Dernière mise à jour : 8 février
2003
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Données
techniques
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L'équipage
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Présentation
de la mission
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Compte-rendu
de la mission
La destruction de Columbia :
• 1er février
: « Il est beaucoup trop tôt pour savoir…
»
• 1er février
: Ce que la NASA nous dit
• 2 février
: Gare aux faux-experts !
• 2 février
: Columbia victime de « circonstances exceptionnelles
» ?
• 2 février
: Ce que nous dit la NASA
• 2 février
: Que sera l'après-Columbia ?
(article publié dans La Presse)
• 3 février
: « Challenger : c’est reparti ! »
• 3 février
: À la recherche du « chaînon
manquant »
• 3 février
: Les derniers instants de Columbia
• 4 février
: L’enquête fait des « progrès
considérables »
• 5 février
: « Je vous l’avais bien dit ! »
• 5 février
: « Vous faites fausse route ! »
• 5 février
: Columbia « frappé » dans le
ciel californien ?
• 6 février
: Au sujet des causes possibles de l’accident
• 7 février
: Des observations intéressantes,
mais il faut attendre
• 7 février
: Première semaine frustrante d’une longue
et difficile enquête
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« Il est beaucoup trop tôt pour savoir… »
Ce que nous savons, en ce 1er février au soir…
L’orbiteur Columbia s’est désintégré au-dessus du
Texas peu avant 9h00 (EST), 16 minutes avant de se
poser sur la piste du Kennedy Space Center, en Floride. Le véhicule
se trouvait alors à 63 kilomètres d’altitude et filait à
Mach 18 (18 fois la vitesse du son, soit 20 000 km/h). La destruction du
vaisseau serait survenue précisément au moment ou l’orbiteur
était soumis au stress maximal de son passage dans l’atmosphère
terrestre.
Ce retour, au terme d’une mission scientifique de 16 jours, s’est effectué
jusque là normalement. Le commandant Husband et le pilote McCool
avaient amorcé la descente à 8h15 en allumant les rétro-fusées
qui ont, comme d’habitude, décroché l’orbiteur de sa trajectoire.
Par la suite, toutes les transmissions radio en provenance du vaisseau
indiquaient que tout était normal à bord, et ce jusqu’à
8h53. À ce moment-là, les contrôleurs de vol ont d’abord
perdu les mesures de température des systèmes hydrauliques
de l’aile gauche de l’orbiteur. «C’est comme si on avait arraché
le fil du senseur», précise Milt Heflin, le directeur de vol
de la mission STS 107.
Trois
minutes plus tard, les contrôleurs ont observé une augmentation
de la température du train d’atterrissage rangé dans l’aile
gauche de Columbia. Puis, à 8h58, les contrôleurs n’ont plus
reçu d'indications des températures de la bordure de l’aile
gauche. Enfin, une minute plus tard, tout contact radio a cessé.
Ron Dittemore, le directeur du programme de la Navette spatiale, précise
que l’équipage se serait apparemment aperçu que quelque chose
clochait à bord, mais rien n’indique qu’on aurait le temps de faire
quoi que ce soit. (Il n’a pu préciser les derniers mots prononcés.)
Après
plusieurs tentatives pour rétablir le contact, le directeur des
opérations de retour, Leroy Cain, a sonné l’état d’urgence.
À 9h16, soit au moment où Columbia aurait dû se poser
au Kennedy Space Center, et en l’absence de tout contact, les contrôleurs
ont entrepris de sauvegarder toutes les données de leurs ordinateurs.
En
conférence de presse à 15h00, Dittemore et Heflin ont déclaré
qu’il était beaucoup trop tôt pour spéculer sur les
causes de la destruction de Columbia, refusant par le fait même de
se prononcer sur quoi que ce soit.
L’hypothèse
qui circule le plus pour l’heure serait que les tuiles thermiques sous
l’aile gauche de Columbia auraient été endommagées
lors du lancement par un débris provenant du réservoir extérieur
de la Navette spatiale. Certaines tuiles auraient été sérieusement
endommagées, exposant la carlingue d’aluminium de l’orbiteur, mais
sans que n’en sache quoi que ce soit les astronautes. Puis, 16 jours plus
tard, lors du retour dans l’atmosphère, des tuiles se seraient détachées
en cascade,
exposant davantage la structure de l’aile gauche. Un astronome californien
(Anthony Beasley, gestionnaire de programme à l'Observatoire radio-astronomique
de la vallée Owens) rapporte d’ailleurs avoir observé des
débris émanant de Columbia lorsque celui-ci est passé
au-dessus de la Californie quelques minutes avant de survoler le Texas.
