis plus d’un an, on assiste à d’importantes pertes d’emplois aux Etats-Unis; en 
janvier 2008, ces pertes se chiffraient dans les 17,000, aujourd’hui, dans les 650,000.

     C’est ainsi qu’en l’espace d’un mois, le taux de chômage a bondi de 7,6 à 8,1%, atteignant son plus haut niveau en 25 ans. C’est même le plus grand nombre de personnes sans emplois depuis au moins quinze semaines comptabilisé depuis le Seconde guerre mondiale.  De telles données sont d’autant plus significatives que les analystes s’attendaient, il y a quelques semaines à peine, à ce que le taux de chômage atteigne 9% en fin d’année seulement,  Or, au rythme de 500 à 600 mille pertes d’emplois par mois, ce cap sera franchi dès le mois de mai, pour atteindre les 12% en fin d’année.
     Qui plus est, si on ajoute au 12,5 millions d’Américains en chômage tous ceux et celles qui ont cessé de chercher du travail, le pourcentage grimpe déjà à 9,3%.  Si on ajoute ceux qui travaillent à temps partiel faute de ne pouvoir occuper un emploi à temps plein, la proportion des «mal employés» frôle les 15%.
     Toutes ces données indiquent  clairement que la crise économique est loin de se résorber, puisque les pertes d’emplois continuent d’augmentera aux États-Unis.  Reste à voir ce qui s’est passé chez nous en février - ce que nous saurons la semaine prochaine. 

Sources: Bureau of Labor Statistics, «Employment Situation Summary», 6 March 2009 ; Peter Goodman & Jack Healy, «Continuing Job Losses May Signal Broad Economic Shift», The New York Times, 6 mars 2009.
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Veut-on vraiment savoir 
ce que nous réserve l’avenir ?

     Tout le monde (ou presque) a une série de questions pressantes en tête: combien de temps durera la crise actuelle?  À quel point sera-t-elle sévère et comment, ou jusqu’à quel point, serons-nous affectés (personnellement et collectivement)?
     On cherche évidemment tous la réponse à ces questions.  Les médias font d’ailleurs grand état de l’opinion des économistes et autres experts dans l’espoir qu’ils sauront nous guider.  L’avenir nous inquiète, y'a de quoi!
     Malheureusement, personne ne peut réellement assouvir notre quête.  C’est pourquoi il y a tant de réponses divergentes et contradictoires.  Au mieux, certains essaient de nous rassurer en disant quelque chose comme «il se pourrait bien que…» en s’empressant d’ajouter «… à moins que…»

     Peut-être la meilleure façon de calmer nos angoisses est de prendre un peu de recul et de «remonter le temps» pour se donner une perspective.
     Revenons donc à il y a un an, au printemps 2008, c’est-à-dire avant que ne suirvienne l’implosion des subprimes hypothécaires qui a tout déclenché.  Rappelez-vous: les prix du pétrole étaient à leurs plus hauts – à près de 1,50 $ le litre ou a 140 $ le baril -, alors que les bourses frôlaient des sommets. (Époque qui paraît déjà bien lointaine, n'est-ce pas?)  Évidemment, on était loin de se douter de ce qui nous attendait à peine quelques mois plus tard (même si certains signes avant-coureurs apparaissaient déjà clairement).
     Imaginons qu’un économiste, ou tout autre expert, nous ait annoncé (sans l’ombre d’un doute) ce qui allait se produire.  Or, si on l’avait cru, cela aurait causé une panique… qui aurait provoqué une crise encore plus sévère.  Imaginez simplement que devant l’imminence de l’effondrement des cours boursiers, si «tout le monde» avait rapidement retiré ses épargnes…  Connaître l’avenir n’aurait fait qu’aggraver les choses.
     Ou, en supposant qu’une telle annonce n’aurait pas provoqué de panique tout en ne changeant rien au sort économique qui nous était réservé, aurait-on été plus rassuré de connaître ainsi l’avenir?

     Prenons un second exemple qui fournit une meilleure perspective encore: le krach boursier de 1929 et la Grande dépression des années 1930 (à laquelle se comparerait de plus en plus la crise actuelle). 
    Imaginez qu’à l'époque, un visionnaire quelconque nous ait raconté qu’au lendemain de l'effondrement de la bourse, une dizaine d’années d’une crise économique épouventable s’achèverait par cinq années d’une terrible guerre mondiale, le tout débouchant heureusement sur une formidable période de prospérité (le baby-boom).  Aurait-on vraiment été rassuré d’apprendre qu’après quinze années d’«enfer» et d’épreuves, on finirait par bien s’en sortir?

     Évidemment, diront certains, si on connaissait l’avenir, on pourrait changer certains paramètres afin d’éviter les catastrophes.  Mais ce faisant, on se retrouverait devant un avenir tout aussi incertain. (On ne s’en sort donc pas!)
     Est-ce à dire qu’il vaut mieux demeurer dans l’ignorance?  Oui car, autrement, ce que nous vivrions serait encore plus pénible.  Pensez simplement aux grandes épreuves que la vie vous a imposé à ce jour – peines d’amour et séparations, décès, revers et pertes d’emploi, etc. – et que vous avez fini par traverser de toute façon.  Aurait-il mieux valu que vous les connaissiez d’avance?  Vaut-il vraiment mieux savoir ce que nous réservent les prochains mois, les prochaines années?

     En vérité, ce qui est intéressant, c’est de connaître «la fin de l’histoire» une fois qu’on l’a traversée.  Mais non avant.  C’est un peu comme lire un bon livre, une histoire à suspens captivante.  En connaître la fin dès le départ gâcherait une bonne part du plaisir, n’est-ce pas?  (Il y a pourtant des gens qui commencent un livre par le dernier chapitre…  Avez-vous déjà tenté l’expérience?)

     Bien sûr, il demeure difficile de résister à la tentation de connaître l‘avenir – si c’était possible. C’est pourquoi les économistes, les analystes et les diseurs de bonne aventure sont si en demande. 
     Imaginons donc le scénario suivant, assez vraisemblable. 
     La crise économique sera longue et ardue: elle durera un bon trois ans, le taux de chômage doublera et une multitude d’entreprises et de commerces disparaîtront. Tout le monde sera touché - de près (en perdant son emploi ou en subissant d’importantes pertes financières) ou de loin (des gens dans votre entourage subissant ce triste sort). 
     Il faudra ensuite des années pour que l’économie revienne à des niveaux d’activité comparables à ceux que nous venons de connaître.  Les indicateurs économiques de 2015 pourraient ressembler à ceux de 2005. 
     Paradoxalement, la crise de la main-d’œuvre qu’on appréhendait tant – les baby-boomers prenant leur retraite en si grand nombre que les jeunes générations ne pourraient suffire à les remplacer – sera tempérée par la contraction de l’économie. Ce phénomène nous ramènera heureusement plus rapidement vers le «plein emploi».
     Plus rassuré, maintenant?!

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Je suis inquiet. Nous venons d’élire un jeune président très talentueux qui a de bonnes idées pour faire progresser le pays, pour étendre les soins de santé à davantage de personnes, pour rendre nos lois de l’impôt plus équitables et pour amorcer une révolution industrielle verte.  Mais je crains que son premier mandat soit accaparé par Citigroup, A.I.G., Bank of America, Merrill Lynch et la bulle du crédit et des prêts hypothécaires que nous avons gonflée ces vingt dernières années.
- Thomas Friedman, 3 mars 2009
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Pourquoi faut-il secourir les banques
(bien malgré nous) ?

     La crise économique est plus complexe que tout ce qu’on peut imaginer, écrit Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times
     Nous ressortons de vingt années de fêtes à crédit. Comme pays, trop d’entre nous avons cessé de fabriquer des biens pour plutôt faire de l’argent avec de l’argent.  Comme citoyens, nous avons cru réaliser des gains grâce à l’appréciation de la valeur de nos propriétés et nous avons utilisé ces gains pour acheter à crédit des télés à écran plat fabriquées en Chine.  Les banquiers faisaient des gains en créant des montages financiers complexes et en utilisant des mécanismes de levier pour que de plus en plus de consommateurs entrent dans le jeu du crédit.
      Lorsque cette gigantesque bulle a éclaté, elle a créé un immense cratère si profond que nous ne pouvons en voir le fond. Celui-ci est le produit de deux excès qui sont liés.
     Certaines banques sont en difficulté à cause des titres hypothécaires en subprime qu’elles ont dans leurs livres et qui ne valent plus que 20% à cause des non-remboursements fréquents.  Plusieurs autres banques – celles qui ont le plus recouru aux leviers (comme Citigroup et Bank of America) - sont en difficulté parce que les prêts qu’elles ont dans leurs livres (prêts auto, prêts hypothécaires commerciaux, prêts sur carte de crédit, prêts d'affaires) ne peuvent plus être remboursés.  La plupart des grandes banques n’ont pas encore rayé de leurs livres ces prêts car, si elles le faisaient, elles deviendraient insolvables. 
     Pour résoudre la crise des prêts hypothécaires, il faudra des milliards $.  Pour résoudre celle des autres prêts, il faudra des billions $. 
     Sortir d’un cratère aussi profond sera extrêmement périlleux.  Toute action que nous prendrons risque fort de créer d’autres problèmes dont on ne peut saisir toutes les ramifications.
     Nous devons créer une «mauvaise banque» qui achètera et conservera les valeurs toxiques, ou faire en sorte que le gouvernement en achète une bonne portion afin de créer un marché.  Cela nous obligera à secourir des banques qui ne le méritent pas.  Mais c’est le prix à payer pour éviter que tout le système ne s’écroule… 

D'après: Thomas Friedman, «Obama’s Ball and Chain», The New York Times, 3 mars 2009.
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Les coûts de la guerre en Irak

     Lorsqu’on parle des coûts de la guerre en Irak, on cite généralement les sommes mirobolantes qui y ont été englouties (des centaines de milliards $) ainsi que les 4,252 soldats américains qui, à ce jour, y ont perdu la vie.
     Cependant, il y a bien d’autres coûts.  Par exemple, Bob Herbert cite une récente étude de la RAND Corporation qui évalue que 300,000 soldats américains souffrent à présent de désordres post-traumatiques et de dépression, alors que 320,000 autres sont victimes de traumatismes au cerveau.  Au bout du compte, un nombre croissant d'entre eux finissent par se suicider (128 en 2008).
     À cela s’ajoutent les 31,089 soldats qui «officiellement» ont été blessés (alors qu'on estime ce nombre à plus de 100,000). Sans compter les 100,000 civils irakiens qui ont perdu la vie, plus le nombre incalculable de ceux qui ont été blessés et les autres qui ont, d’une façon ou d’une autre, «tout perdu».
     Dire que les attentats du 11 septembre 2001, au nom desquels l’invasion de l’Irak a été ordonnée par l’administration Bush, n’ont fait que 2,973 victimes directes.

Sources et ressources: Bob Herbert, «Wars, Endless Wars», The New York Times, 2 mars 2009 ; «Casualties in Iraq» ; «Irak Body Count» ; Wikipédia, «Attentats du 11 septembre 2001» ; «Le coût de la guerre : 46 400 $ par famille», Le Carnet 2007, 13 novembre 2007.
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Frappés de plein fouet par la récession

     Statistique Canada révèle que, ces trois derniers mois, l'économie canadienne s’est contractée de 3,4% sur une base annuelle. «Le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,8% au quatrième trimestre 2008, s'étant replié progressivement chaque mois, écrit-on.  Il s'agit de la plus forte baisse trimestrielle enregistrée depuis 1991. Des baisses dans les exportations, l'investissement en capital et les dépenses personnelles ont toutes contribué à la contraction de l'économie.»

     Ce graphique illustre la «gravité» de ce qui se passe. Il retrace l’évolution du PIB canadien d’un trimestre à l’autre depuis dix ans.  Généralement, celui-ci a eu tendance à croître à chaque trimestre (de 3% en moyenne). Tel n’est cependant plus le cas depuis les six derniers trimestres, particulièrement lors du dernier (enregistrant une chute spectaculaire de –3,4%). 

     «On peut se consoler en remarquant que c'est mieux (ou "moins pire") que les États-Unis (-6,2%), l'Union européenne (-5,9%) ou même le Japon (-12,7%)», commente Claude Picher, chroniqueur à La Presse
     Toutefois, on enregistre des reculs sur presque tous les fronts: ventes au détail, exportations, bâtiment, bénéfices des entreprises, etc.  «C'est un peu comme si quelqu'un avait coupé l'interrupteur de l'économie canadienne après octobre», rapporte le journaliste Stéphane Paquet, en citant les propos d’Avery Shenfeld, économiste senior à la CIBC Marchés mondiaux.
     En fait, les données indiquant que plus 2008 progressait, plus l'économie ralentissait, la majorité des économistes s'attend à ce que 2009 soit plus difficile encore.  Le trimestre actuel (janvier-mars) pourrait même être le pire des cinquante dernières années!
     «L'enquête trimestrielle de Statistique Canada nous dresse un portrait de l'économie pour une période donnée, poursuit Claude Picher. Elle nous apprend que les Canadiens viennent de vivre trois mois difficiles. Mais qu'en est-il de l'avenir?  Qu'est-ce qui nous attend en 2009?  Il y a les optimistes qui pensent que la crise sera relativement courte, et les pessimistes qui s'attendent à une longue période de morosité. Le hic, c'est que les deux camps avancent d'excellents arguments.»
     Néanmoins, selon l'Association des économistes québécois – qui regroupe cinq cents économistes oeuvrant un peu partout dans notre économie -, la situation du Québec risque fort de se détériorer au cours des prochains mois. «82% des membres sont d'avis que l'activité économique pourrait se détériorer au cours des six prochains mois», rapporte l’ASDEQ après avoir sondé 150 de ses membres.
     «Les Canadiens auront besoin d'une reprise aux États-Unis avant d'espérer une amélioration de la situation économique de ce côté-ci de la frontière», rappelle l’économiste Shenfeld.  Or, comme on l'observe jour après jour, la crise ne cesse de s’amplifier aux États-Unis, telle que l’illustre la chute de l’indice Dow Jones ces derniers jours (graphique ci-contre). 

D’après : Statistique Canada, «Comptes économiques canadiens», Le Quotidien, 2 mars 2009 ; Claude Picher, «Le Pire est à venir» et Stéphane Paquet, «L’économie canadienne en récession», La Presse Affaires, 3 mars 2009 ; Association des économistes québécois, Résultat du deuxième sondage, 2 mars 2009.
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Vivons-nous une « Grande dépression » ?

     Peut-on faire le parallèle entre la Grande dépression des années 1930 et la crise économique que nous subissons, a demandé l’animateur Joël Le Bigot à Carl Grenier, professeur au département de science politique de l'Université Laval, qui observe de près ce qui se passe aux États-Unis.
     Celui-ci a répondu qu’on voit «peut-être» de plus en plus de parallèles entre les deux crises, bien que celles-ci diffèrent.  «Je dis “peut-être” parce que les diagnostics ne sont pas encore très clairs, dit-il.  Mais l’ampleur de la crise dépasse carrément tout ce qu’on a vu [ces dernières décennies].» 
     Le verdict demeure incertain parce que, notamment, lors de la Grande dépression, le taux de chômage est passé de 4% (en 1929) à près de 25% en 1932.  «Ce sont des chiffres qu’on ne voit pas encore aujourd’hui», indique M. Grenier.  Même si le chômage croît avec plus de 500,000 nouveaux sans-emplois chaque mois aux États-Unis, les économistes prévoient qu’il pourrait atteindre les 10 à 12% d’ici un an ou deux.  «Donc, on devrait être encore en deçà de la situation qu’on a connue entre 1929 et 1933», estime l’analyste. 
     Selon lui, la crise actuelle serait due à l’abaissement des mesures de contrôle instaurées justement à la suite du krach de 1929 afin d’éviter que les marchés puissent faire n’importe quoi.  Or, ces mesures ont été démantelées progressivement à partir des années 1970.  «Ces garde-fous - et je pense notamment à la cloison établie entre les grandes banques d’affaires et les banques commerciales - sont tombés en 1999 (sous l’administration Clinton)», dit-il. 
     Selon l'universitaire, l’«inventivité» des marchés financiers, qui ont créé toute sorte de produits pour étendre le crédit (dont les fameux subprimes hypothécaires), «a fait qu’il n’y avait plus vraiment de contrôles… avec le résultat qu’on connaît maintenant.»

