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Juillet 1957 Récit précédent

Prélude

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     Il se passe relativement peu de choses en juillet, si ce n’est l’impression qu’une nouvelle ère est sur le point de s’amorcer.

Les débuts de l’ère spatiale

      Le 1er juillet marque en effet l’ouverture de l’Année géophysique internationale. Durant 18 mois, des milliers de chercheurs de 67 pays coordonneront leurs efforts pour scruter l’environnement terrestre et spatial. Ils utiliseront à cette fin la gamme des moyens à leur disposition, dont des ballons et des fusées-sonde porteurs d’instruments de mesure. 
      La mise en œuvre de cet effort scientifique ayant conduit les États-Unis et l’Union soviétique à annoncer le lancement de satellites, le New York Times parle de l’imminence d’une nouvelle ère. «Au cours du printemps de 1958, l’homme lancera une lune artificielle dans l’espace, écrit-on. Si l’effort est couronné de succès, comme le pensent les scientifiques, ce sera la réalisation de l’un des rêves les plus ambitieux de l’homme, le début d’une nouvelle ère dans l‘histoire, possiblement même de l’ère la plus importante depuis l’apparition de l’homme il y a un million d’années.»

Juillet 1957: nous sommes sur le point de «réaliser l’un des plus grands rêves  de l’homme…, possiblement le début de l’ère la plus importante depuis notre apparition sur Terre… Cette percée de l’homme dans le royaume spatial marquera le début de l’ère des voyages interplanétaires et de la conquête de l’espace.»
      Selon Joseph Kaplan, représentant américain au comité international de l’année géophysique, les satellites «représentent une étape de plus dans notre quête incessante pour parfaire nos connaissances de l’Univers physique. Il s’agit de l’une des étapes les plus significatives entreprises par l’homme», dit-il. Les États-Unis se proposent de lancer six satellites au cours de l’année géophysique, chacun devant étudier les radiations en provenance du Soleil et de l’espace. 
     Le New York Times estime de ce fait qu’«Il est possible que nous soyons sur le point de découvrir de nouvelles forces, des forces totalement inconnues et qui pourraient faire de l’énergie atomique quelque chose de banal par rapport à ce que ces forces pourraient représenter pour notre avenir. Surtout, cette première percée de l’homme dans le royaume spatial marquera incontestablement le début de l’ère des voyages interplanétaires et de la conquête de l’espace.» 
Note: on estime à présent que l’apparition de l’espèce humaine remonte à huit millions d’années.
Le R-7 est-il viable ?

     Le 12 juillet, les Soviétiques procèdent au troisième tir de leur missile R-7, toujours dans le plus grand secret. Cette fois, la fusée s’élève peu après la mise à feu de ses moteurs, mais elle explose 33 secondes plus tard. Il appert que le missile s’est mis à tournoyer sur lui-même de plus en plus vite, jusqu’à ce que ses quatre fusées latérales se détachent du corps central.
     À la suite de ce troisième revers consécutif, certains commencent à douter que l’idée même du R-7 — cinq fusées collées les unes aux autres et munies de 32 moteurs-fusées — soit réalisable. Sera-t-il possible de faire fonctionner correctement tous ces moteurs-fusées à la fois, se demande-t-on.
 

Les 32 moteurs-fusée à la base d'un R-7; pourront-ils fonctionner correctement tous ensemble?
 
Jeux de cache-cache

     Au lendemain de l’échec du R-7 (inconnu en Occident), le New York Times cite des «informations dignes de foi» circulant à Washington et qui indiquent que les Soviétiques seraient «nettement en retard» par rapport aux Américains dans le développement des missiles intercontinentaux.
     Or, comme nous l’apprendrons des décennies plus tard, les services du renseignement américains connaissaient très bien les installations du cosmodrome de Baïkonour. Ainsi, en ce mois de juillet, l’un de leurs avions-espions U-2 photographie la gigantesque plate-forme de tir des R-7. En constatant l’ampleur de ces installations, les analystes américains ont dû en déduire que les Soviétiques préparent un missile nettement plus imposant que les leurs.