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The Space Shuttle
Columbia and its seven astronauts were lost today when the vehicle broke
up over north central Texas during its reentry from orbit. Communications
were lost with Columbia and its crew at around 9:00, while the shuttle
was traveling about 18 times the speed of sound ([20 000 km/h]) at an altitude
of 207,000 feet [63 km]. Columbia was 16 minutes from landing at the Kennedy
Space Center when flight controllers at Mission Control lost contact with
the vehicle. Prior to the loss of communications with Columbia, the shuttle's
return to Earth appeared perfectly normal.
In a briefing, Chief Flight Director Milt Heflin said that around 8:53, just minutes before communications were lost with Columbia, flight controllers detected indications of a loss of hydraulic system temperature measurements associated with Columbia's left wing, followed three minutes later by an increase in temperatures on the left main gear tires and brakes. At 8:58, flight controllers noted a loss of bondline temperature sensor data in the area of the left wing followed a minute later by a loss of data on tire temperatures and pressures for the left inboard and outboard tires. After several attempts to try to contact Columbia, Cain declared a contingency, whereby flight controllers began preserving documentation regarding the entry phase of the flight. Recovery forces fanned out from Texas to Louisiana to try to recover debris that will be pertinent to the mishap investigation. |
Voir aussi mon article publié dans La
Presse du 2 février: Que
sera l'après-Columbia ?
Gare aux faux-experts !
Nous
désirons tous savoir ce qui s’est passé dans le ciel du Texas
peu après 9 heures, ce 1er février 2003. Tous, nous
brûlons de savoir ce qui a provoqué la désintégration
de Columbia…
C’est la question pressante à laquelle doivent répondre la
kyrielle d’experts de la Navette spatiale…
Or, il a été navrant d’entendre mains «experts»
évoquer la cause probable de l’accident, et ce moins d’une heure
après la disparition de Columbia. Alors qu’il faudra en réalité
des jours, voir des semaines sinon même des mois, pour que des équipes
spécialisées déterminent avec certitude ce qui a provoqué
l’accident, voilà que des «experts» qui ignorent tout
des circonstances du retour de Columbia se prononcent presque sans équivoque!
«C’est probablement un problème de tuiles, possiblement endommagées
lors du lancement de Columbia, qui a entraîné la destruction
de l’aile gauche de l’orbiteur, provoquant la perte du véhicule
et de ses valeureux astronautes.» Tel est, en substance, ce qu’on
a pu entendre dès la matinée.
Or, curieusement, ceux qui en savent le plus sur les événements
– les responsables de l’envolée – se refusent à toute spéculation
hâtive. Autrement dit: eux qui en savent le plus en concluent le
moins, alors que ceux qui en savent le moins tirent des conclusions. Phénomène
courant qu’observent tous ceux et celles qui, dans une situation quelconque,
en savent davantage que d’autres!
Gare donc aux experts qui spéculent du haut de leur ignorance sur
les causes de la tragédie.
Ainsi,
il y a 17 ans, dans les heures suivant la destruction de Challenger, quantité
d’experts ont également spéculé sur les causes de
la tragédie… spéculations qui se sont éventuellement
avérées erronées.
Bien
sûr, nous brûlons tous de savoir ce qui s’est passé,
mais nous devons hélas tous attendre que les véritables experts
se prononcent... espérons le plut tôt possible.
Autre problème observé chez les «experts» de
la Navette spatiale qui se sont soudainement pointés dans les médias:
le nombre effarant de faussetés qu’ils véhiculent! Avec tout
ce que j’ai entendu dès les premières heures du drame, je
pourrais dresser une liste terriblement longue d’absurdités profanées
par des «experts». Trois exemples de perles? «La Navette
est équipée de boîte noir (comme les avions commerciaux)»
Faux! «Les astronautes à bord de la Station spatiale sont
en sécurité car les Russes peuvent lancer à tout moment
une capsule Soyouz qui ira les récupérer.» Faux! (Le
Soyouz est déjà accroché sous la station.) La perle
reviendrait à un propos que l’un de mes proche m’a rapporté:
«Pour éviter que Columbia ne soit victime d’un attentat, la
NASA aurait modifié sa trajectoire de rentré.» Absurde!
Ce qui est le plus troublant, à mes yeux, c’est d’entendre de prétendus
experts énoncer quantité d’idioties avec la plus grande certitude.
Pour le profane, impossible de savoir si ce qu’on lui rapporte est véridique…
Cela me trouble véritablement car j’en conclu que, dans des domaines
où mes connaissances sont faibles, je ne puis savoir si ce que j’entends
dans les médias a une valeur quelconque.
Mais comment savoir si on a affaire à un véritable expert?