D'après: Première chaîne de Radio-Canada, Pourquoi pas dimanche, 1er mars 2009 (vers 9h45). 
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Deux chiffres à méditer…

     Dans sa chronique de samedi, Nicholas Kristof rapporte deux données qui en disent long.
     Chaque Américain paie en moyenne 6,800 $us en assurance santé (privée) par année.  C’est dire plus de 32,000 $can pour un couple ayant deux enfants.  Or, lorsqu’on dit que les Américains ont la chance de payer beaucoup moins d’impôts que nous, il faudrait néanmoins ajouter ce 8,000 $can de plus par personne.  C’est d’ailleurs pourquoi 40 millions d’entre eux n’a pas les moyens de se payer une telle assurance.
     Par ailleurs, le chroniqueur du New York Times relève qu’en 1980, le 1% des Américains les plus riches gagnait 8% de tous les revenus.  En 2006, ce 1% s’accaparait de 23%.

Source: Nicholas Kristof, «Franklin Delano Obama», 28 février 2009.
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Je ne suis pas venu ici pour faire ce qu’on fait d’habitude, ni pour faire de petits pas en avant.  Je suis ici pour apporter d’importants changements, comme l’a demandé la nation en se rendant aux urnes en novembre dernier.  C’est le changement que mon budget entreprend et c’est le changement pour lequel je me battrai au cours des prochaines semaines. 
- Barack Obama, 28 février 2009
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Quel cercle… vraiment vicieux !

     Les États-Unis font face à une nouvelle «menace terroriste».  Qui plus est, celle-ci se trouve juste au sud de leur frontière. 
     En effet, le Mexique est à feu et à sang depuis que les forces de l‘ordre livrent une lutte acharnée aux cartels de la drogue.  En 2008, cette guerre a coûté la vie à plus de 6,000 personnes, dont à des centaines d’officiers de police.  Les trafiquants s’attaquent même aux hauts dirigeants de la lutte antidrogue.  Et voilà que celle-ci commence à se répandre dans les États du sud américain. 
     En vérité, les forces de l’ordre mexicaines sont confrontées à des trafiquants suréquipés d’armes ultra-puissantes achetées en quantité de l’autre côté de la frontière!
     Comme le rapporte le New York Times, les Mexicains sont victimes d’une véritable hypocrisie de la part des Américains.  «Le Département de la justice vient de déclarer les cartels de la drogue mexicains “menaces à la sécurité nationale” alors même que nos marchands d’armes installés le long de la frontière approvisionnent ces bandes de meurtriers.» 
     Les Mexicains sont en fait victimes à la fois de l’appétit vorace des Américains pour la drogue (le marché le plus lucratif au monde) et de leur lobby des armes (le plus puissant du monde).  Ils estiment d’ailleurs que ces marchands ont fourni l’essentiel de 20,000 armes saisies l’an dernier sur leur territoire.
     «Un vaste marché des armes s’est installé dans les quatre États américains longeant la frontière mexicaine, résultat de notre laxisme dans le contrôle des armes, rapporte le New York Times.  Des hommes de paille [américains] se procurent des fusils d’assaut auprès de l’un ou l’autre des 6,000 marchands frontaliers pour ensuite les remettre aux trafiquants.» 
      Les supposées lois restreignant la vente d'armes sont si poreuses que n’importe quel «amateur de fusils» peut se procurer tout ce qu’il veut dans de prétendus gun shows de fin de semaine.  L’un des rares marchands à avoir été piégés par la police américaine est ainsi accusé d’avoir vendu des centaines de fusils mitraillettes AK-47 qui se sont ensuite retrouvés au Mexique. 
     «Nous devions avoir honte, de ce côté-ci de la frontière, que notre dépendance à la drogue soit alimentée par notre timidité à contrôler les armes à feu», de déplorer le quotidien new-yorkais.

Sources: Editorial, «The Drug Cartels’ Right to Bear Arms», 27 février 2009 ; James McKinley Jr., «U.S. Is Arms Bazaar for Mexican Cartels», The New York Times, 25 février 2009 ; Marc Lacey, «With Force, Mexican Drug Cartels Get Their Way». The New York Times, 28 février 2009 ; Randal Archibold, «Mexican Drug Cartel Violence Spills Over, Alarming U.S.», The New York Times, 22 mars 2009.
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Comment va la bourse ?

     Comment se comportent les marchés boursiers depuis l’arrivée du nouveau président américain?

     Comme l’illustre ce graphique, les cours de la bourse – ici l’indice Dow Jones – ne cessent de chuter depuis octobre 2008. 
     Tel que le montre la courbe du haut, l’indice a chuté de 2200 points en dix jours en octobre dernier, pour baisser d’un autre 1000 points le mois suivant, avant de remonter quelque peu en fin d’année.  Comme l’illustre la courbe du bas, depuis le début de l’année 2009, le Dow Jones a perdu un autre 1700 points, selon une descente qui ne semble pas vouloir prendre fin. 
     Curieusement, cette tendance s'est même intensifiée depuis l’entrée en fonction du nouveau président le 20 janvier.  Il semble que quoi que dise et tente de faire Barack Obama, rien ne rassure les marchés. 
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Rêves américains

     «Mardi soir, le président Obama a dénoncé notre culture nationale de l’irresponsabilité, commente David Brooks.  Il a parlé de la façon dont les Américains ont sacrifié le long terme au profit du court terme, dépensé plus qu’ils pouvaient se le permettre et comment les dirigeants du pays n’ont pas tenu leurs promesses en reportant toute réforme. Obama a décrit une pourriture incrustée et omniprésente.»
     «Il a cependant perpétué le mythe voulant que le peuple américain puisse tout avoir sans faire de sacrifice, poursuit le chroniqueur du New York Times.  On veut bénéficier de soins de santé, d’une meilleure éducation et même vaincre le cancer, alors que 98% d’entre nous n’aura rien à payer.  Le fardeau de ces progrès incombera aux riches alors que tous les autres profiteront de baisses d’impôt pour magaziner.»
     «Le plus gros problème réside au chapitre des soins de santé.  C’est un domaine où tout le monde désire profiter de ce qu’il ne payera pas, où un ensemble de primes retors a créé un coûteux système qui ne produit guère de résultats, un système impossible à réformer…»

Source: David Brooks, «The Uncertain Trumpet», The New York Times, 27 février 2009.
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Quand frapperont-ils le mur de l’endettement ?

     Dans les années 1980, on s’est inquiété lorsque le gouvernement américain, dirigé par le républicain Ronald Reagan, a multiplié par quatre la dette nationale.  (Pour ce faire, Reagan a réduit les impôts des mieux nantis tout en augmentant substantiellement les dépenses militaires.)  La dette nationale est ainsi passée de 827 milliards $ (sous Jimmy Carter) à 3,2 billions $ huit ans plus tard, comme l'illustre le graphique suivant. 

     Pour la première fois, en 1982, la dette américaine franchissait le cap du mille milliards $ - un billion $ -, une somme inimaginable pour l’époque.  Or, dix ans plus tard, au terme de l’administration républicaine de George Bush père, elle atteignait les 4 billions $.
     Heureusement que durant les années Clinton, la croissance de la dette s’est estompée, celle-ci n’augmentant «que de» 1,5 billion $.  Mais voici qu’après huit années d’administration républicaine de George Bush fils, la dette a plus que doublé (passant de 5,6 à 12,7 billons). (Comme Reagan, Bush a réduit les impôts des plus riches et augmenté prodigieusement les dépenses miliaires.)  Voir le graphique suivant.
     Voilà qu’à l’occasion de son premier énoncé budgétaire, le président démocrate Obama nous annonce que, si tout va bien, la dette nationale doublera encore une fois d’ici dix ans - frôlant les 24 bilions - comme l'illustre le graphique suivant.
     Chaque fois que la dette nationale franchit un cap, on nous dit que la situation est exceptionnelle et qu’il faudra y remédier le plus tôt possible.  Chaque fois aussi, le président en exercice prédit qu’un jour prochain, il mettra de l‘ordre dans les finances publiques. 
     Mais un jour, les États-Unis frapperont un mur d’endettement, puisque même la nation la plus puissante finira par crouler sous ses dettes.  Et pourtant, la dette ne fait qu’augmenter, comme le montre le graphique suivant.
     C’est ainsi qu’en cinquante années – de 1970 à 2019 -, elle devrait passer de 371 à 23,173 milliards $!  (Si on en juge par ce qui se passe toujours, ça devrait même être pire.) 
     Est-ce à dire que le mur d’endettement n’existe pas?  Aucunement.  Au contraire, le choc que subiront les États-Unis le jour où ils frapperont ce «mur» sera d’autant plus foudroyant que leur dette sera élevée. 
     Quand frapperont-ils ce «mur»?  Personne ne peut le dire, le choc surviendra inopinément, comme lorsqu'éclate une bulle spéculative: on voit venir l'éclatement mais nul ne peut dire quand il surviendra…

Voir aussi: Editorial, «President Obama’s Budget: Some Honesty About Taxes — Finally», The New York Times, 27 February 2009 & David Stout, «Much Bigger Deficits Seen in Budget Office Forecast», The New York Times, 20 mars 2009
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1 752 000 000 000 $ 
de déficit pour l’année 2009 !

     Un billion, 752 milliards $.  Voilà le déficit qu’accumuleront les États-Unis au cours de la présente année financière (d’octobre 2008 à septembre 2009).  C’est plus de 55,000 $ de dettes qui s’accumulent chaque seconde!  Une pile de 1,75 billion de billets de 1$ américain correspond à la distance Terre-Lune.
     C’est de loin le plus gros déficit budgétaire jamais engagé par le gouvernement américain (le précédent record ne correspondant qu’au quart de cette somme: 459 milliards $), voir graphique ci-dessous.  Une telle somme augmente de 25% la dette nationale des États-Unis, qui passerait de 10 à 12,7 billons $.
     Ce déficit - le lègue des politiques républicaines de George Bush - résulte selon le New York Times d’une baisse de 1 billion $ en revenus pour le gouvernement (résultat de la crise économique), auquel s’ajoutent les coûts des programmes pour venir en aide aux banques et la première tranche du plan Obama pour relancer l’économie, ainsi que des frais additionnels pour les guerres menées en Irak et en Afghanistan.

     Au cours des dix prochaines années, l’administration Obama prévoit que les déficits du gouvernement américain totaliseront 7 billions $, alors que George Bush en a cumulé pour 3,9 billions $ ces huit dernières années.  Les billions de dollars de déficits que se propose de faire Obama (en noir) font ainsi pâlir ceux de l’administration Bush (en rouge).  Dire qu’au début des années 2000, l’administration Clinton produisait des surplus budgétaires (en bleu).
     Devant des déficits aussi considérables, le président Obama nous dit que d’ici la fin de son premier mandat (dans quatre ans), ceux-ci auront diminué des deux tiers.  Or, selon les chiffres qu’il fournit, les déficits annuels dépasseront tout de même les 600 milliards $ par année à la fin des années 2010.  Au cours des dernières années, on était horrifié par les déficits records générés par George Bush… qui ne dépassaient pourtant que les 400 milliards $ par année.
 
(1) Pour l’année financière 2009 (qui s’est amorcée le 1er octobre 2008), l’administration Bush prévoyait un déficit de 407 milliards $, auquel l’administration Obama a «ajouté» 1,3 billion $ pour prendre en compte des dépenses et pertes de revenus qu’impose la crise économique qui sévit depuis l’automne.

Sources: Jackie Calmes & Robert Pear, «$1.75 Trillion Deficit Seen as Obama Unveils Budget Plan», The New York Times, 26 février 2009.
Voir aussi: «Huit années d’administration républicaine», Le Carnet 2008, 5 février 2008.

Ressources: U.S. Government: The Budget Documents, Fiscal Year 2010 & Summary Tables
Editorials: «President Obama’s Budget: Some Honesty About Taxes — Finally» & «President Obama’s Budget: Progress on Health Care», The New York Times, 26 février 2009.
Analysists: David Leonhardt, «A Bold Plan Sweeps Away Reagan Ideas» ; John Harwood, «Budget Choices Test Obama’s Political Skills» The New York Times, 26 février 2009 ; Paul Krugman, «Climate of Change», The New York Times, 27 février 2009 ; David Brooks, «A Moderate Manifesto». The New York Times, 2 mars 2009 ; David Brooks, «When Obamatons Respond», The New York Times, 5 March 2009.
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Pertes relatives

     La Caisse de dépôt et placement du Québec – le «bas de laine des Québécois assurant notre retraite» - confirme ce qu’on soupçonnait depuis des mois: des pertes records de 39,8 milliards $.  Les actifs de la Caisse sont ainsi passés de 155 milliards $ (fin 2007) à 120 milliards (fin 2008), effaçant du coup les gains réalisés au cours des deux années précédentes (graphique).
     Notons au passage que plus de la moitié de ces pertes est due à une dévaluation de biens qui ont simplement perdu de la valeur sur papier à cause de la crise économique.  On peut en conséquence espérer que lorsque l’économie se rétablira, une bonne part de ces actifs retrouveront leurs valeurs.  Quant aux fameux «papiers commerciaux», ils ont entraîné de «véritables» pertes de 6,1 milliards $.
     Par ailleurs, le mêm jour, le constructeur automobile General Motor annonce des pertes financières de 30,9 milliards de dollars américains pour l'année 2008 (soit exactement le même montant que la Caisse en dollars canadiens).  Ces pertes font suite aux 43,3 milliards $ perdus au cours de 2007.  (Par comparaison, la Caisse avait enregistré des gains de 12 milliards $ cette année-là.)
     Les pertes de G.M. menacent de faire disparaître l’une des plus grandes entreprises américaines et, par le fait même, des centaines de milliers d’emplois, tandis que les «pertes sur papier» de la Caisse ne menacent en rien notre sécurité financière.
     Pour expliquer son rendement de –25%, la Caisse souligne que, comme pour tous les autres investisseurs, celui-ci est avant tout du à l’effondrement de l’économie mondiale. «En quelques jours, en octobre 2008, le monde a basculé dans une crise financière et économique comme il ne s’en est pas vu depuis 80 ans, rappelle-t-on. Les marchés se sont disloqués. Toutes les catégories de l’actif – à l’exception des meilleurs titres gouvernementaux – se sont dépréciées simultanément et fortement. L’absence de prêteurs et d’acheteurs a fait plonger les valeurs marchandes. La crise mondiale a aussi provoqué une forte baisse du dollar canadien de 20% par rapport au dollar américain, de 16% par rapport à l’euro et de 35% par rapport au yen pour l’année.  Ces événements hors du commun ont touché tous les investisseurs.»  Par comparaison, les rendements des autres grandes caisses de retraite ont été en moyenne de -18%.

Sources: Caisse de dépôt et placement du Québec, «La Caisse de dépôt et placement du Québec annonce un rendement moyen pondéré des fonds des déposants de -25,0 % pour l’exercice financier terminé le 31 décembre 2008» & «États financiers cumulés 2008», 25 février 2009, Generla Motor, «GM Reports Preliminary Fourth Quarter and Calendar Year 2008 Financial Results» & «G.M. Posts $9.6 Billion Loss, Expects ‘Going Concern’ Notice», The New York Times, 26 février 2009.
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Le président Obama à l’occasion de son premier «discours sur l’état de l’Union» devant le Congrès américain.  Derrière lui, le vice-président Joe Biden et la speaker de la Chambre des représentants Nancy Pelosi (respectivement premier et second successeurs à la présidence, si jamais Obama venait à périr).

