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Au cours du mois d’avril
apparaissent trois des principales tendances qui marqueront l’exploration
spatiale: les pressions politiques, médiatiques et de course à
l’espace.
Pris à son propre jeu
Alors que Sergueï Korolev désire
lancer un satellite avant les Américains, son patron suprême,
Nikita Khrouchtchev, fait pression sur lui pour qu’il effectue le premier
tir d’un missile R-7 avant le 1er mai. Le dirigeant soviétique
de 63 ans exige en effet que Korolev mette tout en œuvre pour que ce tir
ail lieu en l’honneur de la fête des Travailleurs. Le responsable
des installations de tir, le général Aleksei Nesterenko,
a beau protester contre cette exigence — les délais étant
trop courts pour être fin prêt, dit-il —, il ne parvient pas
à contrer cette ingérence politique.
Apparaît ainsi une contrainte qui marquera
de nombreuses décisions concernant l’exploration spatiale: satisfaire
les visées politiques des chefs d’État.
Que faire de l’intérêt public ?
Aux États-Unis, la situation est toute
autre puisque le projet de lancer un satellite se fait sous le regard des
médias et du grand public.
Toutefois, le chargé de recherche pour
la Navy, Rawson Bennett, s’inquiète du poids que cette pression
risque d’imposer aux ingénieurs et techniciens chargés de
l’opération. Il craint que ceux-ci ne cèdent à une
«tentation bien humaine de chercher à plaire à l’auditoire»
en procédant au tir même dans le cas où les conditions
(notamment météorologiques) ne seraient pas optimales.
Désirant mettre toutes les chances
du côté de l’opération Vanguard, Bennett annonce donc
que, s’il n’en tient qu’à lui, le lancement se fera en l’absence
des médias. Il souligne néanmoins qu’il s’agit de sa décision
et que celle-ci pourrait bien être renversée en haut lieu.
De fait, le lendemain de cette annonce, le
sous-secrétaire à la Défense responsable des relations
publiques, Murray Snyder, indique que les médias pourront assister
au tir. Le président Eisenhower ayant jadis décidé
que le projet Vanguard serait un programme civil, il doit par conséquent
être réalisé en public.
Cette décision fera que, dans huit
mois, les États-Unis subiront l’un de leurs plus spectaculaires
revers à la face du monde. Par contre, à long terme,
le fait de mener leur programme spatial au vu et au su de tous — et non
à l’abri des regards, comme le feront les Soviétiques — s’avérera
extrêmement rentable.
Une première course s’engage
Pendant que les Soviétiques préparent
en secret le tir de leur missile R-7, les Américains font de même
à Cap Canaveral.
Ces derniers préparent le deuxième
tir d’une fusée Vanguard. Alors qu’en décembre, ils n’avaient
fait l’essai que du premier étage d’une fusée, cette fois,
ils testeront le premier et le troisième étage de la Vanguard.
Même si tout se passe bien, ce deuxième tir n’aura pas la
capacité d’atteindre l’espace.
S’engage en quelque sorte une première
course à l’espace entre Soviétiques et Américains,
chacun espérant réaliser son essai avant la fin du mois.
Toutefois, comme on ignore tout de ce que préparent les Soviétiques,
la course passe inaperçue.
L’erreur est humaine
Enfin, l’Armée de l’air américaine
subit un curieux revers. À l’occasion d’un deuxième
tir d’un missile Thor, celui-ci est détruit peu après son
décollage. Or, l’enquête montrera qu’en réalité,
le missile fonctionnait parfaitement. C’est plutôt une erreur
dans la livraison des données durant le vol qui a fait croire à
l’officier responsable de la sécurité que le missile déviait
de sa trajectoire. Selon les informations reçues, le missile
semblait se diriger vers l’intérieur des terres alors que, comme
prévu, il volait plutôt au-dessus de l’océan.
Cette erreur d’interprétation a donc conduit l’officier à
activer la commande d’autodestruction du missile… une erreur de plusieurs
millions de dollars!
Suite: Mai 1987: Premiers tirs de
fusées
Voir aussi: April 1957: Pressure
Ahead dans The
Great Adventure Project |
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Alors qu’une première
course à l’espace s’engage entre les Américains et les Soviétiques,
chaque camp cherche la meilleure façon de tirer partie de l’intérêt
public (et politique) des événements à venir. |
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Nikita Khrouchtchev (1894-1971)
Principal
dirigeant de l'Union soviétique de 1953 à 1964 à titre
de premier secrétaire du Parti communiste d’URSS, Nikita Khrouchtchev
a rapidement compris le potentiel à retirer de l’exploration spatiale.
Il a donc encouragé Sergueï Korolev dans ses projets, tout
en cherchant à bénificier au maximum du capital politique
et de propagande. (Plus dans Wikipédia) |
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Une fusée Vanguard sur
son pas de tir. Elle est constituée de trois étages-fusée
chapeautés par une coiffe (noire) abritant un petit satellite. D'un
diamètre de 1,1 mètre seulement et haute de 23 mètres
(un édifice de sept étages), Vanguard pesait 10 tonnes au
décollage. |
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Un missile Thor, d'un diamètre
de 2,5 mètres et d'une hauteur de 20 mètres (un édifice
de six étages), il pèse 50 tonnes au décollage. |
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