De fait, aucun expert ne peut tout connaître et avoir réponse
à toutes les questions posées sur le vif. Le véritable
expert doit pouvoir dire «Eh bien ça, vous m’excuserez, je
l’ignore.» De fait, pour l’heure, tout «expert»
qui énonce la cause de la tragédie… ne sait pas de quoi il
parle!
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Dimanche
matin, 2 février, Sean O’Keefe, l’administrateur de la NASA, a accordé
une série d’entrevues à différents médias américains.
Dans certaines, il a laissé filer que la destruction de Columbia
pourrait être survenue dans des «circonstances exceptionnelles».
Ce
qui intrigue dans ce propos (qui est pratiquement passé inaperçu),
c’est qu’il n’était jamais clair si M. O’Keefe laissait entendre
que les enquêteurs avaient déjà connaissance de «circonstances
exceptionnelles» ou si seulement il spéculait quant à
la possibilité que l’orbiteur pourrait avoir été victime
de «circonstances exceptionnelle».
Quelle
est l’importance de tout cela?
Imaginons
que l’on en vienne à découvrir que Columbia ait véritablement
été victime de circonstances exceptionnelles. Imaginons,
par exemple, un scénario fort peu probable: durant sa rentrée
dans l’atmosphère, quelque part au-dessus du Pacifique, Columbia
est frappé par une pluie de micro-météorites. Ces
minuscules grains de sable entrant au même moment que Columbia dans
l’atmosphère, auraient alors endommagé certaines tuiles de
l’orbiteur. Puis, quelques minutes plus tard, au-dessus du Texas, c’est
la catastrophe…
Or,
les conséquences d'un tel scénario (fort improbable) seraient
très différentes d'une tragédie due à une faiblesse
ou à une carence dans les tuiles protectrices de Columbia (ce qui
est plus vraisemblable). Dans le premier cas, on devrait conclure que l’orbiteur
a été extrêmement malchanceux – il y a probablement
moins d’une «chance» sur 1 milliard pour qu’une telle rencontre
fortuite survienne. On pourrait alors reprendre assez rapidement les vols
de Navette. Par contre, si on découvre une carence dans le système
de protection thermique des orbiteurs, il faudra y remédier, ce
qui pourrait prendre des mois, si non même bien plus qu’une année
(comme ce fut le cas à la suite de Challenger). Une
question incontournable se poserait alors: doit-on continuer de faire voler
des véhicules qui subissent une défaillance catastrophique
à toutes les 50 ou 60 missions?
En
parlant donc de «circonstances exceptionnelles», le grand patron
de la NASA sait-il quelque chose de particulièrement important?
During an afternoon briefing,
Space Shuttle Program Manager Ron Dittemore reconstructed the final minutes
of Columbia's flight before communications was lost. He reiterated the
failure of four temperature sensors associated with the shuttle's left
hand elevons at 8:53, amidst a 20-30 degree rise in left hand bondline
and strut temperatures over a five-minute period near the left wheel well
of the orbiter. Columbia was flying over California at the time at an altitude
of about 220,000 feet [67 km] traveling 21 times the speed of sound.
One minute later, over the region of eastern California and western Nevada, Columbia's mid-fuselage bondline temperatures above the left wing experienced an unusual temperature increase. It rose 60 degrees over a five-minute period. No such temperature increase was noted on the right side of Columbia or in the Shuttle's cargo bay. Columbia was about 212,000 feet [64,5 km] above the Earth, flying at Mach 20. At 8:58, over New Mexico, telemetry showed a larger than normal drag on the left side of the shuttle, and an indication of an increase in pressure in the left main landing gear tires. Dittemore said the data suggests the tires remained intact. Columbia's altitude was 209,000 feet [63.7 km]. At 8:59, over west Texas, the data showed Columbia continuing to react to an increased drag on its left side, trying to correct the movement by rolling back to the right. Dittemore said the response of the orbiter was well within its capability to handle such maneuvers. At that time, seconds before 9, all communications was lost with Columbia as it flew at an altitude of 207,000 feet [63,0 km], 18 times the speed of sound. |
Deux photos prises par une carméra longue-portée environ 80 secondes après le décollage. On semble y voir un morceau du revêtement-mousse provenant du réservoir extérieur frappant l'aile gauche de l'orbiteur. À gauche de chaque photo, la fusée à poudre gauche (de laquelle émane une longue traînée jaune) et, à droite, Columbia (avec ses trois moteurs de queue en fonction). (Clip vidéo (mpeg)) |
« Challenger : c’est reparti ! »
Deux
jours à peine après la destruction, tout à fait
inattendue, de l’orbiteur Columbia, nous voilà replongeant dans
le climat de folies qui a suivi la perte de Challenger. Cette fois, toutefois,
ce pourrait être plus délirant étant donné le
contexte particulier dans lequel nous vivons.