Les États-Unis rebondiront, prédit 
le Grand orateur Obama

1 - L'heure des comptes

     À l’occasion de l’un des très grands discours politiques livré par l’un des meilleurs orateurs, le président Obama a présenté un bilan de l’état actuel dans lequel se trouvent les Américains tout en énonçant des objectifs ambitieux vers lesquels il espère rediriger la puissance innovatrice de son pays.  Sur le thème «Nous allons rebondir et retomber sur nos pieds, les États-Unis d’Amérique ressortiront donc plus forts que jamais!», Obama a d’abord dressé les constats suivants.
     Le fait est que notre économie ne s’est pas détériorée du jour au lendemain.  Non plus que tous nos problèmes sont apparus à la suite de l’effondrement du marché immobilier ou de la bourse.
     Nous savions depuis des décennies que notre survie dépend de la recherche de nouvelles sources d’énergie.  Pourtant, nous importons davantage de pétrole aujourd’hui que jamais auparavant. 
     Le coût des soins de santé gruge de plus en plus nos épargnes.  Pourtant, nous remettons sans cesse à plus tard les réformes nécessaires. 
     Nos enfants devront compétitionner pour du travail dans une économie mondialisée et vis-à-vis de laquelle trop peu de nos écoles les préparent adéquatement.
     Et malgré le fait que nous n’avons relevé aucun de ces défis, nous nous sommes mis à dépenser et à nous endetter comme jamais auparavant, autant en tant qu’individu que par le biais de notre gouvernement.
     En d’autres mots, nous avons vécu dans un monde où trop souvent les gains à court terme passaient avant la prospérité à long terme et où on omettait de voir par-delà du prochain paiement, du prochain semestre ou de la prochaine élection. 
     Le surplus [budgétaire légué par l’administration Clinton] a servi d’excuse pour transférer de la richesse aux plus nantis, au lieu d’être l'occasion d'investir dans notre avenir. 
     Nos règlements ont été affaiblis au bénéfice de profits rapides et au détriment de la santé des marchés.  Certains se sont achetés des maisons sachant fort bien qu’ils n’en avaient pas les moyens, encouragés par des banquiers et des prêteurs avides de faire des prêts mêmes mauvais.  En même temps, des débats sérieux et des décisions difficiles ont été sans cesse remis à plus tard. 
     Eh bien, le temps de comptes est arrivé, le temps de nous occuper de l’avenir est arrivé.
     Voici le moment d’agir énergiquement et intelligemment, non seulement pour relancer l'économie, mais pour jeter les bases d’une nouvelle ère de prospérité durable.
     Voici le moment de stimuler la création d’emplois, de restaurer le crédit et d’investir dans les domaines de l’énergie, des soins de santé et de l’éducation qui feront croître à nouveau notre économie, tout en procédant à des choix difficiles afin de réduire notre déficit. C’est sur ces bases qu’a été conçu mon programme économique.»

2 - Les trois Travaux d'Hercules de Barack Obama

     Dans son allocution, le président Obama a précisé ce qu’il entendait faire en matière d’énergie, de santé et d’éducation.  Il a même lancé trois défis sur un ton qui évoque celui de John F. Kennedy conviant les Américains a déposer un homme sur la Lune avant la fin de la décennie 1960.
 
1° - À la conquête des énergies propres
     Nous savons que la pays qui disposera de la puissance d’une énergie propre et renouvelable dominera le 21e siècle.  Pourtant, c’est la Chine qui s’est lancée dans le plus vaste projet de l’histoire pour rendre son économie énergétiquement efficace. Nous avons inventé la technologie solaire, mais nous figurons derrière des pays comme l’Allemagne et le Japon en terme de production.  Des autos hybrides sortent de nos usines mais elles fonctionnent avec des piles fabriquées en Corée. 
     Eh bien, je n’accepte pas un avenir où les emplois et les entreprises se retrouveront à l’étranger, et je sais que vous ne l’acceptez pas non plus!  Le moment est venu pour les États-Unis de redevenir le chef de file. 
     Grâce à notre plan de relance économique, nous doublerons, au cours des trois prochaines années, nos approvisionnements en énergie américaine.  Nous prenons aussi l’engagement de faire le plus important investissement de l’histoire des États-Unis pour financer la recherche de base, un investissement qui produira non seulement de nouvelles découvertes en énergie, mais également des percées en médecine, en science et en technologie. 
     Nous allons bientôt déployer des milliers de kilomètres de lignes électriques qui pourront acheminer l’énergie produite par de nouvelles sources vers les villes et les communautés de tout le pays. Et nous mettrons les États-Unis à l’oeuvre pour construire des maisons et des édifices plus efficaces afin d'économiser des milliards $ en facture énergétique. 
     Mais pour vraiment transformer notre économie, pour mieux assurer notre sécurité et pour préserver la planète contre les ravages des changements climatiques, nous devrons en fin de compte recourir à des formes d’énergie plus propres, renouvelables et réellement rentables.
     Je demande donc au Congrès de me soumettre un projet de loi qui instaurera une taxe sur la pollution générée par le carbone et qui stimulera la production d’énergie renouvelable aux États-Unis. 
     Aussi, pour appuyer ces changements, nous investirons 15 milliards $ par année dans le développement de technologies telles que les éoliennes et les centrales solaires, les biocarburants améliorés, le charbon propre et les autos et camions plus efficaces construits ici aux États-Unis. 
     Parlant de l’industrie de l’automobile, chacun de nous savons que des années de mauvaise gestion et la récession actuelle précipitent les fabricants d’autos au bord du gouffre.  Nous ne devons pas les protéger contre leurs mauvaises façons de faire et nous ne le ferons pas.
     Mais nous devons cependant nous engager à concevoir et à rééquiper une industrie nouvelle capable de compétitionner et de triompher.  Des millions d’emplois en dépendent, tout comme une multitude de communautés.  Et je crois que la nation qui a inventé l’automobile ne peut la laisser aller. 
     Maintenant, rien de tout cela ne se fera sans coûts, ni ne sera facile.  Mais nous sommes les États-Unis, nous ne faisons pas ce qui est facile, nous faisons ce qui est nécessaire pour faire progresser notre pays.

2° - L'obligation de réformer la santé

     Pour la même raison, nous devons aussi nous préoccuper des coûts oppressants des soins de santé.
     Ces coûts provoquent à présent chaque trente secondes une faillite aux Etats-Unis.  D’ici la fin de l’année, ils pourraient amener 1,5 million d’Américains à perdre leur maison.  Au cours des huit dernières années, les primes d’assurance santé ont grimpé quatre fois plus rapidement que les salaires.  Au cours de chacune de ces années, 1 million d’Américains de plus ont perdu leur assurance santé.
     C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les petites entreprises ferment leurs portes et pour les grandes d'expédier des emplois outremer.  Et c’est l’une des portions de notre budget qui croît le plus considérablement et le plus rapidement.  Étant donné tous cela, on ne peut plus se permettre de reporter la réforme des soins de santé.  Le temps est venu. C'est le temps.
     D'ores et déjà, nous avons fait davantage en 30 jours pour faire progresser ce dossier que durant la dernière décennie.  Le [nouveau] Congrès siégeait depuis à peine une journée lorsqu’il a adopté la loi fournissant une assurance santé à 11 millions d’enfants dont les parents travaillent à temps plein.
     Notre plan de relance investira dans les dossiers de santé électronique et dans les nouvelles technologies qui réduiront les erreurs, diminueront les coûts, assureront la confidentialité et préserveront des vies. 
     Il lancera un nouveau programme pour venir à bout d’une maladie qui touche pratiquement tout le monde, y compris moi-même, en cherchant une cure contre le cancer.
     Il propose le plus important investissement jamais fait dans les soins préventifs, puisque c’est l’une des meilleures façons de maintenir les gens en santé tout en contrôlant nos coûts. 
     Notre budget repose sur ces réformes.  Il inclut l’engagement historique d’une réforme complète des soins de santé, un premier pas dans la nécessité d'assurer des soins de qualité et abordables pour tout Américain. 
     Cet engagement se paiera en partie grâce à l’amélioration de l’efficacité du système et c’est une étape que nous devons franchir si nous voulons parvenir à réduire le déficit des années à venir. 
     Je ne me fais pas d’Illusion sur le fait qu’il s’agit d’une démarche difficile.  Mais soyons clairs: la réforme des soins de santé ne peut plus attendre.  Elle ne doit plus attendre et elle n’attendra pas une année de plus!
     [Notons qu’en 1992, Bill Clinton, alors nouveau président des États-Unis, avait justement confié à son épouse le mandat pressant de réformer le système d'assurance santé.  Celle-ci, bien que déterminée et bénéficiant de l’appui absolu du président, s’est néanmoins rapidement buttée aux lobbies pour qui la situation actuelle représente une valeur incalculable.]

3° - Aucun Américain ne devra abandonner ses études

     Le troisième défi que nous devons relever, c’est la nécessité d’améliorer l’éducation aux États-Unis. 
     À l'heure où l’économie se mondialise, où la valeur la plus précieuse que possède tout individu est son savoir, une bonne éducation n’est plus simplement une voie qui ouvre des portes, c’est un prérequis.
     Désormais, les trois-quarts des emplois qui augmentent le plus rapidement requièrent au moins un diplôme secondaire.  Or, à peine plus de la moitié de nos citoyens en possède un.  Nous avons l’un des plus hauts taux de décrochage scolaire des pays industrialisés et la moitié de nos étudiants qui commence leur secondaire ne le terminera pas. 
     C’est un constat qui nous mène vers un déclin économique, parce que nous savons que les pays qui nous déclassent aujourd’hui en éducation nous surclasseront demain économiquement.  Voilà pourquoi l’objectif de notre gouvernement est de s’assurer que chaque enfant aura accès à une éducation complète et de qualité, depuis sa naissance jusqu’à ce qu’il amorce sa carrière. C’est l’engagement que nous devons à nos enfants! 
     [...]
     Ce soir, je demande donc à chaque Américain de s’engager à réaliser au moins une année de plus d’études supérieures ou en formation professionnelle.  Qu’importe de quel type de formation il s’agira, chaque Américain devra posséder davantage qu’un diplôme de secondaire.
     Abandonner l’école ne sera plus un choix, puisque cela n’équivaut pas qu’à un abandon personnel mais c’est aussi abandonner votre pays.  Et votre pays a besoin du talent de chacun de ses citoyens et il l’apprécie. 
     Voilà pourquoi nous fournirons les appuis nécessaires afin que chaque jeune Américain complète sa formation scolire afin de parvenir à notre objectif: faire en sorte que d’ici 2020, les Etats-Unis disposent de la proportion la plus élevée de diplômés au monde.  C’est un objectif que nous devons atteindre! 

Source: Transcript of President Obama’s Address to Congress, The New York Times, 24 février 2009.

À lire aussi: Editorial, «Time of Reckoning», The New York Times, 24 février 2009. 
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Une «fabuleuse expérience» politique

      David Brooks, chroniqueur au New York Times, commente: «Le président Obama s’est entouré d’une équipe qui déploie une série de mesures visant à: créer trois millions d’emplois, réformer le système de santé, sauver l’industrie de l’auto, revigorer l’immobilier, réinventer le secteur énergétique, revitaliser les banques, réformer nos écoles – tout en réduisant de moitié le déficit budgétaire.»
     «Si jamais une telle révolution était possible, poursuit-il, c’est le bon moment et la bonne équipe pour y parvenir.  La crise exige une riposte vigoureuse.  Ceux qui entourent Obama sont intelligents et réfléchis.  Leurs plans sont audacieux mais empreints de souplesse et de sensibilité à la réalité.» 
     «Pourtant, je crains qu’en tentant de tout faire en même temps, ils ne fassent rien de bon.  J’ai peur d’être en présence d'une équipe qui ne maîtrise pas encore son nouveau réseau téléphonique mais qui tente néanmoins de rénover la moitié de l’économie américaine.  J’ai peur qu’elle se soit lancée dans le plus grand défi administratif de l‘histoire américaine en se privant de ceux qui pourraient lui être les plus utiles: les vétérans de la fonction publique maintenant inscrits comme lobbyistes.» [Rappelons qu’Obama a interdit à tout «lobbyiste» de réintégrer son administration.]
     «Chaque fois que l’administration Obama rend public l’une de ses mesures, je lis vingt économistes différents et j’obtiens vingt avis différents.  À n’en point douter, nous assistons à la plus fabuleuse expérience politique de notre vie.»

Source: David Brooks, «The Big Test», The New York Times, 23 février 2009.
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Gérer un avenir… vraiment pas rose

    Dans un article qu’il faut lire, Frank Rich démontre à quel point il nous est difficile de faire face à la réalité, particulièrement aux mauvaises nouvelles qui s’accumulent. Il souligne en outre avec justesse:
     «Au vingt-neuvième jour de sa présidence, Barack Obama a signé la loi visant à stimuler l’économie.  Mais la Terre n’a pas tremblé pour autant.  Le Dow Jones a chuté de près de 300 points.  GM et Chrysler ont réclamé 21,6 milliards $ de plus en fonds publics, tout en annonçant 50,000 nouvelles mises à pied.  Le plus récent financier-voleur, Allen Stanford, a été accusé d’avoir commis une fraude de 8 milliards $ au dépens de 50,000 épargnants.» 
     «Je ne prétends pas qu’aujourd’hui marque la fin de nos problèmes économiques, a déclaré mardi le président lors de la cérémonie de signature, mais j’espère que ce jour marque le début de la fin.»
     «Pauvre président, d’enchaîner le chroniqueur du New York Times.  Alors qu’il déploie ses mesures de sauvetage les unes après les autres, il ne peut savoir lesquelles donneront des résultats.  Et s’il nous dit toute la vérité sur ce qui nous attend, il risque d’aggraver la peur qu’éprouvent déjà les Américains paniqués. (Selon le plus récent sondage publié par Associated Press, la moitié des Américains craignent de perdre leur emploi.)  Mais si par contre il adoucit trop la réalité, le pays pourrait lui tenir rigueur des calamités qui s’abattront éventuellement, comme lorsque l’administration Bush répétait ses prétentions de «succès» en Irak et qui n’était que mensonges.  Gérer ce que nous réserve l’avenir exigera d’Obama chaque parcelle de son intelligence, de son doigté et de son talent oratoire.»

Source: Franck Rich, «What We Don’t Know Will Hurt Us», The New York Times, 21 février 2009.
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Finançons l’avenir, non le passé

     Au lieu de soutenir financièrement GM et Chrysler, qui ne cessent de réclamer des milliards à nos gouvernements, consacrons plutôt ces fonds publics aux entrepreneurs, aux créateurs et aux innovateurs qui tentent de développer les technologies de l‘avenir, préconise Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times.
     «J’ai l’impression que nous subventionnons les perdants pour une seule raison: parce qu’ils prétendent que leurs funérailles coûteraient plus cher que de les maintenir sur respirateur artificiel.  Désolez les amis, mais ce n‘est pas la façon de faire américaine.  Porter secours aux perdants n’est pas la méthode selon laquelle nous sommes devenus un pays riche, et ce n’est pas de cette façon que nous nous en sortirons cette fois-ci.»
     «Lorsqu’il est question d’aider des entreprises, les précieux fonds publics devraient servir aux nouvelles entreprises, et non à celles au bord de la faillite», poursuit-il. 
     «Vous êtes disposés à dépenser 20 milliards $ pour créer des emplois?  Excellent.  Contactez plutôt les vingt plus importantes firmes de capital de risques américaines, qui manquent de fonds parce que leurs partenaires - les dotations universitaires et les fonds de pension – sont à sec, et faites-leur la proposition suivante.  Le Trésor américain fournira à chacune d’elles 1 milliard $ pour qu’elles financent les meilleurs projets à capitaux de risque qu’elles ont dans leurs cartons.  Lorsque l’un de ces projets échoue, tout le monde y perd.  Mais si l’un d’eux devenait le prochain Microsoft ou Intel, les contribuables vous octroieront 20% de la valeur de l’investissement et en conserveront 80%.» 
     «Quant à dépenser des milliards de l’argent des contribuables, cela ne peut être que sur la décoration des bureaux de banquiers, sur des spéculateurs immobiliers ou des dirigeants automobiles qui consacrent leur énergie, année après année, à résister aux changements et a faire pression auprès de Washington, au lieu d’innover et de supplanter Toyota.» 
     «Notre pays regorge toujours d’innovateurs qui recherchent des capitaux.  Assurons-nous que les perdants qui réclament de l’aide n’entraîneront pas avec eux d’éventuels gagnants qui pourraient nous amener à sortir de la crise.  Certaines de nos meilleures entreprisses, dont Intel, sont nées en temps de récession, lorsque la nécessité rend l’innovation encore plus nécessaire et les preneurs de risque encore plus courageux.»
     «Nous sommes à terre, mais pas vaincus.  En investissant l’argent des contribuables, concentrons-nous sur la création de la nouvelle génération de biotechs, d’infotechs, de nanotechs et de cleantechs, sur de véritables innovateurs, de véritables emplois du 21e siècle et possiblement de véritables profits pour les contribuables.  Notre devise devrait être: “Créations et non sauvetages.  Aidons les futurs Google, non les GM du passé.”»

