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Mai 1957 Récit précédent

Premiers tirs de fusées

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     Le mois de mai marque un premier jalon dans l’exploration spatiale avec la mise à l’essai des fusées qui lanceront les premiers satellites.

Gâtés par le succès

      Le 1er mai, les Américains réussissent leur deuxième tir de fusée Vanguard. Constituée du premier et du troisième étages de la version qui lancera éventuellement des satellites, cette Vanguard grimpe jusqu’à 195 kilomètres d’altitude avant de retomber comme prévu dans l’océan. 
     Pour les responsables du tir, c’est un deuxième succès consécutif. La chose est si rare à l’époque qu’un responsable du programme lance à la blague: «Je me demande si tant de succès n’est pas en train de nous gâter!» (La plaisanterie fera un jour grincer des dents tant Vanguard subira de cuisants revers.)
     Le programme voguant pour le moment sur le succès, les responsables prévoient réaliser un troisième tir d’essai cet été puis procéder à une tentative de mise en orbite, possiblement dès septembre.

Une tradition s’instaure

     Pendant ce temps, au cosmodrome de Baïkonour, on prépare le premier tir d’un missile R-7.
     Le 4 mai, afin de vérifier les procédures de transport et d’installation du missile sur sa plate-forme de lancement, le R-7 est roulé hors du bâtiment d‘assemblage et conduit jusqu’au pas de tir quelques kilomètres plus loin. L’opération est impressionnante.
     La R-7 est une fusée différente de toute celles qui existent. Les concepteurs ont eu l’ingénieuse idée d’accoler cinq fusées de taille semblable, quatre étant fixées autour d’une fusée centrale.

Une fusée R-7: vers la gauche, on voit clairement deux des quatre fusées latérales fixées à la fusée centrale (qui ressort sur la droite).

     L’ensemble, qui repose sur un wagon de chemin de fer conçu à cette fin, mesure trente-trois mètres de long, fait huit mètres de haut et pèse une vingtaine de tonnes. Il est tracté par une locomotive qui roule à la vitesse d’un homme marchant lentement.
     Parvenu à l’aire de lancement, le missile est basculé à la verticale puis installé sur la plate-forme de tir. Les techniciens procèdent ensuite au branchement des conduites d’alimentation électrique et des canalisations de carburant. Pour ce test, les réservoirs du missile ne sont pas remplis. Au terme d’une journée de vérifications concluantes, le R-7 est basculé à l’horizontal, réinstallé sur son wagon de transport et reconduit au bâtiment d’assemblage. Le lendemain, les techniciens vérifient son état et procèdent aux derniers ajustements.

     Le 6 mai, le missile est à nouveau roulé jusqu’au pas de tir, cette fois en prévision de son lancement. Cette occasion marque le début d’une tradition encore d’usage aujourd’hui. La locomotive tractant la fusée franchit le seuil du bâtiment d’assemblage à 7 heures précis du matin. Le convoi est alors accompagné par des dizaines d’ingénieurs, de techniciens et des responsables du tir qui marchent le long de la voie ferrée.
     Depuis cinquante ans, cette cérémonie quasi religieuse a été répétée deux mille fois, c’est-à-dire chaque fois qu’un lanceur de satellite de type R-7 est mené à la plate-forme de tir.

Premier tir d’un missile intercontinental

     Après une semaine de préparations et de vérifications minutieuses, la commission d’État chargée de superviser le tir décide que le missile R-7 sera lancé le 15 mai, entre 18 et 21 heures.
     L’heure du tir a été déterminée en fonction de trois critères particuliers. D’une part, le décollage doit survenir de jour afin de voir clairement tout ce qui se passe alors. Par contre, le retombé dans l’atmosphère du missile au-dessus de la Sibérie (à la manière d’une météore) doit s’effectuer de nuit afin de repérer l’éclat généré par la friction de l’air sur le missile. Enfin, l’envolée doit s’effectuer le plus possible à la noirceur afin d’éviter que les services de renseignements américains ne voient clairement l’opération. (C’est dire que les Soviétiques savent déjà que les Américains espionnent ce qu’ils font — ce que nous, du grand public, ignorions totalement.)