D’une part, contrairement à la Tragédie
de Challenger, alors qu’on avait eu rapidement une bonne idée
des causes de la catastrophe (la rupture d’un joint de l’une des fusées
d’appoint de la Navette), voilà qu’on ignore encore tout de la cause
de la destruction de Columbia. Résultat: la machine à rumeurs
est enclenché!
Hormis le scénario que «tout» le monde privilégie
– les tuiles sous l’aile gauche de Columbia, endommagées dès
le lancement, ont mené à la perte de l’orbiteur – le fait
demeure qu’on ne sait pas ce qui a entraîné
la perte de la Navette spatiale.
Gardons
à l’esprit que les responsables de la NASA (qui en savent beaucoup
plus que nous) persistent à dire qu’aucune hypothèse n’est
à exclure et, surtout, ils insistent pour affirmer que le débris
observé se détachant du réservoir extérieur
quatre-vingt secondes après le décollage n’a pu endommager
sérieusement les tuiles de protection thermique. Ils rappellent
avec insistance qu’à chaque lancement, des morceaux de glace se
détachent du réservoir extérieur pour venir percuter
l’orbiteur. De la glace, et non un revêtement-mousse… donc
beaucoup plus percutant! Mais, hélas, notre désir de chercher
à connaître immédiatement la cause de la tragédie
nous pousse inexorablement vers une explication hâtive.
On observe en outre la mise en route de la machine à rumeurs qui
fait état d’une multitude de «révélations inquiétantes».
Certaines «informations» (que je ne rapporterai pas précisément
afin d’éviter de les propager davantage) montreraient la négligence
de la NASA ou le fait que celle-ci savait que l’équipage était
condamné… Le même genre de «révélations»
avaient circulé à l’époque de Challenger. Toutefois,
cette fois, il faut compter avec les services de nouvelles continues et,
surtout, avec l'Internet. Nul doute qu’on assistera à une pléthore
d’informations sensationnelles… d’autant plus qu'il faudra du temps avant
de savoir ce qui s’est véritablement passé.
De là naîtra des théories de complot que seront habilement
exploitées par des auteurs à sensation, aidés en cela
par des médias crédules. Nul doute que, dans les circonstances
actuelles – en plein paranoïa terroriste et à la veille d’une
guerre annoncée --, la destruction de Columbia sera une affaire
en or pour les profiteurs de la crédulité populaire et médiatique.
(Nul doute aussi que certains interprètes de Nostradamus, devins
et astrologues sauront profiter de la manne… Mais oui, mais oui,
comme c’est leur habitude, ils nous préviennent après
l’événement!)
Et
à tout cela -- j'allais presque l'oublier! -- s'ajoute le «NASA
bashing» -- c'est-à-dire les critiques percutantes décochées
à l'endroit de l'Agence spatiale américaine... «cette
bande d'incompétents qui sacrifient la sécurité des
astronautes pour de vulgaires considérations budgétaires!».
Et on débattra une fois de plus des éternelles questions:
pourquoi explore-t-on l'espace?, pourquoi y envoyer des humains plutôt
que des robots?, pourquoi dépenser tant de milliards $ alors qu'il
y a tant à faire sur Terre?... Bref, les mêmes questions
posées en 1986... et auxquelles je
me dois de répondre... Misère !
.
Lundi
3 février à 17h., Ron Dittemore, directeur du programme de
la Navette spatiale, a fait le point sur les circonstances de la destruction
de Columbia. Il a d’abord indiqué que les enquêteurs s’intéressent
de moins en moins à l’anomalie qui a retenu leur attention au départ.
Ceux-ci
ont en effet été intrigués par l’augmentation de la
température (de quelques dizaines de degrés) observée
dans la soute du train d’atterrissage gauche de Columbia. Cette anomalie
laisse penser que le revêtement thermique ou le scellant de la porte
de la soute aurait pu avoir été endommagé. Toutefois,
Dittemore commente que, compte-tenu que la température à
l’extérieur de Columbia dépassait alors les mille degrés,
«une élévation de quelques dizaines de degrés
dans la soute ne signifie probablement pas grand chose…» Par conséquent,
les enquêteurs cherchent ailleurs la source du problème; l’aile
gauche aurait-elle été endommagée en un autre endroit?