D'après: Thomas Friedman, «Start Up the Risk-Takers», The New York Times, 21 février 2009.
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Quand sortirons-nous de l’«enfer» économique ?

     Comment viendrons-nous à bout de la crise économique et, surtout, combien de temps durera-t-elle?  C’est la question à laquelle s’attaque Paul Krugman, économiste (et Nobel 2008) du New York Times.
     Celui-ci cite d’abord la vision des analystes du comité des marchés de la Federal Reserve américaine pour qui la crise devrait durer des années. «Tous les participants prévoient que le chômage demeurera nettement au-dessus d’un taux viable à long terme jusqu’à la fin de 2011, même en l’absence de tout nouveau choc économique.  Quelques-uns estiment qu’au moins cinq à six années s’écouleront avant que l’économie ne revienne à un niveau caractérisé par des taux de croissance et de chômage viables.»
     Comme on compare souvent la crise actuelle à la Grande dépression des années 1930, Krugman rappelle que celle-ci est survenue lorsque les bulles spéculatives des marchés et du crédit ont éclaté, jetant par terre une bonne part du système bancaire.  «Le Fed a bien tenté de revigorer l’économie en baissant ses taux d’intérêt, rappelle l’économiste, mais même des taux frôlant le zéro n’ont pas suffi à mettre fin à la longue et intense période de chômage.  Nous vivons une crise fort semblable, les taux d’intérêt étant déjà près de zéro alors que l’économie continue de chuter.  La Grande dépression a pris fin avec la Seconde guerre mondiale, ce que personne n’espère voir se répéter.» 
     Selon l’économiste, la crise finira par passer d’elle-même, c’est-à-dire lorsque la consommation reprendre naturellement.  Il voit déjà les signes de ce processus dans la baisse de construction des maisons et des automobiles.  Évidemment, avec le temps – notamment grâce à la croissance normale de la population -, davantage de maisons seront requises, ce qui assainira naturellement le marché immobilier.  De même, les voitures s‘usant, d’ici quelques années, il faudra rajeunir le parc automobile.  Autrement dit, l’offre qui dépasse actuellement de beaucoup la demande finira par s’inverser et l’économie reviendra progressivement à la normale.
     Il s’agirait donc, pour nous comme pour nos gouvernements, de «patienter» tout en soutenant tant bien que mal l’économie le temps que les marchés s’assainissent (et qu’un certain ménage se fasse).  Ce sera long et pénible, évidemment.

Source: Paul Krugman, «Who’ll Stop the Pain?», The New York Times, 19 février 2009.
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Une autre façon de combattre le terrorisme 

     La communauté musulmane d’Inde refuse d’enterrer les neuf terroristes qui ont péri lors des attentats de Mumbai le 26 novembre dernier et où 170 innocents ont été tués (dont 33 musulmans).  «C’est une excellente nouvelle», nous dit Thomas Friedman.
     Les neuf dépouilles demeurent à la morgue d’un hôpital de la capitale indienne parce que les autorités du cimetière musulman les considèrent comme des assassins et non comme des martyrs.  Ils refusent par conséquent de leur donner une sépulture. 
      «Ceux qui commettent des crimes haineux ne peuvent être considérés comme des musulmans», déclare Hanif Nalkhande, porte-parole de la fondation qui gère le cimetière.  «Le terrorisme n’a pas sa place dans la doctrine islamique, ajoute M.J. Akbar, rédacteur en chef d’un quotidien musulman indien. Le Coran dit clairement que l’assassinat d’innocents équivaut à s’attaquer à la communauté.  Et puisque les terroristes ne sont ni Indiens ni d’authentiques musulmans, ils n’ont pas leur place dans un cimetière musulman indien.»
    «Une dénonciation aussi forte du terrorisme islamique mérite d’être soulignée, commente le journaliste du New York Times. Il s’agit de dénoncer les meurtriers, en majorité sunnite, qui s'attaquent aux civils dans les mosquées et sur les marchés publics en Irak comme au Pakistan ou en Afghanistan et qui sont souvent traités par les grands médias arabes comme des martyrs dont le suicide doit être glorifié.»
     Comme le souligne avec justesse Friedman, lorsque des assassins sont considérés par leur communauté comme étant légitimes d’attaquer les «ennemis» à l’étranger, cela finit par se retourner contre elle, les meurtriers s’attaquant éventuellement aux «ennemis de l’intérieur», comme cela se fait maintenant en Irak, en Afghanistan et au Pakistan.
     «La seule façon d’y mettre fin est que la communauté musulmane elle-même dise “c’est assez!“, d'écrire Friedman.  Lorsqu’une culture ou une communauté de croyants condamne ce type de comportement ouvertement, avec force et constance, cela finit par être plus efficace que tous les détecteurs de métaux et contrôles policiers.» 
     «C’est pourquoi les musulmans indiens, qui forment la deuxième communauté musulmane d’importance au monde (après celle d’Indonésie), rend un grand service à l’Islam en délégitimant les meurtriers terroristes en refusant d’enterrer leurs dépouilles.  Cela ne mettra pas fin à ce comportement du jour au lendemain, mais c’est un pas dans la bonne direction.» 
     «L’Islam dit que si vous vous suicidez, même après votre mort, vous serez châtié», rappelle Raashid Alvi, député musulman au Parlement indien. 

D'après: Thomas Fridemand, «No Way, No How, Not Here», The New York Times, 18 février 2009.
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Barack le Sage

     Vendredi dernier, Bob Herbert a été l’un des journalistes qui ont eu le privilège de participer à un bel entretien avec le président Obama alors que tous faisaient route vers Chicago à bord de l’avion présidentiel Air Force One
     Entre autres, rapporte le chroniqueur du New York Times, le président considère que le fait que toutes ses tentatives d’établir un dialogue non partisan avec les républicains ont échoué ne l’empêchera pas de persévérer.  «Chaque fois que nous tenterons de faire quelque chose, a dit le président, je solliciterai la contribution autant des démocrates que des républicains en disant: “Voici les raisons pour lesquelles j’entends faire ceci.  Je veux avoir votre point de vue, même divergent.  Si vous avez de meilleures idées, présentez-les moi.  Nous les inclurons dans nos projets et nous sommes même prêts à faire des compromis sur certains enjeux d’importance pour l’un comme pour l’autre, afin de faire avancer les choses.”»
     «Lorsque je lui ai demandé s’il y a des raisons de croire que le Parti républicain a vraiment été de bonne foi dans le dialogue bipartisan, étant donné que seulement trois de leurs sénateurs ont voté en faveur de son plan économique et aucun représentant, le président m’a dit qu’il ne voulait pas questionner les motifs ni la sincérité de ceux qui s’opposent à son plan.» 
     «Il s’est cependant empressé d’ajouter: “Mais je dois dire qu’étant donné qu’ils ont occupé le devant de la scène durant pas mal de temps avant mon arrivé et que leur conception a été testée assez souvent et qu'elle nous a mené dans la situation où nous avons accumulé une dette dépassant le billion de dollars ainsi que dans la plus grande crise économique depuis la Grande dépression, je pense que ma vision économique est meilleure que la leur.”»
     Questionné à propos de la chute boursière qui a suivi l’annonce par son secrétaire au trésor Tim Geithner du programme gouvernemental visant à aider les banques. M. Obama a répondu: «Mes plans ne se basent pas sur la réaction instantannée des marchés.  En fait, on peut dire qu’une bonne part de nos problèmes vient de ce que tout le monde planifie en fonction de la réaction instantannée des marchés, ou de leur réaction trimestrielle et qu’en conséquence, personne ne pense plus à long terme.»
     «Mon travail consiste donc à aider le pays à voir plus loin, à m’assurer que non seulement nous cesserons de penser à court terme mais que nous éviterons de perpétuer le cycle des bulles spéculatives qui éclatent encore et encore.  [Je veux aussi faire en sorte] que nous ne discuterons pas dans trente ans des problèmes d’énergie comme nous le faisons depuis trente ans, ni non plus que nous déplorerons l’état de nos écoles dans trente ans comme nous le faisons depuis les années 1980.»  Le président espère aussi que les États-Unis cesseront d’être le pays qui consacre le plus d’argent par habitant pour la santé de ses citoyens mais qui obtient pourtant des résultats plutôt navrants. 
     De cet entretien, Barack Obama est ressorti, aux dires du  journaliste, «comme l’exemple du genre de personne qu’on espère voir occuper les plus hautes fonctions publiques.  Il est intelligent, mature, réfléchi, calme en temps de crises et, si le pays est chanceux, ce pourrait même être un sage.»

Source: Bob Herbert, «Obama Riding the Wave», The New York Times, 16 février 2009.
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La décennie des illusions

     La Réserve fédérale vient de publier une étude révélatrice sur le sort de l’Américain moyen, rapporte Paul Krugman du New York Times.  Cette étude révèle que, pour la décennie qui s’achève, l’avoir des foyers américains n’a à toute fin utile pas augmenté, alors qu’ils se sont considérablement endettés.  Leur valeur nette, ajustée pour tenir compte de l’inflation, est même inférieure à ce qu’elle était en 2001, précise le rapport. 
     «Voilà qui n’étonnera personne, commente l’économiste. Au cours de la décennie, les États-Unis ont été une nation d’emprunteurs et de dépensiers, non d’économes.  Le taux d’épargne personnelle est passé de 9% dans les années 1980 à 5% dans les années 1990 et à seulement 0,6% pour les années 2005-2007, alors que l’endettement a crû beaucoup plus rapidement que les revenus personnels.» 
     «Pourtant, poursuit-il, jusqu’à tout récemment, les Américains croyaient qu’ils s’enrichissaient constamment, leurs relevés indiquant que leur maison et leurs placements en bourse s’appréciaient plus vite que les dettes qu’ils contractaient.  Hélas, l’augmentation de la valeur de leurs biens était une illusion, alors que leur endettement est bien réel…  Tout porte à croire qu’il faudra des années pour que l’Américain moyen rétablisse sa situation.»
     C’est ainsi que la décennie qui s’achève pourrait passer à l’histoire comme étant celle des illusions - des illusions au plan de l’économie, de la guerre, du terrorisme, etc.  Et qui sait, peut-être entrons-nous dans la décennie des illusions perdues… ou des valeurs rétablies

Source: Paul Krugman, «Decade at Bernie’s», The New York Times, 15 février 2009 ; The Federal Reserve Board, «Changes in U.S. Family Finances from 2004 to 2007: Evidence from the Survey of Consumer Finances», 12 février 2009.
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Dégénérations

     On considère qu’une nouvelle génération d'êtres humains apparaît tous les 25 ans environ.  C’est-à-dire que 25 ans après la naissance d’un individu, celui-ci donne naissance à ses enfants qui, 25 ans plus tard, donneront naissance aux leurs, et ainsi de suite.
     Considérant que les premiers hommes modernes - nous, les homos sapiens -, sont apparus il y a 150 mille d’années, on pourrait dire que six mille de générations nous ont précédées.
     Au départ, l’évolution du genre humain s’est faite extraordinairement lentement puisque les trois premiers milliers de générations ont vécu dans des grottes ou dans la savane sans même maîtriser le feu et des outils.  En réalité, durant 92% de notre existence, nous avons vécu en nomades, comme chasseurs et cueilleurs, puisque ce n’est que depuis cinq cents générations seulement que nous avons commencé à vivre dans des villages.  C’est fut la première grande révolution, puisque nous avons alors entrepris de cultiver la terre et de fonder des civilisations. 
     On peut considérer que la civilisation en tant que telle - le fait de vivre dans des systèmes sociaux organisés et complexes et de faire du commerce - remonte à 250 générations.  C'est alors qu'on a inventé l’écriture et l’arithmétique (pour commercer), ce qui marque la première révolution dans le domaine des communications.  On peut aussi considérer que la «pensée évoluée» date d'une centaine de générations seulement, soit de l'époque des grands philosophes grecs de l’Antiquité.
     Quant à l’ère moderne – qui s’amorce avec la découverte par les grands explorateurs européens des Amériques et du reste du monde, ainsi qu’avec les premières observations scientifiques (de Vinci et Galilée) -, elle remonte à une vingtaine de générations seulement. C’est aussi l’époque où Gutenberg invente l’imprimerie, la deuxième révolution du monde des communications.  Quant à la musique classique, aux arts de la scène et à la littérature (modernes), elles n’existent que depuis une quinzaine de générations.
     Le deuxième grande révolution de l’humanité s’est amorcée il y a huit générations à peine: l’ère industrielle. Désormais, des machines équipés de moteurs remplacent les animaux et les hommes pour les durs travaux.  Ces machines multiplient à l’infini la puissance du travail musculaire.  La révolution industrielle a mis un terme a cinq cents générations d’agriculteurs.  Nous passons alors à une civilisation technologique, le travail des champs étant remplacé par la production industrielle en usine.  Les grandes villes rassemblant des centaines de milliers de travailleurs apparraissent il y a environ six générations.  Avec la révolution industrielle s'impose le pétrole et autres carburans fossils, la chimie et la pharmaceutique.
     La troisième révolution des communications s’amorce il y a moins de six générations, avec l’avènement du téléphone, du télégraphe et du phonographe. C’est également l’époque de la publication des premiers journaux et magazines.  La vague suivante des appareils de communication (radio, télé et cinéma) remonte à peine à 3 ou 4 générations. 
     En parallèle s’est produite la révolution des transports, avec pour commencer les navires propulsés par moteurs (et non plus par voile ou rames), puis la mise au point du train, de l’automobile et finalement de l’avion.  C’est aussi l’ère de l’électrification, d’abord des rues puis des résidences (les merveilles de l'électricité) et de l’installation des égouts et des aqueducs (les bienfaits de l'eau courante).  Dans bien des coins du monde, ces remarquables avancées technologiques ne remontent qu’à trois ou quatre générations.
     La plus récente vague en matière de communication surgit il y a deux générations, avec la mise en place des satellites de communication et des services de nouvelles télé 24 heures sur 24.  Ceux-ci transforment notre planète en un village global où tout ce qui s’y passe est connu et vu instantanément. 
     Enfin, il y a une génération sont apparus les ordinateurs personnels puis l’Internet, deux révolutions que personne n’avait vu venir et qui bouleversent profondément notre société.  Il pourrait même s'agir de la troisième grande révolution… mais il est beaucoup trop tôt pour le dire.
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Billions de dollars

     Entre 1990 et 2007, le total des hypothèques contractées par les Américains est passé de 2,5 à 10,5 billions $.  Cette fulgurante augmentation est au coeur de la bulle du crédit qui a éclaté en 2008. 
     Pour soutenir l’économie, l’administration Bush a engagé des dépenses gouvernementales de 1,7 billion $, tout en garantissant des emprunts, des investissements et des épargnes d'une valeur de 8 billions $. 
     L’administration Obama envisage engager 800 milliards $ dans un premier effort pour stimuler l’économie en général, 1 billion $ dans une nouvelle tentative de sauvetage des banques, un autre billion $ pour réformer le système de santé et enfin un billion $ dans le financement d’un éventuel programme de sortie de crise.
     Et que représente un billion de dollars?  C’est comme si vous pouviez dépenser 1 million $ chaque heure de votre vie, à partir de l'instant de votre naissance jusqu’à celui de votre décès… à l’âge de 114 ans!  (Une autre façon de contempler la chose: 1 billion de secondes équivalent à 32,000 ans.  Qu'y avait-il sur Terre il y a 1 billion de secondes?  Que des hommes préhistoriques vivant dans des grottes.)

Inspiré de David Brooks, «The Worst-Case Scenario», The New York Times, 12 février 2009.
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La Solution à la crise économique : l’immigration !