     Au même moment, les ingénieurs russes chargés de concevoir les ogives nucléaires trouvent le moyen d’alléger celles-ci, accroissant par le fait même la portée du missile R-7 de 50%. Une fois mis au point, les R-7 devraient être capables d’atteindre des cibles situées à 12 000 kilomètres de leur point de départ. «Nous pourrons viser l’Amérique à partir de n’importe quel endroit de notre territoire», s’exclame Korolev. 

     Enfin, devant le comité sur le désarmement des Nations Unies, les Américains proposent de bannir toute utilisation militaire des missiles intercontinentaux. (Ils passent sous silence les missiles de courte et de moyenne portées, dont seront bientôt dotées leurs bases en Europe.)  Les États-Unis préconisent de restreindre l’utilisation des fusées longue portée à l’exploration pacifique de l’espace. Les Soviétiques rétorquent en proposant plutôt l’interdiction pure et simple de toutes les armes nucléaires! 
 

Vue aérienne de la plate-forme de tir pour missile R-7 prise par un avrion-espion américain U-2 à l'été de 1957. Cette photo illustre le fait que les services de renseignements américains devaient déjà avoir une bonne idée de ce que préparaient les Soviétiques.
Un avion-espion U-2.
Projets militaires originaux

     En juillet, l’Armée de l’air américaine dévoile une méthode très originale pour explorer l’espace. De gigantesques ballons transporteront de petits missiles à trente kilomètres d’altitude. De là, ces missiles seront tirés en direction de l’espace. Les militaires espèrent ainsi parcourir plusieurs milliers de kilomètres dans l’espace. Selon un porte-parole, ces missiles dépasseront «de nombreuses fois» le record en altitude de 800 kilomètres établi à ce jour. Le premier tir d’un missile devrait avoir lieu cet automne. Le projet est bizarrement baptisé Far Side — le terme anglais désignant la face cachée de la Lune — bien que ces missiles seront incapables de parcourir les 385 000 kilomètres nous séparant de notre satellite naturel.
     Par ailleurs, Mikhaïl Tikhonravov, l’ingénieur qui rêve plus que Korolev de lancer des satellites, propose aux militaires soviétiques de lancer des satellites-espions à l’aide de missiles R-7 améliorés.  Sa proposition mènera à la conception d’engins d’espionnage Zenit lancés à partir de 1961. En cela, Tikhonravov suit les traces des Américains qui lanceront à partir de 1959 des satellites-espions Key Hole (trous de serrure).

Qui sera le premier ?

     La course au premier satellite, pourtant jamais déclarée, ne cesse de s’intensifier. 
     Ainsi, les responsables du programme Vanguard annoncent qu’un petit satellite pourrait être lancé dès novembre par la quatrième fusée d’essai. D’un poids de deux kilos seulement, ce satellite ne sera pas doté d’instruments scientifiques comme ses successeurs de 10 kilos qui doivent prendre la route de l’espace à partir du printemps prochain.

     De leurs côtés, les ingénieurs responsables du programme R-7 aimeraient bien lancer leur premier satellite le 17 septembre.  Pourquoi cette date?  Parce qu’elle marquera le centième anniversaire de naissance de Constantin Tsiolkovski, le «père de la cosmonautique». Quelle façon extraordinaire d’honorer celui qui le premier a trouvé la façon d'accéder à l’espace (en fusée). Il faudra cependant réussir un premier tir de R-7.  Une quatrième tentative étant prévue pour le 15 août, les délais seront serrés.

Suite: Août 1957: Si on avait su…

Voir aussi: July 1957: IGY: the First Step of the Space Age dans The Great Adventure Project

Le système Far Side. Dans un premier temps, un missile est transporté à trente kilomètres d'altitude par un gros ballon.  Dans un second temps, le missile est tiré à travers le ballon. Les militaires espèrent ainsi explorer plusieurs missiers de kilomètres de l'espace.
© Claude Lafleur, 2010 Mes sites web: claudelafleur.qc.ca