Fait significatif, le responsable de la NASA a consacré une bonne
part de son exposé à expliquer pourquoi les ingénieurs
de la NASA affirment sans réserve que le débris observé
lors du lancement ne peut avoir endommagé sévèrement
le revêtement thermique de l’orbiteur. Il a ainsi longuement expliqué
comment l’analyse a été réalisée, notamment
en tenant compte qu’un incident semblable est survenu lors de la mission
STS-112. D’après ce que les astronautes de cette mission ont observé,
les spécialistes ont calculé qu’un morceau de revêtement
isolant du réservoir extérieur -- une sorte de revêtement-mousse
de la taille d’une brique d’environ 50 cm x 40 cm x 15 cm et pesant un
kilo --, est venu frapper le dessous de la carlingue. Dittemore a cependant
insisté pour montrer que l’impact n’a vraisemblablement causé
que peu de dommage puisqu’il s’est produit sous un angle faible, et non
pas de plein fouet (à 90°). «Nous avons évalué
les conséquences de l’impact d’un morceau du revêtement selon
des angles de 10°, 13° et 16°, a-t-il expliqué, et nous
considérons que certaines tuiles pourraient avoir été
endommagées, mais pas sévèrement.»
Il a ensuite indiqué que les enquêteurs sont à la recherche
du «chaînon manquant». c’est-à-dire «qu’il
nous manque quelque chose pour expliquer l’accident et nous sommes à
la recherche de ce quelque chose…» Dittemore a aussi rapporté
que les enquêteurs aimeraient beaucoup retrouver des parcelles de
Columbia qui seraient tombées en amont de l’immense champs de débris
qui jonchent l’est du Texas et l’ouest de la Louisiane.
Il
rapporte aussi que la NASA s’intéresse beaucoup aux observations
de l’astronome californien qui aurait vu des parcelles se détacher
de Columbia quelques minutes avant sa destruction. «Les enquêteurs
sont en contact avec cet astronome», confirme-t-il. «Et si
seulement nous pouvions trouver ces débris -- s’ils existent --,
ce serait très important!» dit-il. Il ajoute cependant: «Mais
imaginons que des tuiles se soient détachées alors que Columbia
filait à plus de vingt fois la vitesse du son et à une altitude
de plus de 70 kilomètres…, où donc pourraient-elles être
tombées?!» Il précise néanmoins que les spécialistes
de la NASA tentent de calculer dans quelle zone rechercher de tels débris.
Commence-t-on
à s’éloigner de la théorie qui séduit tant
de gens?
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Lors du point de presse de
fin d’après-midi, mardi 4 février, Michael Kostelnik, la
haut-responsable pour la NASA du programme de la Navette spatiale, a annoncé
que des débris auraient été repérés
en Arizona et en Californie, soit en amont d’où s’est disloqué
Columbia. Cette information est particulièrement importante car,
si la nature de ces débris est confirmée, cela pourrait grandement
éclairer les causes de la tragédie.
Si par exemple des tuiles
étaient récupérées en Californie, cela confirmerait
les observations de l’astronome californien. De surcroît, chaque
tuile étant unique, il sera facile de déterminer quel endroit
de l’orbiteur elles protégeaient et, par le fait même, quelle
portion de Columbia aurait été endommagée avant sa
destruction, Si, par ailleurs, on trouvait d’autres pièces, cela
pourrait orienter l’enquête dans de nouvelles directions…
Pour l’instant, la NASA
ne peut cependant pas confirmer la nature de ces débris (si même
il s’agit bel et bien de parcelles de Columbia). «Tout ce qui s’est
produit plus tôt est important, d’indiquer Kostelnik. S’il s’agit
de portions d’une aile, ce sera très important pour l’enquête.»
Par ailleurs, lors de la
cérémonie qui s’est tenue à la mémoire des
sept astronautes au Centre spatial Johnson, à Houston, le président
Bush a déclaré que le programme spatial allait se poursuivre:
«America's space program will go on», a-t-il lancé sur
un ton apparemment résolu. Restera à voir quelles actions
concrètes suivront cette belle parole… particulièrement de
la part du Congrès américain.
Commentaires Il n'a fallu que deux ou trois jours, à
suite de la destruction de Challenger, pour cerner l'origine de l'accident.
Or, dans le cas de Columbia, nous sommes toujours dans l'obscurité.
La différence? L'absence de films. Challenger étant
survenue au décollage, nous disposions de quantité de prises
de vue montrant la Navette sous toutes ses coutures, ce qui a permis d'observer
la rupture d'un joint d'une fusée à poudre. Dans le cas de
Columbia,
nous avons par chance un film tourné par une télévision
texane (et quelques autres vidéos à venir, nous rapporte-t-on),
mais l'orbiteur se trouvant si haut dans le ciel (à 60 km) qu'on
ne distingue aucun détail. Hélas donc, il faut attendre...
mais la «nature ayant horreur du vide», sans doute que des
«révélations» tenteront de combler ce vide...