     La solution pour rebâtir notre économie serait simple, rapporte Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times: il ne s’agirait pas tant d’y engloutir des centaines de milliards de fonds publics que d'ouvrir nos portes à l’immigration.
      «Tout ce que vous avez à faire, c’est d’accorder des visas à deux millions d’Indiens, de Chinois et de Coréens, lui a lancé Shekhar Gupta, rédacteur en chef du quotidien The Indian Express.  Nous achèterons vos maisons en faillite.  Nous travaillerons 18 heures par jour pour les payer.  Nous améliorerons immédiatement votre taux d’épargne puisque pour nous, ne pas payer son hypothèque, c'est une honte.  Et nous mettrons sur pied de nouvelles entreprises pour créer nos propres emplois et du travail pour vous, Américains.»
     Friedman rapporte que plusieurs hommes d’affaires qu’il a rencontrés en Inde lui ont adressé le même message: «Très chers Américains, s’il vous plaît, rappelez-vous comment vous êtes devenus le pays le plus riche de l’histoire.  Ce n’est pas en faisant du protectionnisme, ni en nationalisant vos banques ou en redoutant le libre-échange.  Non.  La formule est très simple: retablissez une économie extrêmement souple et vraiment ouverte, acceptez la destruction créative afin que le capital moribond puisse rapidement être recyclé dans le financement de meilleures idées et entreprises, puisez à même la diversité des immigrants venus de tous les coins de la planète, profitez de leur intelligence et de leur énergie… et répétez, répétez et répétez à nouveau cette recette.»
     Bien que nous ne soyons pas Américains, ne pourrions-nous pas tirer profit, à notre manière, de cette recette? 

Source: Thomas Friedman, «The Open-Door Bailout», The New York Times, 11 février 2009.
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Premiers faux pas pour Obama

     L’administration Obama, en poste depuis à peine trois semaines, connaît déjà ses premières ratées.  Le nouveau président espérait signer dès son arrivée en fonction un programme de relance de l’économie de 800 milliards $.  Dans un effort visant à mettre fin à la partisanerie qui a caractérisé l’administration Bush, il a tenté d’y associer les républicains.  Peine perdue, puisque trois semaines plus tard, son plan demeure embourbé au Congrès, victime de la partisanerie qui sévit depuis des décennies.
     Ce matin, son secrétaire au Trésor, Tim Geithner, a présenté un programme visant à rétablir la confiance des marchés.  Or, tous les observateurs ont été éberlués de découvrir à quel point les mesures annoncées restent vagues. En particulier, on n’a aucune idée comment fonctionnera le fonds d'investissement public-privé chargé de délester les banques des actifs toxiques qui les empêchent de prêter.  Résultat: les marchés boursiers se sont effondrés.
     Il y a une semaine, deux personnalités auxquelles le président désirait confier des postes clés – dont Tom Daschle, pressenti comme secrétaire à la Santé - ont dû renoncer à leurs fonctions en raison de leurs démêlés avec le fisc.  (Tout à son honneur, le président n’a pas hésité à avouer: «J'ai foiré! J'en prends la responsabilité et nous allons faire en sorte que cela ne se reproduise plus.»)
     Hélas, de plus en plus, Barack Obama s’assimile à un homme de compromis incapable de faire avancer les choses. Dès septembre dernier, il était apparu comme «un homme porté sur l’analyse, la consultation et le travail en équipe… mais qui paraîtra ainsi un leader indécis.» 
     En tenant à tout prix à associer les républicains à la remise en état de l‘économie, Barack Obama ne réalise peut-être pas que ceux-ci n’ont aucun intérêt à ce qu’il réussisse.*  En effet, s’il parenait à remettre l'économie sur pied, sa réélection en 2012 serait pratiquement assurée.  Par contre, s’il échoue – surtout si les républicains semblent n’être pour rien dans cet échec -, ceux-ci auront alors de bonnes chances de reconquérir la majorité au Congrès dès 2010 et le présidence en 2012.
     Mais Obama est un homme intelligent, brillant même, de sorte qu'on peut espérer qu’il apprendra vite de ses erreurs. (Ce dont n’est jamais parvenu à faire son prédécesseur.)  Souhaitons-le nous!
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* Dans sa chronique du 10 mars 2009, Thomas Friedman écrivait: «Le parti républicain se comporte comme s’il préférerait voir le pays échouer plutôt que Barack Obama réussir.  Rush Limbaugh, le patron de facto du parti, l’a d’ailleurs dit si clairement que John McCain s’est senti obligé de dire, à propos d’Obama: “Je ne veux pas qu’il échoue dans sa mission de restaurer l’économie.”  De fait, le parti républicain est à débattre pour savoir s’il désire ou non voir le président échouer.»
Source: Thomas Friedman, «This Is Not a Test. This Is Not a Test», The New York Times, 10 mars 2009.
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Ressources: Eric Dash & Jack Healy, «Stocks Slide as New Bailout Disappoints», «For Geithner’s Debut, a Lukewarm Reception», The New York Times, 10 février 2009 ; Jeff Zeleny, «Daschle Ends Bid for Post; Obama Concedes Mistake», The New York Times, 3 février 2009.
 
     Ce graphique juxtapose l’évolution de la valeur de l’indice boursier Dow Jones pour les années 2008 et 2009.  Au début de 2008, l’indice valait 13,000 points, alors qu’un an plus tard, il ne vaut que 9,000. On observe aussi que sa valeur a eu tendance à se maintenir durant la première moitié de 2008, puis à entreprendre une descente durant l’été qui s’est soldée par un effondrement en octobre.  En ce début d’année 2009, le Dow Jones continue de baisser, atteignant les 8,000 points en février. (Notez la similitude des courbes en début d’années.)
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Obama, le franc tireur

     À l’occasion de sa première conférence de presse en tant que président, Barack Obama a martelé la nécessité de renoncer à la petite politique et à la rigidité idéologique.  Il a ainsi rabroué les républicains qui s’opposent à son plan de relance visant à stimuler l’économie pour plutôt réclamer de nouvelles baisses d’impôt.  «Ce n’est pas une récession banale, c’est la pire depuis la Grande dépression, a dit Obama en demandant une fois de plus au Congrès d’adopter sans délai son plan de stimulation économique. 
     Tout en continuant de prêcher une politique non partisane, le président n’a pas manqué de décocher quelques flèches envers l’administration Bush et l’idéologie néo-conservatrice des républicains. «Comme nous l’avons appris très clairement et définitivement ces huit dernières années, les réductions d’impôt ne peuvent à elles seules résoudre tous nos problèmes économiques, particulièrement des réductions d’impôt qui ciblent les Américains les plus riches.  Cela nous a plutôt conduits à la crise actuelle.  Nous avons essayé cette méthode à maintes reprises et elle nous a seulement mené en crise.»
     «Ce que je ne ferai pas, c’est d’appliquer à nouveau l’idéologie erronée des huit dernières années qui nous a en fin de compte plongés dans la situation actuelle.  Cette idéologie a été appliquée et a échoué…  Et lorsque j’entends la critique de ceux qui ont présidé au doublement de la dette nationale… eh bien, vous savez…, je ne veux simplement pas qu’ils se mettent à réécrire l’histoire.  J’ai hérité d'un déficit de plus d’un billion $ et de la crise économique la plus terrible depuis la Grande dépression.»
     Hormis ces pointes, ce qui frappe, c’est le ton généralement modéré et la clarté du raisonnement du nouveau président (qu'on découvre aussi, dans ses longues réponses, comme étant «verbo-moteur»).  Un bel exemple est sa réponse à la question pertinente d’un journaliste: «M. le président, selon ce que vous nous dites, vous cherchez à faire redépenser les consommateurs.  Mais n’est-ce pas justement le fait de dépenser qui nous a mis dans le pétrin?»
     «Premièrement, je ne pense pas qu’il soit exact de dire que ce sont les dépenses des consommateurs qui nous ont mis dans ce pétrin, a répondu le président.  À l'orgine, ce sont plutôt les banques qui ont pris des risques inconsidérés avec l’argent des autres, en se basant sur des valeurs risquées.  À cause d’un formidable effet de levier, à partir duquel pour une valeur de 1$, les banques pouvaient engager 30$, cela nous a mené à une crise du système financier.  Cette crise a à son tour débouché sur une restriction du crédit qui a fait en sorte que les entreprises ne peuvent plus payer leurs employés et leurs inventaires, ce qui a pour conséquence que tout le monde s’inquiète de l’avenir de l’économie.  Les gens d’affaires ont donc réagi en réduisant leurs investissements, procédant à des mises à pied, ce qui aggrave à son tour les choses.» 
     «Mais vous avez un bon point concernant le fait que notre taux d’épargne est trop bas, de poursuivre le président.  Notre économie a été soutenue par les dépenses des consommateurs depuis trop longtemps, ce qui ne peut durer.  Si tout ce que nous faisons, c’est de dépenser sans produire de biens, avec le temps, les autres pays vont finir par se lasser de nous prêter de l’argent.  Et, éventuellement, la fête se terminera…» 
     «Et de fait, la fête est terminée!» 

Ressources: «Obama’s Prime-Time Press Briefing», Peter Baker, «Taking on Critics, Obama Puts Aside Talk of Unity», The New York Times, 9 février 2009.
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Le dilemme de la surproductivité

     Imaginez que vous êtes propriétaire d’une entreprise de cent employés.  Grâce aux plus récentes technologies que vous venez d’y introduire, vous produisez désormais autant avec, disons, dix employés seulement.  Que faire des 90 autres «excédentaires»?  Les mettrez-vous à pied ou, au contraire, en production?  Si vous les gardez, vous pourriez produire dix fois plus qu’auparavant.  Merveilleux, n’est-ce pas?  Mais il vous faudra vendre dix fois plus qu’auparavant…
     C’est le dilemme de la surproductivité qui frappe la société en général et les entreprises en particulier depuis des décennies.  Sans cesse nous parle-t-on de la nécessité d’améliorer notre productivité afin de faire face à la concurrence.  Évidemment, toute entreprise qui ne s’améliore pas risque tôt ou tard - et plutôt tôt que tard - d’être sortie du marché.  Même chose pour les travailleurs.  C’est ainsi que toute entreprise ou travailleur qui n’a pas pris le virage informatique des années 1980-90 est probablement hors marché et sans emploi aujourd’hui.  C’est une réalité implacable, d’autant plus que l’amélioration de la productivité a entre autres comme bénéfice de produire davantage de biens à moindre coût, ce dont profitent tous les consommateurs que nous sommes.
     D’un autre côté, il y a le revers de la surproductivité: la capacité de produire autant avec une fraction de la main-d’œuvre et donc de créer du chômage, à moins de pousser à l’augmentation de la consommation.  Récemment, le New York Times apportait un bel exemple de ce problème: les fabricants de téléphones cellulaires ont pratiquement saturé leur marché.  Ils ont vendu plus de 4 milliards de cellulaires, équipant de ce fait quasiment toute la clientèle potentielle.  Que faire maintenant pour conserver leurs capacités de production et leur niveau de ventes?
     L’une des solutions évidentes consiste à offrir un nouveau produit – un «téléphone intelligent» de ixième génération - et de mener une campagne de marketing destinée à nous convaincre qu’il s’agit d’un produit dont on ne peut se passer.  Il nous faudrait donc absolument remplacer notre appareil (encore fonctionnel) par le plus récent modèle. 
     Évidemment, lorsque «tout le monde» se sera procuré cet appareil, les fabricants de téléphones devront nous convaincre à nouveau de la nécessité de se procurer le suivant, sous peine de voir s’effondrer leur marché.  Il s’agit là, on l’aura compris, d’une fuite en avant, phénomène qu’on observe un peu partout.  Cette fuite en avant fonctionne jusqu’à ce qu’on frappe un mur, comme cela s’est produit en 2008 aux États-Unis dans les marchés de l'immobilier et de l’automobile.

Une roue qui tourne dans les deux sens
     Cette course à l’amélioration de la productivité a plusieurs effets pervers.  D’une part, non seulement nous pousse-t-elle à surconsommer, mais également à se surendetter.  «Achetez aujourd’hui et payez plus tard», nous propose-t-on.   Mais voilà que nous en sommes rendus, dans bien des cas, à des taux d’endettement qui dépassent nos revenus annuels.  Qui plus est, lorsque survient une récession et que nombre de personnes perdent leur emploi, ce surendettement devient catastrophique, non seulement pour ceux couverts de dettes mais également pour le marché de la surproduction pour qui la surconsommation est vitale.  Ce phénomène est accentué par le fait que même ceux qui conservent leur emploi réduisent leur consommation, de crainte de connaître éventuellement le sort des chômeurs… Voilà qui accentue d’autant la crise. (On rapporte d’ailleurs que depuis peu les gens se sont mis à économiser et à rembourser leurs dettes, ce qui est une excellente chose à terme mais dévastateur en plein ralentissement économique.)
     On se retrouve en quelque sorte à notre dilemme de départ: si l’ensemble des entreprises sont désormais capables de produire autant avec moins de main-d'oeuvre et que par conséquent elles mettent une partie de leurs travailleurs à pied, elles se privent d’une proportion équivalente de consommateurs potentiels.  Et bien sûr, moins de gens travaillent, moins il y a de consommateurs, et moins il y a de consommateurs, plus de travailleurs sont à risque de perdre leur emploi.  Ce cercle vicieux, c’est la roue infernale dans laquelle nous sommes maintenant plongés. 
Culs de sac de la productivité
     Un autre effet spectaculaire de l’amélioration des capacités de production s’observe dans le domaine des communications (au sens large du terme), notamment: médias, musique et culture. 
     Le développement phénoménal de l’informatique a fondamentalement transformé ces champs d’activité comme personne n’aurait pu l’imaginer il y a quinze ans à peine.  Grâce à l’accessibilité à de puissants ordinateurs, à des logiciels ultra-performants et à de formidables outils de diffusion (Internet, CD et DVD, etc.), n’importe qui peut désormais créer et diffuser ses propres produits. 
     Ainsi, il n’y a guère de concerts ou de spectacles où le moindre chanteur ou orchestre distribue sa musique enregistrée sur CD ou DVD maison. (Sur la rue, on croise même de jeunes musiciens qui vendent leur CD pour 5 $.)  De même, sur Internet, un nombre incalculable de personnes proposent du contenu (blogues, sites d’information, bulletins les plus divers, etc.) alors que tous les quotidiens du monde y deviennent accessibles gratuitement.  Même chose du côté du livre, dont le nombre de parutions a explosé ces dernières années, alors que quiconque le moindrement habile peut s’autoéditer et vendre ses œuvres sur Internet.
      Résultat: la quantité de produits d’information et culturels dépasse de beaucoup les capacités du marché à les absorber.  On assiste donc à l’effondrement des marchés.  Alors qu’autrefois, un succès de librairie se chiffrait à trois mille exemplaires vendus, voilà que les éditeurs doivent se contenter aujourd’hui d’un millier (et encore).  Coté musique, les ventes couronnant un «disque d’or» sont passées de 50,000 à 40,000 albums vendus (et encore).  De leur côté, le tirage des quotidiens et magazines (imprimés) ne cessent de baisser.  En conséquence, tous ceux et celles qui y travaillent en souffrent puisqu’un nombre croissant d’entre eux ne parviennent plus à vivre décemment de leur labeur. 
     L’Internet a aussi un autre effet intéressant mais très pernicieux: répandre la culture de la gratuité.  Pourquoi achèterait-on des journaux, des magazines et des livres alors qu’il y a tant à lire (gratuitement) sur le net?  Pourquoi achèterait-on de la musique puisqu’on peut la pirater si aisément?  Évidemment, ce faisant, on oublie que les produits que nous consommons gratuitement sont le gagne-pain de ceux qui les créent.  On oublie qu'à force de «tirer le diable par la queue», les entreprises et créateurs cesseront un jour de produire…
     L’une des sources assurant la gratuité des produits distribués sur Internet est la vente de publicités (ce qui assure également l’essentiel des revenus des journaux et magazines).  Toutefois, non seulement la quantité de l’offre Internet augmente-t-elle prodigieusement mais, à cause de la sévère crise économique actuelle, moins d’entreprises seront en mesure de payer de la publicité.  On pourrait dire que la publicité, c’est un peu comme de la confiture: pour les consommateurs, trop en consommer devient vite indigeste alors que, pour ceux pour qui cela assure leur revenu, à force de l’étendre à toujours plus de médias, on finit par la diluer complètement.
    Évidemment, certains tireront leur épingle du jeu.  Quelques-uns, peut-être les plus puissants ou les plus inventifs, trouveront le moyen de survivre.  Cependant, une foule d’entreprises, de créateurs et de travailleurs seront laissés pour compte.  On court donc le risque qu’au terme de la crise actuelle, une proportion non négligeable de travailleurs se retrouvera sans emploi, alors qu’un nombre réduit d’autres sera en mesure de produire à peu près tout ce dont la société a besoin.  On se retrouvera en quelque sorte dans la situation de notre entreprise de départ, où une fraction de la main-d’œuvre alimente le marché avec, en même temps, tous les effets pervers que cette situation produit.
     Comment donc peut-on imaginer s’en sortir?
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Deux poids, deux mesures…

     Au Congrès américain, les républicains s’opposent avec vigueur au plan de relance de 800 milliards $ que tente de faire adopter le nouveau président démocrate.  Selon eux, ce plan équivaut à «dépenser, dépenser, dépenser…»
     Pourtant, lorsqu’en 2003, le président (républicain) George Bush a lancé leur pays dans l’invasion de l’Irak – une opération qu’on savait déjà à l’époque comme extrêmement coûteuse -, ces mêmes républicains n’ont pas regardé à la dépense.  On estime d’ailleurs que le fiasco irakien coûtera au bas mot de 1 à 3 billions de dollars. (Curieusement, les républicains s’objectent à toute intervention de l’État dans l’économie de leur pays… mais pas dans les affaires des autres États.) 
     On rapporte par ailleurs qu’offrir un programme d’assurance-santé à tous les Américains coûterait une centaine de milliards $ annuellement.  Cette somme permettrait entre autres au 48 millions d’entre eux qui n’a pas les moyens de se payer des soins hospitaliers d’être convenablement protégés en cas de maladie. Hélas, cette «mesure socialiste» est considérée trop dispendieuse.