     Le missile R-7 s’envole à 21 heures. Dès le décollage, un incendie éclate à bord de l’une des quatre fusées latérales. Néanmoins, le R-7 poursuit sa course durant 98 secondes.  À cet instant, la portion en feu se détache brusquement, déséquilibrant le reste du missile. Malgré tout, le système de guidage tente de maintenir la trajectoire, mais le R-7 explose à la 105e seconde de vol. 
     Une dizaine de secondes de plus et les trois fusées latérales restantes se seraient détachées comme prévu. Le missile aurait alors poursuivi sa course normalement. Il s’en est donc fallu de peu pour que, malgré la grave avarie de départ, le R-7 accomplisse son premier vol avec succès. 
     (Curieusement, une situation analogue est survenue trente ans plus tard lors du tragique vol de Challenger. Le 28 janvier 1986, au moment du décollage, l’un des deux propulseurs à poudre de la Navette spatiale a connu une sévère perte d’étanchéité. Pourtant, le véhicule a poursuivi sa course durant 76 secondes avant d’éclater. Or, si seulement la navette avait pu tenir bon encore quelques dizaines de secondes, les sept astronautes à bord auraient eu la vie sauve.)
     Dans le cas du R-7, il retombe à quelques kilomètres du pas de tir, sans faire de dégât. (Le cosmodrome est situé au cœur d’une vaste zone désertique.) Pour les ingénieurs, l’opération est à la fois décevante et rassurante; elle démontre qu’un missile R-7 peut voler malgré une sévère avarie. Ils ont par conséquent de quoi se réjouir.

     En Occident, nous ignorons tout de ce qui vient de se passer ce jour-là; il faudra attendre la fin des années 1980 pour le découvrir. Néanmoins, ce 15 mai marque une date notable dans l’histoire de l’exploration spatiale puisque la fusée qui lancera tant de vaisseaux spatiaux prestigieux (Spoutnik, Vostok, Soyouz…) a volé pour la première fois. Même ceux qui ont été témoins de l’événement ne le réalisent pas.
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     Le mois se termine par un autre tir significatif: le 31 mai, l’Armée de terre américaine réussit un test parfait de son missile Jupiter.  La réussite est si belle aux yeux des concepteurs du missile que ceux-ci peuvent difficilement résister à la tentation d’utiliser un Jupiter pour lancer un satellite — au risque de détrôner la Navy! (Voir texte suivant.)

Suite: Juin 1957: Ils nous avaient pourtant prévenus

Voir aussi: May 1957: Something Happened in Secret dans The Great Adventure Project

En mai, les Américains et les Soviétiques testent leurs futurs lanceurs de satellite. La course à l'espace est déjà engagée… même si on ne le sait pas encore.
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En 1957, trois fusées se disputent l'honneur de lancer des satellites.  À gauche, la grosse fusée russe R-7 (haute comme un édifice de 11 étages). Au centre, le missile Jupiter de l'Armée de terre américaine, et à droite, la très mince Vanguard de la Navy.

 
 

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Exemple du transport d’une fusée de type R-7 de son bâtiment d’assemblage jusqu’à son érection sur sa plate-forme de tir.
 
 
Un missile R-7 sur sa plate-forme de tir au cosmodrome de Baïkonour. Durant sa préparation, le missile est encerclé par des structures qui donnent accès à ses composantes et systèmes.

 
 
Lire le récit de la destruction de la Navette spatiale en 1986: À bord de Challenger.

 
 
Consultez la liste des deux mille lancements de la fusée Semiorka (dérivée du missile R-7).

 
Tir d'un missile Jupiter.

 

© Claude Lafleur, 2010 Mes sites web: claudelafleur.qc.ca