Deux photos composites (construites à partir de 17 prises de vue) montrant les dessous de l'orbiteur Columbia (en gris) avant l'impact du morceau de foam (à gauche) et après (à droite). Aucun dommage aux tuiles n'est visible (mais la résolution est faible). (Photo haute résolution : 0,8 meg.) (Clip vidéo #1 et #2 en mpeg) |
Lors du point de presse de
11h30, mercredi 5 février, Michael Kostelnik, le haut-responsable
des programmes de la Navette spatiale et de la Station spatiale, a eu à
répondre à des cas de «rapports révélateurs»
qui surgissent ça et là dans les médias concernant
des avertissements qui auraient été adressés aux responsables
de la NASA. Kostelnik a repris l’image lancée lundi par Ron Dittemore
à l’effet que: «Lorsque vient le temps de décider de
lancer ou non une Navette, vous vous retrouvez devant une gang de
20 000 personnes qui cherchent une raison pour ne pas lancer!»
Dittemore, qui est
le directeur du programme de la Navette spatiale, avait expliqué
que la décision de procéder à un tir est un «processus
ouvert» dans le cadre duquel n’importe quel ingénieur peut
faire valoir son point. «Vous avez donc quelque chose comme 20 000
personnes, reliées d’une façon ou d’une autre à la
mission, qui peuvent exprimer leurs réserves… Tous sont encouragés
a le faire, a-t-il insisté. Bien sûr, il est impossible d’arriver
à une décision unanime, mais ce qui est certain, c’est que
toutes les craintes exprimées sont prises en considération.»
Pas étonnant,
par conséquent, qu’à la suite de la perte de Columbia, apparaissent
des cas de rapports d’avertissements – certains remontant même à
une douzaine d’années -- des «Je vous l’avais bien dit!»
Tant Kostelnik que Dittemore font valoir que ces rapports seront révisés
attentivement par les enquêteurs chargés d’identifier la cause
de la tragédie.
Kostelnik a en outre réitéré
ce midi que, pour côtoyer ceux et celles qui ont la responsabilité
de mener à bien les missions de navette, il a pleinement confiance
en leur jugement et dans le processus décisionnel qui mène
à un décollage.
.
Pour sa présentation de fin d’après-midi, mercredi 5 février,
Ron Dittemore a brandi un bloc de foam plus gros qu’un bottin téléphonique
et, de toute évidence, extrêmement léger. Son message:
si vous (les journalistes) pensez qu’un bloc semblable aurait pu entraîner
la perte de Columbia, vous faites fausse route!
Le directeur du programme
de la Navette spatiale a en effet expliqué que c’est un morceau
semblable qui est venu se fracasser contre l’orbiteur quelques 80 secondes
après le décollage le 16 janvier dernier. «Il s’agit
d’un matériau très léger, a-t-il montré en
manipulant le gros bloc du bout des doigts. C’est aussi un matériau
très fragile qui s’effrite facilement.» À l’œil, la
consistance du bloc ressemble à du styrofoam. C’est ainsi que la
NASA tente, une fois de plus, de réfutter l’hypothèse tant
véhiculé dans les médias à l’effet que les
tuiles sous Columbia auraient été endommagées dès
le départ. «Il est impensable qu’une telle pièce ait
pu entraîner la perte de Columbia et de son équipage»,
a tranché Dittemore.
Il a poursuivi son exposé
en indiquant que les enquêteurs cherchent ailleurs les causes de
la catastrophe. «De toute évidence, il s’est passé
quelque chose au niveau de l’aile gauche de l’orbiteur…, quelque chose
qu’on ignore, un chaînon manquant.» de dire Dittemore.
Il a aussi indiqué
que l’interprétation des données télémétriques
reçues de Columbia dans les minutes qui ont précédées
sa destruction montrent clairement que l’orbiteur a lutté pour conserver
son équilibre aérodynamique. Les ordinateurs de bord ont
entre autre activé les petits moteurs-fusées du côté
droit de l’orbiteur afin de maintenir son orientation. «L’orbiteur
a bien résisté, mais c’était peine perdue…»
.
D'intéressantes observations
semblent avoir été faites par des astronomes-amateurs en
Californie une dizaine de minutes avant la perte de Columbia. Le San
Francisco Chronicle rapporte ainsi qu’un observateur local a pris une
série de clichés numériques qui montreraient qu’un
«éclair pourpre» aurait frappé Columbia vers
8h53.