À lire aussi: Bob Herbert, «Playing With Fire», The New York Times, 6 février 2009 ; Paul Krugman, «On the Edge», The New York Times, 5 février 2009 ; Charles Blow, «Watch the Tone in Washington», The New York Times, 6 février 2009
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Étonnantes statistiques sur le chômage

     Le taux de chômage en janvier est plus élevé en Ontario qu’au Québec (8,0% contre 7,7%), de même qu’aux États-Unis par rapport au Canada (7,6% contre 7,2%).  Autrement dit, toute proportion gardée, il y a davantage de chômeurs en Ontario qu’au Québec, et plus aux États-Unis qu’au Canada.  Ce sont des situations jamais observées depuis des décennies.
     Comme on s’y attendait, les pertes d’emplois ont été massives en janvier, mais trois ou quatre fois plus qu’on s’y attendait même.  C’est ainsi qu’au Canada, 129,000 personnes ont perdu leur emploi, dont 26,000 au Québec et 71,000 en Ontario (ce dernier nombre étant le plus élevé jamais enregistré par cette province en plus de trois décennies). Depuis octobre, les pertes d’emploi s’élèvent a 213,000 au Canada.
     On peut toutefois se consoler en constatant que la situation est pire aux États-Unis: 598,000 personnes ont perdu leur emploi en janvier seulement, et 1,655,000 ces trois derniers mois.

Travail et chômage, janvier 2009

Québec O/Q Ontario C/O Canada E/C États-Unis
Population adulte 6 405 000 1,65 10 591 900 2,56 27 128 100 8,65 234 739 000
Population active 4 181 900 1,71 7 164 300 2,55 18 292 100 8,40 153 716 000
   Emploi 3 858 500 1,71 6 594 200 2,58 16 982 000 8,37 142 099 000
      Temps plein 3 142 700 1,71 5 372 600 2,57 13 807 800 n/d
      Temps partiel 715 800 1,71 1 221 600 2,60 3 174 200 n/d
   Chômage 323 400 1,76 570 100 2,30 1 310 100 8,87 11 616 000
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Taux d'activité 65,3 % 67,6 % 67,4 % 65,5 %
Taux de chômage 7,7 % 8,0 % 7,2 % 7,6 %
Taux d'emploi 60,2 % 62,3 % 62,6 % 60.5 %
 
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Note: Le trois facteurs O/Q, C/O et É/C permettent de comparer respectivement la situation du Québec et de l’Ontario, celle de l’Ontario et du Canada et celle du Canada et des États-Unis. 
     Ainsi, la population adulte de l’Ontario est 1,65 fois plus grande que celle du Québec. En outre, la population active y est encore plus grande (1,71 fois), c’est-à-dire que, toute proportion gardée, plus d’adultes sont sur le marché du travail en Ontario qu’au Québec. (Les deux provinces seraient à égalité si tous les facteurs étaient à 1,65.)  De même, il y a un plus grand nombre de personnes en emploi (1,71 fois) mais encore davantage de chômeurs (1,76 fois).
     Si on compare le Canada aux États-Unis, on observe que la population adulte américaine est 8,65 fois plus élevée que celle du Canada.  Par contre, le nombre de travailleurs est plus petit (8,40 fois), alors que le nombre de chômeurs est plus élevé (8,87 fois).

Sources: Statistique Canada, Enquête sur la population active & U.S. Bureau of Labor, Employment Situation Summary, 6 février 2009.

Gains et pertes d’emplois au Québec, 
en Ontario, au Canada et aux États-Unis

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     Les trois tableaux de gauche illustrent les gains (en bleu) et les pertes (en noir) des emplois au Québec, en Ontario et au Canada de janvier 2008 à janvier 2009.  On y observe que pour les dix premiers mois, les gains et les pertes se succèdent, alors qu’à partir de novembre, l’emploi plonge dans le noir.  À droite, le même tableau pour les États-Unis révèle que les pertes d’emplois sont de plus en plus (et dramatiquement) importantes.  Contrairement à notre situation, le marché du travail américain s’effondre. (Cliquez sur les tableaux pour les agrandir.)

Nombre de travailleurs au Canada et au Québec

     Une autre façon de suivre l’évolution du marché de l’emploi en cette période de crise est d’examiner le nombre de personnes qui travaillent d’un mois à l’autre.  Les deux graphiques ci-dessus retracent le nombre de travailleurs au Canada (à gauche) et au Québec (à droite) pour les mois d’octobre, de novembre, de décembre et de janvier des années 2005 à 2009.  Ces graphiques montrent que pour chaque mois, d’année en année, le nombre de travailleurs augmente… sauf à partir de novembre 2008, où on commence à voir une baisse. (Au Canada, le nombre de nouveaux travailleurs avait tendance à augmenter d’une trentaine de mille pour un même mois d’une année à l’autre. Au Québec, ce nombre augmentait d’environ cinq mille.)
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Chômage : une idée de ce que nous réserve 2009

     Les économistes de la Banque Toronto Dominion estiment que 325,000 personnes perdront leur emploi cette année au Canada.  C’est à la fois peu et beaucoup.
     C’est peu en regard des millions d’emplois qui seront vraisemblablement perdus aux États-Unis.  Déjà, en décembre seulement, 524,000 Américains se sont retrouvés sans travail.  Les 325,000 Canadiens qui subiront le même sort tout au long de 2009 donnent un ordre de grandeur: en décembre, 34,400 Canadiens ont perdu leur emploi.  Le taux de chômage aux États-Unis s’élève déjà à 7,2%, comparativement à 6,6% au Canada.  Depuis le début de la récession (décembre 2007), 3,6 millions d’Américains ont déjà perdu leur emploi.
    Évidemment, la population du Canada est neuf fois moindre que celle des États-Unis.  Il faut ainsi savoir qu’en décembre au Canada, 18,3 millions de personnes étaient en mesure de travailler et que, de ce nombre, 17,1 millions occupaient un emploi (81% à temps plein, 19% à temps partiel).  On comptait 1,2 million de chômeurs (soit 6,6% de tous les travailleurs).  Si les prédictions de la Toronto Dominion s’avèrent exactes, ce nombre passera à 1,5 million de personnes, pour donner un taux de chômage de 9% en fin d'année.

Sources: Presse Canadienne, «Environ 325 000 personnes perdront leur emploi, croit la TD», 5 février 2009 ; Statistique Canada, Enquête sur la population active, U.S. Bureau of Labor, Employment Situation Summary, 6 février 2009.
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Prêts à fonds perdus

     Ne nous faisons pas d’illusions: jamais les entreprises à qui nos gouvernements prêtent des milliards $ ne nous rembourseront.  Pourquoi?  Simplement parce que lorsque le temps sera venu, «on» invoquera que de tels remboursements équivaudront à des ponctions de milliards prises à même une économie à peine remise de la plus grande crise financière de tous les temps.  Autrement dit, rembourser les contribuables que nous sommes sera considéré comme priver les entreprises des milliards dont elles auront tant besoin pour reprendre leur croissance.  Autant se le dire tout de suite: chaque milliard «prêté» par nos gouvernements est à fonds perdus.
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Marmotte et Londres sous la neige : 
drôle de temps

     Lundi matin, 3 février, deux préoccupations dominent l’actualité du moment: la marmotte verra-t-elle son ombre, se demandent nombre de médias alors qu’ils rapportent qu’une chute de neige d'une douzaine de centimètres – la plus importante en 18 ans -, paralyse Londres.
     D'une part, il est navrant de voir que les médias accordent tant d’importance à une prétention aussi absurde qu’une marmotte, si elle voit son ombre en ce jour, annonce encore six semaines d’hiver.  Cela revient à dire que si la matinée est ensoleillée en ce 3 février, l’hiver durera encore six semaines, mais que si c’est nuageux, il sera moins long!  C’est aussi stupide que de prétendre que: «Le 3 fait le mois si le 5 ne le défait pas…» 
     Qui plus est, six semaines d’hiver nous mènent à la mi-mars.  Or, depuis quand l’hiver se termine-t-il plus tôt?  En réalité, les temps froids et enneigés s’étendent généralement jusqu’à la fin mars.  Le fait est, que la marmotte ait vu ou non son ombre, il nous reste probablement huit semaines d’hiver.
     On pourrait toujours dire qu’il n’y a pas de quoi s’émouvoir de ce que les médias se préoccupent tant de la marmotte, que ça ajoute «un peu de poésie» à notre quotidien en cette portion un peu longue de l’année.  Ce serait le cas si ce n’était de l’importance que ceux-ci y accordent, les principaux bulletins de nouvelles en parlant, souvent même en tout début (comme si c'était une véritable information).

Signe des temps climatiques ?
     D'autre part, on nous annonce que Londres a reçu sa plus forte chute de neige en 18 ans et que, ô grand malheur, les résidents n’ont pu aller travailler.  Il a même été question que la capitale britannique s’équipe pour faire face à une telle calamité météorologique.
     Or, à bien y penser, une chute de neige qui ne fait que bloquer les transports une journée ou deux, est-ce si dramatique?  Les Londoniens, comme nous tous, sont-ils à ce point incapables de manquer une journée de travail pour se reposer ou jouer dans la neige une fois tous les 18 ans?  Sommes-nous à ce point conditionnés par le travail qu’un simple jour manqué soit considéré comme une catastrophe nationale rapportée mondialement?
      On peut néanmoins se consoler en pensant que le fait que Londres soit ensevelie sous la neige aurait autrefois pris une tout autre connotation. 
     En effet, si aujourd’hui on s’inquiète des conséquences du réchauffement de la planète, il y a une trentaine d'années, on redoutait plutôt de subir une ère glacière.  Eh oui, dans les années 1960-1970, on craignait les conséquences d’une baisse marquée des températures qui replongerait le monde dans une glaciation provoquant bouleversements sociaux, famines et pertes de vie d’ici l’an 2000.
     Ainsi donc, si nous vivions encore avec une telle crainte, la chute de neige de Londres nous aurait été présentée comme un signe de plus des conséquences que nous réservent les changements climatiques.  Évidemment, dans le contexte actuel, personne ne fait un tel lien.  Toutefois, ce sera le cas si, l’été prochain, une grande ville subit la plus importante canicule de ses 18 dernières années.  Là, l’interprétation qu’on fera du phénomène sera toute différente… malgré le fait que des écarts météorologiques «jamais vus en 18 ans» surviennent normalement de temps à autres. 

Ressources: Mali Ilse Paquin, «Londres paralysé par la neige», La Presse, 3 février 2009 ; Presse Canadienne, «L'hiver durera encore six semaines... foi de marmotte», Allison Jones, «Ne rangez pas vos pelles, prédisent les marmottes», Presse Canadienne, Louis Potvin, «Le verdict d'Ernest: six semaines d'hiver», Le Quotidien, 2 février 2009.
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Se libérer du joug du passé

     L’Histoire est implacable, écrit le journaliste Roger Cohen.  Pourtant, on parvient parfois à s'en affranchir. C’est ainsi qu’après 1945, la France et l’Allemagne ont sû se libérer du cycle infernal de la guerre.  Même chose du côté polonais et allemand.  La Chine et le Japon ne s’aiment guère, mais ils commercent entre eux. 
     Seul au Moyen-Orient, la mort triomphe.  Comme l’a dit le poète israélien Yehuda Amichai, à Jérusalem, ce sont les morts qui votent.  Leur soif de sang est insatiable.  Leurs tombaux ne connaîtront jamais la paix.  Depuis 1948, depuis la fondation d’Israël, la vengeance domine les mouvements nationaux juifs et palestiniens.
     Israël, soutenu par les États-Unis, avait l’intention de montrer que le Hamas pouvait être soit contrecarré ou anéanti, au lieu de chercher à faire en sorte que, comme avec l’Organisation de libération de la Palestine, il soit amené à contribuer à la solution.  C’est une erreur stratégique.  Même si trois cents de ses militants et dirigeants ont été tués, le Hamas a été renforcé par la plus récente mésaventure d’un autre leader israélien faible.

D'après Roger Cohen, «Eyeless in Gaza», The New York Review of Books, Volume 56, Numéro 2, 12 févrer 2009.
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Fin de la guerre au terrorisme ?

     «À l’occasion de sa première entrevue télévisée, accordée au réseau d’information Al Arabiya, le président Obama a laissé filer la grande nouvelle: la guerre au terrorisme est terminée», écrit Roger Cohen, chroniqueur au New York Times.
     «Oui, poursuit-il, la confrontation globale du vous-êtes-pour-ou-contre-nous lancée par George Bush et pour laquelle un Occident soi-disant épris de liberté s’opposait aux forces occultes et mal définies qui se réunissaient sous la bannière de l’islamofachisme (d’Al Qaeda à des éléments de la lutte nationale pour la Palestine) est terminée… Reste maintenant à démantler les organisations terroristes, ce qui n’est pas une guerre, mais un défi stratégique.» 
     «L’abandon par le nouveau président de la doctrine Bush de l’après 11 septembre est un progrès remarquable, indique Roger Cohen.  Bien que ça ne règle rien pour l’instant, cela ouvre la voie à un rapprochement avec le monde musulman longtemps considéré dans le camp de ceux qui sont “contre nous”.  Face à un tel fossé manichéen, rien qui vaille ne pouvait survenir sur les fronts israélo-palestinien, afghan ou iranien.»
     Obama a néanmoins déclaré qu’il «distinguait clairement les organisations telles qu’Al Qaeda – qui préconisent la violence et la terreur et qui agissent en conséquence – de ceux qui pourraient être en désaccord avec mon administration et avec certaines de nos actions, ou qui pourraient avoir des points de vue différents sur comment leur pays pourrait se développer.  Nous pouvons être en désaccord tout en se respectant», d’insister le président. 
     «Son ton représente un changement déterminant, estime Cohen.  Il fait preuve de subtilité, de respect, d’autocritique et d’équilibre, tandis que celui de l’administration Bush était cinglant, offensant, agressif et biaisé en adhérant à une politique du Israël-ne-peut-faire-quoi-que-ce-soit-de-mal.»
     Obama a décrit le premier séjour en Moyen-Orient de son envoyé spécial, George Mitchell, comme étant une mission d’écoute, «car trop souvent, les États-Unis commencent par dicter», a-t-il noté.
     «C’est là un bond idéologique prodigieux pour un leader américain, considère le chroniqueur du New York Times, de la doctrine de suprématie de l’après-guerre froide à une nouvelle doctrine d’inclusion que requiert la mondialisation.»
     Le fait est que Barack Obama fait preuve d’un grand courage et d’audace en envoyant son émissaire au Moyen-Orient dès le début de sa présidence.  D’habitude, ses prédécesseurs ont tenté de se maintenir à distance de ce bourbier.  Obama réussira-t-il un tant soit peu à faire progresser la paix au Moyen-Orient?  Si oui, cela pourrait lui valoir un jour le Nobel de la Paix.  Quoiqu’il en soit, on pourra presque sous peu lui décerner le Nobel du courage…

