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Septembre 1957 Récit précédent

À l’aube du rêve

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     Le rêve de Sergueï Korolev est sur le point de se concrétiser, tout est en place pour le lancement du premier satellite.  Malgré tous les déboires qu’éprouvent les Américains, il craint tant que ceux-ci ne lui dament le pion qu’il demeure plus que jamais pressé.

Le R-7 qualifié

     Pendant qu’à Cap Canaveral, les techniciens ne parviennent toujours pas à procéder aux tests d’avant-lancement de leur fusée Vanguard, à Baïkonour, leurs confrères procèdent au cinquième tir d’un R-7.
     Le missile intercontinental s’envole sans problème le 7 septembre. Comme la fois précédente, il accomplit l’essentiel de sa mission en retombant en Sibérie. Cependant, là encore, l’ogive brûle dans l’atmosphère. Le test n’est pas moins qualifié de succès. Les experts en matériaux auront besoin de six mois pour concevoir une ogive capable de résister à la friction de l’air. 
     Alors qu’ils avaient publicisé leur réussite précédente, les autorités soviétiques passent sous silence ce second succès.
     De leurs côtés, les militaires américains procèdent au deuxième tir de leur missile intercontinental Atlas. Comme en juin, celui-ci est détruit à 4 kilomètres d’altitude, après 50 secondes de vol seulement.
 

«D’ici peu, les premières tentatives de lancer un satellite artificiel autour de la Terre seront réalisées à des fins scientifiques en URSS et
 aux USA.» 
— Sergueï Korolev, 17 septembre 1957
(sa dernière déclaration publique)

 
Récapitulation des essais 
américains et soviétiques
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1er tir Vanguard décembre 1956 Succès
2è tir Vanguard mai 1957 Succès
1er tir d’un R-7 mai 1957 Échec
2è tir d’un R-7 juin 1957 Échec
1er tir d’un Atlas juin 1957 Échec
3è tir d’un R-7 juillet 1957 Échec
4è tir d’un R-7 août 1957 Succès
5è tir d’un R-7 septembre 1957 Succès
2è tir d’un Atlas septembre 1957 Échec
Ce tableau récapitule les tests de fusées réalisés depuis un an. Il montre que les Soviétiques sont prêts à lancer un satellite, alors que les Américains ne sont toujours pas parvenus à tester leur fusée Vanguard à trois étages.
6 octobre

     Que faire à présent?  Évidemment, ayant complété les deux tirs d’essai qu’on exigeait de lui, Korolev peut enfin se consacrer au lancement du premier satellite.
     Le 20 septembre, il rencontre à Moscou les membres de la commission d’État chargés de superviser l’opération. Considérant le temps qu’il faut pour préparer un sixième R-7 et sa précieuse charge, la commission fixe au 6 octobre la date du lancement. Elle décide en outre que l’opération ne sera pas annoncée d’avance (comme le font les Américains) mais uniquement lorsque la satellisation aura eu lieu. Ce faisant, ils établissent la politique de ne jamais divulguer leurs insuccès spatiaux. Il faut dire que, dans l’esprit des dirigeants russes, le système communiste ne connaît jamais de raté… contrairement au capitalisme!
 

Les cent ans

      Le 17 septembre, l’essentiel des participants au programme spatial soviétique se rassemble au grand Hall des sciences soviétiques à Moscou afin de souligner solennellement la naissance de Constantin Tsiolkovski (biographie ci-contre).
     C’est l’occasion pour Sergueï Korolev de prononcer un discours qui, si on avait su ce qu’il préparait, aurait fait les manchettes du lendemain.  Il déclare: «D’ici peu, les premières tentatives de lancer un satellite artificiel autour de la Terre seront réalisées à des fins scientifiques en URSS et aux USA.»  (La Pravda reproduit le texte signé par Korolev; il s’agira de la dernière mention publique de son nom. Jusqu’à sa mort en janvier 1966, il sera seulement connu comme le «concepteur en chef» des engins spatiaux soviétiques.)
     Son collègue Valentin Glouchko précise dans le quotidien Izvestia que le premier satellite soviétique sera nettement plus lourd que les engins américains et qu’il sera muni d’un puissant émetteur radio qui pourra être capté par les radioamateurs du monde. (Précisions tout à fait exactes.)
     Le New York Times rapporte en outre que le thème de la soirée Tsiolkovski a été: «L’assaut à l’Univers a commencé». Il cite aussi les propos diffusés par Radio-Moscou à l’effet que les savants soviétiques «réaliseront sous peu les premiers pas dans le cosmos en lançant un satellite artificiel de la Terre.» 
     C'est dit.
 

Constantin Tsiolkovski (1857-1935)

Professeur de mathématiques et de physique à l'École pour filles de Kalouga, Tsiolkovski se passionne pour les techniques de vol dans l’espace à l’aide de fusées. Il réalise des travaux théoriques qui seront en avance de plusieurs décennies sur le développement scientifique.
     Dès 1883, il énonce l'idée d'utiliser la propulsion par réaction pour lancer des engins interplanétaires.  En 1903, il fait paraître Exploration des espaces cosmiques par des engins à réaction dans lequel il pose pour la première fois les lois du mouvement d'une fusée.  En 1929, il fait publier Les Trains de fusées cosmiques où il énonce le concept des fusées à plusieurs étages.
     Tsiolkovski imagine une gamme de solutions technologiques essentielles à la construction des fusées. Il établit les bases de la théorie du moteur-fusée à carburants liquides et examine divers propergols pour ces moteurs.  C’est également à lui qu’on attribue les premiers calculs concernant la possibilité de voyage interplanétaire et de mise en orbite de satellites.
     Constantin Tsiolkovski poursuivra ses travaux jusqu’à sa mort en 1935, à l’âge de 78 ans. (Plus dans Wikipédia)

Pressons le pas

     Fin septembre, les préparatifs se déroulent si bien que Korolev demande à la commission d’État la permission de devancer le tir de deux jours. En fait, les Américains l’inquiètent. Il a entendu dire que le 6 octobre — jour prévu du lancement —, un expert américain prononcera à Washington une communication scientifique intitulée «Un satellite en orbite terrestre». Il craint par conséquent qu’un tel engin soit alors déjà en orbite.
     Le 29 septembre s’ouvre à Washington une conférence de six jours organisée par l’Académie américaine des sciences et portant sur les fusées et satellites. Des chercheurs de douze pays y participent, dont quelques têtes d’affiche soviétiques. En conférence d’ouverture, un certain Sergueï Poloskov utilise le mot spoutnik, terme russe signifiant compagnon de voyage. À l’entendre, certains ont l’impression que le lancement du premier satellite est imminent.

Suite: 3 octobre 1957: À quoi pense Korolev ?

Voir aussi: September 1957: Countdown to a New Era dans The Great Adventure Project

© Claude Lafleur, 2010 Mes sites web: claudelafleur.qc.ca