Un journaliste du quotidien
qui a vu ces photos fait les description suivante: «Un brillant jet
de lumière pourpre spirale vers la traînée de plasma
[entourant l'orbiteur], paraissant passer derrière avant de revenir
brusquement par en-dessous. Alors que le jet se confond avec la traînée
de plasma, l’éclair devient brièvement très brillant
avant de disparaître.»
La NASA a récupéré
ces photos ainsi que la caméra des mains de l’astronome-amateur
(qui désire garder l’anonymat). Ces photos, qui n’ont pas été
rendues publiques, seront examinées attentivement par les enquêteurs.
Un autre astronome-amateur
(Rick Baldridge) aurait filmé le passage de Columbia depuis San
Jose. Son film montrerait des parcelles lumineuses émanent de l’orbiteur.
Le Mercury News
rapporte pour sa part que la NASA aurait localisé un débris
d’aile en Californie.
.
Le point de presse de fin
d’après-midi, jeudi 6 février, a en bonne partie porté
sur l’organisation de l’enquête, la NASA remettant au Bureau d’enquête
indépendante toute l’information accumulée depuis samedi
dernier.
Ron Dittemore a en outre
senti le besoin de revenir (une fois de plus!) sur les conséquences
de l’impact d’un morceau de mousse protectrice sur le dessous de Columbia
peu après le décollage. Cette fois, il tenait à dire
que la NASA, malgré son doute quant aux dommages qu’auraient pu
provoquer une telle collision, étudie néanmoins la possibilité
que cet incident puisse être à l’origine de la destruction
de Columbia. En fait, le directeur du programme de la Navette spatiale
tenait à faire savoir que, pour l’heure, la NASA n’exclut aucune
hypothèse quant aux causes de la tragédie. «Nous considérons
toutes
les causes possibles et aucune ne sera éliminée avant qu’on
soit sûr…» a-t-il répété une fois de plus.
«Absolutely no stone will be unturned», a-t-il répété
comme les jours précédents.
Dittemore a ensuite expliqué
le concept du «fault tree» – l’arbre de toutes les causes
possibles ayant pu entraîner la perte de Columbia – qui est le fondement
de l’enquête en cours. C’est ainsi que différentes équipes
de spécialistes tentent d’entrevoir ce qui se serait produit si
l’un ou l’autre des systèmes de l’orbiteur, ou si un événement
extérieur quelconque, était venu perturber le déroulement
soit du lancement, de l’envolée de seize jours dans l'espace ou
le retours sur Terre.
Afin de n’omettre aucune
possibilité, les enquêteurs élaborent ainsi un «arbre»
à plusieurs «branches», chacune étant un incident
précis qui provoquerait son lot de conséquences. Une fois
l’arbre des causes élaboré, chacune de ses branches seront
analysées attentivement afin d’éliminer celles qui n’ont
pu mener à la tragédie compte tenu de toutes les informations
dont on dispose. C’est ainsi que les spécialistes se questionnent:
«Et si le morceau de foam avait endommagé les tuiles
de Columbia, que se serait-il passé par le suite?» De la sorte,
nous disent les responsables de la NASA, «aucune piste ne sera oubliée,
aucune "pierre" ne sera pas retournée».
Par ailleurs, la NASA n’a
aucune information à divulguer quant aux observations ou débris
qui proviendraient de Californie ou d’Arizona. Toutes les informations
disponibles sont soigneusement recueillies, indique-t-on, mais il est trop
tôt pour en conclure quoi que ce soit. Toutes sont confiées
au Bureau d’enquête. Dans un communiqué émis en fin
de soirée, on précise en outre que: «Jusqu’à
ce jour, aucun débris retrouvé à l’ouest de Fort Worth,
Texas, n’a été identifié comme provenant de Columbia.»
.
Dans son point de presse
de vendredi midi, 7 février, Mike Kostelnik a fait état que
l’enquête progresse lentement étant donné l’abondance
des informations recueillies de toute part. Il a aussi indiqué que
la récupération des débris de Columbia a sérieusement
été perturbée par les mauvaises conditions météo
qui ont sévies hier au Texas. Les équipes de recherche utilisent
notamment des avions et des hélicoptères équipés
de radar afin de localiser des parcelles qui seraient tombées en
forêt ou incrustées dans le sol. Or, ces appareils sont demeurés
au sol hier à cause du mauvais temps.
Le haut responsable du programme
de la Navette spatiale a néanmoins annoncé qu’un gros morceau
du bord d’attaque d’une aile de Columbia vient d’être récupéré
dans la région de Fort Worth. Il est pour l’heure impossible de
dire s’il s’agit d’une portion de l’aile gauche ou droite, mais cette trouvaille
est très importante, estime-t-il.