Source: Roger Cohen, «After the War on Terror», 29 janvier 2009.  Voir aussi: Thomas Friedman, «The 5-State Solution», The New York Times, 27 janvier 2009.
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À quoi sert la vaccination

     Certains contestent vivement l’utilité des vaccins, particulièrement la vaccination massive des populations et surtout celle des enfants.  Sans vouloir dire qu’il n’y a pas de question à se poser ni de débat à faire, il ne faut tout de même pas non plus rejeter la vaccination, car ce serait oublier ce que nous vivions avant ses bienfaits. 
     Pour se donner une idée de ce que pouvait être le monde avant la vaccination, prenons l’exemple contemporain de ce que fait la Global Aliance for Vaccine and Immunisation (GAVI), une alliance mise sur pied en 1999 par un don de 750 millions $us provenant de la Fondation Bill & Melinda Gates.
    Chaque année, rapporte l’Organisation mondiale de la santé, 530,000 enfants décèdent de maladies infectieuses.  Or, la GAVI en a sauvé 3,4 millions grâce à la vaccination de 213 millions d’enfants. 
     Cette alliance comprend l’UNICEF, l’OMS, la Fondation Gates, la Banque mondiale, plusieurs gouvernements (donateurs et receveurs), des fabricants de vaccins et des ONG.  Elle s’est engagée à investir 3,7 milliards $ dans divers programmes de santé publique menés dans 75 pays entre 2000 et 2015. Pour en savoir plus: GAVI Alliance.
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Le retour des fous de dieu

     Les talibans n’ont pas fini de sévir, rapporte le New York Times, qui décrit l’imposition par ces fous de dieu de croyances insensées dans une région autrefois prospère et libérale du Pakistan. 
     «Chaque soir à 8 heures, les résidents terrifiés de Swat, une splendide vallée pittoresque située à 150 km des trois principales villes du Pakistan, se rassemblent autour de leur poste radio, rapporte le quotidien.  Ils savent que tout absent risque le fouet, sinon même d'être décapité.»
     «La plupart du temps, le dirigeant local des talibans, Shah Doran, énonce à la radio la plus récente litanie des actes “non islamiques” désormais interdits, comme regarder la télévision par câble, chanter et danser, critiquer les talibans, se raser la barbe et permettre aux filles d’aller à l’école.  Il révèle aussi le nom des personnes que les talibans viennent d'exécuter pour avoir désobéi à leurs diktats, ainsi que ceux qu’ils projettent d'assassiner.»
     Les talibans imposent ainsi aux 1,3 million d'habitants de la vallée leur interprétation sadique de l’Islam, procédant à des décapitations publiques, à des assassinats, à la répression sociale et culturelle, ainsi qu’à la persécution systématique des femmes.  Le quotidien new-yorkais rapporte en outre que les forces de l’ordre locales sont si terrorisées que plusieurs policiers ont publié des annonces afin de faire savoir à tous qu’ils ne sont plus en fonction.  (Les autres, qui résistent, sont décapités.)
     Ceux et celles qui d'entre nous se demandent pourquoi «nous» sommes en Afghanistan doivent se rappeler que c’est pour combattre le régime le plus abject que l’humanité a connu et, surtout, pour empêcher le retour de ces fous de dieu en ce 21e siècle. 
     Durant l’époque où ils ont sévi (de 1994 à 2001), l'Afghanistan vivait sous la domination de 30,000 à 40,000 talibans, rapporte Wikipédia. «Le théâtre, le cinéma et la télévision étaient interdits, écrit-on. La possession d'appareils photographiques et de magnétoscopes devint illégale. Les talibans brûlaient les instruments de musique et les cassettes, frappaient et emprisonnaient les musiciens, interdisaient la danse.» 
     De plus, les Afghans devaient peindre en blanc les vitres de leurs maisons pour ne pas que les femmes à l'intérieur soient visibles. Des expéditions punitives étaient organisées afin de détruire les téléviseurs et magnétoscopes, et pour déchirer les photos de famille. Les talibans s'assuraient que personne n'écoutait de la musique dans leur maison ni au cours des mariages. 
     Toute représentation humaine était illégale, même les poupées des petites filles. L'enseignement secondaire leur était d'ailleurs interdit. Les femmes furent exclues du marché de l'emploi et devaient être entièrement couvertes par une burqa et ne jamais quitter leur maison sans être accompagnées de leur mari ou d'un parent proche. Les hommes devaient porter une barbe d'au moins 10 centimètres (la longueur étant vérifiée dans la rue). Le fouet, l'amputation et la lapidation étaient couramment appliqués. Les femmes jugées pour crimes d'adultère étaient lapidées, les homosexuels étaient condamnés à mort...

Sources: Richard A. Oppel Jr, «Radio Spreads Taliban’s Terror in Pakistani Region«, The New York Times, 24 janvier 2009 ; Les Taliban selon Wikipédia. 
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Départ fulgurant pour le président Obama

      En l’espace de trois jours seulement comme président, Barack Obama a pris davantage de décisions importantes que tout autre de ses prédécesseurs. 
      Ainsi, mardi 20 janvier, il n'attend pas la fin de sa première journée comme 44e président des États-Unis pour suspendre les procédures judiciaires d'exception du tribunal de Guantánamo créé pour «juger» les suspects de terrorisme.  Il ordonne aussi la suspension des décrets émis par l’administration Bush, le temps de leur révision légale et politique. 
     Le lendemain, il convoque ses conseillers à la sécurité nationale et militaires pour discuter de la façon de retirer les troupes d’Irak, de renforcer celles en Afghanistan, d’entreprendre la fermeture du camp de concentration de Guantánamo.  Il lève aussi l'interdiction imposée par l’administration Bush de financement fédéral pour les organismes internationaux pratiquant ou facilitant l'avortement.
     Jeudi, 22 janvier. le président Obama annonce la fermeture du centre de détention de Guantánamo «dans un délai d'un an» ainsi que toute autre prison secrète de la CIA à l'étranger.  Il édicte en outre de nouvelles règles pour un gouvernement éthique et transparent, ainsi que pour limiter l’accès des lobbyistes à son administration, tout en imposant plus de transparence aux agences gouvernementales. 
     Vendredi, 23 janvier, il rétablit la prééminence de la Convention de Genève à l'égard des présumés terroristes et restaure l'autorité des procédures militaires d'interrogatoire qui excluent la torture.  Il assigne aussi un envoyé spécial au Proche-Orient (George Mitchell) et un autre au Pakistan et en Afghanistan (Richard Holbrooke).  Il promet ainsi que «la droiture morale sera désormais le fondement et le phare du leadership américain dans le monde», suscitant une ovation de la part des hauts fonctionnaires de la diplomatie américaine.
     Il est difficile d'imaginer désaveux plus complets et cinglants des huit années de l'administration Bush.

Sources: Sheryl Gay Stolberg, «On Day One, Obama Sets a New Tone» ; Mark Mazetti, «Obama to Shut Guantánamo Site and C.I.A. Prisons» ; Jeff Zelony, «Oath Is Administered Once Again » ; Scott Shane, «Obama Issues Directive to Shut Down Guantánamo» ; Éditorial, -The President Orders Transparency» ; Scott Shane, «Obama Orders Secret Prisons and Detention Camps Closed» ; Scott Shane, Mark Mazetti & Helene Cooper, «Obama Reverses Key Bush Security Policies» ; Mark Landler, «Appointing Emissaries, Obama and Clinton Stress Diplomacy» ; Peter Baker, «Obama Reverses Rules on U.S. Abortion Aid», The New York Times  21, 22, 23 et 24 janvier 2009.

Voir «la suite»: John Broder & Peter Baker, «Obama’s Order Is Likely to Tighten Auto Standards» (26 janvier) ; Editorial, «New Day on Climate Change» (26 janvier) ; Alan Cowell, «Obama Interview Signals New Tone in Relations With Islam» & «Obama Signals New Tone in Relations With Islamic World» (27 janvier), Sheryl Gay Stolberg, «Obama Signs Equal-Pay Legislation» (29 janvier)),  Sheryl Gay Stolberg & Stephen Labaton, «Obama Calls Wall Street Bonuses ‘Shameful’» (29 janvier), David Stout, «Obama Moves to Reverse Bush’s Labor Policies» (30 janvier), Edmond Andrews & Vikas Bajaj, «U.S. Plans $500,000 Cap on Executive Pay in Bailouts» (3 février), The New York Times.
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Le président Obama rejette la doctrine Reagan-Bush !
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   À l’occasion du discours inaugurant sa présidence, Barack Obama surprend tout le monde en dénonçant directement la doctrine néo-conservatrice des présidents Reagan et Bush fils qui préconise que les États-Unis peuvent résoudre tous leurs problèmes seuls et par la force.  Comme le relate en éditorial le New York Times: «En vingt minutes, il a balayé huit années de faux semblant et de mauvaises politiques du président George Bush pour promettre un retour aux valeurs les plus chères des États-Unis.»   Les observateurs n’ont d’ailleurs pas manqué d’imaginer que «W», assis à quelques mètres du nouveau président, devait grincer des dents.* 
     Dans son allocution, le président Obama a entre autres lancé: «En ce jour, nous sommes réunis parce que nous avons choisi l’espoir plutôt que la peur, l’unité plutôt que la division et la discorde.»  Il a aussi dit qu’il allait «redonner sa place à la science» ainsi que permettre aux «merveilles de la technologie» de servir à améliorer la qualité des soins de santé.
     «En ce jour, a-t-il poursuivi, nous sommes réunis pour mettre fin à la mesquinerie, aux fausses promesses, aux récriminations et aux dogmes dépassés qui, depuis trop longtemps déjà, minent notre politique. 
     «La question qui se pose n’est pas de savoir si notre gouvernement est trop gros ou trop petit, mais s’il fonctionne, s’il aide les familles à se trouver un emploi décent, à obtenir des soins abordables et à s’assurer une retraite convenable. 
     «Et ceux qui d’entre nous géront les deniers publics auront des comptes à rendre.  Ils devront dépenser de façon intelligente, mettre fin au gaspillage et conduire les affaires de l’État au grand jour, parce c’est la seule façon de restaurer la confiance que la population doit avoir envers le gouvernement…  Notre nation ne peut pas prospérer en ne favorisant que les plus riches.
     «En ce qui concerne notre sécurité nationale, nous rejetons comme faux le choix entre la sécurité et nos idéaux…  C’est ainsi que nous disons à tous ceux qui nous regardent de par le monde et aux gouvernements, sachez que les États-Unis sont l'ami de chacune des nations et de chacun des hommes, des femmes et des enfants qui cherchent à construire un avenir de paix et de dignité, et que nous sommes prêts à reprendre notre place sur la scène internationale.
     «Rappelons-nous que les générations qui nous ont précédés ont vaincu le fascisme et le communisme non pas uniquement à l’aide de missiles et de chars d’assaut, mais également en étant unis et dotés de profondes convictions. 
     «Ils avaient compris que notre seule puissance ne peut pas nous protéger contre tout, pas plus qu’elle nous donne le droit de faire ce qu’il nous plaît.  Au contraire, ils savaient que notre pouvoir s’accroît par son utilisation restreinte.  Notre sécurité vient de la justesse de notre cause, de la force de notre exemple, de notre propension à faire preuve d'humilité et de modération.
     «Avec nos alliés et nos anciens ennemis, nous allons travailler sans relâche pour atténuer la menace nucléaire et pour faire reculer le spectre du réchauffement de la planète.  Avec le monde musulman, nous chercherons une nouvelle façon de progresser, basée sur nos intérêts communs et sur le respect mutuel…»
     En terminant son discours, Barack Obama souligne qu’il a la chance de devenir président d’un pays où son père, il y a 60 ans, n’aurait probablement pas pu se faire servir dans un restaurant local à cause de la couleur de sa peau!
     De conclure le New York Times: «Après plus de sept années de recours à la peur et à la xénophobie par M. Bush pour justifier une guerre aussi désastreuse qu’inutile et pour bafouer les droits fondamentaux de tout Américain, il est enivrant d’entendre M. Obama rejeter ”comme faux le choix entre notre sécurité et nos idéaux“.»
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SourceS: Barack Obama’s Inaugural Address ; éditorial, «President Obama» ; Peter Baker, «After a Day of Crowds and Celebration, Obama Turns to Sober List of Challenges»,The New York Times, 20 janvier 2009.
 
* Voir: Peter Baker, «On Plane to Texas, Critiques of the Speech», The New York Times, 22 Janvier 2009. 
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Ce 20 janvier 2009


Une foule estimée à 1,8 million de personnes (la population de Montréal) 
s’est rassemblée sur la grande esplanade de Washington D.C.

     Aujourd’hui règne une atmosphère de fébrilité comme on en connaît rarement.  Tout le monde a l’impression de vivre une journée historique, le genre de jour dont on se souviendra longtemps: on tourne enfin le dos aux années Bush, alors qu’un nouveau président, le premier afro-américain, prendra les rennes du pouvoir.  Il flotte un parfum d’euphorie.
     Cette euphorie me rappelle celle d’un dimanche d’il y a très exactement 39½ ans.  Dans six mois, le 20 juillet, nous célébrerons les 40 ans du premier pas de l'homme sur la Lune.  Il y régnait ce dimanche-là une fébrilité comparable à celle d'aujourd'hui puisque tout le monde avait la nette impression – avec raison - de vivre un moment historique.  L’équipage d’Apollo 11 allait-il réussir son alunissage prévu pour l’après-midi?, se demandait-on en matinée.  Et puis, les deux astronautes allaient-ils pouvoir marcher sur la Lune sans problème?  Évidemment, 39½ ans plus tard, tous ceux et celles qui ont vécu l’événement se souviennent de l'atmosphère de ce jour-là.
     En ce mardi 20 janvier 2009, on se pose un peu le même genre de questions.  Comment se passeront les cérémonies d’assermentation de Barack Obama?  Quels seront les premiers mots du nouveau président, quel message voudra-t-il nous livrer?  Et surtout peut-être: est-ce que tout se passera bien?  (Qui ne craint pas l’attentat, comme si on ne pouvait croire qu’un noir deviendra président des États-Unis.)
     Quoi qu’il arrive, il est vraisemblable qu’on se remémorera longtemps cette journée historique.  Espérons que, un peu comme en juillet 1969, ce sera un «petit pas pour un homme, mais un bond de géant pour l’humanité»!
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Dernière journée de l'administration Bush !

     Ce lundi, 19 janvier 2009, marque la dernière journée des huit années cauchemardesques de George Bush fils.  Comme l'écrit si justement Myriam Berbe, «George W. Bush laisse à son successeur un pays à genoux, menant deux guerres, en Irak et en Afghanistan, et se débattant dans la plus grave crise financière depuis la Grande dépression.» 
      «Plus de 37 millions d’Américains vivent en dessous du seuil de pauvreté, poursuit-elle, et 46 millions sont dépourvus de couverture médicale en raison de l’explosion des prix des assurances. Georges W. Bush a voulu une société de propriétaires, mais la déréglementation du crédit a déclenché un véritable désastre. Plus de 4 millions d’Américains étranglés par la crise des crédits hypothécaires à risques («subprimes») perdront bientôt leur logement. 
     «Entre les baisses d’impôts qui ont surtout profité aux plus riches et l’augmentation des dépenses militaires, George W. Bush a vidé les caisses de l’Etat fédéral. Barack Obama se retrouve avec un déficit budgétaire vertigineux de 1,200 milliards de dollars pour l’exercice 2008/2009.  Du fait de la récession, le taux de chômage se situe désormais à 7,2% de la population active, son niveau le plus haut depuis 1983. Sur l’ensemble de l’année 2008, l’économie américaine a perdu 2,6 millions d’emplois, dont un million pendant les deux derniers mois de 2008.» 

Source: Myriam Berber, «Obama, 44e président des États-Unis : une investiture sur fond de récession», Radio France International, 19 janvier 2009.

La stratégie (toute simple) du futur président Obama

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Mon travail, à partir de mon discours inaugural et durant les mois qui suivront, sera simplement d’expliquer aussi clairement et franchement que possible ce qui se passe au juste et les meilleures idées mises de l’avant pour faire face aux défis.  Si j’y parviens, j’ai confiance que nous serons unis pour résoudre les problèmes.
- Le président-élu Barack Obama, 17 janvier 2009
  (en entrevue sur les ondes de MSNBC)
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Un autre coup d’épée dans l’eau 

     L’automne dernier, le Congrès américain a débloqué une somme de 700 milliards $us pour stimuler les banques à prêter à ceux qui en ont besoin (dont les entreprises qui utilisent le crédit pour fonctionner ou pour se développer).  L’administration Bush espérait ainsi remettre en marche la «roue de l‘économie» bloquée à la suite de l’effondrement des marchés hypothécaires et boursiers.  Jusqu’à présent, la moitié de ces 700 milliards $ aurait été remise aux banques.  Qu’ont-elles fait de ces deniers publics?
     Mike McIntire, du New York Times, rapporte que dans la plupart des cas, les banquiers ont simplement placé ces fonds «en banque».  C’est ainsi que Walter Pressey, président de la Boston Private Wealth Management (récipiendaire de 154 millions $), expliquait candidement: «Avec ce capital en main, non seulement avons-nous confiance de traverser la récession, mais que nous serons aussi en bonne position pour profiter des occasions qui se présenteront à nous lorsque la récession sera passée.»
     Somme toute, les banquiers se comportent comme toute personne prudente qui reçoit du gouvernement un chèque-cadeau.  Dans le contexte actuel de grande incertitude économique, rares seraient en effet ceux qui dépenseraient ce cadeau «pour le plaisir».  La plupart d’entre nous mettrait soit de côté la somme ou rembourserait une partie de ses dettes.
     C’est  justement ce qui s’est passé le printemps dernier lorsque l‘administration Bush a fait parvenir un chèque-cadeau à chaque contribuable américain – un programme de 50 milliards $ qui visait à convier les consommateurs à dépenser pour stimuler l’économie.  Évidemment, le seul fait de recevoir ainsi un chèque du gouvernement a lancé le signal que la situation économique était grave, accentuant d’autant la crainte en l’avenir. Ce fut le premier des nombreux coups d’épée dans l’eau visant à stimuler l’économie à coups de centaines de milliards $ de fonds publics.

D'après : Mike McIntire, «Bailout Is a Windfall to Banks, if Not to Borrowers», The New York Times, 17 janvier 2009.
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La « guerre au terrorisme » : 
une stratégie qui a renforcé le terrorisme

     Le secrétaire britannique aux affaires étrangères, David Miliband, déclare que l’utilisation de l’expression «guerre au terrorisme», si chère au président Bush depuis les attentats du 11 septembre, a été une erreur monumentale puisqu’elle a aidé des groupes terroristes disparates à faire cause commune contre l’Occident. C’est la première fois qu’un ministre britannique dénonce aussi clairement le discours de George Bush.
     «Nous avons aidé les terroristes à s’unir pour mener un combat simple contre nous, entre le bien et le mai, dit-il.  Nous aurions plutôt dû traiter leurs prétentions en montrant à quel point il s’agit de mensonges.»
     Qui plus est, «Le discours de “guerre au terrorisme” a fait croire que la seule façon de répondre à cette menace était militaire: trouver et tuer les extrémistes.»  Le chef de la diplomatie britannique fait ainsi écho aux propos du général américain David Petraeus, qui a réalisé que les Américains ne pourraient pas en Irak «résoudre par la force les problèmes d’insurrection et de guerre civile».
     M. Miliband considère plutôt que les démocraties occidentales doivent combattre le terrorisme en mettant de l’avant leurs valeurs et le respect des lois, et surtout pas subordonner celles-ci à une «guerre au terrorisme» menée au mépris de toute règle (comme l'a justement fait l'administration Bush).
     Comme il le dit si bien, «les historiens jugeront un jour si nous avons bien ou mal fait».  On peut même déjà parier qu’une fois que la «guerre au terrorisme» sera gagnée (faute de combattants), on jugera sévèrement les excès de nos dirigeants qui, par exemple, imposent de folles mesures de sécurité aux aéroports tout en dépensant des milliards $ en contrôles inutiles.
     Pour paraphraser Bin Laden, chaque fois qu’Al Qaeda dépense un dollar pour émettre de vagues menaces, nos gouvernements réagissent en en dépensant des millions. 

Source: Julian Borger, «David Miliband expands on criticism of 'war on terror' phrase» et voir aussi: Mark Tran, «War on terror – a term that no longer applies», The Guardian, 15 janvier 2009.
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De moins en moins de guerres dans le monde

     Contrairement à ce qu’on pense généralement, nous vivons dans un monde où il y a de moins en moins de guerres.  C’est du moins ce que constate Michel Fortmann, professeur au Département de science politique de l'Université de Montréal et spécialiste de l’étude des conflits.  En collaboration avec Gérard Hervouet, il a dirigé la publication de Les conflits dans le monde 2008, publié aux Presses de l'Université Laval.
     «Les trois ou quatre dernières années ont révélé une tendance que je dirais plutôt positive, a-t-il rapporté sur les ondes de Radio-Canada.  Contrairement à ce que montrent en général les médias - le mauvais côté des choses: le sang, les victimes, les réfugiés, etc. –, ce qu’on constate en fait, c’est une diminution très marquée du nombre de confits dans le monde.» 
     «Cette tendance remonte aux années 1990, poursuit-il.  C’est-à-dire qu'au début des années 1990, nous comptions une trentaine de conflits majeurs dans le monde - des conflits qui font plus de mille morts en tant que tels.  Or, aujourd’hui, nous sommes à environ une quinzaine.  On assiste donc à une diminution de 50% du nombre de conflits dans le monde au cours des 18 dernières années.» 
     Qui plus est, selon ce spécialiste, les guerres tendent à faire moins de victimes: «Le nombre de morts du fait de guerre (sur le champ de bataille) a diminué de 99% depuis les années 1950», dit-il.
     Comment expliquer de telles diminutions?  Selon Michel Fortmann, plusieurs facteurs joueraient.  D’une part, il y aurait le fait que la communauté internationale intervient dans les conflits et qu’elle ne les laisse plus ni dégénérer ni perdurer.  «Encore là, dit-il, la vision que nous avons de l’ONU, des casques bleus et de ce qu’ils font est souvent négative, dit-il.  Or, il semble que depuis 18 ans, l’action de la communauté internationale pour résoudre les conflits et rebâtir les sociétés par après est beaucoup plus efficace qu’on le pense.» 
     Une deuxième explication serait le nombre croissant de démocraties.  Alors que dans les années 1970, moins de la moitié des pays était démocratique, aujourd’hui, c’est le contraire.  «Et la thèse veut que plus il y aura de démocraties dans le monde, plus la paix régnera», résume le chercheur.
     Enfin, et surtout peut-être, nous assisterions à un «changement de paradigme».  C’est-à-dire que la guerre, autrefois si valorisée et considérée comme une activité normale des sociétés, est devenue ces dernières décennies non seulement de moins en moins glorifiée mais de plus en plus dénoncée.  «La guerre en tant qu’activité sociale est de moins en moins acceptable, au moins aux yeux d’une grande partie de la population», souligne M. Fortmann.
     Ainsi donc, alors que durant des millénaires, les populations ont vécu sous le joug de dirigeants qui faisaient à leur guise – y compris en menant des guerres à tout vent -, voilà que les populations vivant en démocratie s’opposent vigoureusement aux ambitions guerrières de leurs dirigeants politiques.
     Évidemment, il peut sembler étonnant - pour ne pas dire incroyable -, de penser que nous vivons réellement dans un monde où il y a de moins en moins en guerre.  On a la même impression au sujet de la violence domestique (homicides, viols, vols et agressions).  Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, les chiffres contredisent le discours si souvent véhiculé par les médias. À lire donc: Les conflits dans le monde 2008.

Source: Michel Fortmann interviewé par Stéphane Garneau à Pourquoi pas dimanche, Première chaîne de Radio-Canada, 11 janvier 2009, vers 9h45.

Voir: Michel Fortmann et Gérard Hervouet, Les conflits dans le monde 2008, Rapport annuel sur les conflits internationaux, Presses de l'Université Laval, novembre 2008.
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Étonnantes leçons du passé

     À l'heure où des terroristes jouent avec la vie de leurs otages, où la crainte d'une Troisième Guerre mondiale fait flamber les monnaies, où brûlent les ambassades, où, dans de nombreux pays, retentissent des bruits de bottes, c'est avec épouvante que nous regardons les titres des journaux.  Les cours de l'or, ce baromètre de la peur, battent tous les records.  Les banques tremblent.  L'inflation se déchaîne.  Et les gouvernements sont frappés de paralysie ou de crétinisme.
     Devant ce spectacle, le choeur des Cassandres fait résonner l'air de son chant d'apocalypse.  L'homme de la rue soupire «le monde est devenu fou» tandis que les experts recensent tous les courants qui nous mènent à la catastrophe.»

     Curieux texte, n’est-ce pas?  On dirait presque, à quelques détails près, une description de notre époque. Pourtant, cette vision a été rédigée il y a trente ans et décrit le monde tel qu’on pouvait le percevoir à la fin des années 1970.
      Il s’agit des deux premiers paragraphes du livre La 3ème Vague rédigé par le journaliste et célèbre futurologue Alvin Toffler.  Dans cet ouvrage, qui met en perspective le monde dans lequel on vit (ou plutôt celui d’il y a 30 ans), l'auteur trace les grandes tendances de société qui mènent aux années 2000. (Un ouvrage fascinant à lire trente ans plus tard.) 
      Étonnamment, Toffler se demande si le monde «n’est pas devenu fou» et parle des «bruits de bottes», de la paralysie et du crétinisme de nos gouvernements.  Voilà qui résonne puissamment en ce début de 2009, alors que «les bottes» israéliennes menacent d’envahir la Palestine.  Heureusement, on ne nous parle pas encore d'apocalypse ni de fin du monde, bien que l’ampleur de la crise économique qu'on connaît a de quoi inquiéter.
     Encore une fois, on a l'impression de se retrouver placé devant le «crétinisme» puisque le mouvement Hamas, qui contrôle la Bande de Gaza, a repris ses tirs de roquettes sur le sud d’Israël.  Qu’espère-t-il retirer en menant des attaques aussi futiles?, se demande-t-on.  Et Israël, comme d’habitude, réagit avec une force exagérée: pour chaque Israélien victime d’une roquette du Hamas, des dizaines de Palestiniens en paieront le prix.  Qu’espère donc obtenir Israël en envahissant la Bande de Gaza étant donné que la force, si intense soit-elle, ne vient jamais à bout de quoi que ce soit?   Voilà qu'on se retrouve à nouveau devant le «crétinisme» de certains de nos dirigeants. 
Le 1er janvier 2009 marque incidemment un anniversaire intéressant: les 50 ans de la révolution cubaine, le renversement du régime Batista par les troupes de Fidel Castro.  Les dirigeants américains n’ayant jamais digéré cette prise de pouvoir, ils imposent depuis lors un embargo à l’île de Cuba afin d’isoler le régime.  Or, alors que l’Empire soviétique s’est écroulé il y a 15 ans, le régime castriste tient bon.  Comment expliquer que les Américains soient «venus à bout» de la super-puissance soviétique mais pas du fragile régime cubain? 
     Dans le premier cas, dès 1971 (sous Richard Nixon) puis dans les années 1980 (sous Ronald Reagan), ils ont entrepris un dialogue et une ouverture avec les terribles Soviétiques d'alors.  Résultat: l’empire communiste s’est désintégré en 1991.  Par contre, en isolant le régime communiste de Cuba, ils le maintiennent en vie artificiellement.  Voilà un autre exemple qui montre que par la force, on ne résout jamais rien, alors que seule l’ouverture et la négociation mènent finalement à des résultats.
     Combien de temps faudra-t-il encore à certains de nos dirigeants crétins pour comprendre cela?! 
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2009 : année de craintes ou… 
le début d’un temps nouveau ?

     En ce début de 2009, nous ressentons tous un certain malaise, pour ne pas dire une crainte profonde: que nous réserve les douze prochains mois?
     Nous sommes, nous dit-on, au début d’une grave crise économique, vraisemblablement la plus sévère depuis la Grande dépression des années 1930.  Ce qu’on ne nous dit pas, c’est que nous vivrons peut-être quelque chose de plus terrible encore!  De fait, le système bancaire américain est en faillite, miné par des milliards $ de «créances toxiques».  Le gouvernement tente bien, sans trop savoir comment, de sauver les banques sans créer une panique générale.  Le fait est que le crédit sur lequel repose notre système économique s’est enrayé.
     Évidemment, aucun expert ne peut nous dire ce qui se passera en 2009.  Personne ne peut nous dire quel sera l’ampleur de la crise, jusqu’où elle frappera et, surtout, combien de temps elle durera.  Certains avancent que nous devrons travers toute l’année avant de voir l’activité économique reprendre en 2010.  D’autres, plus optimistes (ou soucieux de nous rassurer un brin?) énoncent que la situation pourrait s’améliorer à l’automne 2009.  Mais la crise pourrait tout aussi bien durer jusqu'en 2011 ou 2012…
     Pour chacun d’entre nous, la question se pose donc: jusqu’à quel point serons-nous touché par la crise?  Sommes-nous à risque de perdre notre emploi, ou de connaître une baisse significative de nos revenus?  Courrons-nous même le risque de «tout» perdre?
     Chose étonnante, il y a un an à peine, personne ne soupçonnait la gravité de ce que nous vivons aujourd’hui.  Même les plus pessimistes n’auraient pu imaginer un effondrement aussi spectaculaire de l’économie américaine (et, par-delà, mondiale).  De même, personne ne peut aujourd’hui imaginer où nous en serons dans douze mois.
     L’espoir de tous, c’est évidemment l’entrée en fonction du nouveau président Barack Obama.  Celui-ci a cependant une tâche colossale: comme si, aux commandes d’un gigantesque avion sévèrement endommagé, il devait le réparer tout en le maintenant en vol.

Une époque Historique ?
     Une autre façon de considérer la crise actuelle est d’imaginer que nous vivons peut-être une époque de changements aussi déterminants que ce que fut la fin des années 1960. 
     Aujourd’hui, on évoque souvent avec nostalgie ces fameuses années soixante, époque durant laquelle la société a éclaté, où les carcans sociaux et religieux ont sauté pour laisser place à de nouveaux modes de vie.  Entre autres, les carcans du mariage-pour-la-vie et de la famille incontournable ont été rejetés, de même que celui du «papa a raison» (autrement dit: de l’homme père de famille et pourvoyeur qui impose ses volontés à toute sa famille).  Les jeunes d’alors se sont révoltés contre l’autorité afin de mener leur vie à leur guise.
     C’était la «belle époque» des grandes contestations estudiantines, des violentes manifestations et d’émeutes de la part des travailleurs et d’une foule de groupes revendicateurs (dont le mouvement féministe).  La société éclatait de toute part.  Ce faisant, certaIns ont réalisé une foule d’expériences, dont vivre en commune, le sexe libre, de nouvelles formes de musiques, l’expérimention avec des drogues psychédéliques (LSD), etc.  Ils ont aussi rêvé d’utopies politiques: communisme, marxisme, maoïsme…  «C’était le bon temps!» dit-on aujourd’hui, en oubliant toutefois de dire que cet éclatement de toutes parts inquiétait grandement la majorité de ceux qui vivaient en ces temps troubles… un peu comme ce que nous vivons actuellement.
     Peut-être que comme eux, vivons-nous une époque semblable (bien que différente).  Cette fois, c’est le système économique qui éclate, ce qui pourrait nous fournir l’occasion de repenser certaines de nos valeurs.  Il s’agirait de se libérer de l’oppression plus insidieuse de la mode (du glam et de l’hypersexualisation) et de la surconsommation à crédit.  Ce pourrait être aussi l’occasion de prendre conscience de certaines formes d’esclavage moderne, comme celle imposée par le téléphone cellulaire et autres moyens de communication qui nous font nous sentir obligés d’être joignables en tout temps et en toute circonstance.
     Ainsi, peut-être que, comme il y a quarante ans, le temps est venu de questionner nos valeurs?  Et si on mettait à profit la crise actuelle pour nous affranchir de certains jougs?
     Qui sait, peut-être transformerons-nous l’époque trouble que nous vivons en une époque qui fera rêver les générations à venir?
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© Claude Lafleur, 2009
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