Quant à des parcelles
de Columbia qui seraient tombées en Californie et au Nevada, Kostelnik
précise qu’on ignore tout de leur nature, si même il s’agit
bel et bien de morceaux de l’orbiteur.
Il a en outre rapporté
que la NASA a reçu quantité de photos et de films pris par
des personnes observant le passage de Columbia dans ciel de l’ouest des
États-Unis. Parmi ces observateurs, on compte des astronomes professionnels
et amateurs ainsi que équipes militaires. Il a toutefois précisé
qu’aucun militaire n’avait pour mandat de suivre la rentrée de Columbia,
mais qu’il est fréquent que certains se servent du retour d’un orbiteur
pour les propres besoins (par exemple, pour tester un nouvel équipement
ou calibrer des instruments à l’aide d’une cible bien connue et
qu’on voit venir de loin).
Kostelnik a insisté
pour dire que, jusqu’à quelques secondes avant la perte de tout
contact radio avec Columbia (vers 8h59), le retour de l’orbiteur semblait
tout à fait normal aux yeux des contrôleurs de la mission.
Par le fait même, la NASA n’a jamais senti le besoin de recourir
aux militaires pour observer l’orbiteur. Il n’en demeure pas moins, rapporte-t-on,
que certains moyens top secrêts auraient captés des observations
intéressantes…
Michael Kostelnik s’est
finalement fait demander si la NASA possède de quelconques photographies
(ou autres observations) montrant des tuiles endommagées sur Columbia.
Celui-ci a répondu fermement «Non», voulant apparemment
faire taire tous les récits qui circulent à l’effet que,
d’une façon ou d’une autre, les responsables de la mission de Columbia
auraient eu vent de possibles dommages.
.
Lors de la désormais
traditionnelle conférence de presse de fin d’après-midi,
vendredi 7 février, Ron Dittemore a laissé filer que nous
sommes au terme d’une «semaine frustrante» et que «Les
émotions ont été intenses, la déception tout
autant.» C’est ainsi que le directeur du programme de la Navette
spatiale résume la frustration que nous ressentons tous devant le
fait qu’on n’en sait guère plus aujourd’hui sur les causes de la
tragédie qu’en début de semaine.
Nous sommes de fait
confrontés à l’absence de toutes données, dont des
images vidéos, nous montrant avec précision ce qui s’est
passé dans les dernières minutes du vol de Columbia. La NASA
a pourtant collecté quantité de photos et de vidéos,
souvent recueillis auprès de citoyens observant pour leur plaisir
le passage de Columbia au-dessus de chez eux. Mais aucune de ces images
n’a été tendues publiques alors que leur analyse sommaire
ne semble pas révéler l’état de l’orbiteur dans les
minutes précédant sa destruction. Le problème réside
dans le fait que Columbia se trouvait à plus de 60 kilomètres
d’altitude, donc bien au-delà de tout observateur, même les
mieux nantis.
À preuve, Dittemore nous a montré ce qui pourrait bien être
l’une des meilleures prises de vue de Columbia peu avant sa destruction.
Il s’agit d’une photographie prise par une caméra militaire haute-performance
et qui montre le dessous de l'orbiteur alors que celui-ci passait au-dessus
de la base militaire de Kirtland, près d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique.
Selon certains experts, cette image permettrait d’entrevoir que le bord
d’attaque de l’aile gauche serait sérieusement endommagé.
Par contre, pour d’autres observateurs, les limites de la résolution
de la photo ne permettent
pas de faire un tel constat puisque les plus petits détails observables
sur la photo seraient bien plus grands que la taille des tuiles de Columbia.
(Image
haute-résolution.)
Si donc il s’agit
là de l’une des meilleures photographies dont on disposera, nous
risquons fort de ne jamais pouvoir déterminer l’état du véhicule
au moment de sa perte. De surcroît, cette image a été
prise une minute environ avant la tragédie, elle ne nous renseigne
donc pas sur l’état de l’orbiteur lorsque des problèmes ont
surgi quelques minutes plus tôt.
D’autre part, Ron
Dittemore a confirmé que la NASA a récupéré
dans les environs de Fort Worth une pièce de 66 centimètres
de longueur par 45 cm de largeur qui serait le bord d’attaque d’une aile.
On ignore cependant s’il s’agit d’une pièce de l’aile droite ou
de l’aile gauche -- cette dernière intéressant tout particulièrement
les enquêteurs. Il s’agit néanmoins d’une parcelle qui correspond
au matériau qui paraît avoir été endommagé
sur la photo ci-dessus.
Un peu découragé,
Ron Dittemore a enfin laissé filer que l’enquête sera un «long
et difficile processus».
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